mardi 15 novembre 2016

Éric Lanthier : « L’école québécoise doit demeurer diversifiée et compétitive »

Par Éric Lanthier, ex-membre du Comité protestant du conseil supérieur de l’éducation

Le rapport du Conseil supérieur de l’éducation intitulé : Remettre le cap sur l’équité dénigre la diversité scolaire actuelle. En voulant freiner la diversité des profils, l’école verra un nivellement s’accentuer vers le bas.

Pour rendre les élèves plus instruits, plus cultivés et plus curieux, on doit leur donner le goût d’apprendre. Or, en intégrant tout le monde dans une même classe, on démotive l’ensemble des élèves et on finit par décourager l’enseignant. Ce n’est pas en intégrant tous les élèves d’un même quartier dans une même classe qu’on va rendre l’école plus stimulante. Loin de là! C’est en décloisonnant les structures et en donnant à chaque école une vocation particulière que les besoins réels de la clientèle scolaire québécoise seront comblés.

La source du problème

Le problème de l’école publique n’est pas la compétition que lui apporte l’école privée et le fait qu’elle écrème les meilleurs éléments. Non, c’est le fait qu’on n’a pas mis sur pied des écoles adaptées aux élèves en difficulté d’apprentissage. Au contraire, on veut les intégrer dans les classes ordinaires. Résultat: les élèves doués ne sont pas stimulés, les élèves réguliers ne voient pas la nécessité de faire des efforts et les élèves en difficulté tirent tout le jus des enseignants.

Le panorama global

En vérité, le Ministère de l’Éducation et le Conseil supérieur ont perdu de vue le panorama global, ce qu’on appelle communément en latin du Québec: «le big picture». Si le gouvernement se lançait dans la formation de programmes et d’enseignants spécialisés dans une vision spécifique pour les élèves en difficulté, on verrait de meilleurs résultats. Ce n’est pas que les ressources sont inexistantes. Non, ce qu’il manque c’est une vision reliée à une philosophie décentralisée de l’éducation.

Une intégration judicieuse

En voulant intégrer les élèves en difficulté dans les classes ordinaires et en forçant les écoles pour élèves doués à intégrer ces élèves, on est en train de pelleter le problème par en avant. Ce qu’il faut, ce sont des écoles qui adaptent leur enseignement à ce type de clientèle afin de les intégrer dans la société avec ce qu’ils ont comme potentiel. En ce moment, on tente de les intégrer avec ce qu’ils n’ont pas. Lorsqu’ils seront dans un environnement stimulant, certains d’entre eux finiront par s’intégrer dans d’autres types de programmes. Ce qu’il faut, c’est de les placer dans un milieu qui les amènera à aimer l’école. Pour cela, ils ont besoin d’un environnement qui correspond à leurs habiletés.

Enjeu idéologique


La preuve que l’enjeu est idéologique, c’est que les ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur sont deux ministères distincts. Si les deux étaient sous le même chapeau, ce ministère fusionné pourrait attribuer des budgets spéciaux pour la recherche dans la pédagogie avancée à l’égard des élèves en difficulté d’apprentissage et mettre sur pied des écoles qui se spécialisent auprès de cette clientèle. Il y aurait également des budgets pour libérer des enseignants spécialisés afin qu’ils puissent parfaire leurs connaissances et leurs compétences. Ce ministère donnerait des bourses spéciales aux stagiaires qui se lanceraient dans un programme spécialisé.

Des écoles compétitives


Ces moyens existent à la pièce, mais ils ne font pas partie d’une vision qui est reliée à des écoles à vocation particulière pour les élèves en difficulté. Il est donc temps de changer l’approche et de travailler vers une meilleure équité envers les élèves doués, les élèves réguliers et les élèves en difficulté d’apprentissage ou «hors normes». Ce n’est pas en mettant tout le monde dans la même classe qu’on créera de l'initiative, de la vitalité et le goût d’apprendre. Ce dont nous avons besoin c’est une école stimulante et compétitive. Les écoles compétitives ont une vocation spécifique : innover pour offrir ce qu’il y a de mieux pour sa clientèle : qu’elle soit pour élèves doués, réguliers ou «hors norme».

Ainsi, abolir à petit feu les programmes internationaux et les écoles privées équivaudrait à demander aux joueurs de la LNH de s’inscrire dorénavant dans la ligue du beau-frère. La ligue du beau-frère peut être captivante pour le hockeyeur moyen, mais elle est très démotivante pour les athlètes de niveau supérieur. Il doit y avoir une sagesse derrière le fait qu’on sépare les athlètes paralympiques des athlètes olympiques…

Québec — Les écoles dites privées veulent plus de souplesse

Pour éviter que des jeunes s’ennuient sur les bancs d’école, la fédération qui regroupe les établissements dits privés (ils sont en réalité peu indépendants comme cette demande le prouve encore) réclame davantage de flexibilité afin qu’il soit plus facile de terminer son secondaire en quatre ans.


Selon Nancy Brousseau, directrice générale de la Fédération des établissements d’enseignement privés, le modèle « taille unique » n’est pas la bonne solution. « Ce n’est pas vrai que tout le monde fonctionne bien avec les mêmes règles », lance-t-elle.

Dans son mémoire rédigé dans le cadre des consultations sur la réussite éducative, la Fédération en arrive à ce constat en se basant notamment sur les résultats d’une enquête réalisée auprès de ses élèves en 2010 qui démontre que les jeunes ne se reconnaissent plus dans le modèle de l’école traditionnelle. Les jeunes étaient beaucoup plus critiques et démotivés par rapport à l’école qu’ils ne l’étaient dix ans auparavant.

Pour raviver la flamme, les écoles privées considèrent qu’elles doivent s’adapter davantage à leurs besoins, en « personnalisant » autant que possible l’enseignement.

Afin de motiver les élèves doués à rester sur les bancs d’école, il devrait être plus facile de suivre des parcours accélérés, leur permettant de compléter leur secondaire en quatre ans, affirme Mme Brousseau : « Ça se fait déjà, mais ce sont vraiment des cas d’exception. Ça pourrait devenir une pratique plus courante. »

Il vaut mieux s’adapter aux élèves plutôt que de les perdre, ajoute-t-elle, préoccupée par l’augmentation du nombre de jeunes qui sont scolarisés à la maison.

Vacances d’été moins longues ?

Une plus grande souplesse dans le réseau scolaire pourrait par ailleurs permettre de revoir la durée des vacances d’été, bien trop longues sur le plan scolaire, ajoute la directrice de la Fédération : « Neuf semaines en été, c’est complètement contre-productif. Y a-t-il moyen de repenser le calendrier scolaire autrement ? »

Plusieurs études démontrent que pendant ces longues semaines les élèves oublient plusieurs notions qu’ils doivent réviser ou réapprendre en début d’année scolaire.

Selon la Fédération, il faut non seulement revoir la façon d’organiser l’école, mais aussi les matières à enseigner et la façon de le faire, afin de mieux adapter l’école au XXIe siècle.

Les images de classes avec des pupitres placés « en rang d’oignons » devraient appartenir au passé pour laisser plus de place au travail d’équipe et aux échanges. Les notions de citoyenneté numérique devraient aussi être enseignées en classe, précise Mme Brousseau.

« Il faut former les jeunes pour le monde dans lequel ils vont évoluer, pas pour ce que nous, nous avons connu », lance-t-elle.

Ce carnet est bien évidemment pour plus de souplesse, mais cela ne devrait pas dire qu’il faudrait que toutes les écoles doivent adopter toutes les idées de Mme Brousseau.

La CAQ a adopté une résolution lors de son congrès national qui s’est déroulé la fin de semaine dernière dont l’objectif est de « permettre aux écoles qui le voudraient de répartir différemment les congés durant l’année pour éviter d’avoir une trop longue période de congés l’été ».