mardi 21 août 2007

Le journalisme sensationaliste

Mise à jour, le 6 janvier 2014 : La grande majorité de ces mennonites sont revenus au Québec et leurs nombreux enfants ne vont toujours pas à l'école publique et pas uniquement à cause de Darwin comme la dépêchait simpliste de l'AFP voulait le faire croire. Certains ne sont pas revenus trouvant que les menaces téléphoniques d'intervention de la DPJ n'étaient tout simplement pas acceptables.

Tiré d'une Lettre au Devoir qui nous est parvenue :
Vous titrez dans votre édition de lundi « Les mennonites quitteraient le Québec pour protéger leurs enfants... de Darwin »

Ayant été interrogé par l'AFP à ce sujet et mes propos apparaissant dans votre article, je pense qu’il est important de rectifier ce que je considère comme un titre sélectif qui déforme les faits et semble vouloir ridiculiser par leur sélectivité mes propos et donc les mennonites.

Corrigeons d’abord le titre et rétablissons la vérité : « Les mennonites quitteront le Québec pour protéger leurs enfants du Ministère de l'Enseignement et de la DPJ ». En effet, le ministère a bien indiqué par écrit que, si les mennonites ne se soumettaient pas, ils encourraient des actions judiciaires et, par téléphone, la nature de celles-ci fut précisée : l’intervention possible de la DPJ. On comprend donc mieux que les mennonites ne quittent pas le Québec à cause de Darwin, mais bien à cause de menaces à l’encontre de leurs enfants. Notons également que les mennonites respectent les lois et ne veulent pas vivre dans l’illégalité au Québec et c’est pourquoi, même s’ils considèrent les décisions du Ministère injustes, ils s’y plient : ils éduqueront leurs enfants ailleurs.

Quant au désaccord entre les mennonites et le programme éducatif que veut leur imposer le gouvernement, il va bien plus loin que la seule théorie de Darwin et je l'ai bien dit au journaliste de l'AFP qui m’interrogeait à ce sujet. Il n’a mentionné dans sa dépêche que deux exemples, mais j’ai bien insisté sur le fait que quasi l’ensemble du programme officiel et unique du Québec pouvait poser problème. Je ne puis parler au nom des mennonites, car je ne suis pas leur porte-parole, mais au détour des conversations que j’ai eues avec eux sur ce sujet, il existe de très nombreux sujets qui leur déplaisent :
  1. Cela peut aller des types de romans imposés à la lecture dans le programme qui valorisent souvent des comportements peu moraux (les filous sont souvent plus «  amusants » que les gens honnêtes, les violents sont souvent des héros, alors que les mennonites prônent le pacifisme intégral).
  2. Le fait que l'avortement est une chose parfaitement normale pour le Ministère.
  3. L'insistance par Québec que l'homosexualité est un comportement normal ce qui est clairement condamné par la Bible (ce qui n’exclut pas l’amour envers tous, même les homosexuels).
  4. La valorisation moderne de la femme qui « se libère » et s'accomplit en dehors du mariage et de la maternité.
  5. L’éloge de l’érotisme dans l’enseignement, les œuvres de poésie, les romans et les arts plastiques.
  6. Et aussi, mais ce n’est qu’un des aspects, l'imposition de la théorie de Darwin à tous, théorie qui n'a jamais fait un meilleur fermier, mécanicien ni informaticien.
Cette liste n’est pas exhaustive – je ne pense pas que le nouveau cours imposé en relativisme religieux nommé « éthique et culture religieuse » leur plairait beaucoup – tant la vision du monde moderne, progressiste et souvent athée est antinomique avec celle des mennonites.
Plus d'un conservateur, une fois la liste complétée, serait sans doute assez d'accord avec les mennonites. C'est probablement pourquoi on a choisi d'insister sur Darwin, dont la théorie est acceptée par de nombreux chrétiens. Pour mieux faire passer les mennonites pour une « secte ». Le mot qui tue.

À notre connaissance, Le Devoir n'a pas publié cette lettre. Le seul article publié sur les épreuves occasionnées aux mennonites par Québec fut cet article au titre et aux premiers paragraphes — les plus sûrs d'êtres lus — apparemment destinés à les ridiculiser auprès du lectorat du Devoir. Du grand journalisme !

Le porte-parole ignore-t-il la loi ?

Au cours de l'épisode où le Ministère de l'Éducation du Québec « négociait » avec les mennonites de Roxton Falls, le porte-parole François Lefebvre a affirmé au sujet de l'enseignement à domicile :

The community could home-school their children but would have to follow the official curriculum and make arrangements with the local school board, Lefebvre added.

« Kids who are home-schooled have to use the same materials as those in public schools and be evaluated as well, » he said.
(La Gazette de Montréal, jeudi 16 août 2007)
On se demande bien d'où ces obligations sortent, car la Loi sur l'Instruction publique ne précise rien de tel :
§ 15. Est dispensé de l'obligation de fréquenter une école l'enfant qui:
[...]
4° reçoit à la maison un enseignement et y vit une expérience éducative qui, d'après une évaluation faite par la commission scolaire ou à sa demande, sont équivalents à ce qui est dispensé ou vécu à l'école.
La loi ne parle pas de programme officiel à suivre, ni de manuels identiques à utiliser. Simplement d'une équivalence vague qui peut, d'ailleurs, être jugée différemment selon la commission scolaire qui l'évaluera.

Le porte-parole ignore-il vraiment la loi ou, on se perd en conjectures, ces déclarations visent-elles à décourager une scolarìté à domicile trop originale ?

Entretemps en Espagne, les catholiques se défendent

Alors que les catholiques au Québec, et plus particulièrement les évêques catholiques, sont étrangement silencieux dans tout ce qui a trait à l'école, en Espagne la résistance au programme obligatoire d’« Education à la citoyenneté » s'organise.

FIDES et Le Salon Beige — Éducation à la citoyenneté : « S’opposer à la matière est une obligation pour toute famille responsable. C’est une question de liberté, de défense du droit fondamental et supérieur à éduquer nos enfants selon nos principes »

En Espagne, la nouvelle matière d’Education à la citoyenneté sera enseignée dès cette année dans toutes les écoles. Cette matière obligatoire a pour objet la formation de la conscience morale des élèves, selon l’association « Professionnels de l’éthique ». Cette association a dégagé les quelques concepts objets de cette matière : différentes réalités familiales, dépassement des préjugés homophobes, refus des discriminations en fonction de la préférence sexuelle, dimension morale des êtres humains, le pluralisme moral et le refus de l’intolérance éthique, processus de socialisation du genre. Indépendamment des contenus, l’association dénonce cette matière, qui
« se fonde sur le fait qu’elle soit, en elle-même, moralisante et qu’elle endoctrine. Pour cette raison de nombreux parents ont présenté le formulaire avec l’objection de conscience afin que leurs enfants n’assistent pas à cette matière ».

Luis Carbonel, président de la Concapa (Confédération catholique nationale des pères de famille et parents d'élèves) a affirmé que
« s’opposer à la matière est une obligation pour toute famille responsable. C’est une question de liberté, de défense du droit fondamental et supérieur à éduquer nos enfants selon nos principes [...] le gouvernement utilise la matière pour usurper le rôle des parents et éduquer les consciences de nos enfants comme si c’étaient les leurs [...] de plus en plus de familles s’opposent à l’arrogance d’un gouvernement qui prétend coloniser l’âme de nos enfants, qui s’oppose au dialogue, qui cherche seulement à imposer son modèle de citoyen, insensible à la valeur de la liberté et de la dignité que mérite chaque personne ».

Jacques Racine défend le nouveau cours obligatoire d'éthique

À la rentrée 2008, nouveau programme obligatoire « d'éthique et de culture religieuse » dans toutes les écoles québécoises, publiques ou privées. Entretien avec Jacques Racine, professeur à la Faculté de théologie de l’Université Laval et promoteur du nouveau programme d'éthique et de culture religieuse. Propos mielleux et rassurants de M. Racine qui prône — « comme croyant » — le relativisme religieux dès le primaire. On comprend mieux, avec ce genre de conseiller gouvernemental, que la religion à l'école se porte si mal au Québec.

À quand des écoles libres catholiques au Québec ?

Écoutez l'entretien

Le grand mensonge de l'éducation au Québec


Le grand mensonge de l'éducation est le titre d’un livre publié en 2006 chez Lanctôt Éditeur (Montréal). Les trois auteurs, Luc Germain, Luc Papineau et Benoit Séguin, enseignent respectivement dans le primaire, le secondaire et le collégial.


Dans cet essai coup-de-poing, ils dénoncent avec cet accent de vérité des vieux routiers les ratés de l’enseignement du français dans le système scolaire québécois. Leurs foudres n'épargent pas la réforme de l’éducation ( « le renouveau pédagogique ») imposée à toutes les écoles au Québec.

On en sort dévasté. Et on se demande si la solution ne serait pas simplement de sortir ses enfants le plus vite possible de ce monopole et d'enfin revenir au Québec à une saine concurrence des programmes et des écoles.

Qui choisit l'école privée en Ontario ?

L'école privée en Ontario attire de plus en plus d'élèves. Encore réservée à 1,9 % des élèves en 1960, elle regroupe désormais 5,6 % de ceux-ci.

Quelles sont les caractéristiques de ces écoles privées ? Quelle est la législation ontarienne en matière de création d'écoles libres ? Pourquoi les parents préfèrent-ils de plus en plus ces écoles aux écoles publiques ? Quel type de parents les choisissent pour leurs enfants ?

Lire le document de l'Institut Fraser (en anglais, 34 pages)

Écoles libres: facile en Ontario et au Manitoba

Les Mennonites de Roxton Falls soutiennent que les règles en matière d'éducation leur sont plus favorables à l'extérieur du Québec. Et ils ont raison.

Reportage de Radio-Canada sur la facilité avec laquelle on peut créer une école libre en Ontario et au Manitoba.

Écoutez le reportage.

Nietzsche avait raison: « L'État est un monstre froid »

Nietzsche avait raison : « L'État est un monstre froid »

Des mennonites conservateurs, ces pacifistes d’origine allemande arrivés au Canada il y a plusieurs siècles, se sont installés aux confins de l’Estrie. Oh! on ne les remarque guère. Ils ont appris le français (certes ils le parlent encore avec un accent), ils ont des voitures, l'électricité comme tout le monde. Ils travaillent. Leurs nombreux enfants sont disciplinés et inconnus des services de police. Je précise qu’il ne s’agit pas d’une « secte » moderne : nul gourou, point de manifestation exubérante chez ces quiétistes. Non, ils se distinguent à peine par une barbe chez les hommes, des robes fleuries et une sobre coiffe chez les femmes.

Après avoir acheté des fermes et fondé des petites entreprises, voilà qu'ils considèrent quitter le Québec dont les frontières sont toujours annoncées par un grand « Bienvenue! ». Qu'est-ce qui les force à envisager cette décision déchirante, ce déménagement onéreux et douloureux? Les lois sur l’Instruction du Québec.

Ces mennonites ont partout ailleurs au Canada et en Amérique du Nord leurs écoles avec leurs propres enseignants. Cela ne pose pas de problème. Ils se sont donc établis au Québec et, en toute bonne foi, leurs enfants sont allés à l’école mennonite. Sans demander l’autorisation pour ce qu’ils considèrent comme un droit fondamental des parents : celui d’instruire leurs enfants comme ils l’entendent. Tout allait bien, jusqu’au jour où, à la suite de multiples reportages l’automne dernier sur les écoles illégales et un appel du Ministère qui invitait la population à signaler les écoles suspectes, ledit Ministère reçut un signalement.

Depuis lors, on assiste à une discussion à sens unique entre les fonctionnaires de Québec et les membres de cette communauté. Le Ministère veut que son programme soit enseigné dans son intégralité et que seuls des professeurs certifiés par ses soins le dispensent. Quand les parents mennonites s'y opposent pour des motifs religieux et moraux et rappellent que selon eux (et la Bible) la primauté du type d'enseignement revient aux parents, les fonctionnaires leur répondent que la société a « évolué » et que les enfants ont également des droits. Les enfants devront fréquenter une école approuvée par le Ministère ou les enfants devront être éduqués à la maison probablement sous la surveillance tatillonne de l’État.

Quels sont les droits des enfants derrière lesquels l’État se cache pour imposer sa volonté et brimer celle des parents ?

S'il est certain que les enfants ont le droit à ne pas être maltraités par leurs parents, est-ce qu'on peut dire que les enfants mennonites sont actuellement martyrisés dans leur petite école ? Et si c’était le cas, en quoi interdire leur instruction à la mode mennonite en groupe, à l’école, mais la permettre à la maison, ce qui est légal, changerait-il quoi que ce soit? S’agit-il simplement de mesures vexatoires qui cherchent à rendre coûteuse l’instruction que les parents mennonites voudraient prodiguer selon leurs convictions ? Bref, compter sur le penchant naturel des parents pour la facilité qui, devant l’obstacle de l’éducation à la maison, abandonneraient leurs enfants à l’État qui lui sait comment guider les enfants à sa manière.

Autre droit des enfants que prétend protéger l’État : celui à une éducation de qualité. Mais les enfants mennonites sont-ils plus ignares que ceux qui fréquentent l’école publique ? Au vu des résultats des enfants mennonites aux tests normalisés dans les autres provinces où ils se situent souvent au-dessus de la moyenne provinciale, c’est clairement faux. Et puis, les résultats sont là : les enfants mennonites ne deviennent pas une charge pour la société, ils ne connaissent pas le chômage, ils seront fermiers, ouvriers qualifiés recherchés ou infirmières diplômées. Enfin, si la qualité n’est pas assurée par une jeune institutrice à l’école actuelle, comment le sera-t-elle plus par la mère enseignant à la maison, ce que préconise le Ministère, alors qu’elle n’aura pas plus de diplôme que l’institutrice indésirable pour Québec ?

Rappelons que, même si le programme mennonite fournissait d’excellents résultats, il ne pourrait être appliqué, car au Québec il n’existe pas de véritable liberté d’enseignement. Le programme obligatoire de toutes les écoles est décidé par des fonctionnaires à Québec. Est-il sain que le Ministère ait un monopole des programmes scolaires, y compris celui des écoles privées ? Pourquoi ce qui est bon ailleurs dans notre société : le choix, la concurrence ne devrait-il pas avoir cours dès qu'il s'agit de l'école ? Combien de parents et d’élèves n’auraient pas bénéficié d’une véritable concurrence dans le domaine scolaire pour échapper aux ratés du « renouveau » pédagogique récemment imposé par Québec ?

Dernier droit derrière lequel se cache habituellement le Ministère : l’école ouvre l’esprit des enfants, les libère du poids des superstitions parentales, elle agit comme facteur d'intégration dans une société québécoise de plus en plus « métissée ». C'est à mon avis là qu'il faut chercher la raison de la raideur de l’État qui cherche à imposer ses valeurs – enfin celles des fonctionnaires responsables des programmes. Rappelons que ces gens n’ont jamais été élus. Ces fonctionnaires semblent incapables de tolérer les convictions religieuses des mennonites. La vision du monde incarnée par le programme unique que l’État veut leur imposer s’oppose à leurs convictions : valorisation de la permissivité sexuelle, des « expériences » chez l’adolescent, du relativisme moral, absence de Dieu et de la spiritualité sauf à titre d’objets d'étude ethnologique comparative (sous le couvert d’une ouverture aux autres religions, on instille dès le plus jeune âge le relativisme et le scepticisme envers toutes). Les responsables de ces programmes substituent simplement leur credo permissif, qui a chassé Dieu de l’école, au credo religieux des parents ; les enfants dans les deux cas n’ont guère le choix. L’État prétend défendre la liberté des enfants en matière scolaire en voulant simplement imposer sa vision philosophique. Cauteleux, il dira bien sûr que les mennonites pourraient enseigner leur doctrine après les cours de relativisme religieux, mais le vers sera déjà dans le fruit, on aura appris lors du programme officiel que toutes les religions se valent, on aura habitué les enfants à vivre la plus grande partie de leur vie scolaire dans une ambiance où Dieu et une morale stricte sont bannis des programmes sauf comme curiosités.

Le bien public impose-t-il cette violence faite aux parents qui ont la charge morale et financière de leurs enfants ? Est-ce que les Amish de Pennsylvanie empêchent les États-Unis d'être une puissance économique et scientifique ? Est-ce que le rigorisme moral des mennonites pose réellement problème dans la vie de tous les jours au Québec ? Eux qui ne pratiquent pas de prosélytisme militant, eux qui sont pacifistes et dont la foi exigeante n’attire pas de nombreux convertis ? En tant qu'habitant de Roxton Falls, je ne le crois pas du tout. À Québec, dans un bureau, on pense différemment.

L'État, qui se dira bien sûr tolérant sur bien d'autres sujets, fait ici preuve d’un manque de souplesse, d’une crispation froide et d’un dogmatisme légaliste qui ne se justifient en rien : ces enfants ne sont pas menacés, l'école publique ne leur garantira pas un meilleur avenir, ni une meilleure intégration. Rappelons que l’école publique connaît son lot de décrocheurs, de jeunes mésadaptés. En outre, les mennonites n’ont jamais posé de problème au cours des siècles de leur présence au Canada : le chômage est chez eux quasi inexistant, tout membre est libre de quitter la communauté, leurs jeunes ne se droguent pas et ils ne pratiquent pas la violence. Que demander de plus ?

Entretemps, les mennonites, qui par conviction pacifiste refusent d'intenter une action en justice contre le Ministère, s'apprêtent à quitter le Québec et à vendre leurs fermes et entreprises. Quand ils demandent s'ils auront le droit à un sursis pendant qu'ils procèdent à la vente de leurs biens et s'ils pourront continuer à envoyer entretemps leurs enfants dans leur école, le Ministère le leur interdit et les menace de faire intervenir la D.P.J. qui pourra faire enlever ces enfants.

Que cherche Québec ? Cherche-t-il à décourager les parents religieux à s’établir au Québec, à s’assurer que leurs enfants ne seront pas religieux ? Quand cette intolérance institutionnelle envers des groupes religieux historiques au Canada a-t-elle jamais été discutée et approuvée ? Pourquoi Québec doit-il être plus rigide que les autres provinces canadiennes ?