samedi 27 juin 2020

Briser le code Film de propagande ? Il est donc « présenté » dans les écoles et les universités

Selon Mathieu Bock-Côté, le film Briser le code est un film de propagande d'une nullité assez navrante. Il devait donc être  « offert » aux élèves des écoles québécoises afin d'encourager le « dialogue » entre élèves et « conscientiser » les jeunes ?






Début de l'article :

Briser le code est un documentaire animé par Fabrice Vil qui a été présenté sur les ondes de Télé-Québec à la fin janvier. Il visait à faire prendre conscience à la population québécoise qu’il existe encore aujourd’hui, au Québec, un « code » à suivre, c’est-à-dire « l'ensemble des attitudes et des comportements que les personnes racisées et les personnes autochtones doivent adopter pour se fondre dans la majorité québécoise sans déranger ». Tout au long du documentaire, on présente ainsi des témoignages d’individus provenant de différentes communautés ethnoculturelles et qui évoquent l’intégration des immigrants, l’existence des enfants d’immigrants et celle des autochtones au Québec.

Ce documentaire a été encensé par différents médias, il est même présenté dans les écoles et les universités. L’intention derrière le commentaire qui suit est de nuancer ces éloges et de mettre en question les idées défendues dans Briser le code.

Choix des intervenants

La première critique que je formulerai à propos de ce documentaire concerne le choix des intervenants. Vil a minutieusement choisi des individus qui témoigneraient dans le seul sens de son propos : tous sont mécontents par rapport à la situation de l’immigration au Québec, tous considèrent avoir subi de la discrimination, du racisme et des « micro-agressions ». Aucun de ces participants ne mentionne que son intégration s’est bien passée. Jamais on ne relève la moindre anecdote qui témoignerait de l’ouverture d’esprit de certains Québécois. Bien sûr, ces intervenants ont droit à leur opinion tout comme Vil a le droit de les avoir choisis, mais on se doit de soulever l’absence de nuances dans le propos d’un documentaire qui apparaît d’emblée comme très orienté.

Fabrice Vil est un chroniqueur connu pour un cheval de bataille en particulier : la représentativité. Selon lui, les minorités ne seraient pas représentées équitablement dans les médias et dans les postes de pouvoirs au Québec. Mais, ironiquement, dans son documentaire, Vil ne montre lui-même que la vision d’une frange de la « communauté » immigrante et ne représente jamais avec toutes les nuances possibles le parcours des immigrants en général, y compris en mettant de l’avant le témoignage de ceux qui seraient en désaccord avec lui. Venant d’un dévot de la représentativité qui n’hésite pas à sermonner tous ceux qu’il rencontre sur son passage, on ne peut s’empêcher de penser que Vil est coupable ici de tartufferie.

Manuel d'histoire (1) — chrétiens intolérants, Saint Louis précurseur des nazis, pas de critique de l'islam tolérant pour sa part

Au sommet d’une colline, devant un musée d’art situé dans le plus grand parc de la ville de Saint-Louis aux États-Unis, se trouve la statue du roi Saint-Louis, nommée l'Apothéose de Saint-Louis.

Érigée il y a 116 ans dans le parc de Forest, c’est l’un des monuments les plus connus de la ville.

Beaucoup de personnes d’« extraction subsaharienne » dans la foule, c’est assez ironique quand on se rappelle le sort réservé aux esclaves noirs par les Barbaresques et le fait que le commerce de l’esclavage était proscrit en France...

Ainsi, au viie siècle, la reine des Francs, Bathilde, elle-même ancienne esclave et par la suite canonisée, aurait, selon la tradition, jugulé l’esclavage dans les royaumes francs en interdisant le commerce sur ses terres.

Visiblement ces militants d’extrême gauche sont d’accord avec le manuel d’histoire approuvé par le Monopole de l’Éducation du Québec.

Plusieurs militants racisés ont hué et physiquement intimidés les citoyens qui désirent que la statue de Saint-Louis demeure en place.










En cette année du 750e anniversaire de la mort du typhus de Saint-Louis à Carthage en 1270.

En passant, Saint-Louis, toujours ouvert sur le monde, aurait importé la rouelle (signe distinctif des juifs) des pays musulmans. Preuve en est qu’« avant le XIIIe siècle, il n’existe aucune altérité dans la représentation des individus de confession juive. »
[Gilbert Dahan, « Quelques réflexions sur l’antijudaïsme chrétien au Moyen Âge », Histoire, économie et société, no 3,‎ 1983, p. 355-366]

Cette marque fut sans doute réalisée à l’imitation des califes musulmans, pour lesquels les dhimmis devaient porter un signe distinctif souhaitable, mais non obligatoire, bleu pour les chrétiens et jaune pour les juifs.
[Suzanne Citron, Le Mythe national. L’histoire de France revisitée, éditions de l’Atelier, L’Atelier de poche, rééd. 2017, p. 249.] En 888, le cadi Ahmed ben Tâlib oblige les dhimmis de Kairouan à porter sur l’épaule un morceau d’étoffe de couleur blanche portant l’image d’un singe pour les juifs et celle d’un porc pour les chrétiens ; ils sont tenus d’accrocher les mêmes images sur leurs portes. [Louis Massignon, Revue des études islamiques, Volume 9. P. Geuthner, 1935, p. 142.]

Ce manuel approuvé par le Ministre ne rappelle pas ce que Saint-Louis doit aux musulmans dans ce domaine, mais insiste sur la similitude de cette mesure discriminatoire avec celle adoptée par les nazis, alors que l’islam est présenté comme tolérant.



Photo du site des
Éditions Chenelière
La volonté de faire coexister la riche courtepointe ethnique et religieuse que la politique migratoire du Québec met en place est à la base de l’imposition du cours d’éthique et de culture religieuse. Il fallait un programme qui puisse être enseigné à tous et qui rapprocherait toutes les communautés, quitte à simplifier à outrance les religions, les discréditer même pour les rassembler dans l’indifférenciation dans un esprit qu’on nommera par gentillesse irénique. C’est le cours tout-le-monde-il-est-beau-tout-le-monde-il-est-gentil selon certains auteurs.

Il en va un peu de même avec un manuel d’histoire récent qui se penche sur l’histoire de la chrétienté et du monde arabo-musulman. L’éditeur est réputé (Chenelière) et le manuel est de bonne facture technique. Mais là c’est pire : critiques (pas toujours imméritées) d’un côté, le côté de la chrétienté et, de l’autre côté, bienveillance constante pour le monde arabo-musulman. Il ne faudrait pas que les Québécois de souche conçoivent leur civilisation avec trop de vanité et que les immigrants soient perçus comme issus d’une culture inférieure ?

On peut donc se demander si ce n’est pas, en quelque sorte, pour rabaisser un peu le caquet culturel des Québécois de souche et promouvoir l’estime des récents et nombreux immigrants du monde musulman que le manuel d’histoire D’hier à demain des éditions de la Chenelière ne critique jamais l’islam médiéval, il l’encense plutôt, et qu’il laisse l’intolérance et l’ignorance au christianisme et à la chrétienté médiévale. Au détriment de l’objectivité, de l’équilibre et de la justesse, malheureusement.

Saint-Louis, précurseur de Hitler ?

Dans ce manuel approuvé par le BAMD du Monopole de l’Éducation, on trouve ainsi la question très subtile suivante :


D’Hier à demain, manuel A, 1er cycle du secondaire (12-13 ans), édition Chenelière, p.  204

Aucune question similaire sur les autres civilisations (musulmanes et chinoises notamment) où les ethnies portaient pourtant aussi des costumes ou des signes qui les différenciaient. L’imposition d’un signe distinctif pour les juifs (et les chrétiens) était généralisée dans le monde musulman. Mais aucune mention, ni bien sûr de critique dans le manuel sur ce sujet. Il n’en dit rien, seul Louis IX et son ordonnance sont comparés à un funeste « moment au cours du XXe siècle »....

Pour se convaincre que les juifs devaient se vêtir différemment sous l’islam, voici une fatwa (parmi de nombreuses autres) qui impose des signes distinctifs aux dhimmis (les tributaires) :
« Un juif s’habille comme les musulmans et abandonne la mise qui le distingue d’eux.

Réponse [du savant musulman]. Il sera mis en prison, battu et promené ignominieusement dans les lieux habités par les juifs et les chrétiens pour l’exemple. Ibn Abî Tâlib a prescrit à l’un des cadis parmi ses subordonnés d’obliger juifs et chrétiens à porter leurs ceintures largement déployées sur leur robe pour qu’on les distingue bien, et si l’un d’eux monte à cheval, de l’en empêcher, de lui infliger vingt coups de fouet à nu, puis de le jeter en prison, et en cas de récidive de le battre durement et de l’incarcérer longuement.  »

(p. 111 de Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge de Vincent Lagardère)

Ce que rappelle, dans la deuxième moitié du XVe siècle, le voyageur flamand Anselme Adorne, cité par Paul Sebag :
« témoigne que les juifs de Tunis sont astreints à un “lourd tribut” dans lequel il faut voir sans doute jezya [capitation] du droit musulman, et qu’ils font toujours l’objet de discriminations vestimentaires. Ils doivent alors arborer une pièce d’étoffe jaune, à la tête ou au cou, faute de quoi, ils ne manqueraient pas de se faire lapider. »

(p. 122, Tunis : Histoire d’une ville de Paul Sebag)
Extension maximale de l’empire almohade (entre 1195 et 1212)

Australie — La bulle des étudiants étrangers a éclaté

L’arrêt brutal des voyages internationaux est encore plus douloureux pour les universités australiennes que pour leurs homologues d’autres pays anglophones, car elles s’appuient davantage sur les revenus des étudiants étrangers. En effet, plus de 440 000 étudiants étrangers étaient inscrits dans des établissements australiens d’enseignement supérieur en 2019. Au dernier décompte, ils occupaient environ 30 % de toutes les places. Près de 40 % d’entre eux venaient d’un seul pays, la Chine.

Ville fantôme : le campus de l’Université de Sydney presque désert

L’inscription des étudiants étrangers est très lucrative. Un avantage de l’anglais imposé comme langue sur la scène mondiale. En 2018, ces inscriptions ont produit près de 9 milliards de dollars australiens (quasiment la même somme en dollars canadiens, 5,8 milliards de dollars américains) de revenus, soit un peu plus du quart de tous les financements universitaires, et bien plus par étudiant que les homologues locaux ne contribuent en frais d’inscription et en subventions gouvernementales attribués par étudiant local inscrit.

Cet essor a fait de l’éducation la quatrième exportation d’Australie, derrière le charbon, le minerai de fer et le gaz naturel. Il a financé des centres de recherche de classe mondiale, de nouvelles installations d’apprentissage rutilantes et de vastes collections d’art. L’enveloppe salariale des vice-recteurs a gonflé (dans les grandes universités, elle s'élève à bien plus de 1 million de dollars australiens). Comme l’explique un universitaire de l’Université de La Trobe1, les campus ont grossi pour rivaliser de taille avec  « les plus imposants établissements en Inde et en Chine ».

Pendant des années, cela a fait l’objet d’un débat politique houleux. Les universités disent qu’elles ont été forcées de courtiser des étudiants étrangers parce que le gouvernement ne leur donne pas assez d’argent pour couvrir leurs frais croissants. Michael Spence, le vice-recteur de l’Université de Sydney, a déclaré : « L’éducation des étudiants locaux n’atteint pas le seuil de rentabilité. » Si l’Australie « dépend davantage des frais de scolarité que des systèmes comparables dans le monde », soutient-il, « c’est une conséquence des décisions que les gouvernements successifs ont prises. »

Certains membres du gouvernement de coalition conservatrice actuelle rétorquent que les universités ont provoqué la crise. Ils « misent beaucoup trop sur l'argent des étudiants internationaux » et « sont devenus surexposés », a récemment déclaré James Paterson, un sénateur. Les vice-recteurs ont « privatisé les bénéfices » des étudiants étrangers, « en se construisant des Taj Mahal », se plaint un commentateur conservateur. Mêmes certains employés des universités critiquent cette approche de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf. « Ce n’était pas une combine à la Ponzi », explique un universitaire de La Trobe, « mais ce n’en était pas loin ».

Maintenant, soutient Salvatore Babones du Center for Independent Studies, un groupe de réflexion, « l’heure de vérité a sonné ». L’année universitaire australienne commence en janvier, au moment où la Covid-19 est apparue pour la première fois en Chine. Une interdiction de vol a cloué en Chine une armée d’étudiants alors qu’elle aurait dû s’enrôler en Australie. Certains étrangers sont parvenus à se faufiler en Australie en passant par des pays tiers, mais l’Australie a depuis fermé ses frontières aux non-citoyens, et elle ne devrait pas les rouvrir avant la fin de l’année.

Universities Australia, qui représente l’industrie universitaire, ne sait pas exactement combien d’étudiants étrangers elle a perdus. L’Université de Sydney a raté son objectif d’inscriptions pour 2020 de 17 %, selon M. Spence, et fait maintenant face à un déficit de 470 millions de dollars australiens. Dans l’ensemble de l’industrie, les revenus pourraient chuter de 3 à 4,6 milliards de dollars australiens, selon Universities Australia, mettant en péril 21 000 emplois, dont beaucoup dans la recherche. Les étudiants qui ne s’inscrivent pas cette année ne n’inscriront probablement pas en 2021 ni les années suivantes, tout rebond rapide semble impossible. Peter Hurley du Mitchell Institute de l’Université Victoria, un autre groupe de réflexion, estime que l’industrie universitaire pourrait perdre 19 milliards de dollars australiens au cours des trois prochaines années. Les projets de construction et l’embauche de personnel occasionnel ont déjà été supprimés.

Le gouvernement n’est pour l’instant pas disposé à aider. Il dit qu’il financera toujours les places des étudiants locaux. Mais il a exclu les universités de son programme de subvention salariale de 60 milliards de dollars australiens, Job-Keeper. Dan Tehan, le ministre de l’Éducation, a appelé à « se concentrer davantage sur les étudiants nationaux ».

Peu pensent que les universités feront faillite. Les petites institutions régionales sont les plus menacées, mais comme elles sont une source importante d’emplois, les gouvernements des États fédérés et du fédéral pourraient être persuadés de les soutenir. Elles devront cependant passer par une cure d’amaigrissement pour survivre. Les universités seront « plus petites en termes de personnel et de revenus », déclare John Dewar, vice-chancelier de La Trobe.

Il pourrait y avoir « un changement massif dans les types de cours qu’elles proposent », prédit M. Hurley. Cela semble être exactement ce que le gouvernement conservateur désire.

Les universités en crise n’ont pas suscité la sympathie de la population, quand, en l’absence de tout débat public, de nombreuses universités à travers l’Australie ont tranquillement décidé que les étudiants resteraient enfermés dans leurs chambres pour le reste de l’année.

Alors que le reste de la population australienne s’est rapidement adaptée à la vie où une plus grande distanciation sociale s’impose — travailler, manger, faire de l’exercice et voyager selon les directives COVID-19 — la plupart des universités ont décidé qu’il était trop difficile de reprendre l’enseignement « présentiel » (en personne, face à face) pour la majorité de leurs étudiants.

Elles ont choisi la solution la plus facile et la moins chère en disant à leurs étudiants et à leurs enseignants que la plupart des cours se donneront uniquement en ligne toute l’année (c'est-à-dire jusqu’à décembre 2020), argüant que leur priorité est de protéger leur santé.

L’Université de Technologie de Sydney est à cet égard assez typique. Même si les écoles, les centres commerciaux, les gymnases, les pubs, les clubs, les théâtres et même les rencontres sportives réunissant 10 000 spectateurs sont à nouveau permis, il est impossible à la « jeune université la mieux classée d’Australie » d’organiser des tutoriels avec distanciation sociale pour une trentaine d’étudiants alors que le second semestre de l’année comme sous peu.

L’université est déterminée à garder la plupart des salles de classe fermées pour le reste de l’année, même si la salle de sport privée du campus UTS a rouvert cette semaine, accueillant 100 étudiants en sueur à la fois.

Mis à part une poignée de cours présentiels dans des matières où l’enseignement en ligne est trop difficile, l’UTS a déclaré à ses 43 000 étudiants que « l’apprentissage en ligne demeurera pour toutes les autres activités d’apprentissage... jusqu’à ce que la distanciation sociale le permette ».

Vu que la Première ministre de la Nouvelle-Galles-du-Sud, Gladys Berejiklian, a déclaré que les règles de distanciation sociale resterait en place jusqu’à ce qu’un vaccin contre la Covid-19 soit disponible, l’avenir des étudiants de l’UTS et ceux de la plupart des autres universités à travers l’Australie risque d'être très solitaire.

Incapables de se rencontrer et de travailler face à face avec leurs pairs, ils se voient refuser les avantages sociaux, éducatifs et intellectuels d’une éducation universitaire complète à laquelle l’expérience du campus est essentielle. Comment encore justifier les frais d’inscription et les salaires mirobolants de certains universitaires dans ces conditions ?




[1] Ainsi nommé en l’honneur de Charles La Trobe, premier gouverneur de l’État de Victoria, est le descendant d’une famille de huguenots français établis en Angleterre après la révocation de l’Édit de Nantes. La devise de l’université est en français : « Qui cherche trouve ».


Les ultras du racialisme

La chronique de Mathieu Bock-Côté parue dans le Figaro de ce 27 juin 2020.

Il est d’usage, chez les analystes médiatiques qui se veulent modérés, de relativiser l’importance de la mouvance indigéniste en répétant qu’elle n’est pas vraiment représentative de la population immigrée habitant les quartiers que l’on dit poliment « sensibles ». Ils ajoutent généralement que celle-ci rêve seulement de s’intégrer, pour peu que la société française lui offre les opportunités le permettant. La France pourrait encore miser sur l’assimilation tranquille des immigrés au modèle républicain à condition que ce dernier tienne ses promesses. On aura compris le message : elle serait la première responsable de l’échec de l’assimilation, et n’aurait qu’elle à blâmer.

Le moins qu’on puisse dire est que la doxa ne convainc que ceux qui la professent – et ceux qui ont intérêt à y croire. Surtout, elle ne situe pas son analyse au bon niveau. Il est peu probable, en effet, que les indigénistes soient les fidèles représentants de l’homme ordinaire des banlieues. Mais qui se contente de dire cela ne dit pas grand-chose et laisse de côté la question pourtant centrale des minorités idéologiques radicales dans l’histoire, surtout lorsque celle-ci s’accélère et entre dans une dynamique de crise, ou plus encore dans une dynamique révolutionnaire. Dès lors, le commun des mortels, qui préfère l’évolution tranquille aux élans anarchiques, est laissé de côté. Il est emporté par les événements. Sa résistance passive devient impuissante devant les bandes qui entendent exercer une nouvelle souveraineté.

Comparaison n’est pas raison, certes, mais l’histoire nous éclaire. On l’a souvent rappelé, en 1917, les bolcheviques de Lénine n’étaient pas majoritaires [malgré leur nom de bolcheviques qui signifie... majoritaire], et ne représentaient certainement pas les préférences majoritaires des ouvriers et paysans russes – Lénine lui-même en était conscient au point d’avoir théorisé le rôle du parti dans l’avènement forcé de la conscience révolutionnaire. Ils étaient toutefois les plus résolus, les plus décidés, les plus radicaux. Ils voulaient faire tomber le régime et ne doutaient pas un instant de leur légitimité et de la monstruosité de leurs ennemis. Le fanatisme vaccine contre le doute et traduit les plus grands crimes en actes vertueux.

Certes, nous ne sommes pas en 1917, et dire le contraire serait de la mauvaise sociologie. Mais nous avons pour de bon quitté l’époque de la démocratie apaisée, où les coalitions modérées s’échangeaient le pouvoir sans jamais s’affronter sur l’essentiel. Les minorités agissantes sont de retour. Des manifestations en soutien à Adama Traoré aux manifestations de clandestins qui défilent impunément à Paris sans jamais craindre leur expulsion, en passant par l’explosion de Dijon et les incivilités au quotidien qui visent autant les policiers que le quidam qui a la mauvaise idée de s’aventurer dans le mauvais RER, on constate une dégradation de la vie civique qui rend la situation de moins en moins tenable.

C’est de ce point de vue qu’il faut aborder les récentes manifestations indigénistes, et celles qui viendront. Elles entendent idéologiser la situation des « quartiers » en créant une conscience raciale révolutionnaire. En défilant à Paris, elles voulaient faire une démonstration de force, en multipliant d’ailleurs les provocations à l’endroit d’un pouvoir tremblant idéologiquement intimidé et physiquement apeuré et qui pour donner des gages aux indigénistes, en rajoute dans la comédie antifasciste et assimile au racisme toute opposition affirmée à cette offensive animée par l’esprit de conquête. Le patriote désespéré doit se taire pendant que le racialiste peut braire.

À travers le racialisme, les indigénistes essayent de structurer l’espace politique dans une perspective décoloniale devant aboutir à la soumission de la France en lui imposant une représentation d’elle-même absolument étrangère à son histoire. C’est une prise de possession symbolique. Qui s’y oppose, naturellement, est suspecté de dérive xénophobe et de tentation réactionnaire. Les défenseurs de l’universalisme sont accusés de défendre le « suprémacisme blanc » alors que l’indigénisme racialiste est présenté par ses compagnons de route complaisants comme le véritable vecteur de l’esprit républicain.

L’indigénisme entend aujourd’hui convaincre les immigrés et leurs descendants qu’ils sont persécutés et qu’ils doivent moins s’assimiler que se soulever. Il souhaite radicaliser les tensions identitaires en créant une situation qui serait irréversible. Il installe au coeur de la vie publique le fantasme mauvais de la France raciste. Les concessions à cette mouvance croyant désormais que le coup de force est possible, loin de la ralentir, ne feront que la légitimer. Si la démocratie française doit se défendre, c’est contre cette mouvance maquillant dans une rhétorique victimaire le désir de soumettre la nation.

Quand les débats de société s’invitent à l’école

« IL FAUT remettre les choses dans leur contexte. Colbert a entériné une société esclavagiste, qui a existé avant et après lui. Ce n’est pas une raison pour rayer de notre histoire ce grand artisan du royaume de France », estime Iannis Roder, professeur dans un collège de Seine–Saint-Denis, alors que la statue du ministre de Louis XIV, initiateur du « Code noir » (ce texte qui a « normé » l’esclavage dans les colonies françaises [et dans une certaine mesure a constitué un progrès sur la situation précédente), a été vandalisée. Et que l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault demande [soudainement] à débaptiser une salle de l’Assemblée nationale portant son nom.

« Contextualiser et montrer la complexité des choses, c’est le rôle du professeur, qui doit se garder de toute approche moralisante quand il parle d’esclavage, de Shoah ou de colonisation, poursuit Iannis Roder, auteur de plusieurs ouvrages sur l’école. Par exemple, la société coloniale ne se réduit pas à des rapports entre dominants et dominés, entre méchants et gentils. Elle est faite d’interactions et de stratégies entre différents groupes.

Mais les professeurs manquent de temps pour étudier la complexité de ces sociétés coloniales. » Deux à trois heures seulement, comme pour la Shoah et l’esclavage. Quant à Colbert, étudié en cinquième, « si les enseignants évoquent seulement son nom, c’est déjà beaucoup », ajoute-t-il.

« Déconstruire les mythologies des élèves » [issus de la « diversité »]

« L’histoire n’est pas là pour panser les plaies, résume Christine Guimonnet, à l’Association des professeurs d’histoire-géographie [APHG]. Et le professeur se doit de déconstruire les mythologies des élèves. »

Comme cette affirmation, posée en début de cours, par une jeune fille de son lycée, à Pontoise : « Les harkis, c’est des traîtres, Madame. » Difficile mission de l’école, qui doit composer avec les débats idéologiques qui agitent la société comme le « privilège blanc » aujourd’hui —, et la résonance de certaines périodes de l’histoire chez les élèves. Mieux vaut être aguerri.

Dans les précédents programmes de terminale, à choisir entre les « mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France » et celles de « la guerre d’Algérie », les professeurs étaient 75 % à opter pour le premier thème, plus stabilisé d’un point de vue historiographique, et surtout moins sensible [étant donné la composante importante d’enfants issus de l’immigration maghrébine].

Un agent de la Mairie de Paris nettoie la statue de Jean-Baptiste Colbert

Le fait colonial est présent dans les programmes scolaires depuis la IIIe République, alimentant largement le « roman national » jusque dans les années 1960-1970. Depuis, la colonisation et décolonisation occupent une large place dans les programmes du collège et du lycée, avec une approche renouvelée par les recherches universitaires, et enrichie d’histoire sociale et culturelle.

L’esclavage et la traite ont d’abord été traités sous le seul angle du commerce triangulaire [en ignorant la traite musulmane ou même interafricaine], de manière désincarnée. Avant que la loi Taubira de 2001 ne leur donne officiellement, dans les programmes, « la place conséquente qu’ils méritent », explique le texte. Ils sont étudiés du CM1 au lycée, dans le chapitre des empires coloniaux. La question des abolitions, elle, est présente au lycée.

« Face à des publics qui peuvent avoir des revendications fortes, notamment sur la guerre d’Algérie, l’expérience des enseignants joue énormément », conclut Iannis Roder. À l’école primaire, où les professeurs d’école ont rarement suivi une filière universitaire en histoire, certains peuvent être démunis face à des questions qu’ils ne maîtrisent pas. Une brèche pour les « indigénistes » et militants « décoloniaux », qui avancent leurs pions à l’université, notamment dans les sciences de l’éducation.

Source : Le Figaro

L'histoire : la lutte des traces

Lutte des classes, lutte des castes, lutte des races : nos contemporains paraissent redécouvrir que la fin de l’histoire n’a pas eu lieu. Contrairement à ce que Francis Fukuyama prétendait. Le tragique réaffirme son importance. Hegel ne disait-il pas déjà que « l’histoire universelle n’est pas le lieu de la félicité. Les périodes de bonheur y sont ses pages blanches ; car ce sont des périodes de concorde auxquelles fait défaut l’opposition » ?

À l’heure où d’aucuns rêvent de grand effacement historique, de grands remplacements ethniques, de statues déboulonnées, de lieux débaptisés afin de réécrire l’histoire à leur image, c’est un indice supplémentaire que la guerre des traces est lancée. À travers elle, chacun s’arroge le droit et le devoir de trier selon son plaisir parmi les traces laissées par le passé. D’en extraire certaines et d’en effacer d’autres. Bref, de faire l’histoire en l’écrivant, donc en la réécrivant. Mais cela n’a-t-il pas toujours été le cas ?

L’histoire jusqu’à nos jours est-elle autre chose que l’histoire de la lutte des traces ?

Réécriture résultante de changements politiques, démographiques, religieux ou ethniques. Les peuples occidentaux qui ne font plus d’enfants et importent ceux des autres devraient s’en souvenir.

Journaliste sanctionnée pour avoir cité le titre du livre Nègres Blancs d’Amérique

Une journaliste canadienne-anglaise du réseau gouvernemental, la CBC. a reçu un blâme pour avoir prononcé le « N-word » en citant le titre du livre de l’auteur québécois Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique.

L’animatrice du rendez-vous hebdomadaire The Weekly, Wendy Mesley (ci-contre), fait l’objet de mesures disciplinaires après qu’une enquête interne a révélé qu’elle avait utilisé « un langage offensant à deux reprises durant des réunions de travail », confirme le directeur des relations publiques de CBC, Chuck Thompson.

Le premier « incident » est survenu en septembre dernier, durant les préparatifs d’une émission concernant la loi 21, qui interdit aux employés de l’État au Québec de porter des signes religieux. Dans une déclaration publiée sur internet, la présentatrice vedette raconte avoir cité l’ouvrage de Vallières, paru en 1968.

« Selon ce livre, les francophones blancs sont victimes de discrimination. […] J’ai prononcé le titre au complet durant la rencontre », écrit-elle.

Le deuxième « incident » s’est produit plus récemment, alors que Mesley et son équipe préparaient un reportage sur l’antiracisme en marge du meurtre de George Floyd aux États-Unis. « Dans cette situation, je citais un journaliste qu’on désirait inviter à titre de panéliste », explique la reporter.

« Je pensais qu’en disant ce mot, j’exposais d’une certaine façon la vérité, poursuit-elle. Je réalise aujourd’hui qu’en répétant ce mot, je faisais du tort. »

« J’ai blessé mes collègues, mon équipe et CBC. Pour cette raison, je suis profondément désolée et j’ai honte », a-t-elle déclaré dans une autocritique très maoïste.



Cette histoire suscite de vives réactions au pays. CBC a suspendu l’émission The Weekly au début du mois.

Au Québec, Patrice Roy, présentateur de nouvelles du service francophone du diffuseur fédéral, a défendu Wendy Mesley sur Twitter, la décrivant comme une « bonne journaliste ». « Citer le titre d’un livre ne devrait jamais être un crime pour un journaliste. Sinon c’est un monde pire que l’on prépare », a écrit le chef d’antenne du Téléjournal de 18 h.

Également sur Twitter, Jean-François Lisée a qualifié cette affaire d’« orwellienne », en référence à l’univers totalitaire imaginé par l’auteur britannique George Orwell dans 1984.

« Le N-word est offensant. Une journaliste qui cite le titre d’un livre comprenant ce mot ou qui cite une personne l’ayant utilisé fait son travail. S’excuser auprès des personnes offensées, c’est bien. Être suspendue, blâmée, renvoyée ou rééduquée, c’est fou », note l’ex-chef du Parti québécois.

La CBC, diffuseur gouvernemental, refuse de commenter davantage cette affaire.

L’essai Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières est paru en 1968. Issu du nationalisme revendicateur des années 60, l’essai biographique s’est vendu à plus de 100 000 exemplaires. Journaliste militant, son auteur Pierre Vallières y trace un parallèle entre « les luttes de la classe ouvrière québécoise et celle des Afro-Américains aux États-Unis ».

Source : Journal de Québec

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