lundi 3 septembre 2007

Le Québec, un modèle d'intolérance

Article intéressant du Journal de Montréal du 3 septembre 2007 sur les libertés scolaire et religieuse (ou plutôt sur le manque de libertés) au Québec :
« Mécontents du fait que Québec refuse d'accommoder une communauté mennonite qui souhaite gérer une école où l'on enseigne que la femme ne peut s'épanouir en dehors du mariage et de la maternité, des activistes religieux estiment que la société québécoise est un modèle d'intolérance.

[Incidemment ceci n'est pas tout à fait exact, les mennonites s'opposent à la vision moderne colportée par les programmes scolaires officiels qui laissent fortement entendre que la femme doit s'épanouir en dehors du foyer et ne peut s'accomplir que par une carrière autonome en renonçant parfois à la maternité. Ce n'est pas la même chose que de dire que les mennonites préconisent que toutes les femmes doivent être mères, car certaines femmes mennonites ne sont pas mariées et elles sont pourtant des membres à part entière de leurs communautés.]

Répressive, arrogante, fermée, intolérante sont quelques-uns des qualificatifs qui désignent désormais la société québécoise sur plusieurs sites d'information américains.

Le Québec a même figuré la semaine dernière dans le palmarès des libertés religieuses menacées du Becket Fund for religious liberty, une organisation proche des Nations unies.

Fermée car non conforme

En novembre 2006, le ministère de l'Éducation, après inspection, a décidé de fermer l'école fondée par la communauté mennonite de Roxton Falls, à une centaine de kilomètres de Montréal, car elle n'était pas conforme aux exigences du ministère. [conformité qui n'a rien à voir avec la qualité de ce type d'école acceptée ailleurs au Canada]

Les 11 élèves de l'école, âgés de 6 à 13 ans, recevaient en effet un enseignement particulier basé sur les croyances mennonites et donné par des membres de la communauté.

Les mennonites estiment en effet que le programme officiel ne correspond pas à leur vision du monde et qu'il entre en conflit avec leurs croyances religieuses.

Par exemple, ils trouvent que les romans imposés valorisent des comportements immoraux, que l'avortement semble une chose normale, ils condamnent la valorisation de l'érotisme dans l'art et ils réprouvent la théorie de Darwin.

Solidarité religieuse

La nouvelle a trouvé écho dans les autres groupes religieux et la grogne s'est installée.

L'avocat de l'Alliance évangéliste du Canada, Donald Hutchinson, a même envoyé une lettre à la ministre Courchesne pour lui demander de respecter les convictions des mennonites et d'attendre que la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables soit terminée.

Devant le refus du ministère, les familles concernées, cinq sur une quinzaine que compte la communauté, menacent de quitter le Québec pour l'Ontario [ou le Nouveau-Brunswick], où le gouvernement est plus conciliant.

Actuellement, tous les élèves qui devaient faire leur rentrée dans la petite école sont désormais en Ontario.

« Les familles ont déjà loué des appartements, mais ils n'ont pas mis leur ferme en vente, nous apprend Tina Andreis , mennonite et mère de 4 enfants. Ils ne veulent pas partir, mais s'il n'y a aucun moyen de s'entendre, ils vont quitter. »

C'est l'impasse

Le ministère de l'Éducation ne cédera pas. Les mennonites non plus.

Une rencontre entre les représentants de la communauté mennonite et les fonctionnaires du ministère de l'Éducation a eu lieu samedi, mais elle n'a pas permis de régler le conflit. Selon Keith Wedel, mennonite présent à la rencontre, la situation n'a pas changé.

« Le ministère ne peut pas accepter une école qui ne répond pas aux normes, dit Jean-Parcal Bernier, attaché de presse de la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne. Tant que les éléments de base ne seront pas appliqués, le ministère ne cédera pas. »

Laisser les parents décider

La situation énerve Patrick Andreis, un non-mennonite marié à une mennonite et très impliqué dans les revendications de la communauté de sa ville. « Chaque fois que le ministère dit qu'il dialogue, il répète la même chose, dit-il. Mon avis est que le gouvernement a un monopole sur l'éducation et qu'il s'occupe de choses qui ne sont pas de son ressort. » Selon lui, le ministère devrait laisser les parents décider de l'enseignement qu'ils veulent donner à leurs enfants sans imposer un programme qui peut choquer leurs croyances.

Une seconde rencontre entre le ministère et la communauté devrait avoir lieu cette semaine. »
On remarquera avec intérêt la manière dont le ministère de l'Éducation envisage le « dialogue » et « l’accompagnement » : le ministère ne cédera pas tant qu'on aura pas fait ce qu'il demande (en termes orwelliens : « Tant que les éléments de base ne seront pas appliqués »).

Le Québec est laïque, la liberté individuelle y est la valeur absolue

En exergue, dans le numéro du 15 septembre 2007 de l’Actualité, à la page 40, le traducteur Éric Poirier déclare en gros caractères (22 points typographiques):
« Ceux qui dominent dans notre société sont laïques. Et, au Québec, la liberté individuelle est absolue. »
M. Poirier, qui regrette par ailleurs l’emprise grandissante de l’anglais au Québec, justifiait ainsi sa confiance dans l’avenir « laïque » du Québec, il ne craint pas les « intégristes [qui] mènent un combat d’arrière-garde. »

Cette déclaration semble assez représentative d’une frange de la population québécoise qui s’exprime souvent dans les médias. Si on peut bien comprendre ce qu’est une institution laïque (elle ne favorise aucune religion, elle incarne la séparation de l’État et de la religion d’ailleurs préconisée par le Christ), qu’est-ce qu’une personne laïque ? Une personne qui ne favorise aucune religion ? Un athée ou un agnostique pour être clair ? Pourquoi cet euphémisme de « laïque »  qui paraît neutre et bienveillant en première analyse ?

Il est vrai que la société québécoise est dominée par ces areligieux (sans qu’ils ne représentent nécessairement la population), mais il y a un pas à conclure ensuite, comme s’il s’agissait d’une conséquence logique, que la liberté individuelle est absolue au Québec. C’est bien évidemment faux puisque les libertés religieuses ne sont pas respectées comme l’exemple des mennonites de Roxton Falls l’a montré à l’envi, ce qui a d’ailleurs mérité au Québec une place au palmarès des libertés religieuses menacées (International Religious Freedom News).

Enfin, ces « laïques » se sont-ils jamais demandé si leurs valeurs hédonistes et progressistes ne sont pas responsables du manque de conscience linguistique de la part de nombreux francophones  que certains « laïques », comme M. Poirier, regrettent amèrement ? Car, enfin, le matérialisme ambiant s’accorde bien avec l’anglais qui rapporte plus en Amérique du Nord que le français. De même l’hédonisme des « laïques » n’explique-t-il pas en partie la dénatalité québécoise (la maternité enchaîne pour eux les femmes au foyer) qui mine la force du français au Québec ? Rappelons que les Américains blancs non hispaniques, « intégristes » et « laïques » confondus, ont nettement plus d’enfants (1,84 enfant/femme en 2004 et 2005) que les Québécois, toute ethnie confondue, qui n’ont que 1,5 enfant/femme en 2004 y compris les Amérindiennes et les immigrantes plus fécondes que les Québécoises de naissance. Pire, les États américains les plus conservateurs et les plus religieux ont encore plus d’enfants que les États démocrates ! Et tout cela sans politique familiale ni garderies ruineuses dont l'incidence sur la natalité est minime si tant est qu'elle soit même observable. Les areligieux québécois devraient vraiment se poser la question de savoir si leurs « valeurs laïques » ne conduisent pas au lent déclin de la spécificité de la société québécoise en Amérique du Nord : sa langue et non son progressisme commun à une bonne partie des villes anglophones du Nord-est du continent. Incidemment, la Nouvelle-Angleterre progressiste voisine du Québec a également un des taux de fécondité les plus bas des États-Unis (1,5 enfant/femme), tiens comme le Québec!