mardi 1 juin 2021

La lutte contre la discrimination jusque dans les noms des variants

Le Figaro qui passe pour un journal de qualité et de droite titre :


Le Figaro adopte ainsi, sans sourciller, dans sa manchette et son chapeau, la terminologie et les motivations « anti-stigmatisantes » de l’OMS.

Pour ne pas « discriminer » ou « stigmatiser » les pays où ont été découverts les variants du Sars-CoV-2, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) propose une nouvelle nomenclature aux médias et aux acteurs de santé publique. Rappelons que c’est aussi la raison pour laquelle on ne doit plus dire le coronavirus de Wuhan : pour ne pas stigmatiser la Chine, grande bâilleuse de fonds de l’OMS et cela alors qu’il semble bien acquis que le virus soit apparu à Wuhan (et probablement dans le laboratoire de virologie de la ville). 

Les dix premières lettres de l’alphabet grec ont été retenues pour désigner deux catégories de variants suivies par l’OMS, les variants préoccupants, désignés par les quatre premières lettres de l’alphabet, puis les variants d’intérêt. Ils peuvent avoir, à des degrés divers, une transmissibilité accrue, une résistance à une immunité procurée par une première infection ou à un vaccin ou présenter un plus grand risque de formes graves. 

 

Alpha désigne le B.1.1.7, plus communément appelé variant anglais, car il a été découvert outre-Manche en septembre 2020 et a fait l’objet d’un avertissement international en décembre. C’est le plus répandu en France et le plus surveillé. Il représentait fin mai plus des trois quarts des contaminations. Il est environ 40 % plus contagieux que la souche historique qui a déferlé sur le monde. 

Bêta est le petit nom du variant sud-africain (B.1.351), repéré en mai 2020, lui aussi plus transmissible que la souche historique (il porte la même mutation N501Y que le variant anglais). Il a fait l’objet de clusters en France en début d’année, notamment à Metz. Il représente ici près de 7 % des nouvelles infections, plus de 11 % des contaminations en Île-de-France et… 100 % à La Réunion. Il porte notamment la mutation E484K qui pourrait lui permettre d’échapper en partie à l’action de certains anticorps, favorisant le risque de réinfection et limitant (partiellement) l’efficacité de certains vaccins. 

Gamma désigne le variant brésilien (P.1), détecté en novembre 2020. Après une première étude faisant état d’un taux de contagiosité accru d’au moins 80 %, les nouvelles sont plus rassurantes. Il représente d’ailleurs moins de 1 % des infections dans l’Hexagone. Il a en commun avec le variant anglais la mutation N501Y et la E484K avec le variant sud-africain. 

Delta. C’est le nom du 2e variant indien (il y en a au moins trois : B.1.617.1, B.1.617.2 et B.1.617.3) qui se propage à un rythme élevé en Europe et présente deux mutations inquiétantes (L452R et E484Q). Une quarantaine « d’épisodes » et 0,1 % des contaminations ont été repérées en France. Selon une étude britannique, qui n’a pas encore été publiée, il serait 35 % plus contagieux que le variant anglais. Cette estimation repose sur des « études épidémiologiques, qui modélisent soigneusement les cas locaux et importés ainsi que la lignée génomique », précise Ewan Birney, directeur général adjoint de l’EMBL (Laboratoire européen de biologique moléculaire). Cet expert estime « raisonnable » la nouvelle nomenclature. Mais il lui faudra « certainement faire un effort pour (s) » habituer à dire variant Alpha du Sars-CoV-2 plutôt que B.1.1.7 ! ». Le premier lignage indien (B.1.617.1) est appelé Kappa, le troisième n’a pas de nom. 

La lettre Epsilon désigne les deux variants d’intérêt découverts en Californie (B.1427 et B.1429), dont le premier a été repéré en juillet 2020 autour de Los Angeles. Ils portent une mutation commune au variant indien, la L452R. Ils seraient 20 % plus contagieux que la souche historique (et donc un peu moins que le variant anglais). 

Zêta (P.2) est le nom du deuxième variant brésilien, repéré en avril 2020. Êta (B.1525) découvert dans de nombreux pays en décembre 2020 est le troisième variant le plus présent en France (1,2 % des cas). Thêta, repéré aux Philippines en janvier, n’a pas été identifié en France. Enfin, Iota est le nom d’un variant découvert à New York (1.526.1) fin 2020, qui n’a été repéré que sporadiquement dans l’Hexagone. 

Est-ce vraiment plus simple, plus descriptif ? Et comment le système « grec » s’adaptera-t-il aux nombreuses futures mutations ?

« La traite arabo-musulmane est volontairement occultée dans les mémoires de l'esclavage »

Depuis 2006, le 10 mai est la journée nationale des mémoires de la traite et de l’esclavage. L’occasion de revenir sur l’importance de la traite arabo-musulmane, dont l’histoire est sciemment dissimulée, explique Marie-Claude Barbier Mosimann. Marie-Claude Barbier Mosimann est maître de conférences honoraire à l’ENS Paris-Saclay. Elle a notamment publié Livingstone (Ellipses, 2016). Son texte est paru dans le Figaro en mai 2021.

En 2004, l’ouvrage de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau, intitulé Les traites négrières, suscita bien des controverses. Il y montrait en effet qu’il existait non pas une, mais trois types de traites négrières : la traite atlantique, la traite arabo-musulmane et la traite interafricaine qui alimentait les deux autres traites. Or ce livre sortait trois ans après le vote de la loi Taubira de 2001, qui reconnaît comme crimes contre l’humanité, la seule traite négrière occidentale, faisant des « blancs » les seuls coupables. Comme on ne pouvait pas en nier l’existence, Pétré-Grenouilleau fut accusé de hiérarchiser les traites pour minimiser la responsabilité occidentale puisque les chiffres donnés (respectivement 11, 17 et 14 millions) montraient que la traite transatlantique avait été la moins meurtrière. 


La polémique s’intensifia quand, en 2005, il déclara au Monde [1] qu’au « poncif raciste blanc — l’Occident civilisé face aux sauvages noirs — a succédé l’image tout aussi déformée de bourreaux uniquement blancs face à des Noirs uniquement victimes ». Il fit, de ce fait, l’objet d’une plainte pour « diffamation publique raciale » et un collectif de Guyanais, Réunionnais, Mahonnais et Antillais l’attaqua au civil devant le tribunal de grande instance de Paris. Un collectif de 600 historiens se forma pour défendre la liberté des chercheurs, soulignant le sérieux du travail et mettant en garde contre une lecture sélective du passé. La plainte fut abandonnée. Notons que la polémique portait sur l’implication des Africains dans le processus de traite puisque plusieurs ethnies servaient de pourvoyeurs aux négriers. En 2005, Jacques Chirac décida que le 10 mai, jour de l’adoption de la loi Taubira, serait désormais célébré comme « la journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leur abolition ». Ce singulier amnésique ramenait la culpabilité sur le seul Blanc. Un an plus tard, à la veille de la célébration, interrogée par un journaliste de l’Express sur son silence concernant la traite orientale, Christiane Taubira déclara qu’il était préférable de ne pas évoquer la traite négrière arabo-musulmane pour que les « jeunes Arabes » « ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes [2] ». Autrement dit, outre le mépris infantilisant de cette remarque, les enjeux du présent autorisent l’amnésie mémorielle.

 
« Nous, les Algériens, on vous a vendus comme du bétail pendant 800 ans »

Or, si la traite occidentale a duré 3 siècles, la traite arabo-musulmane, elle, s’est étendue sur 13 siècles. Dès les débuts de l’Islam, au VIIe siècle, elle s’est répandue dans tout le Maghreb d’où partaient des caravanes qui traversaient le Sahara pour ramener des esclaves noirs de la côte subsaharienne. Tombouctou fut une plaque tournante de cette traite qui déclina au plus fort de la traite occidentale, avant de reprendre de plus belle après les abolitions en Europe. Avec l’extension de l’Empire ottoman en Afrique du Nord, traite et esclavage restèrent florissants et des villes comme Alger, Tunis ou Tripoli, offrant de grands marchés d’esclaves, alimentés par des raids terrestres et également maritimes puisque d’elles partaient les pirates barbaresques pour razzier des esclaves chrétiens sur les rives nord de la Méditerranée. La traite arabo-musulmane a concerné pratiquement tout le territoire africain au nord du Zambèze, se divisant en plusieurs volets : transsaharien, sahélien, nilotique, et le moins connu, la traite zanzibarite qui saigna à blanc toute la région des lacs à partir de Zanzibar.

Ce sont les premiers explorateurs britanniques qui la firent connaître à l’occasion d’expéditions commanditées par La Société royale de géographie, pour cartographier l’intérieur de l’Afrique et élucider le mystère des sources du Nil, le Graal géographique de l’ère victorienne. À cette époque, vers 1850, la présence européenne sur le continent africain était pratiquement inexistante en dehors de la colonie du Cap, d’enclaves portugaises, britanniques, françaises, plus ou moins importantes, et de divers comptoirs côtiers. Les cartes de l’Afrique du Nord-Est s’arrêtaient à Khartoum et l’intérieur de l’Afrique restait inconnu.

La présence territoriale étrangère la plus importante était celle de l’Empire ottoman, qui occupait tout le Maghreb, à l’exception du Maroc, plus un vaste territoire le long du Nil. Or l’esclavage était un rouage essentiel de l’économie et de la société ottomanes.

Ce sont les témoignages des explorateurs britanniques qui vont révéler l’existence de la traite zanzibarite. Les deux premiers, John Hanning Speke et Richard Burton partent de Zanzibar et découvrent une ville commerçante prospère, avec de riches demeures et des palais, mais très insalubre, avec ses cadavres d’animaux et d’esclaves dans les rues et sur le rivage. Elle possède un grand marché aux esclaves — créé en 1811 — dont le spectacle bouleverse Speke du fait de l’extrême brutalité de traitement des esclaves. Sur le marché, hommes et femmes défilent nus, les femmes doivent se prêter à toutes sortes d’examens corporels intrusifs ; pour les hommes, une épreuve supplémentaire consiste à les attacher à un arbre au milieu de la place et à les fouetter avec les branches d’un épineux, pour mesurer leur résistance à la douleur. Jusqu’à sa fermeture en 1873, Zanzibar sera le cœur de la traite orientale.

À partir de 1830, la demande en esclaves s’accentue pour fournir l’Occident en ivoire, devenu à la mode, et surtout pour favoriser le développement de la culture du clou de girofle. De ce fait, les traitants arabes — qui jusque-là s’approvisionnaient en esclaves auprès de certaines ethnies africaines — décidèrent de monter eux-mêmes de grandes expéditions caravanières vers l’intérieur du pays.

Quand arrivent Speke et Burton, sur une population totale de 300 000 habitants environ, on comptait 200 000 esclaves, soit deux tiers de la population. Les conditions de vie sur les plantations étaient si dures qu’on estime à 30 % le nombre d’esclaves mourant chaque année et qu’il fallait donc remplacer [3].

Speke et Burton vont découvrir la logistique zanzibarite qui reposait sur des stations relais créées pour ravitailler les caravanes et y stocker ivoire et esclaves ramenés des raids alentour. À son retour en 1863, Speke essaie, sans résultat, de convaincre le gouvernement britannique d’intervenir dans la région car, écrit-il, vu la violence des guerres tribales et des razzias arabo-musulmanes, les Africains seront bientôt « balayés de la face de la Terre » par la traite.

Un an plus tard, la demande sera réitérée, sans plus de succès, par David Livingstone, médecin et missionnaire, le plus célèbre des explorateurs britanniques de l’ère victorienne et le premier à avoir pris conscience de la pénétration de la traite arabo-musulmane à l’intérieur de l’Afrique, et il va faire de son éradication son combat. Il suggère deux remèdes : évangélisation et commerce licite, donc désenclaver l’intérieur du continent pour y installer des voies commerciales et des missions chrétiennes. C’est dans ce but qu’il va explorer la région du lac Malawi, au nord du Zambèze et découvrir, atterré, que le lac est sillonné de boutres chargés d’esclaves en route pour la côte, et que maints villages sont jonchés de « squelettes et de cadavres en putréfaction », témoignage des raids négriers meurtriers. Dans son expédition suivante, plus au nord, jour après jour il trouve des esclaves morts, « abattus d’une balle, poignardés ou morts de faim la fourche au cou ». Le 15 juillet 1871, il se trouve à Nyangwe, au nord-est du lac Tanganyika, et assiste au massacre programmé de tout un village pour inciter les Africains à « coopérer » avec leurs tortionnaires. Lorsqu’il parvint en Occident, le récit qu’il en fit (« la lettre de Nyangwe ») suscitera un tel tollé qu’il fera plus pour la prise de conscience occidentale des ravages de la traite arabo-musulmane que toutes les démarches précédentes. C’est Stanley, journaliste au New York Herald, qui, après avoir retrouvé Livingstone — dont on était resté cinq ans sans nouvelles — relaya le combat contre la traite auprès des journaux occidentaux et reprit le flambeau anti-esclavagiste après la mort de l’explorateur. Citons enfin un extrait du journal de Verney Cameron qui mena une expédition de secours à Livingstone, en 1873 : « Traverser les ruines de tant de villages déserts était d’une tristesse indescriptible. Où sont maintenant ceux qui les ont construits et qui ont cultivé les champs environnants ? Chassés comme esclaves, massacrés […] L’Afrique se vide de son sang par tous ses pores, sa population est quotidiennement décimée par la traite et les guerres intestines ».

Le bilan que l’on peut tirer de tous ces témoignages (ici très résumés), c’est la progression inexorable des traitants arabo-musulmans à l’intérieur de l’Afrique de l’Est à partir de 1850 avec, en corollaire, le dépeuplement des régions parcourues. Ils illustrent bien le constat de Pétré-Grenouilleau : « Au XIXe siècle, alors que la traite atlantique disparaissait progressivement, les traites orientales prirent une ampleur considérable, drainant entre 4,5 et 6,2 millions de personnes hors de l’Afrique noire continentale. Pour répondre à la demande croissante, les traitants arabes, Swahilis ou Africains islamisés, non seulement ouvraient des routes vers l’intérieur, mais, de plus, ils créaient des stations, fixes ou temporaires à l’intérieur du pays, pour y entreposer et y accumuler un maximum de “prises”, avant de les ramener vers la côte […] Ce scénario eut pour résultat la mise à sac de régions entières, jusqu’aux Grands Lacs d’abord, puis bien au-delà, le fleuve Congo constituant une des grandes voies de pénétration ».

La publication de tous ces récits d’exploration inspira, dès 1875, une série d’initiatives, non de la part des politiques, mais d’un certain nombre d’églises : anglicans et non-conformistes décidèrent d’agir pour protéger les Africains et créèrent des missions, les Écossais sur le lac Malawi dès 1875, les Pères blancs du cardinal Lavigerie sur le lac Tanganyika à partir de 1878. Stanley contribua à l’arrivée de missionnaires au Buganda. Mais si, en un premier temps, les missions ont lutté contre la traite, force est de constater que c’est la colonisation qui a réellement stoppé l’hémorragie dans la région des Grands Lacs.

Il serait utile pour terminer de donner quelques dates permettant de contextualiser ces péchés attribués au seul homme blanc que sont l’esclavage et le colonialisme. Il ne s’agit nullement de dédouaner l’Occidental, mais de montrer qu’il n’y a pas de raison historique d’en faire le bouc émissaire des malheurs de l’Afrique.

La traite occidentale, partie émergée de l’iceberg, a duré moins de 3 siècles : elle a commencé à la fin du XVe siècle pour les Portugais, mais beaucoup plus tardivement pour la France puisque le premier bateau négrier, l’Union, partit de Nantes en 1707. Elle s’est terminée un siècle plus tard pour la France, qui, comme la plupart des autres nations européennes, a aboli la traite à la suite du congrès de Vienne de 1815. La traite négrière arabo-musulmane en Afrique a duré, elle, 13 siècles. Elle a été qualifiée de « génocide voilé » par l’anthropologue sénégalais Tidiane N’Diane qui écrit : « Bien qu’il n’existe pas de degré dans l’horreur ni de monopole de la cruauté, on peut soutenir […] que le commerce négrier et les expéditions guerrières provoquées par les Arabo-musulmans furent, pour l’Afrique noire et tout au long des siècles, bien plus dévastateurs que la traite atlantique ».

L’Empire ottoman envahit tout le Maghreb — sauf le Maroc — à partir de 1517 et s’effondre à la fin de la Première Guerre mondiale, soit quatre siècles d’occupation du territoire nord-africain, alors que la colonisation européenne de l’Afrique est un épisode très court dans l’histoire du continent. Elle a véritablement commencé après 1885 avec la « ruée vers l’Afrique », conséquence de la conférence de Berlin où les Occidentaux ont fixé les règles du partage du continent et ouvert la voie à la colonisation. L’accession de la plupart des pays à l’indépendance s’étant faite autour des années soixante, la colonisation européenne de l’Afrique a duré, pour une majorité de pays, 80 ans maximum. Rappelons enfin que l’esclavage a été aboli au Royaume-Uni en 1833 et en France en 1848 alors qu’il a fallu attendre la fin du XXe siècle pour que bon nombre de pays islamiques suivent le même chemin, en théorie tout du moins. Comme l’a dit l’anthropologue algérien Malek Chebel « l’esclavage en terre d’islam » est « un tabou bien gardé ».

Comment peut-on encore accepter que seul l’homme blanc soit qualifié d’esclavagiste et de colonialiste ? Faut-il penser avec N’Diane, qu’une forme de fraternité religieuse dans l’Islam ait abouti à l’oblitération par les Africains de ces siècles d’asservissement ?

Notes

[1] Traite négrière : les détournements de l’histoire, le Monde, 5 mars 2005.

[2] L’Express, 4 mai 2006.

[3] On considère d’ailleurs que cette cruauté a laissé un héritage de haine qui explosa après l’indépendance de l’île fin 1963. Zanzibar devint alors une monarchie constitutionnelle dirigée par le sultan, mais le gouvernement fut renversé un mois plus tard et une république populaire fut proclamée. Plusieurs milliers d’Arabes, 5 000 à 12 000 Zanzibaris d’ascendance arabe et des civils indiens furent tués, des milliers d’autres furent emprisonnés et expulsés, et leurs biens confisqués.
Cette révolte et ses massacres furent consignés dans un film italien, Africa Addio, en 1966. Voir la vidéo ci-dessous en VO, sous-titrée en français.

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lundi 31 mai 2021

États-Unis — Princeton supprime l’obligation de faire du latin ou du grec pour les études classiques

L’université Princeton a approuvé les changements de programme dans les départements de sciences politiques, de religion et des études classiques (antiquité latine ou grecque) en avril. Le département de sciences politiques a ajouté un parcours en race et identité, tandis que la religion et les classiques ont « augmenté la souplesse » en ce qui concerne les majeurs, y compris l’élimination de l’obligation pour ceux qui se spécialisent dans les études classiques, de suivre des cours de grec ou de latin.

« Dans les classiques, deux changements majeurs ont été apportés. La filière “classiques”, qui exigeait une maîtrise intermédiaire du grec ou du latin pour faire de ces études une “majeure” de ce champ d'études a été supprimée, de même que l’obligation pour les étudiants de suivre des cours de grec ou de latin. Les étudiants sont toujours encouragés à suivre des cours de l’une ou l’autre des langues si cela correspond à leurs intérêts dans le département. L’étendue des offres reste la même, a déclaré Josh Billings, directeur des études de premier cycle et professeur de classiques. Les changements donnent finalement aux étudiants plus d’opportunités de se spécialiser dans les classiques. »

Les discussions sur ces changements sont antérieures à l’appel du président de l’université Princeton, Christopher Eisgruber, pour lutter contre le racisme systémique à l’Université, a déclaré Billings. Ces changements sont cependant devenus plus urgents après cet appel et les émeutes raciales qui se sont produites l’été dernier. « Nous pensons qu’avoir de nouvelles perspectives dans le domaine améliorera le domaine », a-t-il déclaré. « Avec des gens qui arrivent qui n’ont peut-être pas étudié les classiques au lycée et qui n’ont peut-être pas eu d’exposition préalable au grec et au latin, nous pensons que le fait d’avoir ces étudiants dans le département en fera une communauté intellectuelle plus dynamique. »

À quand ne plus obliger d’apprendre les mathématiques en sciences ce qui « en fera une communauté intellectuelle plus dynamique » ?

Selon le site Web des admissions de premier cycle de Princeton, le coût total pour assister à Princeton est de 77 690 $ pour l’année scolaire 2020-2021. Ce total comprend 56 010 $ pour les frais de scolarité, 10 690 $ pour frais de chambre, 7 490 $ pour la pension (les repas), 3 500 $ en dépenses diverses. Cette estimation totale n’inclut pas les frais de voyage, qui, selon Princeton, peuvent varier de 300 $ à 5 000 $ par an.

Source : Alumni Weekly de Princeton

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Les latinistes noteront que le locatif de domus est domi (à la maison, chez soi), mais qu’il ne s’applique pas ici puisqu’il y a mouvement et que l’accusatif domum s’impose donc. La phrase corrigée par le généreux et convaincant pédagogue nocturne est donc correcte : Romani ite domum. En outre, ire se conjugue eo, is, it à l’indicatif présent et non io, is, it (à 1 min 17 s).

 

 

 

 

La Chine va autoriser les familles à avoir trois enfants


La Chine a décidé d’abroger la limite de deux enfants par couple et d’autoriser les familles à avoir jusqu’à trois enfants, en réponse au vieillissement de sa population, a annoncé lundi l’agence Chine nouvelle.

Cette décision survient quelques semaines après la publication des résultats du dernier recensement décennal, qui ont révélé une forte baisse du taux de natalité dans le pays le plus peuplé du monde.

« En réponse au vieillissement de la population […], un couple est autorisé à avoir trois enfants », a rapporté l’agence de presse officielle, citant les conclusions d’une réunion du bureau politique du Parti communiste dirigée par le président Xi Jinping.

Début mai, les résultats du recensement réalisé en 2020 ont révélé un vieillissement plus rapide que prévu de la population chinoise.

L’année dernière, marquée par l’épidémie de COVID-19, le nombre des naissances est tombé à 12 millions, contre 14,65 millions en 2019. Cette année-là, le taux de natalité (10,48 naissances pour 1000 habitants) était déjà au plus bas depuis la fondation de la Chine communiste en 1949.

Après plus de trois décennies de « politique de l’enfant unique », la Chine a assoupli ses règles en 2016, autorisant tous les Chinois à avoir un deuxième enfant. Mais sans parvenir à faire repartir la natalité.

Le taux de natalité de 2020 a également sonné l’alarme. Les mères chinoises ont eu environ 12 millions de bébés en 2020, soit une baisse de plus de deux millions de naissances depuis 2019 et plus de cinq millions de naissances depuis 2016, l’année où Xi a inversé la politique de l’enfant unique.

« Si aucune politique d’intervention énergique n’est introduite, le taux de fécondité de la Chine pourrait devenir le plus bas du monde », a averti le Global Times à la mi-mai.

Le taux de natalité en Chine est actuellement d’environ 1,3 naissance par mère ; La « fertilité de remplacement », c’est-à-dire le nombre d’enfants que chaque femme dans un pays devrait avoir pour assurer le renouvellement de la population, est de 2,1.

Les experts occidentaux en démographie ont contesté les statistiques officielles des naissances du Parti communiste chinois.

« Mes estimations montrent que la taille actuelle de la population chinoise devrait être de 1279 milliards à la fin de 2019, soit 121 millions de moins que les 1,4 milliard officiellement déclarés », a déclaré Yi Fuxian, universitaire de l’Université du Wisconsin-Madison, dans une interview en janvier. « Le nombre réel de naissances en Chine l’année dernière devrait être d’environ 10 millions au lieu de 14,65 millions, comme le rapporte le Bureau national des statistiques. »

Un autre expert, Liang Jianzhang, a déclaré à l’époque que la Chine devrait s’attendre à une baisse de plus de 30 % du nombre de femmes en âge de procréer au cours de la prochaine décennie, ce qui dévasterait son taux de natalité indépendamment des limites artificielles du gouvernement sur la taille des familles.

Les raisons de la baisse de la natalité sont multiples : recul du nombre des mariages, hausse du coût des logements et de l’éducation, fertilité plus tardive pour les femmes qui privilégient davantage leur carrière.

Selon le South China Morning Post, un sondage effectué en mars a révélé que 67 % des millénariaux citaient « l’incapacité de trouver une aide domestique » comme principale raison pour laquelle ils n’auraient pas de deuxième enfant. Parmi les autres préoccupations majeures figurent la « pression financière » et le manque de soutien pour les femmes. 

 

À l’autre bout de la pyramide des âges, la Chine comptait l’an dernier plus de 264 millions de personnes âgées de 60 ans et plus, soit quatre fois la population totale de la France.

Cette classe d’âge constitue désormais 18,7 % du total, soit une hausse de 5,44 points de pourcentage par rapport au recensement de 2010. À l’inverse, la population d’âge actif (15 à 59 ans) ne représente plus que 63,35 % du total, en repli de 6,79 points sur 10 ans.

En mars, le Parlement a voté un projet de relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite au cours des cinq prochaines années, au grand dam d’une bonne partie de l’opinion publique.

Sources : AFP, South China Morning Post

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dimanche 30 mai 2021

Québec — « On diplôme des analphabètes fonctionnels au secondaire »

Éléonore Bernier-Hamel a été estomaquée en corrigeant la dissertation finale de ses étudiants en littérature québécoise cette semaine. En dix ans d’enseignement au collégial, elle n’avait jamais vu des lacunes aussi flagrantes en français. Plus de la moitié de ses élèves ont échoué. La moyenne du groupe a été de 65 %. Elle avait pourtant abaissé ses exigences à cause des difficultés de l’enseignement à distance.

« Mon Dieu, ce n’était pas facile, cette session. Plusieurs élèves n’avaient pas les compétences de base en littératie. Ils avaient d’énormes difficultés à comprendre un texte simple. J’ai l’impression que plusieurs d’entre eux sont passés à travers les mailles du filet », raconte l’enseignante de littérature au cégep régional de Lanaudière à Terrebonne, dans la couronne nord de Montréal.

Elle n’est pas la seule à remarquer une baisse des aptitudes des cégépiens à s’exprimer et à comprendre les œuvres littéraires. Huit enseignantes établies dans six régions du Québec ont confié au Devoir avoir constaté que leurs élèves ont de sérieuses lacunes en français. L’enseignement presque entièrement à distance depuis le mois de mars 2020 a porté un dur coup à la motivation des étudiants. À leur capacité de concentration. À leur réussite, aussi.

Les résultats officiels de la session qui s’achève seront compilés dans les prochaines semaines. Mais les enseignantes consultées s’inquiètent déjà des difficultés sans précédent de leurs élèves en français. Elles estiment que le problème est plus profond que les seuls défis liés à la pandémie.

« Je me questionne sur le contenu des cours au secondaire, dit Éléonore Bernier-Hamel. Je m’interroge sur le programme, pas sur les profs. Les élèves arrivent avec une série de lacunes qu’on doit essayer de rattraper au collégial. J’ai l’impression qu’on diplôme des analphabètes fonctionnels au secondaire. Il y en a plein au cégep. »

La prof de littérature estime que plusieurs de ses étudiants seraient incapables d’aider des enfants de sixième année du primaire à faire leurs devoirs. Bien sûr, une bonne partie de ses élèves réussissent très bien, mais elle est étonnée par le niveau général de « médiocrité » de certains groupes.

À cause des perturbations liées à la pandémie, Éléonore Bernier-Hamel a fait lire trois ouvrages relativement simples à ses élèves, plutôt que quatre, comme en temps normal : La Scouine d’Albert Laberge, La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette et L’homme rapaillé de Gaston Miron.

Résultat : pénible. Grandes difficultés à lire, à comprendre et à produire un discours critique sur ces œuvres. Manque de culture. Plusieurs cégépiens connaissent mal la Grande Noirceur, la Révolution tranquille, Duplessis.

Tricherie et plagiat

Annie Rousseau, enseignante de littérature au collège de Rosemont, constate les mêmes lacunes chez ses élèves. La moitié d’un de ses groupes aurait échoué cette session si elle l’avait évaluée avec les mêmes critères qu’en temps normal. Le tiers n’a finalement pas eu la note de passage, parce qu’elle a adapté l’évaluation au contexte de l’enseignement à distance.

Pour elle, la pandémie a réellement perturbé l’enseignement. Les résultats des élèves sont tellement mauvais qu’elle a douté d’elle-même en tant que prof. Elle estime aussi que la tricherie et le plagiat n’ont jamais été aussi répandus que depuis l’implantation de l’enseignement virtuel.

« Le concept de fraude et de plagiat est extrêmement flou dans les circonstances actuelles. Les élèves se font aider de toutes sortes de façons, même par leurs parents. Ils communiquent entre eux pendant les évaluations. Mais ils sont convaincus qu’ils ont le droit d’avoir de l’aide », raconte Annie Rousseau.

Les élèves ne sont pas tous égaux devant la pandémie. L’enseignante devine que certains d’entre eux n’ont pas d’ordinateur, ou le partagent avec d’autres membres de leur famille. Plusieurs n’ont pas de lieu tranquille pour suivre leurs cours en ligne.

Catherine Guénette, prof de littérature au collège de Maisonneuve, soupçonne elle aussi qu’une partie de ses élèves font leurs travaux sur leur téléphone. Elle voit souvent des phrases illisibles dans des questionnaires qu’elle organise sur la plateforme Forms — signe possible que les étudiants écrivent sur un miniclavier de téléphone et sans véritable logiciel de correction.

« Je note davantage de graves problèmes en compréhension en lecture et surtout en écriture : des phrases sans sens, des textes sans ponctuation, des erreurs de vocabulaire de base », remarque elle aussi Chantale Girard, enseignante de littérature au cégep de Chicoutimi.

And to speak English... le plus tôt possible si vous êtes francophone au Québec. François Legault a ainsi parlé de renforcer les programmes d'anglais intensif quand il présentait la loi 101 renforcée...

Manque de maturité

« L’enseignement à distance remet la responsabilité de la réussite dans les mains des étudiants, et c’est une erreur de croire que les cégépiens ont la maturité nécessaire pour se prendre en charge par eux-mêmes », ajoute-t-elle. Tous les profs le disent : en classe, ils vont au-devant des jeunes plus timides ou en difficulté. Ce qui est à peu près impossible à accomplir devant un écran d’ordinateur, surtout quand la vaste majorité des étudiants gardent leur caméra fermée.

La pandémie a mis en relief une possible faille du système scolaire, affirme de son côté Elisabeth Rousseau, enseignante en littérature au collège André-Grasset : les étudiants dits « ordinaires » qui ont généralement réussi à l’école, mais qui arrivent désorganisés au cégep. « Les plus problématiques ne sont pas les élèves en difficulté, qui ont des besoins particuliers, dit-elle. Ce sont plutôt ceux qui croient comprendre, qui ont toujours eu 80 %, mais qui ne savent pas lire correctement. On dirait que ces étudiants-là ne veulent pas apprendre. »

Elle croit que le programme pédagogique en lecture rate la cible dès le niveau primaire. « Les devoirs [au primaire], c’est n’importe quoi. Les enfants lisent avec des œillères pour trouver les réponses aux questions, mais ils n’apprennent pas à décoder le sens du texte. C’est extrêmement préoccupant », dit Elisabeth Rousseau.

Baudelaire retiré du plan de cours, trop compliqué

La gestion de la pandémie a accéléré la baisse du niveau de français des élèves, mais le déclin a commencé bien avant, estime Sophie Milcent, enseignante de littérature au collège Mérici, un établissement privé de Québec. La prof, qui enseigne depuis 20 ans, constate depuis plusieurs années un manque de vocabulaire et de culture générale des jeunes.

« J’ai réduit de beaucoup la matière enseignée ainsi que mes attentes », dit-elle. Sophie Milcent a retiré Baudelaire de ses plans de cours. Trop compliqué pour les élèves, qui manquent de connaissances en histoire et en culture religieuse pour comprendre le contexte. Blaise Cendrars y figure toujours, mais donne des maux de tête aux jeunes.

L’enseignante reste optimiste malgré les hauts et les bas du système scolaire. « Ce n’est pas la catastrophe », relativise-t-elle. « Je ne crois pas que tout se déglingue, ajoute Elisabeth Rousseau. Oui, on remarque de grandes difficultés, mais en général, nos étudiants s’en sortent correctement. »

Le défi est d’intéresser les jeunes à l’importance de maîtriser le français, souligne Rosalie Grenier, enseignante au cégep de Thetford. « Ils demandent à quoi ça sert, le français. Je leur dis que ça peut servir à obtenir une promotion au travail ou même à rencontrer quelqu’un : si tu fais 16 fautes en trois phrases sur Tinder, tu vas peut-être donner une première impression négative. »

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samedi 29 mai 2021

Le français écrit au primaire pâtit de la gestion de la COVID-19

La maîtrise de la grammaire et de l’écriture chez les élèves en a pris un coup à la suite de la gestion de la Covid-19, selon une étude réalisée auprès d’enseignants québécois.

La gestion de la pandémie par le Monopole de l'éducation qui a souvent fermé les écoles (contrairement à la Suède qui les a gardées ouvertes) a entraîné son lot de retards scolaires, mais au primaire, c’est surtout la maîtrise de la grammaire et de l’écriture qui en a pris un coup, selon une enquête réalisée auprès d’enseignants québécois.

Ces résultats sont tirés d’une étude sur l’impact de la COVID-19 dans le milieu scolaire, réalisée par une équipe de chercheurs de l’UQAM en partenariat avec le ministère de l’Éducation.

Près de 500 enseignants provenant de trois centres de services de la grande région de Montréal y ont participé en décembre et en janvier.

Les effets négatifs de la gestion gouvernementale de la pandémie chez les élèves du primaire se font d’abord sentir au niveau de la grammaire et de l’écriture, selon les institutrices interrogées.

«Pour le primaire, il semble que la discipline qui ait été la plus impactée soit le français», a affirmé le chercheur principal de cette étude, Patrick Charland, lors d’un colloque visant à faire le bilan de cette année scolaire en contexte de pandémie.

Au secondaire, la pandémie a surtout eu des effets négatifs au niveau de la capacité d’attention et d’organisation des élèves, selon les enseignants interrogés.

Élèves plus faibles

Ces résultats démontrant l’impact négatif de la gestion de la pandémie sur la maîtrise du français écrit au primaire concordent avec les conclusions d’une autre étude réalisée en janvier par Catherine Turcotte, Marie-Hélène Giguère et Nathalie Prévost.

Ces professeures au département d’éducation de l’UQAM ont interrogé 175 enseignants du primaire pour en savoir davantage sur les compétences de leurs élèves en lecture et en écriture en contexte de pandémie.

Les profs interrogés affirment que leurs élèves avaient des habiletés plus faibles à la rentrée que lors des années passées (de 71% à 78%) et s’inquiètent particulièrement de la maîtrise de l’orthographe grammaticale chez une majorité de leurs élèves.

En lecture, c’est la fluidité et la compréhension de longs textes qui les préoccupent le plus.

Source: Journal de Montréal et UQAM


Histoire — la traite esclavagiste a-t-elle permis le décollage économique de l'Occident ?

La recherche historique démontre que, contrairement aux certains préjugés courants, la traite esclavagiste ne fut en réalité qu’une composante économiquement secondaire, car peu rentable, du commerce que les Européens faisaient avec leurs partenaires africains. Les révolutions industrielles anglaise et française ne s’expliquent nullement par la traite négrière, bien au contraire.

La côte d’Afrique avait reçu des marins européens des noms faisant référence aux principaux articles du commerce colonial. Le littoral de l’actuelle Mauritanie et jusqu’à la Casamance, était ainsi le Pays des gommes (gomme arabique). De l’actuelle Guinée Bissau jusqu’à l’ouest de l’actuelle Côte d’Ivoire, le littoral avait pour nom Côte de Malaguette ou de Maniguette (une variété de poivre) ; l’actuelle Côte d’Ivoire était la Côte des dents (ivoire), cependant que l’actuel Ghana avait pour nom la Côte de l’or. Quant aux Côtes des esclaves, elles s’étendaient de l’actuel Togo jusqu’à l’Angola inclus.

Le long de cet immense arc commercial, contrairement à certaines idées reçues, la traite ne représenta économiquement qu’une part minuscule de l’ensemble du commerce maritime des puissances européennes.

Une usine de tissage de coton en Grande-Bretagne, gravure de 1835.


Angleterre

Le cas de l’Angleterre a été remarquablement étudié. Il mérite que l’on s’y attarde. Au XVIIIe siècle, apogée du commerce colonial britannique, les navires négriers totalisaient moins de 1,5 % de toute la flotte commerciale anglaise et moins de 3 % de son tonnage [1]. La raison de ces faibles pourcentages était manifestement économique car, alors que le commerce colonial au sens le plus large était très rentable pour les armateurs, celui des esclaves l’était beaucoup moins. Ses profits n’étaient ainsi en moyenne que de 3 %, avec un retour annuel sur investissement de 2 % [2].

Les historiens britanniques sont allés plus loin dans leurs recherches et ils ont cherché à établir en quoi le commerce des esclaves aurait pu, par ses bénéfices, permettre la révolution industrielle anglaise. Le résultat de leurs recherches est clair : les bénéfices tirés de l’odieux commerce négrier ne représentèrent en effet que moins de 1 % de tous les investissements liés à la révolution industrielle d’Outre-Manche [3] et : « […] l’apport du capital négrier dans la formation du revenu national britannique dépassa rarement la barre de 1 %, atteignant seulement 1,7 % en 1770 et en moyenne la contribution de la traite à la formation du capital anglais se situa annuellement, autour de 0,11 % »[4].

Ce ne furent donc pas les bénéfices tirés de la traite des esclaves qui permirent la révolution industrielle anglaise.

France

La réalité est identique en ce qui concerne la France, même si, en ce qui concerne cette dernière, nous ne disposons pas pour l’époque de la traite esclavagiste, d’analyses économiques aussi poussées que celles faites par les historiens britanniques.

Au XVIIIe siècle les esclavagistes français affirmaient que la traite était nécessaire aux Antilles, que celles-ci étaient indispensables au commerce colonial et que ce dernier était vital pour l’économie française. Ils en tiraient la conclusion que la Traite était nécessaire à la France. C’est en se basant sur ce syllogisme vieux de plus de deux siècles que certains historiens n’ont cessé d’affirmer que la France avait bâti sa richesse sur la traite des esclaves.

Si ce postulat était vérifié, l’interruption de la Traite entre 1792 et 1815 en raison de la guerre maritime aurait donc dû provoquer l’effondrement de l’économie française, or ce ne fut pas le cas.

En outre :

1) Si les profits de la Traite sont à l’origine de la révolution industrielle, comment expliquer qu’à la fin du XVIIIe siècle, et alors que le commerce colonial français était supérieur en volume au commerce colonial anglais [5], la France, à la différence de l’Angleterre, n’a pas fait sa révolution industrielle ?

2) Pourquoi la Révolution industrielle française s’est-elle produite bien plus tard, dans la seconde partie du XIXe siècle, donc bien après l’abolition de l’esclavage ?

3) Pourquoi cette révolution industrielle s’est-elle faite dans l’Est, notamment en Lorraine, dans la région lyonnaise, ainsi que dans le Nord, loin des ports négriers du siècle précédent de la côte Atlantique, Bordeaux ou La Rochelle ?

Ailleurs dans le monde

4) Durant la période 1701-1810, une part très importante du commerce des esclaves était contrôlée par le Portugal. Si le développement industriel s’était mesuré aux profits réalisés dans le commerce négrier, le Portugal aurait donc dû être une des nations les mieux loties. Or, il y a encore trois ou quatre décennies, non seulement ce pays était un pays arriéré économiquement en Europe, mais encore, il n’a jamais fait sa révolution industrielle.

5) Pourquoi malgré sa longue tradition esclavagiste, le monde arabo-musulman n’a-t-il pas connu de révolution industrielle ?

6) Comment expliquer l’industrialisation de l’Allemagne, de la Suède, de la Tchécoslovaquie, pays qui n’ont pourtant pas participé (ou alors d’une manière plus qu’anecdotique) au commerce des esclaves ?

7) Si le postulat de la révolution industrielle reposant sur les profits de la traite esclavagiste était vérifié, ladite révolution industrielle aurait donc dû se produire dans le sud des États-Unis, région esclavagiste et non dans le nord, région abolitionniste. Or, les États du Sud sont demeurés essentiellement agricoles, et c’est précisément parce qu’ils n’avaient pas fait leur révolution industrielle qu’ils furent battus par le Nord industrialisé.


On peut même dire que la Traite et le système esclavagiste ont enfoncé le Sud dans l’immobilisme quand le Nord, qui avait la chance de ne pas dépendre d’une économie esclavagiste, s’était industrialisé.

Notes

[1] Eltis, David, The Rise of African Slavery in the Americas, à New York, en 1999,  page 269.

[2] Thomas, Hugh (traduction), La Traite des Noirs (1440-1870), à Paris, en 2006, pages 461-463.

[3] Richardson, David, The British Empire and the Atlantic Slave Trade. 1660–1807in The Oxford History of the British Empire, volume II, à Oxford, en 1998, pages 440–464

[4] [5] Pétré-Grenouilleau, Olivier, Les traites négrières. Essai d’histoire globale, à Paris, en 2004, page 339.

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Un million d'esclaves européens chez les Barbaresques

On sait quelle ampleur avait prise la piraterie barbaresque en Méditerranée et le péril qu’elle faisait courir aux populations riveraines, au point que la prise de la Régence d’Alger par la France, en 1830, fut approuvée et accueillie avec soulagement par toute l’Europe. Même si une cousine de la future impératrice Joséphine, la Créole Aimée Dubuc de Rivery, qui avait pris place sur un bateau pour la Métropole, vit le navire arraisonné et ses passagers vendus en esclavage, elle-même étant destinée au harem du sultan de Stamboul, on sait moins que cette piraterie fut presque aussi active dans l’Atlantique. À partir des côtes marocaines furent ainsi razziés aux XVIIe et XVIIe siècle non seulement des Britanniques mais aussi des Scandinaves, des Islandais, des colons du Groenland et même des Américains.

Après de longs recoupements, Giles Milton estime à plus d'un million le nombre des esclaves occidentaux dont une infirme minorité put recouvrer la liberté, grâce au versement d’une rançon ou par évasion — cas du Cornouaillais Thomas Pellow, enlevé en 1715 à l’âge de onze ans, enfin libre vingt ans plus tard et dont l’autobiographie publiée en 1740, après son miraculeux retour en Angleterre, sert à l’auteur de fil conducteur.

À l’époque comme aujourd’hui en Afghanistan et surtout en Afrique (qu’on pense à la Somalie, au Mali où croupissent plusieurs Français), la prise d’otages occidentaux était pratiquée à grande échelle pour obtenir d’abord d’extravagantes rançons, surtout quand ces otages étaient de hauts personnages, mais aussi pour obtenir aussi des appuis politiques et des retournements d’alliances. Ainsi le Maroc multiplia-t-il au début du XVIIe siècle les razzias d’Anglais dans le dessein d’obliger le roi Jacques Ier Stuart à attaquer l’Espagne.

Une main-d’œuvre à bon marché

Mais la cause principale était évidemment de se procurer au moindre coût une énorme main-d’œuvre. Celle-ci étant par exemple nécessaire à la réalisation des projets pharaoniques du sultan alaouite Moulay Ismaïl qui régna de 1672 à 1727 et dont l’obsession était de surpasser Louis XIV, qu’il sommait d’ailleurs de se convertir à l’islam… Ce qui n’empêchait d’ailleurs pas ce fervent musulman de se saouler rituellement pour fêter la fin du ramadan ! Pour que son ensemble palatial de Meknès, avec notamment le Dar el-Mansour, « haut de plus de cinquante mètres », fût infiniment plus vaste et plus imposant que Versailles, le monarque avait donc besoin d’une masse d’ouvriers mais aussi d’artisans, de contremaîtres et d’architectes que seuls pouvaient lui procurer les pirates écumant les côtes européennes. Selon l’historien arabe Ahmad al-Zayyani cité par Milton, il y eut simultanément à Meknès jusqu’à 25 000 esclaves européens, soit une population « à peu près égale à celle d’Alger ».

Certes, il y avait un moyen pour les captifs d’adoucir leur servitude : embrasser l’islam, comme l’avait fait le renégat hollandais Jan Janszoon, devenus l’un des plus redoutables et des plus riches chefs pirates sous le nom de Mourad Raïs. Mais la foi étant encore si grande et si profonde à l’époque, bien peu s’y résolurent, préférant l’enfer sur terre à l’Enfer au Ciel.




Car c’est bien la géhenne que ces malheureux subissaient sous la férule d’une sanguinaire Garde noire, qui terrorisait autant qu’elle surveillait. Ces Noirs, « d’une hauteur prodigieuse, d’un regard épouvantable et d’une voix aussi terrible que l’aboiement de Cerbère » selon l’ancien esclave français Germain Moüette, n’hésitaient pas à recourir aux châtiments les plus extrêmes, voire à la peine capitale, à l’encontre des prisonniers rétifs, ou simplement trop malades et donc incapable de fournir le labeur exigé d’eux malgré les rations de vin et d’eau-de-vie procurées par les juifs, courtiers habituels entre les pirates et Moulay Ismaïl.

Non content de procéder aux pires profanations — après la prise de la place-forte espagnole de la Memora en 1688, le souverain alaouite se fit apporter les statues de la Vierge et des saints afin qu’il puisse « cracher sur elles » avant de les faire briser— Moulay Ismaïl prenait grand plaisir au spectacle de la torture. Selon le récit de Harrison, ambassadeur anglais venu négocier le rachat de ses compatriotes et surtout des femmes, le sultan, qui se déplaçait volontiers sur un « char doré, tiré non par des chevaux mais par un attelage d’épouses et d’eunuques », pour la plupart européens, « faisait battre les hommes presque à mort en sa présence, certains sous la plante des pieds et il les forçait ensuite à courir sur des cailloux et des épines. Certains des esclaves avaient été traînés par des chevaux jusqu’à être mis en pièces. D’autres avaient même été démembrés alors qu’ils étaient encore vivants, leurs doigts et orteils coupés aux articulations ; bras et jambes, tête, etc. »

Un traitement sadique que ne subirent jamais les victimes de la traite triangulaire. « Etre esclave en Géorgie, voilà le vœu d’un ouvrier lyonnais », devait d’ailleurs écrire l’humoriste français Alphonse Karr à la veille de la guerre de Sécession. Certes, tous les « captifs en Barbarie », et notamment au Maroc, pays dont on nous dit être de haute civilisation et profondément humaniste, ne furent pas traités de manière aussi inhumaine. Comme dans d’autres camps, plus récents, beaucoup succombèrent non sous les coups ou la question, mais du fait d’épidémies décimant des organismes affaiblis par la faim, le froid des nuits d’hiver et surtout une promiscuité immonde, les esclaves regroupés dans des cellules surpeuplées vivant dans leurs immondices.

À lire aussi

On lira aussi avec profit sur le même thème l'ouvrage de Robert C. Davis, professeur d'histoire, spécialiste de l'histoire sociale de l'Italie, à l'université d'État de l'Ohio.

Dans son ouvrage Esclaves chrétiens, maîtres musulmans : L'esclavage blanc en Méditerranée, Davis se penche également sur la traite des Blancs pratiquée en Méditerranée par ceux que l'on nommait alors les Barbaresques. Cette traite a duré près de trois siècles et a causé plus d'un million de victimes. Qui étaient ces esclaves ? Comment se les procurait-on ? Comment fonctionnaient les marchés d'Alger, de Tunis et de Tripoli, les trois villes formant le noyau dur de la Barbarie ? Quelle forme prenait l'asservissement physique et moral de ces hommes et femmes originaires de toute l'Europe ? Comment l'Église catholique et les États européens tentèrent-ils de les racheter ? Les réponses que l'auteur apporte à ces questions et à bien d'autres battent en brèche l'idée élaborée au XIXe siècle et encore dominante d'un esclavage fondé avant tout sur des critères raciaux. Sur un sujet négligé ou sous-estimé par de nombreux historiens mais volontiers exploité par le roman populaire, cet ouvrage très sérieusement documenté, fruit de dix années de recherches, a reçu lors de sa première édition en France le prix Madeleine Laurain-Portemer de l'Académie des sciences morales et politiques.

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Un pays à très faible fécondité peut-il jamais renouer avec le taux de renouvellement des générations ?

Dans un article récent consacré à l’hiver démographique, le New York Times écrivait que « aucun pays avec un ralentissement sérieux de la croissance démographique n’a réussi à augmenter son taux de fécondité bien au-delà de la légère hausse que l’Allemagne connaît actuellement ».

La fécondité allemande est passée de 1,25 en 1995 à 1,54 en 2019 après avoir élargi l’accès à des services de garde d’enfants abordables et à un congé parental payé. En 2019, 75,6 % des enfants sont nés de mères de nationalité allemande, tandis que 24,4 % des enfants sont nés de mères de nationalité étrangère. La population allemande d’origine immigrée s’élève à 21 millions, soit environ 26 % de la population allemande. Quelque 65 % de toutes les personnes issues de l’immigration venaient d’un autre pays européen. En 2019, le taux de natalité des immigrés était bien supérieur à la moyenne et dépassait 2 enfants par femme.

Au moins un pays a réussi à remonter la pente démographique, la Géorgie dans le Caucase. Cet ancien pays de l’URSS, a augmenté son indice de fécondité de 1,53 enfant/femme en 1994 à 2,31 enfants/femme en 2015. Ensuite, bien qu’en diminution, l’indice de fécondité est resté proche du taux de renouvellement des générations.

Ce pays subit depuis la fin de l’Union soviétique une très forte émigration. Selon le recensement de 2014, la population de la Géorgie atteignait 3 729 635 habitants. Il s’agissait d’une diminution de 14,7 % depuis 2002, alors que la population était de 4 371 535 habitants.

Cette émigration est causée par les conflits, le départ des Russes de la Géorgie, un haut niveau de chômage depuis deux décennies et un pouvoir d’achat en baisse. Un facteur additionnel accentue cette tendance : la généralisation — initiative soutenue par les États-Unis — de la langue anglaise comme première langue étrangère, plutôt que le russe, et l’appétence des jeunes générations diplômées à une formation universitaire à l’étranger et leurs souhaits d’expatriation définitive. 

Malgré ces obstacles, la Géorgie est parvenue à redresser sa fécondité.

En 2013, la Géorgie a considérablement augmenté les aides financières à la maternité. Le congé parental payé a été prolongé de 126 à 183 jours et le congé sans solde de 477 à 730 jours. De même, le gouvernement a augmenté la « prime pour bébé », une somme unique payée à la naissance d’un enfant, d’environ 250 $ à environ 400 $ américains (le PIB par habitant de la Géorgie n’était que d’environ 9 000 $ à l’époque), et il a augmenté la prime pour un quatrième enfant à près de 800 $. Puis, en 2014, les autorités augmentèrent à nouveau cette somme pour offrir aux parents de trois enfants ou plus dans les régions faiblement peuplées un paiement annuel de 850 $.

L’Église orthodoxe géorgienne a également entrepris une campagne afin de relancer la natalité et le Gouvernement a créé un Secrétariat d’État à la diaspora afin de garder le contact avec les émigrés et en particulier encourager les retours.

Pour Lyman Stone de l’Institute for Family studies, le rôle de l’Église orthodoxe est primordial.

En 2007, le patriarche Élie II de l’Église orthodoxe géorgienne a pris une décision : face à un pays avec une population en déclin, de faibles taux de natalité et des taux d’avortement élevés, le chef de l’église a annoncé qu’il baptiserait personnellement et deviendrait le parrain de tout troisième ou ultérieur enfant orthodoxe né d’un couple marié en Géorgie et officiellement enregistré auprès du gouvernement. La Géorgie est orthodoxe à près de 90 %. Le patriarche Élie II jouit d’une grande confiance et est respecté. Enfin les Géorgiens sont les plus susceptibles de tous les pays à majorité orthodoxe de dire que leur religion est une question de foi personnelle. En d’autres termes, la Géorgie est un cas type idéal pour voir si les dirigeants nationaux peuvent utiliser le capital social ou culturel pour effectuer des changements sociaux ciblés. Depuis les premiers baptêmes de masse fin 2007, Élie a baptisé plus de 36 000 bébés (jusqu’en 2018), soit environ 5,8 % du total des naissances en Géorgie au cours de cette période, ou environ 34,5 % des troisièmes et ultérieures naissances, de sorte que le nombre de ces baptêmes est significatif sur le plan démographique. 

Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessus, la Géorgie connut une forte augmentation des naissances en 2008. Les reportages et les politiciens de l’époque attribuaient cette hausse à la campagne nataliste et antiavortement du patriarche.

Mais la campagne du patriarche Élie était-elle vraiment la cause de cette montée en puissance ? Le moyen le plus simple de vérifier cette hypothèse est de voir si cette augmentation concernait principalement les troisièmes naissances et au-delà, c’est-à-dire les bébés susceptibles d’être baptisés par le patriarche.

La figure ci-dessus montre que de 2007 à 2008, les naissances ont augmenté pour chaque rang de naissance. De 2008 à 2009, elles ont de nouveau augmenté pour chaque rang de naissance. Mais à partir de là, les premières naissances ont diminué, les deuxièmes naissances sont restées stables, tandis que les troisièmes naissances ont continué d’augmenter. Il s’agit pour Lyman Stone d’un élément qui suggère que la campagne du patriarche Élie aurait fonctionné : les naissances de troisième rang ont presque doublé entre 2007 et 2010, puis ont continué à augmenter avec le temps. Surtout, il est possible que sa campagne puisse stimuler même la première ou la deuxième naissance si les parents espèrent avoir plus de bébés plus tard pour profiter de l’offre de baptême spécial pour les futurs enfants. Ils peuvent devancer les naissances planifiées, car le patriarche Élie n’est pas un jeune homme (il a 88 ans) et son successeur pourrait ne pas s’engager à suivre le même programme de baptêmes de masse.

Mais le pic des première et deuxième naissances est-il vraiment lié à l’accélération de la fertilité des couples pour obtenir le baptême patriarcal ? Eh bien, c’est difficile à dire avec certitude, mais on peut répartir la fécondité en fonction de l’état matrimonial. L’offre de baptême n’a été officiellement proposée qu’aux couples mariés, on peut donc s’attendre à ce que la fertilité des mariés augmente, tandis que la fertilité des mères célibataires ne devrait pas être affectée. 


Comme l’indique la figure ci-dessus, la totalité de l’augmentation observée de la fécondité s’est produite dans la fécondité des femmes mariées, tandis que le nombre de naissances pour les femmes non mariées a en fait diminué. Il est vrai que les naissances des femmes mariées avaient commencé à augmenter avant même 2008, la première année où la politique d’Élie devrait vraiment avoir eu un effet significatif, ce qui suggère qu’il y a peut-être eu une tendance sous-jacente à la hausse. Mais la divergence est si grande et persistante que, combinée aux données sur le rang de naissance présentées ci-dessus, il semble extrêmement probable aux yeux de Lyman Stone qu’une grande partie de ce sursaut soit due à l’offre de baptême du patriarche Élie.

Il est souvent difficile en démographie d’établir l’impact des facteurs culturels ou sociaux sur la démographie. Mais le cas de la Géorgie serait assez clair pour Lyman Stone et montrerait que la présence de capital social — c’est-à-dire un acteur non étatique qui peut influencer le comportement d’autrui sans coercition — peut être un atout énorme pour une société, lui permettant de faire des changements démographiquement significatifs avec un prix relativement bas, car les politiques natalistes relativement efficaces sont coûteuses. C’est ainsi qu’en Hongrie les sommes allouées à la politique familiale représentaient près de 4 % du PIB.

Voir aussi
  
 
 
 

Russie — aides aux familles, baisses des avortements, naissances en hausse en mars 2021

Démographie de la Russie pour le premier trimestre 2021

Le premier trimestre 2021 a vu 336 691 naissances contre 338 268 naissances pendant le premier trimestre 2020, soit une diminution de 0,4 % et 1 307 naissances. Statistiquement, on peut dire que la natalité n’a pas diminué pendant le premier trimestre de 2021 par rapport au premier trimestre de 2020. 

Les mariages sont eux en hausse de 3 % et les divorces en hausse de 0,7 %.

Quant à mars 2021, il a vu 128 217 naissances contre 111 021 naissances en mars 2020 soit une hausse de 15,5 % pour 17 196 naissances supplémentaires.

La mortalité infantile au plus bas en Russie

En Russie, la mortalité infantile a atteint un niveau historiquement bas en 2020, s’élevant à 4,5 ‰ selon le ministre russe de la Santé Mikhaïl Mourachko le 16 mars 2021 lors d’une réunion élargie du Comité de la Douma d’État sur la protection de la santé.

Ce taux de mortalité infantile est le plus bas de toute l’histoire non seulement de la Fédération de Russie, mais aussi de l’URSS.

En 2019 la mortalité infantile en Russie était de 5,3 ‰. Ce taux de 4,5 ‰ est celui de la France de 2019 ce qui veut dire qu’un enfant qui nait en Russie en 2020 n’a pas plus de chances de mourir qu’un enfant qui naît en France en 2019.

À noter qu’en 2019 la mortalité infantile était de 5,8 ‰ en Slovaquie, 6,5 ‰ aux États-Unis ou encore 8,4 ‰ en Ukraine.

Avortement en forte baisse depuis

La Russie a construit des centres de soutien médical et social pour les femmes enceintes en situation de vie difficile. À titre d’exemple en 2020, malgré la pandémie, plus de 230 000 femmes ont été consultées dans ces centres et près de 50 000, soit 22 %, ont finalement décidé de ne pas avorter. La politique russe est de venir en aides aux femmes enceinte, de décourager ainsi les avortements sans les interdire.

Selon Tatiana Golikova la vice-première ministre, le nombre d’avortements aurait diminué de 39 % entre 2015 et 2020 ce qui voudrait dire que 2020 devrait voir autour de 510 000 avortements.

Il faut cependant pondérer ce chiffre par la baisse du nombre de femmes en âge de procréer et donc d’avorter.

Nouvelles aides sociales en Russie

À la suite des propositions du président russe Vladimir Poutine, exprimées dans son message à l’Assemblée fédérale d’avril dernier, voici la liste des mesures principales annoncées pour soutenir les familles avec enfants et les femmes enceintes :

  • à partir du 1er septembre, les arrêts maladie pour s’occuper d’un enfant de moins de 8 ans sont remboursés à hauteur de 100 % du salaire moyen ;
  • à partir du 1er juillet, les foyers monoparentaux avec des enfants de 8 à 17 ans se verront attribuer des paiements mensuels de 50 % équivalant à la moitié du minimum de subsistance de l’enfant dans la région (en moyenne en Russie, il est de 5,6 mille roubles) ;
  • à partir du 1er juillet, les femmes enregistrées avec une grossesse jusqu’à 12 semaines se verront attribuer une allocation de 50 % du niveau de subsistance ; à partir du 1er août et avant le 31 août, un paiement unique de 10 000 roubles pour chaque élève qui va à l’école, de 8 à 16 ans ;
  • Une allocation mensuelle pour les femmes enceintes qui se trouvent dans une situation de vie difficile soit au sein d’une famille avec un revenu familial moyen par habitant inférieur au niveau de subsistance ;
  • Le montant de l’allocation sera égal à la moitié du niveau de subsistance dans la région de résidence d’une femme enceinte qui est en moyenne en Fédération de Russie de 6 350 roubles et sera payé jusqu’au jour de la naissance.

Source : Journal d’un Frussien