mardi 7 novembre 2017

QS et le PQ s'uniraient contre la « ségrégation scolaire »

Appuyé par le Parti québécois et Québec solidaire, le « Mouvement l’école ensemble » souhaite mettre un terme à ce qu’il appelle la « ségrégation scolaire » qui limite, selon lui, les perspectives d’avenir des enfants moins doués à l’école ou issus de familles moins nanties. Le mouvement prône la mixité sociale entre les murs des écoles publiques québécoises.

Selon un rapport du Conseil supérieur de l’enseignement au Québec, 41 % des élèves du secondaire fréquentent l’école privée (21 %) ou un programme particulier (20 %) qui sélectionne les élèves les plus performants du secteur public.

Le porte-parole du Mouvement l’école ensemble souhaite profiter de la prochaine campagne électorale, qui aura lieu dans quelque 18 mois, pour forcer les candidats à la députation à s’engager  sur ce dossier.

Le collectif de parents, dont les médias comme Radio-Canada relaient les demandes avec bienveillance,  estime que le système scolaire québécois serait le plus inéquitable de tous au Canada et propose trois mesures afin de « remettre l’école publique sur les rails » :
  • L’abolition immédiate du financement gouvernemental de l’école privée ;
  • La fin de la sélection des élèves qui fréquentent l’école publique ;
  • La consolidation de l’aide aux élèves en difficultés en ajoutant une offre d’enseignement enrichi pour les élèves les plus performants.

L'intérêt des parents et des élèves au centre des préoccupations ?

La priorité de ce mouvement de parents ne semble à nos yeux pas être d’améliorer l’instruction des élèves, de limiter les coûts de l’enseignement pour une qualité améliorée, mais de sauver « l’école publique » en privant les parents de choix et de s'assurer que plus d'écoles soient gérées par le gouvernement.

Ni ce mouvement L'École ensemble, ni aucun parti politique d’ailleurs, ne semble vouloir promouvoir le chèque-éducation qui permettrait aux enfants doués issus de familles pauvres de fréquenter l’école de leur choix, y compris privée. Pour ce carnet, cela semble la meilleure manière d’assurer l’accès à une éducation exigeante aux enfants méritants dont les parents n’ont pas les moyens financiers de les inscrire dans une école de leur choix.

Aucun parti ne semble non plus se demander pourquoi l’État provincial devrait gérer des écoles plutôt que de simplement garantir l’égalité des moyens — afin permettre à tous de choisir une école correspondant à leurs besoins et leurs mérites scolaires — ainsi que de s’assurer de la qualité des écoles par des inspections et la mise en place d’examens.

Dans l’ensemble du réseau privé, le taux global d’élèves handicapés ou élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) a presque doublé en 5 ans pour atteindre 13 % l’an dernier, comparativement à 22 % dans le réseau public. Le secteur privé fait donc sa part. D’ailleurs, près du quart des élèves considérés comme EHDAA dans le secteur privé fréquentent un établissement d’enseignement privé spécialisé en adaptation scolaire. Car école privée ne signifie pas nécessairement école réservée aux élèves brillants, mais choix de l’école. Bien que, rappelons-le, ce choix soit limité au Québec car le programme scolaire est imposé à toutes les écoles et que celles-ci ne peuvent recruter librement leurs enseignants, même dans les écoles dites privées, même celles non subventionnées (il en existe). Les écoles hors contrat en France, notamment, sont nettement plus libres sur ces deux questions.

Un préjugé est sous-jacent à l’argumentation du « Mouvement l’école ensemble » : de mauvais élèves, turbulents ou peu studieux, s’en tireraient mieux dans des classes ou des écoles ne subissant aucune ségrégation scolaire. Tellement mieux que cela primerait sur le retard que les meilleurs élèves pourraient souffrir de cette mixité obligatoire.  Mais est-ce si sûr ? Ne vaut-il pas mieux des écoles ou des classes adaptées à ces élèves ? (Voir ci-dessous, un billet sur les effets très limités de l’écrémage vers l’école privée.)

Enfin, qu’y a-t-il de foncièrement mal à départager les enfants ? Quel parent ne désire pas éviter à ses enfants une mauvaise influence, la fréquentation de camarades peu studieux, turbulents, voire violents ? 


Les réserves du PQ, l’ouverture de QS

Bien qu’il appuie la recherche de la mixité sociale au sein de l’école québécoise, le PQ diverge toutefois d’opinion sur les moyens d’y parvenir. Le porte-parole du PQ en matière d’Éducation, Alexandre Cloutier, a rappelé que son parti veut revoir le financement du système scolaire — tant privé que public — sans pour autant cesser le financement public de l’école privée.

« Il y a des écoles publiques plus coûteuses que l’école privée. Il y a des projets spécifiques qui sont encore moins accessibles dans les écoles publiques que dans les écoles privées. »

« Nous sommes d’avis qu’il faut revoir l’ensemble de l’œuvre, l’ensemble du financement, qu’il doit y avoir un débat de société sur le vivre ensemble et la ségrégation scolaire, souligne M. Cloutier. On pense qu’il y a plusieurs approches possibles et on partage la volonté de s’attaquer à ce vrai problème. »

De son côté, le porte-parole de QS en matière d’Éducation, Gabriel Nadeau-Dubois convient que les solutions avancées par le collectif sont contenues dans le programme de son parti, mais il se dit ouvert à la discussion notamment sur le financement public de l’école privée.

Tout en convenant que « ségrégation » était un « mot fort » qui pouvait choquer certaines personnes, le député Nadeau-Dubois estime qu’il est nécessaire d’y avoir recours pour « sonner l’alarme et pour souligner une situation qui ne peut plus durer ».

Rappelons que l’écrémage et la ségrégation existent déjà au sein même du réseau public par simple répartition spatiale des différentes classes socio-économiques. Le bassin d’élèves des écoles publiques de quartiers aisés est donc très différent de celui de quartiers pauvres. Que préconise le « Mouvement l’école ensemble » pour éviter cela ? Le busing, la mixité scolaire obligatoire au-delà des bassins géographiques scolaires traditionnels ?

Quant au manque de financement dont serait affecté l’école publique selon d’aucuns, rappelons que chaque enfant inscrit à l’école privée, permet à l’école publique de disposer de 4500 $ de plus par élève inscrit au privé (puisque cet enfant coûterait plus cher au Trésor public s’il était inscrit à l’école publique, voir lien ci-dessous) et que les dépenses du Monopole de l’Éducation québécois augmentent bien plus vite que l’inflation ou le nombre d’élèves.
Voir aussi

« Ségrégation scolaire » : harcèlement scolaire des bons élèves

Effet d’écrémage lié à la liberté scolaire : faible ou déjà présent

L’IRIS et la ségrégation scolaire...

Québec — Moins d’élèves, mais dépenses en forte hausse

Très forte augmentation des élèves allophones à Montréal (coûts supplémentaires en francisation et remédiation)

L’éducation aux États-Unis (le choix pour améliorer les résultats et baisser les dépenses)

Coûts des CPE [garderies] : multipliés par 11 pour atteindre à 2,4 milliards $, efficacité en question

Nombre d’élèves en difficulté a près de doubler en 10 ans, coût : 2,3 milliards par an

L’école privée ferait épargner 4452 $ par élève au Trésor public québécois

Échelle des traitements des instituteurs du Québec (2015)

L’école privée profite à tous les élèves québécois

Éducation : les variables non significatives (notamment les dépenses par élève) et la variable pertinente (la qualité)

Syndicats satisfaits : taux du nombre d’élèves par enseignant en baisse constante au moins jusqu’en 2015 (des classes de plus en plus petites, des résultats qui diminuent dans les épreuves internationales)

« Les écoles privées, c’est pour les riches »

Dépenser plus en éducation, est-ce la solution ?

1 commentaire:

Walter E a dit…

La vraie question pour moi c'est pourquoi cette augmentation folle des élè ves en difficultés ?

Surdiagnostic (par ici les subventions) ? Conséquence du délitement de la société, des « familles » monoparentales, des familles décomposées, du laxisme de l'école, de la taille de l'école ?