mardi 7 novembre 2017

Comment le sens des mots viendrait aux nourrissons

Chez les nourrissons, le sommeil joue un rôle crucial dans la formation du langage révèle une étude menée à l’Institut Max Planck des sciences du cerveau et de la cognition à Leipzig en Allemagne.

« L’objectif de cette étude intéressante était de déterminer comment le sommeil permet à un mot associé à une image de devenir un élément plus général du langage chez le nourrisson », note Philippe Peigneux (ci-contre), neuropsychologue à l’université libre de Bruxelles (ULB). Comment, par exemple, le mot chien en vient à désigner une catégorie bien précise d’animaux et pas seulement l’image d’un dalmatien ou d’un teckel. Pour vérifier ce nouvel apprentissage, les bébés ne parlant pas, l’équipe s’est servie d’un signal particulier qui apparaît sur l’électroencéphalogramme (EEG) lorsqu’un mot appris concorde avec l’image présentée et marque l’apprentissage de cette relation. Le mot chien prononcé devant l’image d’un canari ne donnera pas le même signal que devant celle d’un dalmatien.

À 3 mois, le bébé ne paraît pas encore capable d’associer un mot à une même catégorie d’objets qui lui sont présentés, son système nerveux ne faisant que le lien du mot à l’image donnée. Chez une centaine de bébés âgés de 6 mois, les chercheurs dirigés par Manuela Friedrich ont découvert une capacité temporaire à associer un mot à une catégorie si les enfants pouvaient faire une sieste juste après leur apprentissage. Et plus surprenant encore, quand la sieste dépassait 45 minutes, cette association était liée à la présence sur leur EEG de fuseaux de sommeil, connus pour être impliqués dans la consolidation en mémoire.

La phase du sommeil

Depuis 2010, on sait que la mémorisation des nouveaux mots chez l’adulte s’effectue au cours du sommeil à onde lente et qu’elle se caractérise par l’apparition de trains d’ondes plus rapides, les fuseaux, décelés par EEG dans la zone du cortex frontal associée au sens du mot. L’apparition du même type de fuseaux chez les bébés de l’expérience dont la sieste était prolongée suggère qu’ils mémorisent déjà des éléments généraux déduits au cours de leur apprentissage. « Des mois avant de pouvoir parler, dans des conditions expérimentales bien précises, les bébés de 6 mois apparaissent donc capables de créer des catégories sémantiques, souligne Philippe Peigneux. Cette préparation peut expliquer pourquoi vers l’âge de 18 mois, la capacité à utiliser les mots explose chez l’enfant : celui-ci a enfin acquis un répertoire de mots généraux qui va lui permettre d’organiser progressivement sa pensée et son vocabulaire. »

Savoir que les bébés comprennent beaucoup de choses avant de maîtriser la parole ne surprendra aucun parent, mais c’est en grande partie durant leur sommeil que les bases du langage et de cette compréhension se construisent. Une fois le langage parlé maîtrisé, le sommeil apparaît moins indispensable à l’apprentissage du vocabulaire général et des idées, même s’il reste nécessaire à leur mémorisation à long terme. Cela peut expliquer pourquoi au réveil des idées nouvelles ou plus claires peuvent nous venir à l’esprit, et le fait qu’il est peut-être préférable, pour consolider tout apprentissage, d’éviter de passer du temps devant des écrans juste avant d’aller se coucher.

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