Le problème de définir le conservatisme comme une reconnaissance du réel, c'est que c'est le condamner à n'être qu'1 frein à main du progressisme, entre 2 reprises du pouvoir du camp progressiste, qui poussent à chaque fois le curseur + loin. Où est la vision positive là-dedans ? https://t.co/npTzxlW76l
— Laurent Dandrieu (@Dandryeu) February 27, 2025
«Vous faites la guerre en chambre, moi je la fais sur le champ de bataille. C’est moi qui suis protégé par la police car menacé par les islamistes, c’est moi qui suis menacé par les antifas», rétorque @ZemmourEric à Laetitia Strauch-Bonart dans «Esprits Libres». pic.twitter.com/SaGNIVx2Yp
— Le Figaro TV (@LeFigaroTV) February 27, 2025
Quand Mme Strauch-Bonart dit « qu’il faut prendre la France telle qu’elle est », je m’y refuse.
— Eric Zemmour (@ZemmourEric) February 28, 2025
Je refuse d’accepter une France islamisée et ruinée, et je me bats pour l’avenir de nos enfants. pic.twitter.com/LrR63OPuUR
Dans son nouveau livre, « La Gratitude » (L’Observatoire), l’essayiste libéral-conservatrice fait le récit de sa trajectoire politique et donne sa définition de la droite.
Elle dresse au passage un portrait critique d’Éric Zemmour, qu’elle classe dans la famille des « réactionnaires ». Devant les lecteurs du Figaro et du Figaro Magazine, le président de Reconquête a accepté de lui répondre.
Qu’est-ce qui distingue aujourd’hui la gauche de la droite ? Comment cette distinction a-t-elle évolué avec le temps ?
Laetitia STRAUCH-BONART – Ce qui les distingue, c’est le mot que j’ai choisi comme titre de mon livre : la gratitude. Bien sûr, c’est une simplification. Je ne prétends pas que tous les gens de gauche sont ingrats, ni que tous les gens de droite sont pleins de gratitude. Mais le terme de gratitude résume assez bien ce que nous sommes, à droite, quelle que soit la droite à laquelle nous appartenons. La gratitude, c’est d’abord l’idée qu’on a des devoirs avant d’avoir des droits, c’est la valorisation de l’effort avant la gratification immédiate, c’est l’idée aussi qu’on doit le confort de notre présent au passé, à ceux qui nous ont précédés, aux institutions qui nous entourent. Chacun d’entre nous naît dans un monde qui existe avant lui, et qui, en Occident, est un monde relativement ordonné, prospère, libre, raffiné. Au lieu de voir d’abord tout ce qui ne va pas dans ce monde, on devrait d’abord avoir de la gratitude envers tout ce qui va bien. Et il me semble qu’au contraire, la gauche, malheureusement, ordonne son programme politique autour du ressentiment, qui peut exister dans le coeur de chacun, et en fait un ressentiment collectif. Cela se traduit très concrètement par un certain nombre de politiques publiques, au premier plan la politique économique. Je n’ai pas l’impression que la gauche cherche à réduire la pauvreté : j’ai surtout l’impression qu’elle cherche à nuire aux riches et à promouvoir une politique fiscale confiscatoire, quel que soit son impact réel sur la pauvreté. Ce n’est qu’un exemple. L’opposé de la gratitude, c’est le ressentiment, le fait de ruminer tous les torts qu’on nous a faits et, au lieu d’oublier ou d’aller de l’avant – comme la droite le propose –, de s’enfermer dans la réclamation et la lamentation. Je ne prétends pas que toute la gauche soit ainsi, ni qu’elle l’ait toujours été ; je pense qu’il y a eu des périodes où la gauche était beaucoup plus courageuse et où elle voulait sincèrement aider les plus pauvres à sortir de leur condition. Mais aujourd’hui, je ne vois à gauche, sur les questions politiques, culturelles, économiques, que de l’amertume et très peu d’espoir.
Éric ZEMMOUR – Je n’aurais peut-être pas choisi ce mot. En revanche, je suis tout à fait d’accord avec ce que vous lui associez, quand vous dites par exemple que la droite, c’est sans doute le fait de reconnaître qu’on doit beaucoup à ceux qui nous ont précédés, quand la gauche au contraire les ignore, voire les dédaigne, voire les insulte – c’est une notation très juste.
En fait dans votre livre, il y a deux livres : il y a un livre sur l’histoire de la droite, très sérieux. Et puis, il y a le pamphlet contre moi, ou plutôt le pamphlet contre Éric Zemmour, parce que, en vérité, je ne m’y reconnais pas beaucoup. Il y a Dr Strauch et Mrs Bonart : il y a deux auteurs différents de ce livre. En somme, vous êtes une burkienne, comme Roger Scruton était un émule de Burke, et comme vous êtes une émule de Scruton. J’aime beaucoup le mot de Burke que vous citez : « Il faut chérir nos préjugés ». Je n’ai pas dit autre chose pendant toute ma campagne présidentielle, et on s’est moqué de moi, en m’accusant de passéisme, etc. Or, j’ai dit exactement ce que vous venez d’énoncer : nous devons avoir de la gratitude par rapport au passé et nous devons chérir nos préjugés, car ce sont eux qui garantissent notre liberté, notre culture, etc.
Dans le pamphlet que vous écrivez contre moi, vous êtes une autre personne. Vous êtes beaucoup plus passionnée, et le style, plus alerte, s’en ressent. En même temps, vous êtes beaucoup plus injuste, pour deux raisons. D’abord, vous faites la guerre en chambre, quand je la fais sur le champ de bataille. De même que, lorsque je regarde un match de football de l’équipe de France, je lui adresse mille critiques, mais je ne suis pas sur le terrain ; de même, vous me critiquez, mais je suis sur le terrain, et c’est moi qui me bats, qui me fais insulter, qui suis protégé par la police, qui suis menacé par les islamistes et les antifas qui passent à tabac les gens qui viennent à la signature de mes livres… Vous devriez plutôt me défendre, vous devriez témoigner en ma faveur ! Je suis convoqué par les juges toutes les semaines, on m’intente des procès pour chacun de mes propos. Où êtes-vous pour me défendre au nom de la liberté d’expression ? Je suis dans le feu de l’action, je suis sur le terrain, alors que vous n’êtes qu’en chambre à donner des bons et des mauvais points. C’est très facile. Ensuite, vous dites que je ne respecte pas les libertés. Apprenez que c’est moi qui les défends. En vérité, je considère, mais peut-être allez-vous me trouver prétentieux, que je me bats pour vous. Je me bats pour que vous puissiez continuer à me critiquer, à m’insulter, parce que quand nous serons l’un et l’autre détruits par l’alliance entre le wokisme et le grand remplacement, nous ne pourrons plus nous battre, nous ne pourrons plus nous opposer. Vous dites que je ne respecte pas les libertés, je me bats pour elles. Vous dites que je ne respecte pas la vérité historique, je la défends alors qu’elle m’est interdite. Une libérale comme vous ne peut me faire ces reproches.
L. S.-B. – Concernant vos reproches, vous avez, comme on dit en anglais, « a skin in the game » : vos propos ont eu des effets très concrets sur votre vie personnelle. J’en suis désolée. Je ne prétends pas jouer dans la même cour que vous. simplement ce qui m’intéresse, c’est le débat intellectuel : s’il fallait être aussi en danger que vous pour pouvoir vous critiquer, bien peu le pourraient. Où voulez-vous que je mène la guerre ailleurs qu’en chambre ? Le mot de guerre est d’ailleurs un peu trop fort. Je vous réponds sur le thème de la guerre en chambre, parce que je ne veux pas donner l’impression de distribuer les bons et les mauvais points : je suis moi aussi imparfaite et peut-être y a-t-il des mauvais points à m’attribuer sur la forme. sur le fond, ma critique principale à votre égard, c’est que vous faites partie de la famille des réactionnaires. Quand je prononce ce mot, je ne cherche pas à vous disqualifier, comme on le fait aujourd’hui, par exemple en estimant que tous les gens que l’on considère trop à droite sont d’« extrême droite ». Ce genre de débat ne m’intéresse pas ; ce qui m’intéresse, c’est le contenu. Je considère que les réactionnaires, dans la lignée de Joseph de Maistre, Louis de Bonald ou encore Charles Maurras, sont des penseurs et des politiques qui n’ont pas accepté le monde tel qu’il était à leur époque, tel qu’il était en train de changer. La nouvelle donne de l’époque, c’était la naissance de l’individu, la sécularisation du pouvoir, des droits individuels, et les réactionnaires n’ont pas compris que le monde avait changé ; ils ont très longuement lutté, parce qu’ils pensaient que l’ancien monde, c’est-à-dire la monarchie absolue, pouvait et devait revenir. En cela, leur position était d’ailleurs assez esthétisante, ils étaient assez incapables de dire concrètement ce qu’ils voulaient faire et comment ils voulaient le faire. Alors, pourquoi est-ce que je vous rattache à cette pensée ? il y a une différence de degré évidente, vous n’êtes pas un réactionnaire à la Charles Maurras. seulement, il me semble que vous refusez d’accepter la France telle qu’elle est aujourd’hui, avec des choses qui peuvent déplaire : une France beaucoup plus diverse, par exemple, sur le plan ethnique, une France plus féminisée, une France qui ne ressemble pas à celle que vous avez l’air de chérir, celle de votre enfance. Or, ce n’est pas la position que la droite devrait adopter. La droite est le parti du réel, la droite doit prendre la France telle qu’elle est, sans insister sur tout ce qui ne va pas : la droite doit d’abord parler de ce qui va bien, et ensuite proposer des remèdes contre ce qui ne va pas. Cela rejoint une autre critique que je vous adresse : je considère que vous avez beaucoup de ressentiment – je parle de la personne publique, de l’intellectuel. si vous partagez avec la droite son pessimisme existentiel, que je partage également, vous faites l’erreur de ne pas contrebalancer celui-ci par l’espoir – ce que j’attendrais de quelqu’un de droite. Vous avez finalement une pensée assez désespérée. Or, j’insiste, on ne peut pas se contenter de la déploration de ce qui ne va pas.
E. Z. – Chaque fois que j’entends l’opposition entre réactionnaire et conservateur, je pense à la boutade de Chesterton, qui disait : « La grande affaire des progressistes est de faire des erreurs, et la grande affaire des conservateurs est d’empêcher les erreurs d’être corrigées. » C’est exactement ce que vous venez de dire. Que voulez-vous conserver, chère Madame ? En quarante ans, tout a été détruit. Vous parlez dans votre livre, par exemple, de l’école, du fait qu’il faudrait y réintroduire le latin, le mérite, la sélection : c’est exactement ce que j’ai dit pendant ma campagne présidentielle. La gauche vous qualifiera donc de fieffée réactionnaire. Vous allez plus loin. Vous parlez des femmes, de votre sensibilité, de votre combat entre attachement et émancipation – le combat de toutes les femmes modernes, que je comprends très bien –, mais vous écrivez que le mariage est une protection dont les femmes ont besoin. Ne me le dites pas à moi, mais aux féministes qui vont non seulement vous traiter de réactionnaire, mais quasiment de nazie. On est toujours le réactionnaire de quelqu’un. Quand il y a une telle ruine, je parlais de l’école, il ne faut pas conserver, il faut restaurer. Et donc forcément, vous passez pour un réactionnaire. Oui, je préfère l’école des années 1960 à l’école des années 2020. si vous voulez en faire la preuve, de mon côté réactionnaire, j’achète, je prends. si on redonnait l’école des années 1960 aux écoliers d’aujourd’hui, ils seraient beaucoup plus heureux que dans l’école d’aujourd’hui.
Laetitia Strauch-Bonart, vous défendez les libertés fondamentales, mais n’y a-t-il pas des moments où on doit revenir en arrière, notamment sur l’État de droit ?
L. S.-B. – pour moi, ce n’est pas revenir en arrière, c’est revenir à l’esprit du droit. Quand Montesquieu, par exemple, écrit que le pouvoir doit arrêter le pouvoir, il ne parle pas seulement du fait que les juges jouent un rôle de contre-pouvoir vis-à-vis du pouvoir législatif ou exécutif. il parle aussi du fait que l’exécutif et le législatif jouent un rôle de contrepouvoir vis-à-vis des juges. Aujourd’hui, le problème est là : il y a un manque d’équilibre des pouvoirs.
E. Z. – Vous acceptez donc l’idée que les juges aujourd’hui ont un pouvoir excessif et qu’il faut redonner du pouvoir à l’exécutif et au législatif contre ce que j’appelle le gouvernement des juges.
L. S.-B. – Oui, mais je n’emploie pas le terme de « gouvernement des juges » parce que je ne crois pas qu’il y ait une intention, dont l’extension de leurs pouvoirs procède. simplement, quand on donne plus de pouvoir à un organisme, il s’en sert. Je vous parais naïve, mais quand on ne voit pas systématiquement des intentions dans ce que l’on critique, on met bien plus de personnes de son côté. Or, il me semble que votre rhétorique vigoureuse vous empêche de toucher des gens qui pourraient penser comme vous, mais qui sont rebutés par ce que j’appelle une forme de maximalisme. Vous avez tendance à vouloir prendre le contrepied systématique des idées qui ne vous plaisent pas.
E. Z. – Oui, je tords le bâton dans l’autre sens.
L. S.-B. – Mais cela vous dessert, si je puis me permettre, parce que beaucoup de gens vous reprochent d’abord la formulation avant de vous reprocher le contenu de vos idées.
E. Z. – Nous allons tellement loin dans un sens que, pour combattre ces idées, il faut commencer par tordre le bâton dans l’autre sens. Et après, une fois que nous aurons tordu le bâton dans l’autre sens, si on y arrive, nous pourrons raffiner, nuancer. Mais il faut d’abord combattre. il y a une course de vitesse entre la politique et le combat des idées d’un côté et, de l’autre côté, des choses qui vont beaucoup plus vite que nous : la destruction de l’école, la destruction de l’économie, la désindustrialisation, la démographie, le grand remplacement, tout ça va beaucoup plus vite. Donc il faut absolument se battre, et se battre vigoureusement. On n’a pas le temps de faire des entrechats. Mon combat vise à sauver la civilisation que vous défendez. Vous pouvez penser que je le mène mal, mais je le mène avec tout mon coeur et toute mon énergie.
L. S.-B. – Je n’en doute pas. Je souhaite simplement vous prodiguer un conseil. Le problème, par exemple, de la notion de « grand remplacement », ce n’est pas tant la base factuelle, qui dépend de la façon dont on considère les choses, c’est le terme même. Vous voyez bien que c’est un terme complètement désespérant, parce que vous dites qu’il ne sert à rien de se battre, que c’est terminé, que la France est morte. À vous entendre, ça fait vingt ans que la France est morte. Mais elle n’est pas morte puisque nous sommes encore là. Le grand remplacement est un signal de désespoir.
E. Z. – C’est tout le contraire.
L. S.-B. – beaucoup de gens l’entendent comme moi. On est ici en désaccord sur la forme, qui est in fine indissociable du fond. Laetitia Strauch-Bonart, alors que les droites qui triomphent dans la plupart des pays occidentaux sont plutôt des droites radicales, n’est-ce pas vous qui êtes réactionnaire finalement ?
Est-ce que l’époque n’est pas à une certaine forme de radicalité ?
L. S.-B. – C’est une question que je me pose souvent. J’ai l’impression d’être en effet un peu hors du temps.
E. Z. – Votre ami Guizot était déjà hors du temps lui-même à son époque, parce que déjà il croyait qu’on allait faire la révolution anglaise de 1688. Vous devriez faire un cercle.
L. S.-B. – On appelle cela les libéraux ! Je précise tout de même que la France doit beaucoup à Guizot, notamment l’école publique. Aujourd’hui, on vit un moment de radicalité, je pense que les États-Unis, notamment, ont besoin de cette radicalité. Mais cela ne correspond tout simplement pas à mon caractère.
E. Z. – Et la France plus encore.
L. S.-B. – C’est possible. peut-être que j’appartiens à une espèce en voie de disparition, mais ma conviction, c’est que les gens comme moi pourront être utiles dans vingt ans. Une fois qu’on sera passés par la radicalité, on aura besoin d’un peu de nuance.
E. Z. – si on gagne. Alors, je serais ravi d’entendre vos nuances. par ailleurs, vous n’appartenez pas à un temps révolu. simplement, il y a dans la vie intellectuelle et dans la vie politique des moments différents qui impliquent des caractères différents, qui ne sont pas les mêmes en temps de paix qu’en temps de guerre. pourquoi l’époque est-elle à la radicalité ? parce que, quand les peuples comprennent qu’ils vont mourir, ils ont un sentiment de panique qui les pousse à empêcher leur mort d’advenir.
L. S.-B. – Vous avez vu, lors de cette campagne présidentielle, que vos idées n’avaient pas trouvé l’écho que vous espériez, du moins dans les urnes. N’est-ce pas le signe qu’il y a quelque chose à changer, soit dans le contenu de ce que vous proposez, soit dans la forme ?
E. Z. – Les urnes ne mentent pas ; le peuple a tranché. Cependant, je ne suis pas d’accord avec l’analyse qu’on fait du score que j’ai obtenu. Je ne pense pas que ce sont mes idées ni même la façon dont je les ai défendues qui sont en cause. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas fait d’erreur. Ce qui m’a coûté cher, c’est qu’à partir de la guerre en Ukraine, la campagne a été bouleversée. Je ne pouvais plus parler de grand remplacement à partir du moment où on a effrayé les citoyens avec une guerre nucléaire et l’arrivée des chars russes à paris. Là, les vieux partis, les vieilles ficelles ont repris le dessus. Mais je maintiens que nous sommes dans une situation urgente, parce que la démographie va vite, que l’effondrement scolaire va encore plus vite et qu’il faudrait donc redresser tout ça encore plus vite. La seule chose que j’essaye de vous faire comprendre, c’est qu’on ne peut pas combattre la gauche à fleurets mouchetés. Alors peut-être ai-je des torts, peut-être suis-je parfois maladroit ou excessif ; c’est mon tempérament, qui n’est que celui d’un barbare romanisé. Quitte à passer pour radoteur, je vous redirai que je me bats pour les gens comme vous, parce que nous sommes d’accord sur tous les thèmes qui vous tiennent à cœur. toutefois, je suis en première ligne et j’espère qu’un jour vous éprouverez de la gratitude envers moi. ■
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