Au Mali, une forme insidieuse de sécheresse frappe l’enseignement catholique qui risque d’être privé d’une manne indispensable à sa survie : la junte militaire au pouvoir a en effet confirmé son intention de geler toutes les subventions publiques accordées aux établissements catholiques dans le pays.
L’école catholique a su peu à peu se rendre indispensable dans le système éducatif malien. Les premiers établissements scolaires gérés par l’Église catholique ont été fondés entre 1889 et 1904 sur le sol de ce que l’on nommait alors le Soudan français, avec des institutions pionnières telles l’école de Kita, fondée le 15 mai 1889, et celles de Tombouctou et Ségou, créées respectivement en 1895 et 1896.
Ces établissements ont contribué à la formation intellectuelle, morale et spirituelle de nombreux jeunes Maliens, et cela indépendamment de leur appartenance religieuse. Étant donnée cette place prépondérante, une convention est signée en 1972 entre l’État malien et l’Église catholique : elle prévoit que l’État prenne en charge 80 % du salaire des enseignants des écoles catholiques.
Coup de tonnerre en 2024 : la junte militaire au gouvernement, qui ne cache pas ses sentiments anti-français, a annoncé son intention de suspendre cette subvention, invoquant des motifs allant de la crise économique au respect de la laïcité : « Compte tenu des restrictions budgétaires, il est difficile de subventionner certaines écoles au détriment d’autres », déclarait, il y a quelques mois, l’ancien premier ministre Choguel Kokalla Maïga.
Face à cette situation, les évêques du Mali avaient envisagé un temps de suspendre les activités pédagogiques pour l’année scolaire 2024-2025 dans les 138 écoles que compte le pays. Après une série d’âpres négociations, le gouvernement avait finalement décidé de reporter la suspension des subventions à l’année scolaire 2025-2026, permettant ainsi aux écoles de continuer à fonctionner pour l’année en cours.
Plus les semaines et les mois passent, plus la situation des écoles catholiques devient incertaine : « Nous sommes complètement dans le flou et notre grande question est : “Que se passera-t-il à la fin de l’année scolaire en cours ? Devrons-nous licencier les enseignants ? Quelles options s’offrent à nous afin de poursuivre notre mission éducative dans le pays ?” », s’interroge l’un des acteurs du projet éducatif au Mali, dans un rapport publié par l’organisme Aide à l’Église en Détresse (AED), le 20 janvier 2025.
Mais la fermeture envisagée, faute de financement, d’établissements catholiques estimés par la majorité musulmane pour la qualité de leur enseignement, interroge bien au-delà des seuls catholiques qui représentent à peine 2 % de la population malienne.
Car ces écoles constituent aussi un facteur de stabilité et de paix sociale, dans un pays en proie aux violences de toutes sortes : « Dans nos écoles, dès l’enseignement primaire, les enfants sont sensibilisés à la promotion de la paix et au respect des autres », souligne le rapport de l’AED.
À la tête du Mali depuis 2020, la junte militaire dirigée d’une main de fer par le général Assimi Goïta est confrontée au djihadisme et à une crise profonde : « La région se trouve à un carrefour important, où le fait de ne pas investir dans l’éducation aujourd’hui nuira au développement économique pendant des décennies », insistait pourtant la Banque mondiale dans un rapport de 2024 pointant du doigt le ralentissement économique préoccupant des États de l’Afrique subsaharienne.
Du côté de l’AED, l’urgence est de sensibiliser l’Occident : « la communauté internationale et les organisations de soutien doivent de toute urgence explorer des moyens d’aider les écoles catholiques du Mali afin qu’elles puissent poursuivre leur rôle essentiel dans la société », s’alarme Maria Lozano, responsable média de l’organisation catholique.
Sources : AED/Crux/ACI Africa
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