Un débat notamment relancé par des directives controversées du NHS
En septembre 2025, le Programme d’éducation génomique du NHS a publié des directives soulignant, de manière pour le moins surprenante, les « avantages non médicaux » des mariages entre cousins germains. Parmi ceux-ci figurent des arguments socio-économiques, comme la stabilité financière des familles ou le renforcement des liens communautaires. Étonnant pour un service de santé national qui sortait ainsi de ses prérogatives. Une approche qui, loin de rassurer, a suscité l’indignation. Comme l’a rappelé le député conservateur Richard Holden dans les colonnes du Mail on Sunday, « le rôle du NHS n’est pas de promouvoir des pratiques culturelles, mais de protéger la santé des citoyens ».
Des risques de maladies bien réels
Les risques sont bien réels : les enfants issus de ces unions ont deux fois plus de risques de développer des pathologies graves (drépanocytose, thalassémie, mucoviscidoses, malformations congénitales) que ceux nés de parents sans lien de parenté. Chez ces enfants, 4 à 6 % des naissances sont affectées par ces pathologies, contre 2 à 3 % dans la population générale. Le risque de 2-3 % concerne les maladies récessives graves ou modérément sévères détectables à la naissance ou dans les premières années (ex. : mucoviscidose, drépanocytose, phénylcétonurie). Cela exclut les maladies plus rares ou à apparition tardive (p. ex. : certaines formes de cancer d'origine génétique). Ces maladies peuvent nécessiter des soins intensifs, des hospitalisations fréquentes ou des traitements coûteux (ex. : thérapies géniques émergentes comme Trikafta pour la mucoviscidose). Des chiffres qui semblent relégués au second plan au profit d’une approche relativiste, où la santé des enfants est subordonnée à des considérations identitaires ou électoralistes.
Selon une étude de 2010 de l’Université de Bradford, environ 25-30 % des mariages dans les communautés britanniques d’origine pakistanaise et bangladaise sont entre cousins germains. Les taux sont plus élevés dans certaines villes comme Bradford, Birmingham ou Manchester, où les communautés sud-asiatiques sont concentrées. À Bradford, jusqu’à 50 % des mariages dans ces communautés peuvent être consanguins.
Un gouvernement travailliste en difficulté, pris entre deux feux
Keir Starmer, dont le parti est en chute libre dans les sondages, se trouve face à un dilemme. D’un côté, une partie de l’électorat britannique, toutes origines confondues, soutiendrait une interdiction de ces mariages, comme le suggère le député Richard Holden. De l’autre, des circonscriptions clés, où les communautés sud-asiatiques sont majoritaires, pourraient lui reprocher une mesure perçue comme stigmatisante.
Le Premier ministre paraît préférer temporiser, proposant des mesures d’accompagnement (conseil génétique, dépistage) sans remettre en cause la légalité de ces unions. Une position que ses détracteurs qualifient de « lâcheté », d’autant que des pays comme la France ont depuis longtemps choisi l’interdiction, avec des résultats tangibles en matière de réduction des risques génétiques.
L’héritage occidental : une leçon ignorée ?
Contrairement à une idée reçue, l’interdiction des mariages consanguins n’est pas une invention moderne. Dès le Moyen Âge, l’Église catholique avait instauré des règles strictes pour éviter les risques génétiques, façonnant ainsi une Europe où ces unions sont devenues marginales.
Les cartes présentées ici illustrent l’impact historique de l’influence de l’Église médiévale sur les pratiques matrimoniales et leurs conséquences sociales à travers le monde.
Carte A : Exposition à l’influence de l’Église médiévale.
Contexte historique de l’interdiction des mariages consanguins
Carte B : Intensité de la parenté (indice de consanguinité)
Les graphiques (A, B, C) établissent des liens statistiques entre la fréquence des mariages consanguins et des traits sociaux :
- Graphique A : Une corrélation négative significative (-0,54, p < 0,001) entre le taux de mariages consanguins et l’individualisme, suggérant que les sociétés pratiquant l’endogamie tendent à valoriser la collectivité familiale au détriment de l’autonomie individuelle.
- Graphique B : Une corrélation positive significative (0,71, p < 0,001) entre les mariages consanguins et la conformité-obéissance, indiquant que ces sociétés privilégient l’adhésion aux normes familiales et sociales.
- Graphique C : Une corrélation négative significative (-0,78, p < 0,001) entre les mariages consanguins et la confiance généralisée, montrant que l’endogamie est associée à une moindre cohésion sociale ou confiance envers des cercles extérieurs à la famille.
Plus la fréquence des mariages entre cousins est élevée, plus les sociétés semblent orientées vers des structures collectivistes, avec une moindre attention portée à l’individu et une confiance sociale réduite au-delà des liens familiaux. Cette tendance est particulièrement marquée dans les régions exemptes de l’influence de l’Église médiévale, où l’absence de restrictions sur la consanguinité s'accompagne de pratiques d’endogamie durablement ancrées.
Historique de la Légalité et Comparaison Internationale
- Royaume-Uni : Le mariage entre cousins germains est légal depuis depuis la Réforme protestante du XVIe siècle.
- Droit canon : interdit le mariage entre parents proches (jusqu'au 4e degré de consanguinité en ligne collatérale), ce qui inclut les cousins germains (3e degré), cf. canon 1091, §3. Cependant, une dispense peut être accordée par l'évêque (ou un prêtre délégué) après une étude du cas, notamment pour des raisons pastorales ou culturelles. En pratique, cette dispense est souvent accordée si les futurs époux suivent un conseil génétique et qu'il n'y a pas de risque grave pour la descendance. Jusqu'au Concile de Latran de 1215, il était interdit de se marier avec un parent jusqu'au 7e degré, selon le droit canonique.À partir du Decretum de Gratien (aux alentours de 1140), les canonistes du Moyen Âge ont motivé les prohibitions matrimoniales pour consanguinité jusqu’au septième degré en invoquant le besoin d’étendre les unions conjugales, afin de diminuer les querelles féodales. Cette pratique exogame était interprétée comme une manifestation de la caritas chrétienne, reliant les populations dans le Corps mystique du Christ, en harmonie avec la conception théologique d’une Église catholique universelle.
- Italie : L’interdiction catholique historique a été intégrée dans le droit civil jusqu’au XXe siècle. Aujourd’hui, bien que légal (Code civil italien, article 87), il est rare et souvent découragé pour des raisons génétiques, avec des conseils médicaux requis.
- Belgique :Les mariages en ligne directe sont prohibés depuis le Code Napoléon (1804), conformément à l'article 161 du Code civil. Les unions consanguines collatérales (comme entre cousins germains) sont légales mais rares, avec des informations sanitaires sur les risques génétiques.
- Canada : Légale dans la plupart des provinces (ex. : Common Law et Québec).
- France : Les mariages en ligne directe (ascendants/descendants) et entre alliés dans la même ligne sont prohibés par l’article 161 du Code civil depuis 1804. Les mariages entre cousins germains (ligne collatérale) sont légaux, sans nécessité de dispense, et restent autorisés aujourd’hui. Bien que rares, ces unions ne font l’objet d’aucune restriction légale, mais des conseils génétiques peuvent être proposés pour des raisons de santé publique.
L’endogamie, pratique consistant à se marier au sein d’un même groupe social, ethnique ou culturel, diffère du mariage entre cousins, bien que les deux soient souvent confondus. Le mariage entre cousins, où les partenaires partagent environ 12,5 % de leur ADN, augmente le risque que leurs enfants héritent de maladies génétiques récessives, comme des troubles métaboliques ou des malformations congénitales, si les deux parents portent le même gène défectueux. L’endogamie, cependant, pose un problème plus large : en limitant les unions à un groupe restreint sur plusieurs générations, elle réduit la diversité génétique de la communauté. Cela concentre les gènes récessifs néfastes dans le pool génétique, rendant plus probable leur transmission, même entre partenaires non consanguins. À Bradford, par exemple, où 50-70 % des mariages dans la communauté pakistanaise britannique sont consanguins, l’endogamie prolongée amplifie les risques, avec des taux de malformations congénitales deux à trois fois supérieurs à la moyenne nationale, selon le Bradford Institute for Health Research.
Ce phénomène n’est pas unique aux Pakistanais britanniques : des communautés comme les Amish ou les Juifs ashkénazes, historiquement endogames, présentent des risques similaires, avec des maladies spécifiques comme le syndrome de Tay-Sachs ou la maladie de Gaucher. L’isolement génétique, souvent renforcé par des traditions culturelles ou religieuses, crée un "effet fondateur" où des mutations rares deviennent plus fréquentes. Contrairement à un mariage entre cousins isolé, l’endogamie répétée sur des générations aggrave ce problème en réduisant les apports génétiques extérieurs qui pourraient diluer ces mutations. Pour y remédier, des solutions comme le conseil génétique et les tests prénataux, déjà disponibles dans certaines cliniques britanniques, permettent d’identifier les risques et de prévenir les maladies sans imposer de changements culturels radicaux, notamment le (tant vanté) métissage hors de la communauté pakistanaise (il existe pourtant de nombreux musulmans non pakistanais au Royaume-Uni...)