samedi 1 juin 2024

Ce qui ne va pas dans la formation des futurs profs

Extraits d'un long texte de Joseph Facal publié dans le Journal de Montréal cette semaine : 

Le 21 mai, dans nos pages, une chargée de cours à l’UQAM, Pascale Bourgeois, a fait sauter une bombe.

Elle s’en prenait à la faible qualité de la formation des futurs enseignants dans nos facultés d’éducation, à la faible qualité moyenne des étudiants aussi, et à leurs effets combinés sur tout notre système scolaire.


On trouve deux niveaux dans ce propos de Mme Bourgeois qui a soulevé l’ire du milieu.

À un premier niveau, elle ne fait que constater.

Il y a certes de formidables exceptions, mais les étudiants qui deviendront professeurs dans nos écoles primaires et secondaires sont, dans l’ensemble, de faible niveau, remarquablement peu curieux, et agissent en enfants gâtés plus qu’en adultes responsables.

C’est ainsi parce que les critères d’admission sont très bas et parce que ces jeunes sont eux-mêmes les produits du système éducatif et de la société tels qu’ils sont.

Les facultés d’éducation, dit-elle, réagissent en abaissant leurs exigences et en offrant des formations pauvres en contenu intellectuel, surtout axées sur des techniques de gestion de classe.

Comment en sommes-nous arrivés là? C’est le deuxième niveau de sa charge.

Dans sa lettre-coup de poing du 21 mai, Pascale Bourgeois ne se contente pas de montrer du doigt le peu de motivation et de curiosité intellectuelle de beaucoup d’étudiants qui se destinent à la profession d’enseignant.

Elle met aussi en cause la doctrine dominante dans les facultés qui les forment, ici comme ailleurs.

Les deux aspects sont liés dans un cercle autoreproducteur: ces étudiants sont partiellement le produit de cette doctrine éducative, qu’ils apprennent maintenant, et qui fondera leur pratique professionnelle ultérieure.

Doctrine

Je vous ai parlé samedi de la façon assez traditionnelle dont j’enseignais, qui était celle que j’avais connue comme écolier. Nous sommes rendus ailleurs et je n’y vois pas un progrès.

Que mange en hiver cette doctrine – appelée constructivisme, et dont il existe plusieurs variantes – qui domine désormais dans les facultés d’éducation? Voici en gros.

Chacun construit ses connaissances. L’enseignant est donc moins là pour transmettre un savoir objectif et préexistant, mais davantage pour accompagner l’enfant dans sa quête personnelle.

Tout est centré sur l’enfant et ses besoins. Tout devient personnel, donc subjectif et relatif, d’autant plus qu’il n’y a pas deux enfants pareils. C’est l’environnement scolaire qui doit s’ajuster à lui et non l’inverse.

Forcément, si les désirs ou les «besoins» de l’enfant priment, on marginalise, voire on évacue souvent, des notions comme l’efficacité, les moyennes de groupe, la validation par l’expérimentation, les évaluations comparées, etc.

Quand il arrive à l’université, ce jeune est tout étonné de voir qu’on n’y fonctionne pas comme à l’école qu’il connaît depuis la maternelle. Il se met alors à exiger que l’environnement s’adapte à lui... et obtient souvent gain de cause.

Cette doctrine prédomine non seulement dans les facultés d’éducation, mais au ministère, chez les conseillers pédagogiques, les syndicats, les organismes chargés de conseiller les élus, etc.

Dans le monde universitaire, ceux qui ne la partagent pas auront du mal à trouver des postes ou à obtenir du financement pour leurs recherches.

S’y opposer, c’est évidemment être «nostalgique», «réactionnaire», de «droite», «élitiste», adepte du «bourrage de crâne», etc.

On comprend donc la levée de boucliers suscitée par la décision de Bernard Drainville de créer un institut d’excellence qui recenserait les pratiques éducatives les plus efficaces en se fondant sur des données probantes.

Suites

Incidemment, pour ce qui est des résultats impressionnants des enfants québécois aux tests PISA, ils sont à prendre avec un grain de sel de gros calibre en raison des hauts taux de non-participation de beaucoup d’écoles publiques et de la difficulté à réconcilier ces scores avec des taux de diplomation beaucoup moins spectaculaires.

[Voir aussi:
 
PISA évaluerait-il plus l'intelligence que les acquis ?

  
 

 ]

Espérons que la sortie de Mme Bourgeois déliera les langues, secouera cette orthodoxie, permettra de faire entrer de l’air frais.

Il faut aussi souhaiter qu’elle ne subisse pas de conséquences fâcheuses pour avoir dit le fond de sa pensée.

La liberté académique et la loi 32, il faut que cela veuille dire quelque chose pour vrai.

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