lundi 17 juin 2019

Réforme Blanquer : en 2021, le programme de philosophie « sera féminisé et deviendra plus multiculturel qu’il ne l’est actuellement »


Le nouveau programme, qui rallonge la liste des auteurs que les professeurs pourront faire étudier à leurs élèves de 12 à 55, divise la profession.

Comme toutes les matières enseignées au lycée, la philosophie fera peau neuve pour le bac 2021, comme prévu par la grande réforme du baccalauréat général et technologique portée par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, que les élèves actuellement en classe de seconde seront les premiers à expérimenter.

Le nouveau programme de philosophie de terminale, dévoilé le 17 mai par le Conseil supérieur des programmes (CSP), connaîtra ainsi un grand chamboulement. En tête des transformations qui concerneront cette matière : l’élargissement de la liste d’auteurs que les professeurs pourront faire étudier à leurs élèves, qui passera de 12 à 55 penseurs... et penseuses.

Le programme de philosophie sera en effet féminisé et deviendra plus multiculturel qu’il ne l’est actuellement. Les textes et les théories de Simone de Beauvoir, Simone Weil, ou de penseurs non occidentaux comme le Chinois Tchouang-tseu (Zhuangzi) ou le bouddhiste Nagarjouna pourront ainsi être étudiés au même titre que ceux de Freud, Descartes, Platon ou Marx pour traiter des notions au programme.

Une « pression symbolique ou politique » ?

Cet élargissement visant à rendre le programme plus actuel ne plait pourtant pas à tout le monde. Selon, le président de l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement Nicolas Franck, qui s’est exprimé le 16 juin dans les colonnes du Figaro, cette nouvelle liste implique d’avoir « atteint une technicité qu’un élève n’a pas en terminale » :

« Ces auteurs ne seront jamais étudiés par quiconque, mais il a sans doute fallu répondre à une pression symbolique ou politique », estime le professeur.

Des notions loin de faire l’unanimité

À l’inverse, le nombre de notions qui devront être couvertes par les professeurs de philosophie en terminale passera de 29 à 21 en 2021, pour répondre aux demandes des enseignants jugeant le programme trop lourd.

Mais pour Nicolas Franck, ces notions sont encore trop nombreuses. « Nos adhérents ont déjà la sensation de survoler le programme, et comme ils ne peuvent pas le terminer, cela rabat les élèves vers les Anabac et autres fiches prédigérées », déplore-t-il.

D’autres professeurs, comme le relève Le Monde, regrettent quant à eux la disparition de la notion de « sujet » du programme.

« Répondre à la question “Qui suis-je ?” tient une place essentielle dans la discipline. Quand j’aborde “le sujet”, les visages s’éclairent, on touche à quelque chose de réel, d’intime », explique une enseignante en philosophie dans un lycée de l’Est parisien dans les pages du quotidien.

Une organisation des notions qui divise

Autant de transformations qui n’ont pas plu à l’universitaire Pierre Guenancia et à l’inspecteur général de philosophie Frank Burbage, qui avaient été chargés par le Conseil supérieur des programmes de piloter un groupe de travail sur les nouveaux programmes de philosophie, applicables dès la rentrée 2020 et le bac 2021. Le Monde rapporte que les deux experts se sont en effet alarmés que leurs propositions n’ont pas été retenues pour élaborer le nouveau programme.

Le groupe de travail avait notamment conseillé un programme structuré autour de grandes thématiques. Une proposition que le CSP n’a pas retenue, préférant classer les 21 notions par ordre alphabétique pour « n’imprimer aucune orientation doctrinale particulière ni aucune limitation arbitraire du traitement philosophique des notions », selon leur rapport, laissant ainsi au professeur la responsabilité de choisir comment traiter de chaque sujet.

Si le baccalauréat est totalement transformé en 2021, avec notamment la suppression des filières et l’introduction de spécialités, la philosophie sera toujours enseignée à tous les élèves de terminale et fera partie des quatre matières — seulement — sur lesquelles les candidats devront plancher lors des épreuves du bac.

Source


Le Vatican publie un document sur la question du genre

La Congrégation pour l’éducation catholique a récemment rendu public un document sur la question du genre, à destination des éducateurs et des familles, en réponse à l’« urgence éducative » sur les thèmes de l’affectivité et de la sexualité. Le texte « propose une vision anthropologique chrétienne selon laquelle la sexualité est une composante fondamentale de la personnalité, sa façon d’être, de se manifester, de communiquer avec les autres, de ressentir, d’exprimer et de vivre l’amour humain. Elle fait donc partie intégrante du développement de la personnalité et de son processus éducatif ».

Le document distingue l’idéologie du genre et les études de genre.

L’idéologie du genre « nie la différence et la réciprocité naturelle de l’homme et de la femme. Elle envisage une société sans différence de sexe et vide la base anthropologique de la famille. Cette idéologie induit des projets éducatifs et des directives législatives qui favorisent une identité personnelle et une intimité affective radicalement détachées de la diversité biologique entre hommes et femmes. L’identité humaine est livrée à une option individualiste, également changeante dans le temps ».

Si l’idéologie cherche « à s’imposer comme une pensée unique qui détermine également l’éducation des enfants », la recherche sur le genre veut « approfondir de manière adéquate la manière dont la différence sexuelle entre un homme et une femme est vécue dans différentes cultures »), le document retrace un bref historique, montrant la « désorientation anthropologique » actuelle. Ainsi se répand l’idée que « seule compterait l’affection entre individus, indépendamment de la différence sexuelle et de la procréation, considérées comme négligeables pour la construction de la famille ». Une « vision purement contractuelle et volontariste ». Ces phénomènes, « qui pouvaient pourtant sembler marginaux il y a peu, commencent à avoir une traduction juridique » : liberté de choix du genre, pluralité d’unions en opposition au mariage entre homme et femme. « On voudrait donc que chaque individu puisse choisir sa propre condition et que la société se limite à garantir ce droit, y compris par une aide matérielle, sans quoi on verrait se développer des formes de discrimination sociale vis-à-vis des minorités. La revendication de tels droits est entrée dans le débat politique actuel. Ils ont été accueillis dans plusieurs documents internationaux et insérés dans certaines législations nationales ».

Or la « formation de l’identité » est « précisément fondée sur l’altérité sexuelle », explique le document. Cette altérité est remise en cause par l’évolution des techniques médicales (PMA, GPA…) qui « comporte des manipulations d’embryons humains, des fragmentations de la parentalité, l’instrumentalisation et/ou la marchandisation du corps humain, et réduit l’enfant à un objet de technologie.

Ce texte ne recueille cependant pas le soutien de tous les catholiques. Le psychiatre néerlandais Gerard van den Aardweg (membre de la nouvelle Académie Jean-Paul II pour la vie humaine et la famille), auteur d’ouvrages sur le mariage des couples de même sexe et des revendications du lobby LGBT, estime au contraire que la Congrégation pour l’éducation catholique a publié un texte « idéologique » qui se refuse à rappeler clairement l’enseignement de l’Église sur la sexualité et le mariage. Ce texte ne propose aucun conseil vraiment utile aux parents catholiques qui ont le devoir d’éduquer leurs enfants aux « vertus nécessaires à la vie chrétienne ». Comment « dialoguer » avec les tenants d’une idéologie du genre aussi radicalement contraire à la vérité et à la doctrine de l’Église.

Diane Montagna a interrogé le Pr van den Aardweg à propos du document.

Diane Montagna. — Dr van den Aardweg, quelle impression générale vous a laissée le nouveau document du Vatican sur la « théorie du genre » ?

Gerard van den Aardweg. — Il s’agit essentiellement d’un document idéologique. Il n’est pas spécifiquement catholique, en dépit de quelques vœux pieux. Il s’agit essentiellement d’un plaidoyer en faveur d’une sorte d’éducation sexuelle athée, humaniste et socialiste, présentée comme plus ou moins catholique. Il s’extasie sur les avantages d’un modèle social d’éducation sexuelle contrôlé par des « experts professionnels » sur le fondement d’une vision de la sexualité de la part des sciences humaines actuelles qu’il suppose naïvement toujours plus approfondie. Ce document est un exemple du genre de discours illusoire et sentimental sur l’éducation et l’« affectivité » caractéristique de la psychologie humaniste immature et superficielle des années 1960 : la voici élevée au rang de « sagesse supérieure » par une Congrégation du Vatican dont les membres ont cinquante ans de retard. On en revient une nouvelle fois au « dialogue », a l’« écoute », à l’« ouverture ». Mais il n’est pas question d’écouter les enseignements divins de l’Église catholique sur la sexualité, le mariage et la famille (car ceux-ci semblent avoir besoin d’une « restructuration »). Enseigner et prêcher ces enseignements à un monde paganisé ne serait pas, semble-t-il, la voie à suivre. Le grand rêve est celui d’une « alliance » avec le néopaganisme qui caractérise l’idéologie sexuelle, conjugale et familiale de l’ONU et des pays européens anti-chrétiens. « Écouter » ? Eh bien, en écoutant attentivement les formulations et les suggestions vagues et ambiguës du document afin de discerner vers quoi il tend, on peut discerner son objectif principal : le changement révolutionnaire.


— Que pensez-vous de son analyse de la théorie [l’idéologie] du genre ?

— Les observations sur la théorie [l’idéologie] du genre sont ambiguës et peu claires, ce qui les rend suspectes. Au premier abord, certaines expressions semblent correctes et « orthodoxes », comme le rejet de l’affirmation selon laquelle l’identité sexuelle n’est pas un choix de l’individu [« L’identité humaine est laissée à une option individualiste »] et les platitudes comme « la sexualité » (le sexe) est « une composante fondamentale de la personnalité » ou chaque cellule du corps est masculine ou féminine [« les cellules de l’homme sont différentes de celles de la femme dès la conception »]. Mais ces affirmations sont dans le même temps affaiblies par des déclarations telles que (je résume) : « La bonne approche de la théorie du genre est la voie du dialogue. » Pourquoi en serait-il ainsi ? Il n’y a pas de réponse, parce que nous sommes dans le domaine de l’idéologie. À propos de quoi pourrait-on dialoguer ? Nous savons où mène le dialogue grâce à l’expérience avec les communistes. Les ennemis du christianisme dialogueront avec vous à leur manière, en imposant leurs conditions. Au bout du compte, on n’arrivera à rien d’autre qu’au le dialogue avec le diable. L’idéologie sexuelle néopaïenne agressive du monde n’a aucune sagesse que nous pourrions partager. La tâche de l’Église n’est pas de dialoguer, mais d’enseigner et de corriger. Nous sommes au milieu d’une guerre spirituelle sans pitié dans le domaine de la sexualité, du mariage et de la famille. Autre exemple : « Il ne manque pas de recherches sur le genre qui s’efforcent d’approfondir de manière appropriée », phrase suivie d’une vague référence à des ouvrages sur « la façon dont on vit dans les diverses cultures la différence sexuelle entre homme et femme ». Ici comme partout dans ce document, seules des suggestions ou des insinuations sont proposées, sans l’ombre d’une preuve. Alors, qu’entend-on ici par des « recherches » prétendument meilleures ? Je subodore que les auteurs se réfèrent aux écrits autrefois populaires de Ruth Benedict et Margaret Mead, les féministes lesbiennes qui ont tenté de montrer la relativité des rôles et fonctions sexuelles dans les sociétés non occidentales. Mais leurs affirmations sont réfutées depuis longtemps comme étant fondées sur des preuves fausses, et même en partie frauduleuses.

La relativisation de l’impopulaire vision biblique des relations homme-femme et des « rôles » sociaux, qui constitue un soutien apparent à l’indignation féministe, apparaît également dans l’invocation désinvolte de « subordinations injustes » qui auraient « tristement marqué l’histoire et […] eu une influence même à l’intérieur de l’Église ». L’Église aurait violé « l’égale dignité de l’homme et de la femme » du fait « d’un certain masculinisme plus ou moins camouflé derrière des motivations religieuses ». S’il ne s’agit pas d’une raillerie à l’égard des enseignements catholiques sur l’homme en tant que chef et la femme en tant que cœur de la famille, et sur le devoir de la femme d’obéir à son mari, que cherche-t-on à suggérer ? Ou bien, vu sous un angle différent, qui peut croire que les auteurs de ce texte sont encore capables de transmettre les enseignements divins immuables des Apôtres, de saint Augustin, des papes Léon XIII et de Pie XI ? Probablement, ces auteurs, aveuglés par l’esprit du temps (Zeitgeist), ne les comprennent même plus, et ils ne semblent pas non plus connaître et comprendre la vision anthropologique et psychologique correcte de sainte Édith Stein selon laquelle « la femme est par nature mère et compagne de l’homme ».

Car tout catholique qui connaît et comprend cette vérité en aurait fait la pierre angulaire d’un discours sur la valeur égale de l’homme et de la femme. Tout aussi inquiétante est l’appréciation discutable des auteurs de la famille naturelle : « La définir à travers des concepts de nature idéologique, qui n’ont une force qu’à un moment donné de l’histoire, puis périclitent signifie en trahir la valeur. » Les enseignements apostoliques susmentionnés appartiennent-ils à la catégorie des « idéologies » historiques temporaires relatives au masculin et au féminin ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi ne sont-ils pas du tout recommandés ? Et quels sont les faux concepts idéologiques qui ont été attachés à la famille et qui ne sont pas essentiels ? Par exemple, le concept traditionnel de la famille chrétienne, considéré à la lumière des perspectives éclairées actuelles, a-t-il été rétréci par nos préjugés culturels ? En résumé, donnez une définition claire et sans ambiguïté de la famille naturelle et de la famille voulue par Dieu et rejetez sans ambiguïté la définition politique proposée par les démocrates chrétiens, entre autres.

— Le document cite fréquemment Jean-Paul II. Que pensez-vous de l’utilisation de ses écrits ?

— Le pape Jean-Paul II est cité, mais de manière assez hypocrite. On abuse de son prestige pour créer une impression d’orthodoxie, une caractéristique que l’écrit dans son ensemble n’est pas en droit de revendiquer. Les auteurs ont même le courage pervers de citer le nom de Don Bosco, dont les enseignements et les efforts étaient diamétralement opposés aux leurs et étaient donc vraiment exemplaires.

— Le document part-il du principe que l’éducation sexuelle devrait toujours être disponible dans les écoles ? La position du document à cet égard est-elle conforme à l’enseignement constant de l’Église ?


— Les droits parentaux en matière d’éducation sont professés avec des mots, mais dans son ensemble et par essence l’organisation socialiste-bureaucratique visant à éduquer la « sexualité et l’affectivité » des enfants et des jeunes dont rêvent ces utopistes va sans doute bientôt réduire les droits des parents jusqu’à les faire disparaître totalement. Les « professionnels » de l’éducation proposés à l’intérieur et à l’extérieur de l’école, avec leur « éducation permanente » qui leur vient des « universités », etc., forts de leur association étroite avec les organisations laïcistes (« locales, nationales et internationales » !) avec leurs nouveaux « supports, guides pédagogiques et manuels didactiques », payés par qui d’autre que l’État, garantiront une éducation sexuelle politiquement correcte. Le document propose une « alliance éducative entre la famille, l’école et la société » idéalisée : venez aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Grande-Bretagne [et au Canada] pour voir comme elle fonctionne bien... Personne ne s’y oppose : aucune école, aucun collectif de parents catholiques, sauf parfois tel rare professeur catholique, tel solitaire, quelques parents catholiques exceptionnels, qui refusent de coopérer avec ces joyeux « programmes » violent l’innocence de leurs élèves et de leurs enfants. En effet, comme le fait remarquer ce document du Vatican, « la famille ne peut être laissée seule face au défi éducatif. » Et l’« autorisation » des parents est un bon principe, mais « dans une certaine mesure ».

— Avez-vous d’autres commentaires ?

— La conclusion du document, bien qu’elle évite elle aussi un langage simple, sans détours et sans ambiguïté, aide à en saisir le sens et les objectifs réels. Considérez ces déclarations de haut vol : « Les éducateurs ont la fascinante mission éducative d’“enseigner plutôt un cheminement quant aux diverses expressions de l’amour, à l’attention réciproque, à la tendresse respectueuse, à la communication riche de sens” » ; « coopérer à la formation de jeunes ouverts et intéressés par la réalité qui les entoure, capables de soin et de tendresse ». C’est précisément l’argumentaire de vente du Mouvement néopaïen pour la réforme sexuelle depuis au moins un siècle. Toutes sortes de relations sexuelles ou « amoureuses » s’inscrivent dans cet idéal, qu’elles soient hors mariage ou homosexuelles. Il n’y a rien dans le texte du Vatican sur le péché sexuel, la lutte pour la chasteté, la masturbation, l’infidélité dans le mariage, la cohabitation hors mariage, la chasteté dans le mariage ; pas une phrase de conseils judicieux pour les parents qui essaient d’éduquer leurs enfants aux vertus nécessaires à une vie chrétienne et contre la pression du milieu néopaïen, de l’école, voire de l’église ; rien sur la contraception, la stérilisation, l’avortement. Pour finir, le style de ce document est épouvantable : il est imprégné d’un langage pompeux et sentimental, d’une onction hypocrite. Le niveau intellectuel est médiocre. Aucun concept utilisé n’est défini, aucune affirmation n’est prouvée ni même soutenue par quelque argumentation ; les références et remarques relatives à l’anthropologie et à la psychologie (« les sciences humaines ») sont déplacées ou carrément absurdes, et pourtant elles sont présentées sans rire comme une sagesse supérieure. Une Congrégation du Vatican qui ose produire et publier un tel document devrait sérieusement envisager de mettre la clé sous la porte.