lundi 10 septembre 2007

La dyslexie : une vraie-fausse épidémie?


Colette Ouzilou est orthophoniste depuis 1973. Elle a travaillé en cabinet libéral et dans plusieurs centres médico-psychopédagogiques, notamment au centre Bourgain (Issy-les-Moulineaux), en collaboration avec des médecins psychiatres et psychanalystes, et à celui d'Athis-Mons sous la direction du Dr Tony Lainé.

Elle a consacré un ouvrage coup de poing Dyslexie : une vraie-fausse épidémie, paru aux Presses de la Renaissance, sur les dysfonctionnements de l’enseignement de la lecture.

Depuis une vingtaine d'années surtout, les orthophonistes se heurtent à des pratiques pédagogiques malencontreuses qu'ils sont amenés à redresser.

Interrogée récemment par le Nouvel Observateur elle constate qu’
« [I]l y a trente ans, les orthophonistes attendaient le client. Aujourd'hui, ils refusent du monde » « La lecture et réécriture sont des codes. Il faut les enseigner. » Dans les années 1960, la plupart de ses patients souffraient de bégaiement, d'aphasie, bref; de réels troubles du langage. À partir des années 1970, elle a vu apparaître, en même temps que les nouvelles méthodes d'enseignement de la lecture, une première vague de lecteurs défaillants. Aujourd'hui, la quasi-totalité des enfants consulte pour des problèmes d'écriture. D'après elle, sur les 10 % d'élèves qui arrivent en consultation, 1 % à peine souffrirait de réelle pathologie. Les autres ? Des élèves « dysorthographiques » auxquels il manque des bases. Bien sûr, la plupart des pédagogues français s'insurgent, rétorquant que le pourcentage de dyslexiques est le même dans la plupart des pays.

[Notons que cette affirmation est battue en brèche par des études comparatives sérieuses : le taux de dyslexie dépendrait au moins de la langue des jeunes élèves Scientists Say Severity of Dyslexia Depends on Language", The Tech News Briefs, Los Angeles Times, 17 mars 2001.]

Selon ces pédagogues français, cette « épidémie » serait due, pour l'essentiel, à la pauvreté du langage de certains enfants. « Pour les enseignants, c'est une manière de se défausser, pour les parents, de se rassurer, constate un instituteur de CP [1ère année]. Du coup, tout le monde en redemande. »
En 2001, Mme Ouzilou s’était déjà élevée contre un plan de dépistage massif de la dyslexie lancé dans les sections grande maternelle au motif que 10 % des enfants scolarisés (soit environ 600 000 élèves) seraient concernés. « C’est scandaleux ! s’insurgeait Colette Ouzilou. La dyslexie est une pathologie rare qui nécessite une rééducation souvent très longue. Le gouvernement va dépenser un fric fou pour « dépister » des enfants tout à fait normaux au lieu de consacrer le même argent à la formation d’instituteurs qui manquent cruellement de connaissances en phonétique. » S’appuyant sur ses trente années d’expérience dans des centres médico-psychopédagogiques et en cabinet privé, elle affirme n’avoir traité qu’une quinzaine d’authentiques dyslexiques ; dans le même temps défilaient des centaines d’enfants en situation d’échec scolaire à cause de la lecture et de l’orthographe. « Quand je parviens à remettre un enfant sur la bonne voie en trois mois, c’est qu’il était tout sauf dyslexique. »

Mme Ouzilou n’est pas la seule à dénoncer le mythe de la dyslexie. La chaîne britannique Channel 4 avait diffusé un reportage intitulé The Dyslexia myth (vidéo de 55 minutes ici, en anglais). Le producteur de ce documentaire répondit dans un article appelé Dyslexia an expensive myth à ses détracteurs. Les raisons du documentaire de Channel 4 ne sont pas identiques à celles de Mme Ouzilou. La chaîne britannique dénonce d'abord les mythes : la dyslexie n'est pas liée à un trouble de la vision, ni même à un problème de QI, les dyslexiques ne se distinguent pas des autres mauvais lecteurs à QI moyen. De nombreux écoliers qui présentent des troubles de lecture ne parviennent pas à distinguer les sons élémentaires de la langue. C'est pourquoi le documentaire insiste sur la présence bénéfique des parents dès le plus tendre âge, sur l'utilisation du langage enfantin des parents quand ils parlent à leurs bébés, car celui-ci souligne le rythme et les traits articulatoires de la langue maternelle. Enfin, des programmes efficaces, comme ceux que la Combrie a mis en place, semblent permettre de rattraper le retard à un coût nettement moindre et à réduire la « dyslexie » à un taux de 1 % ou 2 % des enfants qui ne semblent pas progresser même avec les meilleures méthodes pédagogiques modernes.