samedi 11 juin 2016

France — L'entretien de la ministre socialiste qui restreint la liberté scolaire, annoté par Anne Coffinier

Entretien de Mme Najat Belkacem paru dans le Monde le 9/VI/2016, commenté dans le corps du texte [en italique entre crochets], par Anne Coffinier, Fondation pour l’école, le 10/VI/2106

Titre du Monde :

Contrôle des écoles privées hors contrat [non subventionnée] : « L’État ne peut être ni aveugle ni naïf »


La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, annonce, jeudi 9 juin, un contrôle renforcé des écoles privées hors contrat — un millier d’établissements, dont 300 confessionnels — ainsi que de l’instruction à domicile qui concerne 25 000 jeunes. Elle s’explique sur ces mesures dans un entretien au Monde. Elle indique qu’« un contrôle plus clair et mieux organisé constitue une garantie pour les familles et les établissements concernés contre l’arbitraire ».

Le Monde — Pourquoi s’emparer de ce sujet maintenant ? Ne prenez-vous pas le risque de raviver une guerre scolaire public-privé ?

Najat Belkacem — Il n’y a aucune raison de réveiller des querelles anciennes : la protection du droit à l’éducation des enfants n’est en rien contraire à la liberté de l’enseignement. Depuis plusieurs années, les signalements — d’élus, d’inspecteurs, d’établissements, d’associations — se multiplient. Et les travaux que j’ai engagés depuis plus d’un an ont révélé une hausse des effectifs dans l’enseignement privé hors contrat comme à domicile.

[Anne Coffinier : Le ministre devrait quand même se demander pourquoi les systèmes concurrents à l’Éducation nationale se développent. Il est évident que c’est parce que de nombreuses familles ont perdu confiance en l’école publique et donc qu’elles veulent en préserver leurs enfants. La calamiteuse réforme du collège et des programmes de Mme Najat Vallaud-Belkacem n’y est pas pour rien ! Les parents veulent pouvoir choisir librement l’école de leurs enfants, une école qui puisse être vraiment différente de l’école publique, dans le respect des lois bien sûr. C’est une aspiration profonde de la société.]

L’État ne peut être ni aveugle ni naïf : on voit parfois se développer des enseignements trop lacunaires, ne garantissant aucunement un socle minimal de connaissances aux enfants, voire attentatoires aux valeurs républicaines.

[Anne Coffinier : Oui, mais le premier lieu où des enfants, en masse, reçoivent un enseignement qui échoue à leur faire maîtriser le socle de connaissances est l’Éducation nationale. Les statistiques nationales le montrent puisque 40 % des enfants en CM2 ne maîtrisent pas ou très mal la lecture, l’écriture et le calcul. Les études PISA de l’OCDE montrent aussi que l’Éducation nationale échoue à remplir sa mission puisque la France est très mal classée. Elles montrent aussi que l’école publique française est le système le plus inégalitaire de toute l’OCDE. Comment ne pas reconnaître que la vraie priorité, c’est de sauver les 40 % d’enfants de l’école publique qui sont laissés dans une telle détresse éducative ? S’agissant des écoles hors contrat, il peut bien sûr y en avoir d’insatisfaisantes, car on peut toujours faire un mauvais usage de la liberté, même si en général les parents sont très vigilants. Mais comment est-ce possible, alors que le Code de l’Éducation donne mission à l’Éducation nationale d’inspecter les écoles régulièrement, que le Rectorat n’ait pas inspecté plus tôt les écoles qui poseraient problème, selon le ministre ? L’école musulmane Montessori de Roubaix, que l’Éducation nationale va fermer en urgence, avait-elle été inspectée avant les attentats terroristes ? Si elle l’a été, pourquoi l’État n’a-t-il pas sévi plus tôt et, si elle ne l’a pas été, pourquoi une telle omission ?]

Un peu partout, on réclame plus de responsabilité de la part de l’État sur ces sujets. Et c’est justement ce que l’on s’apprête à faire.

[Anne Coffinier : L’État doit assumer sa fonction de contrôle et garantir effectivement la qualité du service scolaire rendu, mais pas s’ériger en juge du droit qu’a la société civile d’ouvrir une école et de fixer librement les programmes d’études et donc les connaissances transmises, dès lors que ces dernières conduisent au respect du socle commun de connaissances à 16 ans. Les écoles libres ont le droit et le devoir d’éviter à un maximum d’enfants de subir l’enseignement de l’histoire reformaté idéologiquement par la dernière réforme. Il est d’intérêt général de continuer à proposer des classes bi-langues ou à enseigner le latin et le grec de manière conséquente à tous les enfants qui le désirent.]

Le Monde — La scolarisation hors des sentiers battus est à la hausse. Défiance à l’égard du système, symptôme d’un échec de notre école. Comment analysez-vous cette progression ?

Najat Belkacem — Je ne veux pas m’ériger en juge des choix des parents, que je respecte. Les familles sont de plus en plus nombreuses à aspirer à une plus grande autonomie, une plus grande diversité pédagogique. Et cette tendance-là est mondiale : au Canada, le nombre d’enfants scolarisés à la maison a été multiplié par trois depuis 2012, pour atteindre 60 000 ; aux États-Unis, il est passé en une décennie de 850 000 à 1,8 million.

Cela se double parfois, en France comme ailleurs, d’un repli identitaire. Quand on constate un accroissement de 30 % des enfants instruits à domicile, comme c’est le cas chez nous ces quatre dernières années, l’État a le devoir de s’en saisir.

[Anne Coffinier : Les propos du ministre sont contradictoires. Il est clair que le Ministère de l’Éducation est juge et partie. Il est temps de créer une instance d’évaluation indépendante pour vérifier la qualité des écoles privées ou de l’enseignement délivré à domicile. Aujourd’hui, c’est l’Éducation nationale (qui a de moins bons résultats scolaires que l’école privée, et par laquelle sont passés tous les responsables des récents attentats terroristes hélas) qui contrôle la qualité académique et politique des offres scolaires alternatives à l’école publique. C’est une situation ubuesque.]

Le Monde — Vous évoquiez, en avril, un « contexte de radicalisation ». Y a-t-il, concrètement, des motivations idéologiques ou communautaristes dans les structures ou chez les familles inspectées ? Que sait-on, d’ailleurs, de leurs motivations ?

Najat Belkacem — Ma politique n’est pas guidée par la seule lutte contre la radicalisation, mais par la nécessité de garantir le droit à l’éducation de tous les enfants.

[Anne Coffinier : On déplore en effet que rien de ce qui est proposé dans cette réforme Vallaud-Belkacem n’ait trait à la lutte contre la radicalisation. C’était pourtant, de l’avis de tous, LA VRAIE URGENCE. Les autres préoccupations ne justifient pas de recourir à la procédure d’urgence de l’article 38 (vote par ordonnance d’une réforme relevant normalement de la loi et donc nécessitant l’intervention du Parlement).]

Reste que, jusqu’à présent, ces deux pans de l’instruction étaient quasiment des angles morts du système éducatif.

[Anne Coffinier : Ce n’est pas sérieux ! Il suffit de regarder le Code de l’éducation pour s’en convaincre. L’école à la maison et l’école libre existent depuis Charlemagne. L’État n’a pas attendu Mme Vallaud-Belkacem pour organiser juridiquement l’instruction à domicile et le régime d’ouverture et de contrôle des écoles privées hors contrat ! L’expression « angles morts » est manifestement outrancière et relève de la communication politique, pas d’une analyse rigoureuse du droit en vigueur.]

Faire toute la transparence, c’est aussi combattre les fantasmes et les raccourcis trompeurs. J’ai renforcé les contrôles et diligenté en ce sens — et nous continuerons à le faire — des inspections renforcées et inopinées d’établissements qui suscitaient des inquiétudes.

[Anne Coffinier : Ces dernières semaines, des dizaines et des dizaines d’établissements, en grande majorité de confession catholique, ont été soudainement inspectés, souvent par des brigades de 10 personnes, alors qu’il s’agit de toutes petites écoles. Les inspecteurs ne se sont en général pas du tout intéressés au sérieux de l’enseignement délivré pour les matières fondamentales (alors que c’est leur mission) et ont fait porter leur attention sur le contenu des casiers personnels des élèves (qu’ils ont fouillés et photographiés sans demander l’avis de qui que ce soit), les cours d’éducation morale, les cours de SVT, les livres de la bibliothèque, les manuels… Ils n’ont pas hésité dans certains cas, à prendre à part les élèves, hors de la présence des adultes responsables, pour les interroger et leur demander « si ce que leur professeur ou directeur disait était vrai » ! Ce sont des procédés manifestement disproportionnés, voire nettement abusifs, qui vont être portés à la connaissance du Défenseur des droits et de la justice.]

Elles ont permis d’identifier non pas des situations de radicalisation, mais de vraies failles pédagogiques. Au moins cinq de ces écoles vont faire l’objet d’un signalement à la justice en vue d’une fermeture.

[Anne Coffinier : Si ces fermetures sont justifiées, il convient de rechercher la responsabilité de l’Education nationale qui n’a pas fait le nécessaire jusque là pour que ces enfants bénéficient d’une instruction conforme à l’obligation scolaire.]

Le Monde — Ces situations, minoritaires, justifient-elles de modifier le droit et d’accroître le contrôle de l’Etat sur ces structures, ces familles ?

Najat Belkacem — Pensez-vous normal, dans le contexte actuel, qu’une école soit ouverte du simple fait d’une déclaration, autrement dit plus facilement qu’un café ou un restaurant ?

[Anne Coffinier : c’est jouer sur les mots avec mauvaise foi ! Le régime juridique de déclaration est la modalité juridique normale en matière de libertés publiques, le régime d’autorisation – restrictif des libertés par nature — étant l’exception. Ainsi, l’ouverture d’un journal se fait elle par exemple par déclaration dans les pays où la presse est libre, non par autorisation. Et pourtant, il est évident qu’il est facile de faire mauvais usage de la liberté de presse. Mais, là aussi, c’est le contrôle a posteriori qui est considéré par tous comme la solution la plus adéquate et la plus réaliste. Ainsi on contrôle des faits, pas des intentions, ce qui évite de faire des procès d’intention justement ; en outre, il est normal que l’ouverture d’un bar, qui reste un débit de boissons, nécessite une autorisation administrative ; et en pratique, l’ouverture d’une école n’est vraiment pas à la portée du premier venu, notamment en raison des ressources humaines et financières mobilisées, mais aussi de la nécessité de respecter les règles d’hygiène et de sécurité des locaux propres aux établissements recevant du public ainsi que les règles de l’urbanisme (permis de construire, pour changement d’affectation de destination des locaux…)]

Passer à un régime d’autorisation préalable est une démarche pragmatique réclamée à gauche comme à droite, et récemment encore par l’Association des maires de France.

[Anne Coffinier : il y a beaucoup de choses que des centaines de milliers de citoyens réclament et que le gouvernement ne fait pas pour autant. La situation politique actuelle en est la parfaite illustration avec les manifestations en tous sens.]

Cette évolution s’inscrit dans une démarche plus large. Nous nous sommes dotés de nouveaux outils — circulaire, mission élargie d’inspections générales, guide opérationnel — et les visites d’inspecteur se font plus fréquentes : de trois cents à quatre cents par an dans le hors-contrat, outre une cinquantaine d’inspections inopinées. Une par an dans les familles.

[Anne Coffinier : ces chiffres sont incohérents. Il y a environ 700 établissements scolaires relevant de l’obligation d’instruction donc des inspections de l’Éducation nationale. Si cette dernière dit en inspecter 300 à 400 par an, c’est qu’elle inspecte chaque année environ la moitié des établissements existants, alors que les professeurs de l’école publique sont inspectés une fois tous les 7 ans en moyenne. Ce n’est pas crédible.]

Le Monde — Nombre de familles dénoncent des contrôles arbitraires. Reconnaissez-vous des failles dans ces inspections ?

Najat Belkacem — Un contrôle plus clair et mieux organisé constitue une garantie pour les familles et les établissements concernés contre l’arbitraire. Des manquements existent bien, y compris du côté de l’éducation nationale.

[Anne Coffinier : C’est bien que le ministre le reconnaisse. Ces manquements consistent déjà à ne pas inspecter certaines écoles, contrairement à l’obligation constitutionnelle qu’a l’État de garantir à tous une instruction de qualité. Mais les manquements consistent surtout en des inspections illégales dans leurs modalités et tendant à pousser les écoles à s’aligner sur les méthodes, les programmes et voire l’obligation de laïcité de l’Éducation nationale.]

Aujourd’hui, un tiers des élèves instruits à domicile ne sont pas inspectés. Nous allons mobiliser des moyens humains, en faisant appel à des enseignants volontaires en appui des inspecteurs. Les modalités et le lieu des contrôles vont être clarifiés pour éviter les contentieux avec les parents et permettre une vérification sereine de la progressivité des apprentissages, y compris en introduisant des exercices à l’écrit ou à l’oral en référence au « socle commun » de connaissances et de compétences.

Il ne faut pas y voir une obligation de résultat, simplement un outil de dialogue pédagogique avec la famille.

[Anne Coffinier : La loi oblige d’ores et déjà les écoles et les familles faisant l’école à la maison à organiser les apprentissages de manière à atteindre en fin de période d’instruction obligatoire le niveau fixé par le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Ce cadre est suffisant (d’autant que, réforme après réforme, ledit socle ne cesse de s’alourdir !)

Il n’est en revanche pas acceptable de décliner ce socle en cycles pluriannuels ou paliers annuels pour chaque pôle de formation, qui devraient être impérativement respectés, car cela revient à rendre l’exercice de la liberté pédagogique rigoureusement impossible. Si vous êtes libre d’aller de Marseille à Paris par l’itinéraire que vous voulez, mais que vous devez obligatoirement passer par une série de villes imposées, ce n’est plus de la liberté !]

Le Monde — On se souvient, en 2014, de la campagne de désinformation — parfois de calomnie — lancée dans les milieux traditionalistes, catholiques comme musulmans, contre l’enseignement d’une prétendue « théorie du genre »… Les appels au « retrait de l’école » ont-ils été suivis d’effets ?

[Anne Coffinier : la question est sans rapport avec le sujet présent ; elle ne sera pas commentée.]

Najat Belkacem — On peut sans doute trouver la trace de ces campagnes calomnieuses, mais leur impact est marginal. L’instruction à domicile n’est pas concentrée dans les seuls quartiers populaires et ne concerne pas, comme certains ont voulu le laisser croire, les filles plus que les garçons. Évitons d’alimenter les caricatures.

Le Monde — Beaucoup de familles, et même la majorité des écoles hors contrat, se démarquent de toute référence confessionnelle, pour revendiquer leur droit à la liberté d’instruction qu’elles estiment en danger. Que leur répondez-vous ?

Najat Belkacem — Qu’un contrôle plus sécurisant et plus clair est de fait le meilleur allié de la liberté d’enseignement.

[Anne Coffinier : : Je me demande si ce n’est pas une citation d’Orwell dans 1984 !]



Conférence de presse de la socialiste Najat Belkacem où elle annonce de nouvelles restrictions aux droits parentaux tout en parlant de respect de la liberté...


La liberté moderne vue par Rémi Brague


« La liberté de l’homme moderne a trop souvent la même signification que dans le cas d’un taxi. Un taxi est libre quand il possède trois caractéristiques : il est vide, il ne va nulle part (“en maraude” comme on dit) et il peut être pris d’assaut par le premier venu, qui lui demandera d’aller où il voudra. »

C’est bien dit et c’est terriblement juste : je connais des modernes vraiment paumés d’être modernes, perdus, vides, et cela se traduit dans leurs choix très concrets, une vie dissolue, sans boussole, sans durée, sans profondeur. Mais, à la différence de ce qui se passait avant (des paumés, il y en a toujours eu), ce ne sont pas des marginaux, mais au contraire des individus ordinaires.

Chesterton l’avait dit aussi : « Quand on se déclare incroyant, ce n’est pas qu’on ne croit plus en rien, mais qu’on croit en n’importe quoi ».

Vaclav Havel a dit que le problème de l’homme moderne n’était pas qu’il ignore le sens de la vie, mais que cette question le préoccupe de moins en moins.

Mais ce n’est pas parce que la préoccupation est évacuée que le manque ne resurgit pas quand même. Notre société est folle et le fond de cette folie, c’est la vie sans transcendance. On retombe sur l’éternelle question de Socrate : « Si l’homme est la mesure de toutes choses, qu’est-ce qui mesurera l’homme ? »

jeudi 9 juin 2016

Les étudiants américains et leur lutte contre les « auteurs blancs décédés » (suite et non fin)

Une pétition lancée par des élèves de la prestigieuse université américaine veut « décoloniser » le programme de littérature anglaise qui ne ferait étudier que des auteurs blancs, morts de surcroît.

Étudier Shakespeare serait-il une forme de discrimination ? C’est ce que suggère une pétition lancée par des étudiants de la très prestigieuse université américaine de Yale. Ils veulent « décoloniser » les programmes universitaires. En cause, le cours d’« introduction aux « grands poètes de la langue anglaise », obligatoire en première année de littérature anglaise, qui ne met au programme que des auteurs blancs. Au menu, on trouve en effet les plus grands noms du corpus canonique de la langue anglaise : Geoffrey Chaucer, Edmund Spenser, William Shakespeare, John Donne, John Milton, Alexander Pope, William Wordsworth, et T.S. Eliot.

W. Shakespeare, son étude obligatoire sera préjudiciable
pour tous les étudiants en littérature anglaise de Yale

« Il est temps pour la licence de littérature anglaise de décoloniser — et non pas diversifier — ses cours. Il est inadmissible qu’un étudiant de Yale voulant étudier la littérature anglaise ne lise que des auteurs blancs » écrivent les pétitionnaires. [Note : ceci est faux. Il existe des cours optionnels où l’on étudie des auteurs de couleur, voir par exemple ENGL 306 (Afro-américains), ENGL 352 (Asiatico-américains), etc.] Les élèves demandent l’abolition de l’étude des principaux auteurs anglais, pour « inclure des littératures en rapport avec le genre, la race, le capacitisme [Note : discrimination liée au handicap] et l’ethnicité ». « Une année passée autour d’une table de séminaire où les contributions littéraires des femmes, des personnes de couleur, des queer sont absentes sont néfastes pour tous les étudiants, peu importe leur identité », arguent les pétitionnaires qui parlent un peu vite pour tous les étudiants. S’ils insistent sur le fait que ce programme créerait « une culture spécialement hostile aux personnes de couleur », ils déclarent bien que le programme est nocif, néfaste (harmful) envers tous les étudiants. On aimerait bien en savoir plus sur les étranges raisons qui permettent aux pétiionnaires d’affirmer cela.

La pétition, qui aurait recueilli 160 signatures (la liste est anonyme), n’est pas du goût de tout le monde. « Je suis trop las de commenter de telles sottises », soupire Harold Bloom, un prestigieux professeur d’Humanités de Yale dans le Daily Beast. Kim Holmes, auteur conservateur a, quant à lui déclaré, dans le Washington Times : « Ce n’est pas seulement une offense au savoir, mais à l’idée même d’une éducation libérale. » « Ces gens ne sont pas intéressés par la diversité, mais par la conformité », déplore-t-il. « C’est un mouvement idéologique qui a pour but de fermer les gens à la grande richesse de savoir et de sagesse de la civilisation occidentale. »

Ironie du sort, les étudiants qui réclament un Yale plus « inclusif » intellectuellement ne semblent avoir aucun problème avec le manque patent de diversité politique à l’université Yale. Selon un article écrit en 2012 dans le Yale Daily News, 97 pour cent des contributions politiques des employés de Yale sont allées au Parti démocrate.

Chasse aux « mâles blancs européens morts »

La chasse aux « mâles blancs européens décédés » ne date pas d’hier. C’est une polémique qui revient régulièrement sur le tapis aux États-Unis, en particulier sur les campus américains où le « politiquement correct » règne en maître. L’impératif de « décolonisation » des savoirs universitaires ou de la culture tire ses origines des études dites « postcoloniales ». Née aux États-Unis dans les années 80 sous l’influence notable d’Edward Saïd, cette branche de la sociologie prétend déconstruire l’héritage culturel laissé par la colonisation pour donner une part plus visible aux minorités. En 1992 déjà, le professeur de littérature Bernard Knox avait pris la défense des « Plus anciens mâles blancs européens décédés » dans un livre du même nom où il plaidait pour la préservation des grands classiques.

Yale est à la pointe de ce combat censément antiraciste qui s’apparente à la police de la pensée. En décembre 2015, une professeur avait dû démissionner après avoir envoyé un courriel critiquant la position de l’université sur les déguisements d’Halloweeen.

Les petits Robespierre de Yale


Comme c’est le cas depuis des années, le comité des affaires interculturelles de Yale avait auparavant envoyé un courriel appelant les étudiants à faire preuve de discernement pour les costumes d’Halloween. Il est désormais de mauvais ton aux États-Unis d’arborer un visage noirci au charbon pour incarner un loup-garou, car cela pourrait être interprété comme un dénigrement des Noirs ; ou il est peu recommandé pour les blondes de se déguiser en Mulan ou de porter une coiffe à plumes, car les étudiants indiens américains ou chinois pourraient percevoir ces choix comme « l’appropriation d’une autre culture ». C’est dans ce contexte miné qu’Ericka Christakis a appelé dans son mail les étudiants « à juste détourner la tête » si quelque chose ne leur plaît pas, ou à exprimer leur désaccord. « Les universités américaines… deviennent de plus en plus des lieux de censure… Sommes-nous d’accord ? » écrit-elle. Des mots qui vont déclencher la tempête.

« Sentiment d’invisibilité »

Du coup, son mari est venu à la rencontre des « indignés » de Yale. Mais l’entretien dégénère. « Vous devez vous excuser ! » lance une étudiante qui hurle de plus en plus fort. « Non, je ne suis pas d’accord », répond Christakis, qui écoute avec une patience infinie. Il répète qu’il comprend « la souffrance » des étudiants de couleur, mais qu’il ne s’excusera pas. « Alors, qu’est-ce que vous foutez à ce poste ? » continue l’étudiante afro-américaine, perdant son sang-froid. « Votre boulot ne consiste pas à créer un débat intellectuel… Comment faites-vous pour dormir la nuit ? Vous êtes répugnant », conclut-elle. Scène stupéfiante. Est-on vraiment à l’université de Yale, ce haut lieu de culture ? L’étudiante ne sera ni renvoyée ni réprimandée. Des manifestations vont au contraire démarrer, pour demander la démission… des Christakis.




Quand Le Figaro s’est rendu sur place quelques jours plus tard, un calme trompeur plane sur Yale. En face de la bibliothèque Sterling, véritable cathédrale d’architecture néogothique, les étudiants s’attardent sur les bancs. Mais la plupart restent silencieux sur la fronde qui couve. Les rares qui parlent ne donnent pas leur nom et s’empressent de souligner à quel point ils se sentent « en phase » avec les revendications des « insurgés ». Ce qui frappe, c’est que leur langage est idéologique et codé. Ils parlent « racisme institutionnel », « privilèges blancs », « sentiment d’invisibilité ». Mais ils restent vagues sur tout exemple concret de racisme. Seul incident évoqué, en dehors du courriel : le fait qu’une étudiante noire aurait été laissée à la porte d’une soirée organisée par la fraternité Sigma Alpha Epsilon. Le videur aurait déclaré que seules « les filles blanches » étaient acceptées. La Fraternité a nié catégoriquement l’incident et rappelé que nombre de ses membres sont noirs. Mais le doute, véhiculé par les réseaux sociaux, persiste. Les étudiants sont également nombreux à penser que les Christakis devraient quitter Silliman, parce qu’ils n’ont pas « protégé » les sensibilités des jeunes dont ils ont la charge. « Ils ont profité de leur position de pouvoir », répètent-ils.

Zachary Young, 20 ans, qui préside une association dédiée à la libre parole, a recueilli 800 signatures pour défendre le couple. Membre du collège Silliman, cet étudiant se dit indigné de la manière dont Nicholas Christakis, « un libéral, très à l’écoute », a été traité : « Les étudiants disent être déstabilisés de le croiser à la salle de gym ! C’est puéril ! » « S’ils veulent se battre pour la justice sociale, qu’ils aillent voir les discriminations qui persistent dans les ghettos noirs de New Haven, à quelques kilomètres. Ils parlent du “privilège blanc”, mais ne voient-ils pas qu’ils font aussi partie des privilégiés ? » renchérit une étudiante étrangère qui taira son nom de peur d’être « lynchée » par ses pairs…

« Règne du politiquement correct »

Ces deux jeunes conservateurs — une rareté sur les campus — disent aussi « ne pas être surpris par la révolte » vu « le règne du politiquement correct ». Zach Young mentionne la vague récente d’annulations d’invitations de conférenciers jugés « non conformes », comme la musulmane laïque Ayaan Hirsi Ali ou la directrice du FMI, Christine Lagarde, au nom « du droit à ne pas être offensé ». « Je ne suis pas d’accord avec l’idée qu’il existe ici une oppression raciale systémique vis-à-vis des minorités. Cette université est certainement l’une des plus inclusives du pays », dit-il, notant en riant que les conservateurs sont peut-être les plus discriminés. L’avocat Floyd Abrams, ancien de Yale et spécialiste du premier amendement, estime qu’« il faut répondre au malaise des étudiants de couleur ». Mais il met en garde « contre la tendance grandissante à exiger des limitations à la liberté de parole, notamment dans les salles de classe ». « Exiger de mettre au rancart des œuvres intellectuelles majeures sous prétexte qu’elles pourraient offenser certains, c’est très dangereux. Si les Christakis étaient poussés à partir, ce serait un signe terrible envoyé par l’université. »

Yale cède et embauche davantage de professeurs afro-américains,

Après avoir pris son temps, Yale a finalement refusé l’ultimatum étudiant et conforté les Christakis à leur poste. Acceptant en revanche d’autres revendications, comme l’embauche de davantage de professeurs afro-américains, la mise en place d’un soutien psychologique plus actif et de formations des enseignants aux questions de discrimination.

Cette navigation prudente traduit l’inquiétude des autorités, alors que les protestations se sont répandues comme une traînée de poudre à travers d’autres universités du pays, touchant plus d’une centaine de campus. Le président de l’université du Missouri a dû par exemple démissionner sous la pression d’associations étudiantes noires et de l’équipe de football universitaire, pour ne pas avoir eu une politique d’inclusion des minorités suffisamment « active » après les émeutes de Ferguson. La grève de la faim d’un étudiant inspiré par ces événements a visiblement joué un rôle déclencheur. Mais ce qui frappe, comme à Yale, c’est qu’aucun fait précis de discrimination n’a motivé la « révolte », juste des sentiments diffus d’isolement et la découverte d’une croix gammée dessinée avec des excréments dans des toilettes…


« Déconstruction du modèle occidental »

Signe du vent révolutionnaire qui souffle, un professeur « coupable » de ne pas avoir annulé un examen pendant les manifestations a failli être forcé à la démission pour avoir manqué d’« empathie »…

Rapporter à a police tout « discours haineux »  

L’administration évoque désormais la création de règles enjoignant aux étudiants de rapporter à la police tout « discours de haine » qu’ils pourraient entendre en classe. « Une mesure très dangereuse », dit l’avocat Floyd Abrams. À Claremont McKenna College, en Californie, la doyenne a dû quitter son poste parce qu’elle avait proposé de faire plus pour intégrer « ceux qui ne sont pas dans le moule CMC », une formule jugée… raciste ! Au prestigieux collège Amherst, les étudiants exigent de débaptiser l’établissement — qui doit son nom à un général britannique de l’époque prérévolutionnaire — au motif qu’il avait suggéré de combattre les Indiens avec des couvertures infectées. Ils ont aussi réclamé des « excuses de la direction » pour « l’héritage institutionnel de la suprématie blanche » ainsi que pour « l’hétérosexisme, le cissexisme, la xénophobie » et autres discriminations. À Princeton, un débat féroce a surgi à propos d’un panneau mural mettant en scène l’ancien président Woodrow Wilson, soudain décrété infréquentable en raison de son passé esclavagiste…

Nombre de voix conservatrices comme libérales soulignent en revanche que les griefs des étudiants semblent largement nourris de la revanche identitaire véhiculée par le corps enseignant « progressiste » qui a fait main basse sur les humanités dans les facultés, faisant des études critiques et de la « déconstruction du modèle occidental » sa doxa.

Des universités de moins en moins blanches 
 
Ce mouvement s’étend en même temps que la clientèle des universités américaines devient de moins en moins blanche. Les blancs sont ainsi désormais minoritaires à Yale (voir ci-dessous) alors qu’ils formaient encore 77,4 % de la population américaine en 2014. Et pourtant Yale n’est classé que n° 124 au palmarès de la diversité ethnique des universités américaines.

Diversité ethnique de Yale (étudiants, 1er degré)


« Les héritiers postmodernes des marxistes ont ressuscité le prisme dominant-dominé en remplaçant simplement les ouvriers par les minorités sexuelles ou raciales. Le but est resté le même : lire le monde comme une éternelle bataille entre l’homme blanc, colonialiste et machiste, et ceux qu’il aurait toujours et seulement opprimés », regrettait ce printemps le professeur de théorie politique de l’université de Georgetown Joshua Mitchell. En écho à sa préoccupation, d’autres intellectuels s’inquiètent d’une révolution « culturelle » si préoccupée de diversité qu’elle annihile tout espoir de créer un socle commun entre communautés. Ainsi le New York Times rapporte-t-il la contre-attaque des anciens d’Amherst, qui se sont vigoureusement opposés en interne au changement de nom de leur alma mater. « Nous stérilisons l’histoire en éliminant les anciennes mascottes, a noté William Scott, diplômé de 1979, sur un site internet des anciens étudiants. C’est comme de brûler les livres. »

Nous assistons à la révolte de « petits Robespierre », avertit le Wall Street Journal. Clairement, la révolution culturelle des plus jeunes et leur tendance à la victimisation systématique commence à inquiéter les aînés.

Voir aussi

Des universités politiquement correctes qui doivent « protéger » leurs étudiants


Canada — Liberté d’expression et d’opinion menacée dans les universités

« Le multiculturalisme fragmente la société : c'est le contraire du prétendu vivre-ensemble »


Mathieu Bock-Côté, né en 1980, était déjà une figure intellectuelle du Québec alors qu’il n’avait pas 30 ans. Sociologue, chargé de cours dans plusieurs universités, il s’est d’abord intéressé au nationalisme québécois et à son destin après le rejet par référendum, en 1980 et en 1995, du projet de « Québec libre ». Mais il a ensuite élargi sa réflexion aux évolutions des démocraties occidentales face aux ruptures sociales et culturelles provoquées par la mondialisation.


Comment définissez-vous le multiculturalisme ?

Mathieu Bock-Côté — Traditionnellement, la vocation de l’immigré était de prendre le pli de la société d’accueil, d’apprendre à dire « nous » avec elle, de s’approprier son histoire et de s’y inscrire. Le multiculturalisme inverse le devoir d’intégration. Désormais, c’est la société d’accueil qui doit transformer ses institutions et sa culture afin de s’adapter à la diversité. Dans cette perspective, la société d’accueil doit multiplier les démarches destinées à favoriser l’inclusion du nouvel arrivant, qui lui-même définira les termes à travers lesquels il participera à la société d’accueil. Ce qui était autrefois considéré comme la culture nationale n’est plus qu’une culture parmi d’autres, dans une société autoproclamée inclusive qui ne sera plus régulée que par les droits de l’homme revisités par le droit à la différence. En fait, cette culture nationale ne conserve qu’un seul privilège, tout négatif, celui de faire pénitence pour avoir supposément persécuté les minorités. Afin d’expier ses péchés d’hier, la culture nationale doit par conséquent travailler à sa propre déconstruction. On arrive ainsi à un monde où les pays conservent leur nom — la France, la Grande-Bretagne, le Québec, etc. —, mais où l’expérience historique qui les caractérisait est appelée à se dissoudre.

Est-ce que le multiculturalisme se confond avec le modèle des États-Unis ?

Non, pas du tout. On en a parfois l’impression, parce qu’en comparaison des vieilles nations européennes, les États-Unis sont un pays jeune, né d’apports de populations diverses. Mais en réalité, le multiculturalisme trouve en partie ses origines dans la question noire, qui représente pour l’Amérique un authentique péché originel. Le multiculturalisme, qui s’érigera en doctrine à partir des années 1980, incitera chaque minorité à calquer son attitude sur la communauté noire. Chacune devrait dénoncer la discrimination que lui imposerait la société dominante en réclamant un statut de victime valant des droits spécifiques. Chaque groupe minoritaire en viendra à prendre la posture victimaire – s’ouvre alors la logique de la concurrence victimaire. Le multiculturalisme a donc poussé en Europe, au Canada comme aux États-Unis, même si le phénomène a revêtu des noms différents.

C’est un phénomène occidental…

Oui. Au Canada, il est officialisé par la Constitution. A l’origine du multiculturalisme canadien se trouve la volonté de désamorcer les revendications historiques du Québec, pour faire en sorte que le Québec ne soit plus une nation, mais une communauté ethnique parmi d’autres au sein du Canada pluriel. Dans le cas des États-Unis, le point de départ du multiculturalisme réside dans les radical sixties, on dirait en France les années 68, cette espèce de désagrégation de la conscience occidentale, cette réécriture de l’Histoire à l’encre de la culpabilité. En Europe, le multiculturalisme naît du constat d’échec du marxisme. Le communisme ayant échoué, le projet révolutionnaire n’est pas abandonné, mais connaît un transfert : on passe de la critique du capitalisme à la dénonciation de la civilisation occidentale. Dans le rôle de la figure honnie, le bourgeois est remplacé par l’héritier de la culture majoritaire, et à l’inverse le héros n’est-il plus le prolétaire, mais l’exclu, l’immigré, le minoritaire. Les questions économiques s’effacent devant les questions sociétales. En vérité, comprendre le multiculturalisme suppose de le considérer dans l’histoire plus large du progressisme, dans l’histoire des mutations de la gauche à partir des années 1960.

Mais la droite n’a-t-elle pas une part de responsabilité dans ce processus ?

Si, mais au départ, le multiculturalisme s’ancre à gauche. Il est l’enfant de théoriciens marxistes qui ont abandonné le paradigme économique, mais en s’accrochant à une vision qui remplace la lutte des classes par la lutte des identités. Intellectuellement, le courant vient de la gauche radicale. Dans les années 1980, toutefois, il devient le projet politique de la gauche dominante. Le meilleur exemple est la third way, la troisième voie de Tony Blair. Une interprétation superficielle a jugé cette politique comme un passage des travaillistes de la gauche à la droite, parce qu’ils ont accepté l’économie de marché. Mais en même temps, Blair embrassait un tout autre programme sur les questions sociétales et identitaires, s’attachant par exemple à convertir la Grande-Bretagne au multiculturalisme. Analogiquement, les socialistes français, lors du premier mandat de Mitterrand, se sont convertis au marché, mais ont fait de l’antiracisme un enjeu politique. En 2012, Terra Nova fera même du multiculturalisme une stratégie électorale, conseillant au PS de chercher ses électeurs parmi les représentants de la diversité. Né comme une utopie au croisement du marxisme en crise et de la contre-culture, utilisé comme arme politique, le multiculturalisme s’est institutionnalisé : il est devenu un langage d’État, une pratique administrative, une pratique dans les entreprises. La droite, vis-à-vis du phénomène, affiche une attitude terriblement timorée. Spontanément, elle résiste au multiculturalisme parce qu’elle se sent gardienne d’un certain héritage. Mais partout, en Occident, la droite a entrepris, au début des années 1990, de faire concurrence à la gauche dans le progressisme, comme si elle n’assumait plus sa part conservatrice. Quel est le progressisme propre à la droite ? C’est la sacralisation de l’économie de marché et de l’individu hors-sol. Inversement, elle a abandonné progressivement tout ce qui était une politique des ancrages, une politique de l’enracinement. S’emparant à sa manière de la nouvelle époque — l’euphorie de la mondialisation heureuse — la droite a occulté les questions culturelles, identitaires, les laissant à ceux qui sauront s’en saisir.

Le populisme est donc une conséquence du multiculturalisme ?

Inévitablement. Une partie de la population occidentale n’apprécie pas le déclassement qu’on lui fait subir. Vous étiez la nation d’accueil, vous voilà le principal obstacle à la création d’une société nouvelle parce que, refusant de n’être qu’une communauté parmi d’autres dans votre pays, vous persistez à considérer votre culture comme une culture de convergence, mais on vous l’interdit. A un moment ou à un autre s’exprime alors une protestation, souvent maladroite, souvent canalisée par des partis discutables. Ce qu’on appelle le populisme, c’est la politisation de la dissidence populaire devant le multiculturalisme édifié par les élites. Soulignons à ce propos que la notion de peuple n’existe plus aujourd’hui que sous forme négative : on ne mentionne celui-ci que pour exprimer sa méfiance à son égard. Le peuple du populisme, c’est le peuple historique des vieilles nations occidentales, le peuple d’hier, tandis que le peuple du multiculturalisme, c’est le peuple de la diversité. Dès lors que la droite a abandonné la nation, l’autorité, la transmission, la mémoire, l’enracinement, et la gauche, la protection sociale et le travailleur ordinaire, les mouvements populistes s’en emparent. Et, comme ces sujets sont stigmatisés sur le plan médiatique, les partis de gouvernement n’osent plus les aborder. Pire encore : dans la mesure où les populistes s’en sont un temps emparés, on les juge contaminés. Ainsi, lorsque la droite cherche à renouer avec son héritage conservateur, on l’accuse de dérive réactionnaire. On aboutit donc à ce paradoxe : les préoccupations du peuple ne sont plus les bienvenues dans l’espace démocratique.

Un des effets du multiculturalisme, auquel vous consacrez un chapitre de votre livre, c’est le rapport au passé : on veut réécrire l’Histoire.

C’est par le récit de sa propre histoire qu’une communauté fait l’expérience du monde. A partir du moment où le passé est raconté comme une série de persécutions manifestant les phobies et les systèmes discriminatoires mis en place par la majorité, à partir du moment où les minorités consacrent toutes un nouveau méchant, le fameux « homme blanc hétérosexuel », l’Histoire apparaît comme un champ d’horreurs. Pourquoi, alors, s’approprier celle-ci ? Il convient plutôt de s’extraire de l’Histoire, notamment à l’école. Ainsi ne cherche-t-on plus à inscrire les jeunes générations dans un monde qui les précède et leur survivra, selon la formule d’Alain Finkielkraut. Au contraire, il faut imperméabiliser les enfants contre cet héritage susceptible de les contaminer. Ce rapport idéologique au passé est fondateur de la nouvelle légitimité multiculturaliste. Ceux pour qui l’Histoire demeure le lieu d’une mémoire positive seront de plus en plus considérés comme d’infréquentables nostalgiques : ils cherchent à faire survivre un héritage dont on devrait se débarrasser. Ils n’auront plus droit de cité dans l’espace public, parce qu’ils seront accusés de répandre des légendes étrangères à la conscience hypercritique qui est la norme médiatique et même universitaire.

Quels sont les autres effets du multiculturalisme sur la cohésion de la société ?

En premier lieu, une fragmentation sociale. Lorsque la norme commune passe pour l’expression de la tyrannie de la majorité sur les minorités, lorsque la norme commune apparaît exclusivement comme un rapport de pouvoir et de domination sur les marges, aucune intégration n’est possible. C’est le contraire du prétendu vivre-ensemble. On le voit avec les politiques qui essaient d’institutionnaliser le droit à la différence ou la discrimination positive. Laquelle, dans les faits, injecte le facteur racial dans la politique. On le voit de même quand certaines communautés ne sont pas intégrées à la nation. Le fait est attribué non pas à des pratiques culturelles trop éloignées de la société d’accueil, et donc du travail que ces communautés devraient faire sur elles-mêmes afin de s’intégrer, mais au système discriminatoire dont la société d’accueil serait porteuse, ce qui lui vaut d’être mise en accusation. Racisme d’État, racisme systémique : on connaît ce vocabulaire qui relève de l’intimidation idéologique bien qu’il se maquille en langage scientifique. Ajoutons que, puisqu’il n’y a plus de culture nationale et que toutes les cultures peuvent cohabiter librement, le multiculturalisme encourage l’immigration massive, prétendant que celle-ci ne provoquera jamais de tensions. Jusqu’à ce que se pointe cette chose inattendue qui est le réel… Les campagnes de sensibilisation du type « Tous unis contre la haine » se multiplient dans les pays occidentaux, qui traitent leur population comme une population malade, étouffée par ses préjugés. Le politiquement correct est l’expression de cette volonté de rééducation du peuple. Mentionnons encore qu’afin de préserver les tabous de chaque communauté, de respecter sa définition du blasphème, on réduit la liberté d’expression. On a tendance à vouloir corseter la parole publique et à voir derrière n’importe quelle critique de la « diversité » un appel à la discrimination qu’on voudra censurer. Notre société, en dernière instance, voit la liberté régresser.

Selon vous, le courant peut-il être inversé ?

Certains pourraient penser que le multiculturalisme correspond au mouvement de l’Histoire. Je ne suis pas d’accord. Le phénomène résulte d’un projet politique qui a pris forme au cours d’une lutte idéologique d’une quarantaine d’années. Nous sommes face à un courant qui prétend définir la démocratie, et ceux qui ne sont pas d’accord avec cette définition sont délégitimés dans l’espace public. Un système socioculturel s’est institué, accordé à une vision du monde. Ce système s’appuie sur un État qui, à l’aide d’un appareil administratif, pilote les comportements sociaux. C’est une action politique. Or cette action politique, il est possible de la contester et de la contrer politiquement. Il est possible de restaurer la souveraineté parlementaire ou la souveraineté populaire devant la judiciarisation exagérée du politique au nom d’une conception falsifiée des droits de l’homme. Il est possible de reconstruire les frontières nationales. Il est possible de décider que l’école transmette à nouveau une culture véritable. Il est possible de définir la citoyenneté de telle manière qu’elle ne soit pas vidée de toute signification. Il est possible d’abolir les politiques qui institutionnalisent le communautarisme au nom du droit à la différence. Puisque tout cela est possible, c’est un programme qu’on peut se donner.

Source : Figaro Magazine, vendredi 27 mai 2016.

Le multiculturalisme comme religion politique,
de Mathieu Bock-Côté,
paru aux éditions du Cerf,
à Paris,
le 15 avril 2016,
368 pages
à 34,95 $
ISBN : 9 782 204 110 914


Voir aussi

« Le multiculturalisme tue toute identité commune enracinée dans une histoire » (m-à-j entretien)

vendredi 3 juin 2016

France — Réforme socialiste des écoles libres...revient à éliminer leur liberté pédagogique

Dans la série « ne perdons jamais une occasion et profitons des crises » (la radicalisation de jeunes musulmans) « pour imposer nos petits projets liberticides et jacobins », nous présentons ce communiqué de presse de la Fondation pour l’école qui s’insurge contre un projet de loi qui vise à limiter sévèrement les libertés des écoles hors contrats (surtout laïques et chrétiennes) sans que le gouvernement socialiste ne se pose de questions sur les écoles publiques dont est issue l’immense majorité des terroristes récents.





La réforme envisagée revient à vider de sa substance la liberté pédagogique des écoles hors contrat. La Fondation pour l’école appelle le ministère à retirer son projet ou à en lever toutes les ambigüités.

Le Ministère de l’Éducation nationale projette de modifier le régime d’ouverture des établissements hors contrat (en passant d’un régime de déclaration d’intention à un régime d’autorisation préalable) et d’imposer désormais à ces établissements, ainsi qu’aux enfants pratiquant l’école à la maison, le respect des programmes de l’école publique, à chaque fin de cycle soit en CE2, 6e et 3e. La Fondation pour l’école a été consultée. Elle est tout à fait opposée aux réformes prévues au regard des projets de textes qui lui ont été transmis par le ministère. En effet, les réformes envisagées réduisent de façon draconienne la liberté d’enseignement comme la liberté d’association, deux principes de rang constitutionnel qui sont au fondement de notre État de droit, sans que les motifs de telles restrictions puissent être saisis avec certitude.

1 ° Projet de réforme du régime d’ouverture des écoles hors contrat

Le ministre de l’Éducation nationale a justifié ses projets de réforme par des objectifs contradictoires d’une déclaration à l’autre : tantôt il s’agissait de prévenir le développement d’écoles radicalisantes, tantôt était invoquée la nécessité de mettre un terme à l’indigence scolaire d’une poignée d’écoles. A noter que la rue de Grenelle a refusé de publier la liste des écoles hors contrat posant problème et servant d’élément déclencheur de cette réforme, et n’a pas davantage expliqué pourquoi elle ne fermait pas ces écoles alors que l’article 227-17-1 du Code pénal lui en donne tout à fait le pouvoir.

Instaurer un régime d’autorisation n’a rien d’un toilettage technique des textes ; c’est une révolution contraire au principe même de liberté d’ouverture qui découle du caractère constitutionnel de la liberté d’enseignement.

Cela conduira mécaniquement à la raréfaction du nombre d’écoles hors contrat ouvertes chaque année. C’est contraire à l’intérêt général, dans la mesure où 40 % des élèves de l’école publique sont en échec scolaire dans l’école publique à la fin du CM2 et donc que notre pays a particulièrement besoin de disposer d’écoles alternatives. Du principe d’un droit de la société civile à ouvrir des écoles privées, on passerait avec ce projet de réforme à celui de la restriction des ouvertures par l’État, conformément à la volonté affichée par Najat Belkacem de rendre plus difficiles les créations d’écoles privées.

Si ce régime était mis en place, les porteurs de projet d’école devraient faire des démarches administratives nettement plus lourdes, ce qui augmenterait le coût de lancement et conduirait à une raréfaction radicale des ouvertures d’école. L’administration aurait en pratique toute latitude de rallonger les délais, en ne cessant de demander des pièces administratives supplémentaires pour empêcher de voir le jour aux projets qui ne lui plairaient pas.

Alors que la réforme subordonne l’exercice de libertés fondamentales à un régime d’autorisation administrative préalable, le gouvernement veut procéder en toute hâte par ordonnance (en faisant adopter un amendement dans le cadre de la Loi Égalité et Citoyenneté habilitant le gouvernement à procéder par ordonnance législative). Il s’agirait, selon la formule du directeur de cabinet adjoint du ministre de l’Éducation, O. Noblecourt, d’éviter de livrer le projet de réforme au « ball-trap parlementaire » [Le ball-trap est un appareil à ressort qui lance des disques d’argile pour l’exercice du tir au pigeon]. Formule que les parlementaires apprécieront.

S’il ne s’agit que d’un toilettage juridique, pourquoi une telle hâte et un tel contournement des élus de la République ? Si le but est de lutter contre la radicalisation de la jeunesse, les mesures sont particulièrement inadaptées : il vaudrait mieux, pour ce qui est des écoles privées sous ou hors contrat, imposer la transparence sur l’origine des financements des écoles, contrôler le respect de l’égalité homme/femme dans l’établissement, et, s’agissant des écoles publiques, veiller à la qualité de l’enseignement et à sa contribution à la concorde sociale et à l’unité nationale.

Nous exercerons à l’égard des projets de textes en cours d’élaboration toutes les voies de recours possibles. Nous appelons en outre les parlementaires à refuser de se dessaisir de leurs responsabilités sur un sujet qui touche gravement aux libertés fondamentales et à rejeter en conséquence l’amendement habilitant le gouvernement à procéder par ordonnance.

2 ° Projet de réforme du contrôle du contenu des connaissances acquises par les enfants

Ce qui fait que les écoles hors contrat représentent un apport précieux dans le paysage éducatif français, c’est leur liberté pédagogique. Pouvoir choisir librement les progressions pédagogiques constitue un des éléments, si ce n’est l’élément essentiel, de la liberté qui caractérise les écoles hors contrat. C’est notamment cette liberté qui permet à certaines de ces écoles d’accueillir des enfants à besoin pédagogique particulier tels les enfants à haut potentiel ou les enfants « dys — ». Les écoles sous contrat sont financées par l’État dans la mesure justement où elles ont accepté d’enseigner selon les programmes de l’État. Appliquer au hors-contrat la même obligation de conformité des programmes revient à exiger de lui les mêmes contraintes que le sous-contrat sans pour autant le financer ! [Cette situation absurde est celle qui prévaut au Québec, pays du monopole éducatif.]

Si les inspecteurs évaluent désormais le niveau des élèves à chaque fin de cycle, en vérifiant qu’ils maîtrisent les mêmes connaissances et compétences que les élèves suivant le programme de l’éducation nationale, cela conduira les écoles hors contrat à s’aligner sur les programmes de l’école publique (qui sont définis par cycle). Ainsi, des écoles comme les écoles Steiner ou Montessori, les écoles démocratiques ou les écoles Espérance banlieues ne parviendront pas à se conformer à cette loi, tant leurs progressions peuvent diverger de celles de l’Éducation nationale — divergence qui ne les empêche pas d’atteindre le niveau exigé par le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture en fin de période d’instruction obligatoire. C’est d’ailleurs cette liberté de progression pédagogique qui fait la spécificité et l’intérêt des écoles indépendantes.

Nous dénonçons le caractère illégal d’un tel projet de décret au regard des dispositions législatives pertinentes du Code de l’éducation et du caractère constitutionnel de la liberté d’enseignement, laquelle comprend à l’évidence la liberté des programmes (cf. l’article L442-3 du Code de l’éducation, par exemple pour le primaire). Par conséquent, s’il devait être pris, nous contesterions la légalité du décret devant le Conseil d’État et nous en demanderons la suspension immédiate de l’exécution.

Nous déplorons que le Ministère prenne l’initiative de rouvrir la guerre scolaire. Alors que 40 % des enfants sont en échec scolaire en fin CM2, nous ne voyons pas ce que la France gagnerait à supprimer les alternatives pédagogiques qu’offrent les écoles indépendantes à ses enfants.

Nous invitons donc le gouvernement à renoncer à ses projets de réforme.

TEXTES DE RÉFORME :

Textes fournis par le gouvernement premièrement sur le projet de changement du régime d’ouverture des écoles hors contrat et deuxièmement sur le projet de changement du contrôle des connaissances des élèves des écoles hors contrat :

http://creer-son-ecole.com/fichiers/projet-reforme-gouvernemental-hors-contrat.pdf

Anne Coffinier,
Directeur général de la Fondation

anne.coffinier@fondationpourlecole.org

jeudi 2 juin 2016

Marronnier — Les écoles juives « illégales »

C’est un marronnier au Québec comme on dit dans le jargon du journalisme. C’est-à-dire un sujet d’information meublant une période creuse et consacré à un événement récurrent et prévisible.

Voici donc revenue la saison des articles et reportages sur les « écoles juives illégales ».

D’emblée, notons que ces « écoles » ne sont ni clandestines ni nécessairement illégales. Ces établissements n’ont peut-être pas de permis d’enseigner au sens de la Loi sur l’école privée, mais certains établissements sont dispensés de tel permis : les écoles religieuses comme les séminaires catholiques ou les yéchivas (écoles talmudiques) et les centres de soutien scolaire.

Québec a d’ailleurs préféré régler à l’amiable (hors cour) une affaire dans ce dossier le jour même où les parties devaient comparaître devant le tribunal. Le Monopole de l’Éducation avait auparavant essuyé un échec quand il avait demandé la fermeture en urgence d’une yéchiva ouverte depuis près de 60 ans... Voir Québec ne cherchera plus à fermer une école hassidique considérée auparavant comme illégale, École orthodoxe juive en procès contre Québec pour éviter sa fermeture d’autorité.

Perquisition des « services de la protection de l’enfance » sous protection policière dans un établissement hassidique


D’ailleurs, le Monopole de l’éducation le reconnaît quand il dit par la voix de son ministre, l’inénarrable girouette Sébastien Proulx : « Il n’y a pas eu de demande de permis, il n’y a pas de demande de permis en cours, il n’y en a pas eu dans le passé. Ce n’est pas un endroit où il se donnait un programme éducatif [comprendre: c'est une yéchiva qui enseigne surtout des sujets religieux], donc ce n’est pas une école au sens du ministère de l’Éducation », a confirmé Sébastien Proulx. S’il n’y a pas d’école au sens du ministère de l’Éducation, les journalistes devraient arrêter de dire « école illégale » ou « école clandestine »... Mais on comprend que cela fait sensationnel et joue sur une fibre « laïciste » intolérante.

Nous comprenons parfaitement que l’immigration massive au Québec (55 000 personnes/an) de personnes parfois très éloignées culturellement et linguistiquement soit une cause d’angoisse pour de nombreux Québécois, mais c’est un débat différent. C’est l’immigration alors qu’il faut mieux cibler, sans doute limiter ; il ne faut pas restreindre la liberté scolaire de tous les Québécois (y compris donc les chrétiens ou agnostiques conservateurs pour parler franchement) afin de lutter contre ce bouleversement migratoire.

N’oublions pas que ce monopole éducatif s’est retourné contre les parents conservateurs depuis plus de 40 ans. Hier, c’était encore l’imposition d’un cours d’ECR qui allait faire des merveilles au niveau du vivre ensemble (nous n’en croyons rien). Aujourd’hui ce sera l’imposition d’une éducation à la sexualité qui, prétextant une lutte contre les maladies vénériennes (en fait ces programmes ont peu d’effets sur le taux de MST), inculquera une philosophie sexuelle permissive, la lutte aux « stéréotypes genrés », la théorie du genre et autres modes qui plaisent aux groupes de pression LGBT. (Voir Le cours d’éducation sexuelle ontarien évite-t-il l’augmentation du nombre de maladies vénériennes ? et Malgré l’éducation sexuelle, recrudescence des maladies vénériennes en Suède.)


Ce que les parents juifs, comme tous les autres, doivent faire, par contre, c’est d’assurer une éducation généraliste à leurs enfants. Mais rappelons que le premier responsable de l’éducation de l’enfant n’est pas l’État : c’est le parent. Selon le Code civil du Québec, l’éducation est un attribut de l’autorité parentale. En droit civil, l’éducation est à la fois un droit et un devoir pour le parent : art. 599 et 605 Code Civil du Québec (CCQ). L’enfant n’est pas sous l’autorité de l’État, mais sous l’autorité de ses parents : art. 598 CCQ. Au Québec, le parent n’a pas l’obligation de déléguer l’éducation de son enfant à un tiers (art. 601 CCQ et art. 51 de la Loi d’interprétation). C’est pourquoi le parent peut donner un enseignement à la maison, ce que l’État doit faire c’est d’aider le parent à réaliser cette obligation. Aide et non répression. On en est loin. (Pour plus de détails.) Nous n’avons pas d’objection à ce que les parents doivent informer l’État où leurs enfants reçoivent cette éducation généraliste pour peu qu’il existe une véritable liberté parentale en matière scolaire au Québec.

Pour ce carnet, le parent pourrait choisir n’importe quelle école de son choix du moment qu’elle répond à quelques exigences de base : enseignement des matières de base (certainement le français au Québec), dans des locaux sûrs et hygiéniques, sans maltraitance physique patente, sans propagande incitant à la violence, avec des évaluations des élèves dans les matières de base par un ou plusieurs organismes indépendants du gouvernement, mais reconnus par le Québec (y compris des organismes étrangers par exemple suisses, français ou belges). Les écoles ou les parents devraient pouvoir choisir l’organisme d’évaluation homologué qui les satisfait.

Pour le reste, nous sommes très réservés, par contre, sur l’imposition de pédagogie particulière aux parents ou aux écoles, sur une obligation de choisir du matériel « approuvé » par le Monopole et sur l’imposition (en partie syndicale) des seuls enseignants formés au pédagogisme québécois. Cela pour plusieurs raisons. L’une est philosophique : nous pensons qu’il est bon d’avoir plusieurs modèles d’éducation, un marché de l’éducation qui répond à des aspirations différentes, à des élèves différents, à des méthodes différentes. C’est ce que notre société accepte dans l’alimentation ou le transport, d’autres domaines aussi cruciaux que l’enseignement. Pourquoi dans le domaine de l’éducation devrait-il y avoir un monopole, si ce n’est pour modeler les enfants des autres selon le désir des gens au pouvoir ? Une autre raison est pratique : l’école québécoise forme souvent des élèves à la culture générale médiocre, c’est une école de facilité, elle place la « pédagogie dûment diplômée » au-dessus du talent confirmé des enseignants. Le monopole n’a pas débouché sur l’excellence, c’est une litote de le constater. On aboutit aussi à des cas kafkaïens comme ce professeur de latin apprécié de tous, mais qui n’ayant pas les heures de pédagogie requises se vit obligé de quitter la profession, non sans avoir d’abord appris le latin à sa remplaçante qui ne connaissait pas la matière, mais elle avait le diplôme québécois reconnu... (Voir Le nombre d’enseignants « non qualifiés » continue d’augmenter dans les écoles québécoises.)

Il y a aussi les écoles acceptées partout au Canada sauf au Québec comme l’école mennonite (surtout primaire) de Roxton Falls, mais qui ne peuvent fonctionner en tant qu’école « au sens du ministère de l’Éducation » principalement parce que, dans ce cas-ci, l’école n’accepte pas les enseignants qui ne sont pas mennonites. Or ces mennonites n’envoient plus (depuis une quarantaine d’années) leurs jeunes aux collèges et universités de formation d’enseignants, car ils désapprouvent, notamment, le climat antichrétien, selon eux, qui règne dans ces établissements. Est-ce que cela veut dire que ces écoles forment de mauvais citoyens, incultes, improductifs ? Rien n’est en fait moins sûr : les jeunes Québécois sont peu cultivés, les mennonites sont relativement prospères, leurs jeunes passent sans difficulté les épreuves du Monopole de l’Éducation, adultes ils répugnent à toucher le chômage. Notons enfin que la meilleure école primaire en Colombie-Britannique 2011 était une école des mormons polygames qui aurait très probablement été déclarée illégale (chair de poule) et clandestine (frissons dans le dos) au Québec.

Qu’est-ce que le Québec gagne à être aussi peu souple ?

La question n’est pas pour nous que les écoles juives doivent respecter la loi (de toute façon, aucun juge n’a dit que ces écoles religieuses étaient illégales), mais plutôt d’assouplir la loi et les règlements en la matière alors que cette rigidité ne comporte guère d’avantages et prive ainsi le Québec d’une plus grande diversité d’écoles, de pédagogies et d’enseignants. Bref, ce que nous choyons habituellement dans d’autres domaines : la concurrence, la liberté de choix et la souplesse.

Voir aussi

École clandestine « où 22 jeunes filles y recevraient l’enseignement de travaux ménagers » (Agnès Maltais se fonde sur un article de presse indigent et des rumeurs et laisse ses préjugés s’exprimer)

Les règles imposées à l’école privée sont responsables de la sélection pratiquée

Les écoles juives et la liberté du choix d’éducation des parents québécois

Le Ministère prétend « accompagner » les mennonites

Compulsory Education in the United States

Histoire du premier réseau d’écoles publiques aux É.-U. (L’Éducation publique est-elle nécessaire ? de Samuel Blumenfeld)

La DPJ recule après plus 3 ans d’interrogatoires, de tests et de procès : une famille recouvre sa liberté

Cour suprême : Enfant envoyé par un juge en garderie pour le « socialiser » après que seuls les experts de la DPJ ont pu témoigner

La DPJ intervient, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, vraiment ?

Ne pas trop parler des dysfonctionnements de la DPJ afin de garder la foi dans le système

Tribunal reconnaît deux intervenantes de la DPJ coupables, mais la DPJ échappe à toute condamnation, car une clause d’immunité la protège

Un enfant de la DPJ créé par procréation assistée au frais du gouvernement



Droits parentaux amoindris — Des parents en furie contre le DPJ

Menacée par l’école de faire appel à la DPJ, la mère renvoie sa fille à l’école où elle vit le martyre, la fille se suicide

L’obligation de scolarisation par l’État est-elle toujours bénéfique ?

Cannabis — Des dégâts congénitaux à l'ADN ?

Une nouvelle étude universitaire se penche sur le rôle du cannabis pourrait jouer dans ce qui est connu comme le chromothripsis. Le chromothripsis, ou « éclatement des chromosomes », est une découverte relativement récente. Il se produit quand l’ADN d’une cellule subit des dommages à grande échelle, mais pas assez pour tuer la cellule. On l’a relié à certains types de cancer et de malformations congénitales.

C’est la conclusion de cet examen australien de la littérature, qui suggère, dans la revue Mutation Research, la possibilité même, d’une transmission de ces dommages génétiques sur plusieurs générations.

Dans cet examen, les chercheurs ont considéré les éléments de preuves qui permettraient d’affirmer (ou non) qu’un des ingrédients actifs du cannabis — le tétrahydrocannabinol (THC)   pourrait déclencher un chromothripsis, ce qui pourrait causer le cancer et d’autres maladies.

Les chercheurs de l’University of Western Australia ont effectué un examen de la littérature à la recherche de preuves d’effets du cannabis et de ses différents « principes » actifs sur l’ADN humain pouvant conduire au cancer, affecter le développement du cerveau, voire les deux. Il s’agit donc d’un examen narratif portant sur les données de 189 résumés de recherche. Cette étude commence par un historique scientifique sur les étapes clés de la division cellulaire puis illustre, à partir des données disponibles, comment le cannabis perturbe ce processus à des stades bien spécifiques, conduisant à des mutations génétiques cancérigènes ou à des anomalies fœtales.

La possibilité de mutations génétiques transmissibles de génération en génération est évoquée et documentée, suggérant qu’un enfant de parents consommateurs de cannabis pourrait être affecté. Les auteurs citent en particulier plusieurs études montrant un lien positif entre la consommation de cannabis et des anomalies fœtales telles que le spina-bifida ou un faible poids de naissance, corrélées à des perturbations dans la croissance cellulaire. Des risques qui restent associés à un usage du cannabis élevé (environ 50-300 mg/kg).

L’examen, enfin, suggère que d’autres substances pourraient entraîner les mêmes effets à l’ADN : alcool, opioïdes, tabac et benzodiazépines pourraient en effet perturber le cycle cellulaire de manière similaire.

En conclusion, cet examen réunit des éléments de preuve soutenant l’idée que le cannabis peut perturber la division cellulaire, entraînant ainsi des dommages génétiques, pouvant conduire au développement de cancers et d’anomalies fœtales.

Mise en contexte

Notons qu’il existe une grande incertitude sur la façon dont les études incluses ont été choisies lors de cet examen, il est donc possible que toutes les recherches pertinentes n’aient pas été pris en considération.

Ce type d’étude sert à stimuler le débat et de plus amples recherches. Il n’est pas suffisamment fiable pour former la base du changement de politique par elle-même.

Une étude plus vaste et à plus long terme sera sans doute nécessaire pour voir si la consommation de cannabis pourrait avoir un effet intergénérationnel.

Nous savons que le cannabis, une drogue illégale de classe B, est connu pour contenir des produits chimiques cancérigènes (ou cancérogènes) et qu’il est déjà lié au cancer du poumon, la psychose, la schizophrénie et des problèmes de fertilité.

Sources
Mutation Research: Fundamental and Molecular Mechanisms of Mutagenesis May 4 2016 doi:10.1016/j.mrfmmm.2016.05.002 Chromothripsis and epigenomics complete causality criteria for cannabis- and addiction-connected carcinogenicity, congenital toxicity and heritable genotoxicity et NHS. UK



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mardi 31 mai 2016

Élève à la télévision : « J’en parlais avec mes amis trans à l’école... »


Trois nouvelles du jour sur le même thème.

Extraits d'une chronique de Lise Ravary :

«J’en parlais avec mes amis trans à l’école...» Ces paroles prononcées nonchalamment par un adolescent trans à la télévision m’ont fait sursauter.

Une gang de trans à la même école ? Comment cela est-il possible alors qu’on estime à 0,3 le pourcentage d’humains souffrant de dysphorie du genre, le terme médical qui désigne le fait de s’identifier à un genre différent du sexe biologique ?

[Note du carnet : Ce pourcentage correspond à ceux qui s'identifient comme transgenres. Ce nombre varie grandement d'un pays à l'autre, ce qui tendrait à indiquer qu'une partie de cette identification est culturelle. Le taux de personnes qui s'identifient comme transgenres varierait de 1/2000 (ou environ 0,05 %) aux Pays-Bas et en Belgique à 0,5% des adultes du Massachusetts à 1,2% de la Nouvelle-Zélande pour les élèves du secondaire. On estime que près de 0,005% à 0,014% des hommes et 0,002% à 0,003% des femmes serait diagnostiqués avec dysphorie de genre en vertu des critères médicaux actuels (et non d'une auto-identification).

Avec 1/2000, bon nombre d'écoles n'auraient aucun « transgenre » auto-identifié. Et sur une population scolaire d'un million d'élèves au Québec, il y aurait 500 élèves transgenres auto-identifiés dans tout le Québec et  100 élèves selon les critères de diagnostic actuels.]


Une mode ?

Serions-nous en présence d’une nouvelle façon pour certains jeunes, inspirés par la théorie du genre (s’identifier homme ou femme serait une construction sociale et non biologique) de faire un pied de nez au système? D’une guerre contre l’establishment?  [Note : Ce n'est pas impossible, voir Étude : Environ 70 % des ados qui se disaient homo ou bi se déclarent hétérosexuels par la suite.] Ou simplement d’une phase?

[...]

Et puis se pointe Derek, six ans, qui répète depuis qu’il sait parler qu’il est une fille. Son nom sera officiellement changé pour Rosaly. C’était dans Le Journal hier. [Note : Est-ce que cela ne conforte pas, n'officialise pas ce qui pourrait justement n'être qu'une phase ?]

Si la tendance se maintient, plus tard, il prendra des hormones qui annuleront les effets de la puberté et, à sa majorité, il pourra être candidat pour une «réassignation sexuelle» complète ou partielle.

[...]

La science sait très peu de choses sur le transgenrisme, la transidentité, le transgénérisme. Même le vocabulaire demeure fluide.

[...]

La science croit savoir – à partir de statistiques incomplètes parce que le phénomène est trop récent – qu’environ 75 % des enfants trans deviendront cisgenre à la puberté, le mot qui décrit les personnes en harmonie avec leur sexe à la naissance. Et qu’environ la moitié de ce nombre deviendra homosexuelle ou bisexuelle plus tard.

Les militants LGBT rejettent ces données et refusent les questions qu’ils estiment non pertinentes, selon leur grille d’analyse.

Dans le bus

Un lecteur nous écrit :

« Dans l’autobus qui m’emmenait à l’aéroport P.-E. Trudeau hier, j’ai vu des affiches en traversant Montréal : Transgenre et heureux à l’école; Lesbienne et heureux à l’école; Gai et heureux à l’école… Je m’attendais à voir Hétéro et heureux à l’école : eh bien non ! »

Il s'agit d'une de ces fameuses campagnes payées par les contribuables (5,7 millions pour l'année scolaire 2012-2013) contre l'intimidation qui n'est axée que sur le mal-être LGBT à l'école.



Rappelons que l'intimidation basée sur l'identité sexuelle des élèves (parfois présumée) n'est pas du tout en tête des motifs d'intimidation, bien au contraire. Les formes d'intimidation basées sur l’« homophobie » et les « stéréotypes sexuels » sont ultra-minoritaires ! L’orientation sexuelle des élèves (souvent simplement supposée au primaire et au début du secondaire) est loin, mais très loin, d’être une des raisons principales des brimades à l’école. En effet, le premier sujet des moqueries et insultes est lié au physique des élèves. Railleries parce qu’un élève est trop gros, trop petit, lent à la course, roux, laid, trop grand, trop maigre, etc. À la fin du secondaire, les motifs reliés au « genre » sont même parmi les moins fréquents loin derrière l’intimidation au physique, aux notes en classe, l’origine culturelle, la langue familiale, la religion et les revenus des parents !


Le Québec en « avance », un dossier prioritaire visiblement... 

Et bien sûr, le même jour, le gouvernement du Québec a dû annoncer dans l'émotion le dépôt du projet de loi 103, qui vise « à renforcer la lutte contre la transphobie et à réduire les obstacles administratifs qui compliquent la reconnaissance du statut de personne trans, notamment chez les mineurs ».

Si le projet de loi est adopté, une personne mineure pourrait obtenir, à certaines conditions, le changement de la mention de sexe qui figure à son acte de naissance. Ce changement serait possible sans obligation de subir un traitement médical. Sur simple déclaration donc ? Est-ce bien rationnel ?

Reprenant les arguments des militants LGBT, la ministre a affirmé que «  [c]e n’est pas un choix, vous savez, pour un jeune trans que de grandir dans un corps qui ne lui correspond pas, qui ne correspond pas à son identité réelle.» Pas réelle ? Comme cela, tout de go, quelle belle assurance devant ce phénomène complexe !  Comme à l'accoutumée, la nouvelle de Radio-Canada ne reprend aucun critique à cette action née de l'émotion médiatique autour d'un cas monté en épingle. Vieille technique cousue de fil blanc. Mais on aura compris qu'elle correspond à une demande « progressiste » qui ne saurait être critiquée.


samedi 28 mai 2016

Mort à papa ! Mort à maman !

Texte de Mathieu Bock-Côté sur une histoire « d'inclusion » :

C’est une histoire française, mais elle aurait très bien pu se passer au Québec – en fait, cela nous arrivera un jour.
Dans une école de village de la Gironde, les institutrices ont informé les parents d’élèves qu’elles ne fêteraient plus la fête des Mères ni la fête des Pères.

La raison: certains enfants n’ont pas de mère, d’autres n’ont pas de père. Ils risquent de se sentir exclus.

Alors les institutrices ont remplacé ces deux fêtes par celle «des gens qu’on aime».
Inclusion ?

La chose est devenue virale sur les médias sociaux. Elle heurtait le bon sens.

Pourquoi parler de cet événement lointain? Parce qu’il n’est pas si lointain.

Parce qu’il est révélateur d’une étrange manie qui domine notre époque: pour ne pas blesser la minorité, et quelquefois, l’infime minorité, on écrasera la majorité, on la privera de ses ancrages.

On veut créer une société inclusive pour tout le monde. Mais pour cela, on exclura la majorité. Tu es majoritaire? Ta gueule!

Papa, maman? Taisez ces mots que je ne saurais entendre! De la même manière, à la Commission scolaire de Montréal, on a effacé il y a quelques années la référence au père et à la mère dans certains formulaires pour éviter de faire preuve d’homophobie.

Parce que des gens ne fêtent pas Noël, devra-t-on désormais fêter la lumière?

[Mathieu Bock-Côté cherche visiblement avec cette Fête de la lumière à exclure, à stigmatiser les « mal-voyants » ! Ce carnet s'insurge avec la plus forte vigueur contre ces intolérables scotomaphobie et typhlophobie !]


Parce que des gens ne fêtent pas Pâques, devra-t-on plutôt fêter le chocolat?

Tout effacer !

Et puisqu’en ce monde il y a des célibataires malheureux, devrait-on suspendre la célébration de la Saint-Valentin? Parce que certains Québécois un peu bizarres se sentent d’abord et avant tout Canadiens, faut-il cesser de célébrer la Saint-Jean?

Faut-il tout aseptiser pour ne déplaire à personne, pour n’écorcher personne?

Faut-il défigurer le monde pour le rendre habitable à tous?


Faut-il écrire l’avenir avec une grosse gomme à effacer?

Apparemment, oui.

Voir aussi

Italie — Plus de fête des Pères à cause d'une enfant élevée par ses deux « mamans »

† Deux mots pour désigner la peur irrationnelle des aveugles... Blague à part, ce carnet est résolument « phobophobe ».


France — Les fautes d’orthographe diminuent fortement les chances d’être recruté

« Je constatais que mes étudiants faisaient de plus en plus de fautes dans leurs écrits, tout en n’ayant aucune conscience de l’impact que cela pouvait produire sur leurs recruteurs ! » Cette observation a conduit Christelle Martin-Lacroux, enseignante-chercheuse à l’institut universitaire de technologie (IUT) de Toulon-Var, à consacrer sa thèse en sciences de gestion à « l’appréciation des compétences orthographiques en phase de présélection des dossiers de candidature ».

CV et réseaux sociaux à l’épreuve

Et les résultats de ses recherches sont des plus probants : à expérience égale, un CV présentant des fautes a trois fois plus de chances d’être écarté qu’un CV à l’orthographe impeccable. Tout aussi frappant, les candidats sont encore plus sévères que les recruteurs concernant la bonne maîtrise de la langue française.

« C’est ce que j’ai appelé “le paradoxe de l’orthographe”, explique Christelle Martin-Lacroux. Même s’ils n’ont pas toujours les compétences pour écrire correctement, les candidats ont intégré l’importance de l’orthographe dans le cadre professionnel. »

Et le panel questionné par la chercheuse estime que la non-maîtrise de l’orthographe est un signe de laxisme, de défaut de politesse vis-à-vis du recruteur, voire de manque d’intelligence.

Quant aux recruteurs, « ils sont à la recherche d’indices de fond, comme de forme, pour déterminer l’employabilité des candidats, analyse la spécialiste d’économie et de gestion commerciale. La présence de fautes d’orthographe peut les décourager de rencontrer le candidat. »

Et il n’y a pas que le CV ou la lettre de motivation qui sont passés au crible. Selon une enquête menée par RégionsJob en 2013, sur les 60 % de recruteurs qui étudient les profils des candidats sur les réseaux sociaux, 71 % repartent avec un a priori négatif face à des fautes. Un point de crispation très franco-français, puisque Christelle Martin-Lacroux a constaté que les Anglo-Saxons sont beaucoup moins exigeants concernant les compétences langagières.

L’orthographe à la peine

La maîtrise de l’orthographe est un débat récurrent, ces dernières années, parmi les pédagogues. Plusieurs études ont en effet démontré une baisse générale du niveau des Français. Selon une enquête menée par le Projet Voltaire, qui publie son deuxième baromètre sur les liens des Français à l’orthographe, en 2016 les sondés maîtrisaient 43,25 % des règles de l’orthographe, contre 51 % en 2010.

Une baisse dont la cause ne fait pas l’unanimité, mais qui semble déterminée par plusieurs facteurs, comme la difficulté du français ou l’évolution des méthodes d’apprentissage. Le nombre d'heures d'enseignement du français a également fortement baissé en France. C'est ainsi qu'en 1976, un élève qui sortait du collège [15 ans] avait reçu 2 800 heures d'enseignement du français depuis son entrée au cours préparatoire. En 2004, il en avait reçu 800 de moins.

Christelle Martin-Lacroux note également un certain assouplissement des critères de notation des enseignants : « En 2015, l’académie d’Aix-Marseille avait ainsi donné comme consigne aux examinateurs du baccalauréat général de n’enlever que deux points s’ils corrigeaient des copies présentant au moins dix fautes graves par page. »

Selon le Projet Voltaire, qui propose notamment des accompagnements en orthographe à plus de mille établissements primaires, secondaires et supérieurs, les règles les plus complexes à assimiler sont les règles grammaticales. Et la règle la moins maîtrisée pourrait bien servir aux futurs candidats. Ainsi, vous écrirez « à l’attention de » au moment d’adresser votre candidature à un recruteur, en rédigeant votre lettre de motivation, mais vous rédigerez CV et lettre de motivation avec l’« intention » d’attirer son regard.

Source

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