mercredi 3 juin 2015

Recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada

Dans le cadre de son rapport sur les écoles où le gouvernement fédéral du Canada a tenté d’assimiler culturellement les autochtones à la majorité canadienne, la Commission de vérité et de réconciliation du Canada a publié une série de recommandations, dont plusieurs en matière d’enseignement et d’éducation.  Disons d'emblée que la mise en œuvre de cette politique d'assimilation à la majorité canadienne que furent les orphelinats a constitué une tragédie qui a très durement frappé les autochtones.


Les libéraux (PLC) ont demandé la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation.

Certaines de ces recommandations sont étonnantes. (Étrangement, l’abolition de la Loi sur les Indiens ne fait pas partie des recommandations.)

Voici la première recommandation en matière d’éducation :

6. Nous demandons au gouvernement du Canada d’abroger l’article 43 du Code criminel du Canada.

L’article 43 du Code dispose que :

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

On recommande ainsi d’interdire à tous les parents du Canada et du Québec de donner une fessée de force raisonnable à leurs enfants pour expier les péchés du gouvernement fédéral canadien qui désirait faire des Amérindiens de bons sujets assimilés du Dominion du Canada ? Quel rapport ?

Pour ce qui de cette recommandation :

8. Nous demandons au gouvernement fédéral d’éliminer l’écart entre le financement en matière d’éducation qu’il verse pour les besoins des enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles dans les réserves et celui qu’il accorde pour les besoins des enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles à l’extérieur des réserves.

Cela peut laisser penser au lecteur distrait que le financement en matière d’éducation des enfants des Premières Nations serait inférieur à celui des autres Canadiens ou que le financement dans les réserves serait inférieur à celui hors réserves pour les non autochtones. Mais, en général, c’est le contraire ! Doit-on comprendre que les enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles à l’extérieur des réserves devraient recevoir plus que leurs congères de « mauvaise origine ethnique » ?

Dépenses fédérales dans les écoles autochtones : 


En 2012-2013, le gouvernement du Canada a investi 1,62 milliard de dollars dans l’éducation primaire et secondaire des Premières Nations. Un montant additionnel de 226 millions de dollars a été versé aux Premières Nations pour la construction et l’entretien d’établissements d’enseignement dans les réserves. Ce financement a permis d’aider environ 113 000 équivalents temps plein des élèves des Premières Nations de niveau primaire et secondaire résidant habituellement dans les réserves. Ce nombre exclut certaines Premières Nations autonomes. Environ 61 % de ces élèves (68 798 équivalents temps plein) fréquentaient une école située dans une réserve tandis que 36 % (40 821 équivalents temps plein) fréquentaient une école provinciale. Les élèves formant le 3 % restant (3 433 équivalents temps plein) fréquentaient des écoles privées ou une des sept écoles administrées par le gouvernement fédéral.

Dépenses totales dans les écoles non autochtones :


Moins de prisonniers autochtones dans les prisons ?

30. Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de s’engager à éliminer, au cours de la prochaine décennie, la surreprésentation des Autochtones en détention et de publier des rapports annuels détaillés sur l’évaluation des progrès en ce sens.

Rappelons qu’il existe déjà un « principe Gladue » qui vise à réduire les sanctions pénales qui visent des criminels d’origine autochtone. L’article 718.2 e) du Code criminel statue, en effet, que :

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :
[...]

e) l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

Excuses du pape, ici au Canada, dans les douze mois, églises doivent respecter la spiritualité autochtone

Sentant probablement que les médias les soutiendront dans leurs demandes, les membres de la commission n’hésitent pas à demander des excuses au Pape. Excuses publiques, ici au Canada, qu’il devra présenter dans un délai d’un an...
58. Nous demandons au pape de présenter, au nom de l’Église catholique romaine, des excuses aux survivants, à leurs familles ainsi qu’aux collectivités concernées pour les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats dirigés par l’Église catholique. Nous demandons que ces excuses soient semblables à celles faites en 2010 aux Irlandais qui avaient été victimes de mauvais traitements et à ce qu’elles soient présentées par le pape au Canada, dans un délai d’un an suivant la publication du présent rapport.

Les écoles de théologie et les séminaires religieux devraient également selon cette Commission enseigner à leurs étudiants l’importance de respecter la « spiritualité autochtone »... Nous ne sommes pas sûrs si ce respect exclura à l’avenir toute idée de conversion d’un certain groupe ethnique...
60. Nous demandons aux représentants de l’Église qui sont parties à la Convention de règlement ainsi qu’à toutes les autres confessions religieuses concernées, en collaboration avec les chefs spirituels autochtones, les survivants des pensionnats, les écoles de théologie, les séminaires et d’autres centres de formation, d’élaborer un programme d’études sur la nécessité de respecter en soi la spiritualité autochtone

Nouveau jour férié de la repentance ?

La commission demande au gouvernement d’instaurer un nouveau jour férié, un congé national de la culpabilité et de la repentance qui commémorerait les pensionnats pour autochtones mis en place par le gouvernement d’Ottawa :
80. Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir comme jour férié, en collaboration avec les peuples autochtones, une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour honorer les survivants, leurs familles et leurs collectivités et s’assurer que la commémoration de l’histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation.

Enfin, les futurs journalistes devraient être forcés d’être « sensibilisés » à l’histoire des peuples autochtones, aux séquelles des pensionnats (jusqu’à quand ?) et donc aux demandes des autochtones :

86. Nous demandons aux responsables des programmes d’enseignement en journalisme et des écoles des médias du Canada d’exiger l’enseignement à tous les étudiants de l’histoire des peuples autochtones, y compris en ce qui touche l’histoire et les séquelles des pensionnats, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les traités et les droits des autochtones, le droit autochtone de même que les relations entre l’État et les Autochtones.

Des recommandations similaires sont également « demandées » (require en anglais) pour ce qui est de la formation des juristes et des infirmières. Notons que la mention à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones consiste à enseigner, à sensibiliser ces professions, à une déclaration que le gouvernement du Canada avait d’abord refusé de reconnaître, avant de la déclarer « inspirante », symbolique et non contraignante sur le plan juridique, car elle soulevait des inquiétudes notamment quant à ses dispositions sur les terres, les ressources, le droit de veto et l’autonomie gouvernementale. Le Canada et le Québec, qui avait aussi émis des réserves, se disent toutefois désormais convaincus qu’ils peuvent interpréter les principes de cette Déclaration de façon conforme à la Constitution canadienne et à leur cadre juridique.

Réconciliation ou perpétuation d’un sentiment d’injustice et racialisation croissante ?

Mais s’agit-il là vraiment de recommandations qui visent à la réconciliation ? (Interdire la fessée avec une force raisonnable, vraiment ?) Ou s’agit-il plutôt de s’assurer de la perpétuation d’un sentiment d’injustice et de futurs avantages liés à des réparations ? Il y a eu injustice, c’est indubitable, perpétrée par un gouvernement fédéral qui voulait assimiler les Amérindiens comme il a voulu assimiler, en revenant sur ses promesses, les francophones, mais aussi les Ukrainiens et les mennonites des Prairies, forçant le départ de nombre d’entre eux vers le Mexique. Dans le cas des Premières nations, cette assimilation a été plus violente qu’avec les populations d’origine européenne citées ci-dessus qu’Ottawa ou les provinces de l’Ouest voulaient également assimiler puisque les enfants indiens devaient, eux, être retirés le plus possible de l’influence de leurs parents.

Mais ces recommandations réconcilieront-elles vraiment les peuples du Canada ? Est-ce même possible tant que la Loi sur les Indiens ne sera pas abrogée ? Certaines des demandes de la Commission ne mèneront-elles pas plutôt à racialiser un peu plus le droit et les relations entre peuples du Canada ?

Parti libéral et les « progressistes » de l’époque ont voulu « civiliser », angliciser et assimiler les Amérindiens

Rappelons, enfin, que ce sont souvent les libéraux fédéraux et les « progressistes » de l’époque qui ont mis en place toutes les politiques amérindiennes. La science du XIXe siècle justifiant en quelque sorte les mesures radicales prises contre « ces peuplades sauvages », qu'il fallait civiliser et donc angliciser. (Un peu comme en France, ce sont les figures tutélaires de la gauche, comme l’anticlérical Jules Ferry, qui voulurent amener les lumières de la civilisation « aux races inférieures » en laissant d’ailleurs souvent ce travail aux congrégations religieuses chassées de France. Victor Hugo défendra, lui aussi, le même interventionnisme au nom des droits de l’homme.) Ce ne sont pas les conservateurs qui ont institué la Loi sur les Indiens (1876), mais le gouvernement Mackenzie et son Parti libéral du Canada. Ce ne sont pas les conservateurs qui ont été au pouvoir au Canada pendant la plus grande partie du siècle qui suivit cette loi et pendant la mise en œuvre des pensionnats pour autochtones, mais c’était bien le Parti libéral du Canada de l'époque.

Voir aussi

Au-delà de la Loi sur les Indiens
par Tom Flanagan, Christopher Alcantara et André Le Dressay
publié aux éditions Septentrion
à Sillery (Québec)
en 2012
260 pages.
ISBN
Papier : 9 782 894 486 825
PDF : 9 782 896 646 920
E-pub : 9 782 896 647 033

Résumé : Les Premières Nations du Canada n’ont pas fini de retenir l’attention avec leurs réclamations territoriales controversées. Leurs terres sont encore gérées selon la Loi sur les Indiens de 1876 et personne ne semble vouloir rouvrir ce dossier.

Tom Flanagan, Christopher Alcantara et André Le Dressay abordent ces sujets de front en se demandant si cette loi a vraiment profité aux autochtones. Bousculant les pratiques actuelles, leur travail éclairant propose la création d’un nouveau système qui permettrait aux Premières Nations de jouir de la pleine propriété de leurs terres, à titre individuel ou collectif, un système qui pourrait améliorer la qualité de vie dans les communautés autochtones de tout le pays.


mardi 2 juin 2015

Démographie — Triste record pour l'Allemagne


Selon les calculs de l’Institut d’économie internationale de Hambourg, l’Allemagne a dépassé le Japon dans le classement des pays à plus faible natalité. Entre 2010 et 2015, il y a eu en Allemagne 8,2 enfants pour 1.000 habitants (contre 8,4 au Japon). À ce rythme-là, chaque nouvelle génération d’Allemands est inférieure d’un tiers à la génération précédente, et il y aurait donc en 2060 20 millions d’Allemands de moins.

Juste après viennent le… Portugal (9 ‰) et l’Italie (9,3 ‰).

Le Québec dont le taux de natalité est en baisse constante depuis 2008 a un taux de natalité de 10,7 ‰.

La France et le Royaume-Uni sont à 12,7 ‰ et la Russie se redresse de façon spectaculaire : 13,2 ‰.

Les taux les plus élevés sont en Afrique, à commencer par le Niger : 50 ‰.




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

Dans quelle mesure davantage d'éducation assure-t-il une plus grande prospérité ?

Selon Lant Pritchett, les données comparatives entre les pays n'indiquent en moyenne pas de corrélation entre l’allongement de la scolarité de la population active et le taux de croissance de productivité par travailleur. Il s’agit toutefois de moyennes, l’impact de l’éducation sur le développement variant considérablement selon les pays.

Cet impact est décevant pour trois raisons possibles selon l’économiste Pritchett : l’environnement institutionnel pourrait avoir été suffisamment dégradé pour que l’accumulation de capital scolaire ait réduit la croissance économique. Deuxièmement, les rendements marginaux de l’éducation ont pu rapidement baisser, l’offre de main-d’œuvre qualifiée augmentant alors que la demande pour celle-ci stagnait. Troisièmement, la qualité de l’éducation aurait pu être si faible que les années de scolarité supplémentaires n’ont créé aucun capital humain supplémentaire. L’impact économique de ces trois phénomènes varie dans leur ampleur et leur combinaison d’un pays à l’autre.

Pendant les 50 années qui séparent 1960 de 2010, la scolarisation moyenne de la main-d’œuvre mondiale a triplé pour passer de 2,8 années à 8,3 ans. Cela signifie que, si le travailleur moyen dans la médiane des pays avait réussi moins de la moitié de l’école primaire en 1960, il avait réussi plus de la moitié de l’école secondaire en 2010.

Dans quelle mesure ces pays auraient-ils dû s’enrichir ? En 1965, en France, la main-d’œuvre avait en moyenne moins de cinq années de scolarité et son revenu par habitant était de 14.000 dollars (en prix de 2005). En 2010, les pays ayant un niveau d’éducation similaire avaient un revenu par habitant qui n'atteignait même pas 1000 $.

En 1960, les pays ayant un niveau de scolarisation de 8,3 années étaient 5,5 fois plus riches que ceux dont le niveau de scolarisation n’était que de 2,8 années. En revanche, les pays dont le niveau de scolarité est passé de 2,8 années en 1960 à 8,3 en 2010 ne se sont enrichis que de 167 %. En outre, il est impossible d’attribuer la totalité de cette richesse accrue à l’éducation, car en 2010 les travailleurs avaient accès à des technologies qui avaient 50 années d’avance sur celles de 1960. De toute évidence, la prospérité ne s’explique pas uniquement par le degré de scolarisation.

Comme c’est souvent le cas, l’expérience de certains pays est plus révélatrice que les moyennes statistiques. La Chine a commencé avec un niveau de scolarisation moindre que la Tunisie, le Mexique, le Kenya et l’Iran en 1960. En 2010, elle avait aussi moins progressé en durée moyenne de scolarisation que ces pays. Et pourtant, en ce qui concerne la croissance économique, elle a laissé tous ces pays sur place. La même chose est vraie de la Thaïlande et de l’Indonésie par rapport aux Philippines, au Cameroun, au Ghana et au Panama, plus scolarisés en 1960. Autrement dit, les pays qui se développent rapidement doivent avoir un autre avantage que leur niveau de scolarisation.

Les différences au sein d’un même pays sont également révélatrices. Au Mexique, le revenu moyen des hommes âgés de 25 à 30 ans qui ont terminé l’école primaire va du simple au triple, selon la richesse des municipalités où ils résident. Cette différence ne peut s’expliquer uniquement par la qualité de l’éducation, car ceux qui ont quitté les communes les plus pauvres pour s’installer dans des communes plus riches ont également vu leur revenu augmenter.

Il y a d’autres mauvaises nouvelles pour ceux qui pensent que la seule solution est de rallonger encore la scolarité : la plupart des compétences acquises par la main-d’œuvre ont été acquises sur le tas et non à l’école. Ce qu’un pays sait faire dans le domaine économique est surtout connu de ses entreprises, et non de ses écoles. Dans la plupart des sociétés modernes, moins de 15 % des emplois sont des postes pour débutants, ce qui signifie que les employeurs exigent surtout des compétences que le système d’éducation ne peut fournir ou n’est pas censé fournir.

Lorsqu’on les confronte avec ces faits, les passionnés de l’éducation disent souvent que l'enseignement est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour assurer la prospérité d'un pays. Mais dans ce cas, investir davantage dans l’éducation est peu susceptible d’améliorer les choses si les autres conditions ne sont pas réunies.

Après tout, même si le revenu par habitant d’un pays typique avec dix années de scolarité était de 30 000 $ américains en 2010, dans d’autres pays avec la même durée de scolarité comme l’Albanie, l’Arménie et le Sri Lanka, le revenu par habitant était inférieur à 5000 $ américains par an. Quelle que soit la raison qui empêche ces pays de devenir prospères, il ne semble pas que ce soit une scolarité trop courte.

Sources : World Bank Economic Review et El mito de la educación

Voir aussi


Peter Thiel et la bulle universitaire : un test de QI extrêmement coûteux

Les écoles islamiques de plus en plus populaires aux Pays-Bas

Écolières sur la cour de récréation
d’une école islamique aux Pays-Bas

Malgré toutes les critiques, les écoles primaires musulmanes connaissent un succès grandissant aux Pays-Bas. Un succès surprenant quand ont sait que le nombre d’élèves du primaire est en baisse dans le pays.

Au cours des cinq dernières années, le nombre d’élèves dans les écoles primaires musulmanes a ainsi augmenté de plus de 22 %. Selon les médias néerlandais, plus de 11.000 enfants étaient inscrits dans les 49 écoles primaires musulmanes que compte le pays. En 2010, ils n’étaient que 9000.

D’après Abdelsadek Maas, directeur d’une école islamique à La Haye, les musulmans se replient sur eux-mêmes en raison du climat actuel qui règne aux Pays-Bas. « Si vous portez le foulard, on vous regardera de travers. Dans une école islamique par contre, les enfants peuvent être eux-mêmes ».

Un constat partagé par Yusuf Altuntas d’ISBO, une organisation formée par des écoles musulmanes aux Pays-Bas. D’après lui, les parents musulmans sont de plus en plus nombreux à vouloir transmettre leur identité religieuse à leurs enfants, et ce dès leur plus jeune âge.

Les résultats des écoles islamiques aux examens nationaux Cito à la fin du primaire sont peu élevés. Toutefois, interrogé par le site ad.nl Jaap Dronkers, un sociologue de l’Université de Maestricht, assure que le niveau des écoles musulmanes est plus élevé que les écoles publiques : « les écoles islamiques réussissent généralement mieux que les écoles publiques avec le même indice socio-économique ».

Les écoles non musulmanes trouvent que les parents musulmans optent de plus en plus pour les écoles islamiques. L’école primaire De Voorsprong (L’Avance) à Schilderswijk près de La Haye a récemment dû fermer parce que les parents locaux lui ont souvent préféré l’école islamique.

Détournements et condamnations

À la fin 2008, l’Inspection de l’éducation a révélé que quinze des 43 écoles primaires islamiques avaient détournés ou « dépensé illégalement » au moins 4,6 millions d’euros (6,2 millions de dollars canadiens) entre 2004 et 2008. En 2012, le tribunal de Maestricht a condamné deux membres d’une école islamique à Heerlen à une peine de prison avec sursis de six mois et 240 heures de service communautaire.

Voir aussi

Pays-Bas : fin des bourses d’études gouvernementales généralisées

Pays-Bas – Homosexuels fuient la diversité d’Amsterdam pour s’installer dans les régions rigoristes du pays

Pays-Bas — journaliste menacée de mort pour ses opinions sur l’avortement et la doctrine catholique

En Belgique, les élèves musulmans aiment l’école catholique

Évolution dans la répartition des cours de religion en Belgique

lundi 1 juin 2015

Priorité de Québec solidaire en éducation : des cours d'éducation sexuelle « féministe et égalitaire »


Les deux députés de Québec Solidaire
Manon Massé et Amir Khadir
Québec solidaire veut légiférer pour interdire les publicités sexistes et dégradantes envers les femmes (rien sur les hommes transformés en idiots dans les pubs, voir Protégez-vous[1]) et mettre sur pied des cours d’éducation sexuelle « guidés par une perspective féministe et égalitaire » dès l’école primaire. Rien de moins.

Il s’agit là de certaines des mesures adoptées par ce parti réuni en congrès à Montréal durant la fin de semaine.

« Combattre la culture du viol passe par la sensibilisation et l’éducation. C’est pour cela que Québec solidaire fait du retour des cours d’éducation sexuelle une priorité dès l’école primaire », a ajouté Françoise David. Ah, le prétexte de la lutte contre les maladies vénériennes ne fonctionne plus, on parle alors de lutter contre une « culture du viol » ? Rappelons que l’existence même de cette « culture du viol » est sérieusement remise en cause, notamment par manque de preuves statistiques et après les révélations d’histoires de viol universitaire inventées de toutes pièces. Voir aussi article du Time : It’s Time to End « Rape Culture » Hysteria et de US News : Statistics don't support the contention that 'rape culture' is pervasive.

La question de la prostitution a aussi été abordée dans ce congrès. Québec solidaire condamne la répression des prostituées et préconise des mesures socio-économiques, comme le revenu minimum garanti et le développement de services sociaux aux familles, pour contrer le marché du sexe. Un revenu minimum aussi élevé que ce que la prostitution peut rapporter ? Voir ce témoignage d’une escorte qui gagne 20.000 $ avec la prostitution en sus de ses revenus liés à une autre profession...

« Les conservateurs de Stephen Harper mettent les prostitués-es et travailleurs-es [typographie lourde typiquement progressiste] du sexe en danger. Les femmes ne devraient jamais être forcées à entrer dans le commerce sexuel, mais leur criminalisation n’est pas une solution. Il est temps pour les partis politiques présents à l’Assemblée nationale d’avoir une conversation franche sur cet enjeu pour faire pression sur Ottawa ! » a affirmé la députée de Gouin.



[1] « À force de représenter les hommes comme des idiots inaptes à s’occuper de leur famille, on transforme l’exception en norme », estime Dany Baillargeon.


Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

La pédagogie Montessori en vidéo


France 2 s’est intéressée à la pédagogie Montessori. Découvrez le reportage vidéo.






Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

Grand mathématicien français place sa confiance dans les écoles libres


Le mathématicien français Laurent Lafforgue (ci-contre) est récemment intervenu lors de la commission d’enquête sur le service public d’éducation, au Sénat le 2 avril 2015. Le lauréat de la prestigieuse médaille Fields y explique pourquoi il a perdu confiance en l’école gouvernementale, celle à laquelle pourtant ses grands-parents, parents et lui-même doivent tout et sont si attachés. Pour relever l’école publique de l’état de déréliction dans laquelle elle se trouve, cela prendra très longtemps, des décennies sans doute. D’ici là, on ne pourrait placer selon son espoir que dans quelques îlots dévolus à la transmission du savoir, au nombre desquels les écoles hors contrat ont un rôle important à jouer pour maintenir la vive flamme de l’espérance.

« Je ne fais plus confiance à l’école dite républicaine, à laquelle toute ma famille et moi-même avions tellement cru, pas plus qu’à l’école privée sous contrat, qui a malheureusement suivi le même chemin.

Ma seule espérance est désormais que subsistent, ici et là, au milieu du désastre général, de petits îlots d’instruction et de transmission des connaissances, grâce au travail d’instituteurs ou de professeurs isolés, dans des écoles publiques ou privées sous contrat, qui restent fidèles à la cause de l’instruction, de la transmission, et font tout ce qu’ils peuvent dans un environnement institutionnel hostile, ou bien dans des écoles hors contrat, qui sont aussi rares que leurs ressources et leurs moyens, mais qui maintiennent vivante la petite flamme de la transmission grâce au dévouement d’instituteurs et de professeurs qui consentent de lourds sacrifices pour exercer leur noble métier conformément à leur conscience. »

[Les écoles hors contrat françaises bénéficient d’une grande liberté de recrutement et de programme comparé au Québec, mais ne reçoivent pas de subventions de l’État. Le gouvernement socialiste a récemment déclaré vouloir renforcer la surveillance idéologique de ces écoles.]

[...]

« Moi qui ignorais jusqu’à l’existence des écoles hors contrat, j’en suis amené à concentrer mon énergie à les soutenir. La présentation, par le fondateur d’une école de ce type, de son programme, m’a frappé par son bon sens. Pourquoi faut-il des écoles spéciales pour entendre ces choses ? Je ne le comprends pas. J’ai des amis qui vivent dans le sud de la France, où ils élèvent cinq enfants. Malgré mes mises en garde, qu’ils ont reçues avec scepticisme, ils les ont mis à l’école, la meilleure du département. J’ai vu, année après année, monter leur inquiétude, et j’ai constaté moi-même, lors de mes visites, les dégâts des méthodes semi-globales, qui sont encore largement pratiquées : en CE2, l’aîné ne savait pas lire. Les parents ont fini par fonder une école, il y a dix-huit mois, en s’associant avec d’autres parents. Les résultats sont là : en un an, leur fils a appris à lire, et il lit désormais beaucoup. Cette école fonctionne pourtant avec des moyens dérisoires, avec deux classes mélangeant plusieurs niveaux et tenues par une institutrice et une mère de famille armée de son seul bon sens. J’ajoute que ces amis ne sont pas des intellectuels : ils tiennent un commerce de fruits et légumes ! »




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

dimanche 31 mai 2015

La Grande Noirceur inventée

Texte de Denis Vaugeois, éditeur, historien et ancien ministre des Affaires culturelles, tiré de la préface qu’il signe dans l’ouvrage « Duplessis, son milieu, son époque ».

On a diabolisé Maurice Duplessis et on a inventé une période de Grande Noirceur dont il aurait été l’artisan. Tel Josué, Duplessis aurait arrêté le soleil !

Un jour, j’ai voulu y voir clair. J’ai tapé « Grande Noirceur » sur Google.

J’ai eu droit à une belle entrevue de Fernand Dumont ; j’ai appris que sous Duplessis, il s’était créé 100 000 emplois en 10 ans (1946-1956) (Robert Bourassa devancé par Maurice Duplessis !), que le salaire moyen avait plus que doublé pendant la même période, qu’un million de jeunes étaient fortement scolarisés en 1960 et qu’ils furent en réalité les vrais artisans de la Révolution tranquille. J’ai surtout eu droit à une entrevue avec le sociologue Jean-Philippe Warren racontant, sourire en coin, que lors d’un colloque tenu en 1972, Jacques Ferron, grand contestataire devant l’Éternel, avait demandé : « La Grande Noirceur dont vous parlez, elle a bien eu lieu autour des années 1950 ? C’est curieux, ce sont mes belles années, je ne me suis rendu compte de rien. » J’ai le même problème que Jacques Ferron. Moi non plus, je ne me suis rendu compte de rien ou, du moins, je n’ai pas eu plus de griefs contre Duplessis que j’en ai eu contre Pierre Elliott Trudeau. Duplessis pratiquait la chasse au communisme alors que Trudeau la faisait au séparatisme — et avec pas mal plus de dommages. Si je mets la Loi du cadenas en parallèle avec la Loi des mesures de guerre, franchement la cause est vite entendue. J’ai toujours pensé que Duplessis avait pris la vague et faisait du surf sur la peur du communisme. Je conserve des dizaines de brochures qui lui ont appartenu. On lui en envoyait par paquets. Il devait s’en moquer. Dans ce cas, je crois volontiers qu’il ne les lisait pas, ce qui n’est pas nécessairement révélateur de ses habitudes de lecture en général. Il ne voulait pas projeter une image d’intellectuel.


Entrevue avec Jean-Philippe Warren : mémoire de la Grande Noirceur

Récemment, j’entendais à la radio une de mes voisines d’enfance raconter que son père lui avait expliqué qu’elle n’avait pas obtenu de bourse « parce que son père était un bon libéral ». Curieusement, les deux filles de ladite famille ne reçurent pas de bourses, mais leur frère (qui avait le même père, c’était courant à l’époque) fit des études universitaires. La même voisine rappelait qu’elle était bien avertie de ne pas s’humilier avec les autres gamins qui se jetaient sur la monnaie que Duplessis lançait par terre lors de ses visites traditionnelles au parc Pie-XII. C’est niaiseux, me dira-t-on, mais j’ai bondi. J’ai été moniteur de terrain de jeux pendant plusieurs années et j’en garde plusieurs bons souvenirs. Chaque été, M. Duplessis faisait au moins une visite officielle au parc Pie-XII. Il était fier à juste titre de cet immense parc, tout comme il soutenait l’O.T.J. (l’œuvre des terrains de jeux), responsable de l’animation dans les divers parcs de la ville. Les activités y étaient nombreuses et variées. L’ordre et la discipline y régnaient au moins autant que dans une polyvalente d’aujourd’hui.

Dès l’arrivée du Premier ministre, les moniteurs sifflaient le rassemblement et les jeunes se plaçaient en rangs ; le visiteur leur adressait quelques mots, tel un grand-papa, puis circulait lentement parmi eux. Il demandait les noms, posait des questions précises, faisait mine de connaître les parents et discrètement glissait une pièce de 10 sous dans la main du jeune. Il n’y avait pas de bousculade. La scène n’avait rien d’une basse-cour où les poules se précipitent sur les grains qu’on leur lance.

Autrement dit, depuis un demi-siècle, on raconte n’importe quoi. [...]

Celles et ceux qui ont dirigé le Québec dans les années 1960 avaient été formés pendant cette fameuse Grande Noirceur. Les plus âgés se souviennent de ces mandarins de l’État québécois qui avaient piqué la curiosité des observateurs du reste du Canada. Ils surgissaient de partout, bardés de prestigieux diplômes. Ils étaient nombreux à avoir émergé de la Grande Noirceur. Ce fut le cas également de ces ingénieurs canadiens-français formés dans les chantiers de la Bersimis (I-1956 et II-1959) et dont les réalisations firent la fierté des Québécois et l’émerveillement des spécialistes étrangers. [...]

 
L'école de la Grande Noirceur et d'aujourd'hui selon un cahier d'ECR...
Page 56 — cahier-manuel d'éthique et de culture religieuse Entretiens II pour la 1re secondaire des éditions La Pensée

Le champion de l’autonomie provinciale

[...] Issu d’une famille à l’aise, Maurice Duplessis a tout de même vécu parmi des gens de condition modeste. Au Collège de Trois-Rivières, qu’on appelait le Séminaire Saint-Joseph, il ne développe pas sa légendaire dévotion à Saint-Joseph (elle date plutôt de ses années de pensionnat à Montréal pendant lesquelles il a côtoyé le frère André), mais tout simplement une réelle amitié pour des fils d’ouvriers ou de cultivateurs, ses confrères de classe. Contrairement, là aussi, à une fausse idée reçue, les collèges classiques n’étaient pas les repères d’une petite élite bourgeoise. Ils accueillaient des jeunes dont les parents étaient conscients de l’importance de l’instruction.

Les parents faisaient les sacrifices nécessaires, les curés de paroisse qui avaient repéré les enfants les plus talentueux cherchaient de généreux bienfaiteurs, les autorités des institutions en cause géraient de façon serrée, les prêtres ne gagnaient à peu près rien. Bien sûr, la fonction première de ces institutions était de former de futurs prêtres, mais les autorités acceptaient que tous n’aient pas la vocation. « Beaucoup d’appelés, peu d’élus. »

Le jeune Duplessis est un vrai Trifluvien : un petit dur. Bien élevé, mais toujours un peu rustre. Dans son milieu, la fin justifie les moyens. Il aime la bagarre, prend un coup solide, du moins jusqu’à ce que les médecins l’incitent à la modération vu ses prédispositions au diabète. Sa vie, ce sera la politique ; sa compagne, la province.

Les libéraux lui ont montré la façon de gagner des élections. Il s’en souviendra : le patronage fait partie du jeu politique depuis belle lurette.

Mais rien ne remplace la ferveur populaire. Il le comprend vite. Il s’inquiète de l’emploi pour les ouvriers, des salaires aussi. Au lendemain de la guerre, la reprise économique est au rendez-vous ; les gens travaillent. À Trois-Rivières, les moulins à papier tournent à plein rendement, la Canron (Canada Iron) perpétue la tradition du fer, la Wabasso ou la Westinghouse paient de moins bons salaires à leurs employées féminines, mais celles-ci font tout de même leur entrée dans le monde du travail. L’activité industrielle de Trois-Rivières est à l’image de celle de la région et, en un sens, de celle du Québec. Duplessis sait que cette reprise est fragile. La nervosité des patrons l’inquiète, l’agitation des syndicats aussi. Il veille au grain. Il ne veut pas de conflits. Il connaît le drame du chômage ; il l’a côtoyé.

Victorieux en 1936, Duplessis connaît la défaite en 1939. Elle lui servira de leçon et donnera l’occasion à ses adversaires de commettre des erreurs dont ils ne se relèveront pas facilement.

Duplessis ne pardonnera pas à Adélard Godbout, Premier ministre de 1939 à 1944, les concessions faites au fédéral « pour le temps de la guerre ».

Réformiste lucide, Godbout réalise pourtant plusieurs bons coups, dont la création d’Hydro-Québec, mais il se laisse duper par Ottawa, confie au fédéral l’entière compétence en matière d’assurance-chômage et cède « le droit exclusif de lever les grands impôts directs ».

Leur reconquête alimentera l’action de Duplessis à partir de 1944 : protéger et défendre le « butin » du Québec devient son slogan. Le chef de l’Union nationale sera le champion de l’autonomie provinciale ; il luttera contre toute intrusion fédérale. Et il saura être convaincant ! J’ai le souvenir de mon père qui refusait les allocations familiales instaurées en 1944 par le gouvernement King. Mon père appartenait à une famille libérale, mais l’autonomie provinciale, c’était sacré.





Duplessis, son milieu, son époque
sous la direction de X. Gélinas et L. Ferretti
aux éditions du Septentrion
à Sillery (Québec)
en 2010
520 pages
ISBN
Papier : 9 782 894 486 252
PDF : 9 782 896 645 848





Voir aussi

Les Québécois à la traîne économiquement depuis 150 ans, rattrapage le plus grand aurait été sous Duplessis

L’État a-t-il vraiment fait progresser l’éducation au Québec ?

Du Grand Rattrapage au Déclin tranquille : déboulonner la prétendue Révolution tranquille

Baisse relative du nombre de diplômés par rapport à l’Ontario après la Grande Noirceur

Grande Noirceur — Non, l’Église n’était pas de connivence avec le gouvernement et les élites

La Grande Nouérrceurrr : portrait de famille monochrome, rictus, pénurie francocentrique et ânonnements (5 pages)

La Grande Noirceur, revue et corrigée

Le « mythe » de la Révolution tranquille

Héritage de la Révolution tranquille : lent déclin démographique du Québec ?

Révolution tranquille : Entre imaginaire et réalité économique et sociale

mercredi 27 mai 2015

Échec scolaire: et si on essayait la science?

Une étude d’une équipe de l’Université Laval, sous la direction de Simon Larose, levait le voile le 2 février dernier sur les ratés de la réforme scolaire au primaire et au secondaire. Échecs, décrochage et abandon sont trop souvent l’aboutissement des études ; c’est le destin qui attend 30 % des élèves. Il existe pourtant une solution simple pour relancer l’intérêt des jeunes pour l’école, particulièrement chez les garçons : l’enseignement des sciences. Avec des matériaux simples et de la créativité, on peut initier les enfants dès leur plus jeune âge à la chimie, à la physique, à la géologie…

Bien expliquée, la science est la plus vivante des matières et peut être une solution au décrochage des garçons, surtout dans les quartiers défavorisés. C’est ce que soutient depuis longtemps Marcel Thouin, professeur en didactique des sciences de l’Université de Montréal, ainsi qu’il l’expliquait dans un entretien paru dans L’Actualité en 2009. « Les jeunes se montrent vite passionnés par ce qu’ils découvrent. Construire la plus haute tour possible avec des cure-dents et de la pâte à modeler permet de faire avec enthousiasme son initiation à la physique et au génie civil. »

La nature, poursuit ce physicien de formation, est le plus formidable des laboratoires. Surtout pour les gars qu’on mettra au défi de fabriquer planeurs et catapultes avec quelques bouts de bois et des élastiques. Il a vu des garçons considérés comme de futurs décrocheurs se passionner pour les sciences après avoir participé à ce type d’expérience.

Le « renouveau pédagogique », lancé en 2005 pour diminuer le décrochage scolaire, n’a donc pas atteint son premier objectif. On sait moins qu’il a provoqué des dommages collatéraux pour la culture scientifique des jeunes. C’est un fait documenté par le Programme pancanadien d’évaluation des compétences des élèves de la 2e secondaire. Selon ce classement, le Québec est passé du 2e rang des dix provinces canadiennes en 2007 au 9e en 2010 en sciences. Une nouvelle édition du concours, en 2013, montre une légère amélioration dans la performance des Québécois. Mais ceux-ci demeurent derrière les jeunes de sept des autres provinces ; seuls le Nouveau-Brunswick et le Manitoba affichent un pire bilan.

Source

Voir aussi

Québec — La dégringolade en sciences

mardi 26 mai 2015

La réhabilitation philosophique des frontières


Dans son livre Indispensables frontières, le juriste néerlandais Thierry Baudet (ci-contre) remet en question les changements survenus en Europe au cours des dernières décennies. Recension de ce livre par le philosophe Robert Redeker.

Alors que les beaux esprits la tenaient pour enterrée, la question des frontières est de retour. Non seulement dans la politique, comme en témoignent les succès dans toute l’Europe des partis dits populistes, non seulement dans l’actualité, comme en fait foi le drame récurrent des migrants naufragés en Méditerranée, mais aussi et surtout dans la théorie. Au grand dam de ceux qui se sont attribué un droit permanent à la parole, dans l’univers intellectuel, politique, médiatique, ou dans le show-business, la question nationale aussi est de retour. L’essai du juriste hollandais Thierry Baudet, Indispensables frontières, impeccablement préfacé par Pascal Bruckner, fournit un remarquable échantillon de cette double réapparition.

L’idée que les frontières sont superfétatoires trouve sa source dans un croisement récent entre le rationalisme des Lumières et la foi romantique dans la bonté naturelle de l’homme. Cette approche philosophique et sentimentale a pris à la fin du siècle dernier un tour politique et institutionnel. La Communauté européenne, la Cour pénale internationale, la Cour européenne des droits de l’homme ou l’Organisation mondiale du commerce, en diluant la souveraineté des nations, traduisent cette tendance. L’existence de ces organismes s’appuie sur deux concepts : le supranationalisme et le multiculturalisme.

L’effacement des frontières répond à un projet. Certes, celui-ci est politique. Mais il est surtout anthropologique : la substitution d’un nouveau type d’homme, hors-sol, hors traditions, interchangeable, à l’homme ancien, enraciné. Pour y parvenir, détruire l’État-nation est exigé. Multiculturalisme et supranationalisme sont les deux armes — de véritables bombes — utilisées pour cette destruction. Ils diminuent chaque jour un peu plus la souveraineté nationale en écartant les peuples (en qui Gramsci voyait, dans son étude sur Machiavel, les princes modernes) des centres de décision et en réduisant à néant la représentativité politique. Le multiculturalisme génère un pluralisme juridique qui octroie des droits et devoirs différents en fonction des origines des personnes, quand le supranationalisme impose la soumission à des diktats politiques et à des normes juridiques sur lesquels les peuples n’ont aucune prise. Du coup, une mutation de première grandeur s’est opérée ces dernières décennies : « L’idéal de l’indépendance a été remplacé par un idéal d’interdépendance politique. » Devant ce spectacle, le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe !

Aussi éloigné de la conception ethnique de la nation chère au romantisme allemand que de son approche trop abstraite présente chez quelques auteurs français, Baudet la pense comme une communauté à la fois imaginée et territoriale fondée sur la loyauté. Ce trait l’oppose à la loyauté religieuse qui est extraterritoriale, universelle. Rien de plus central, ici, que la notion d’imagination. Une nation est un être imaginaire, qui ne continue d’exister que par la participation des individus qui se reconnaissent en elle à l’imaginaire qu’elle développe. Loin de requérir une pesante uniformité, cette prégnance de l’imagination implique cependant une culture commune qui donne le ton, une Leitkultur qui autorise les différences (par exemple les langues régionales et la pratique de religions diverses) tout en protégeant du multiculturalisme.

Baudet voit dans les frontières, qui tracent les limites de l’État-nation, la condition de possibilité de l’État de droit, de la démocratie représentative et du citoyen. Dans sa préface, Pascal Bruckner tire de ce lien entre ces concepts une leçon historique : « Tout ou partie du malheur européen vient non de l’excès mais de l’absence de frontières. » De fait, c’est moins le nationalisme que l’impérialisme qui a plongé l’Europe dans les terribles guerres du XXe siècle.

L’ouvrage de Thierry Baudet donne à son lecteur les instruments intellectuels permettant, d’une part, de penser sur de nouveaux frais les idées de nation et de frontière, et d’autre part d’appréhender les changements historiques et politiques récents. La réhabilitation de ces deux réalités politiques ne fait pas seulement œuvre de justice philosophique, elle répond aussi à un besoin historique.

Extraits d’un entretien avec Thierry Baudet publié dans le Figaro Magazine :


Le débat n’est plus entre l’étatisme et le libéralisme, mais entre les mondialistes et les patriotes, diagnostique Thierry Baudet. Citoyen néerlandais, il rejoint nos philosophes nationaux dans son analyse de l’Union européenne.

Figaro Magazine — Vous avez de la chance d’être néerlandais, car être un spécialiste du droit public âgé de 32 ans et publier Indispensables frontières vous classe d’emblée, en France, parmi les réactionnaires précoces. Cela peut coûter cher sur le plan médiatique...

Thierry Baudet — Je n’avais pas prévu que l’émigration de mes ancêtres français sous le Premier Empire pour s’installer aux Pays-Bas puisse avoir semblable conséquence ! Une telle intolérance de la presse est quand même bizarre, non ? Pourquoi criminaliser ainsi le débat ? Je ne pense pas être réactionnaire, car je propose une vision de l’État nation non pas fondée sur la nostalgie, mais sur l’importance de la démocratie et de l’État de droit, qui ne peuvent véritablement fonctionner qu’au sein d’une cohésion sociale garantie par des frontières. Les libéraux, partisans du constitutionnalisme et ouverts à l’échange, s’y retrouvent, d’où l’excellent accueil de mon livre dans les pays anglo-saxons ainsi qu’en Allemagne. Pour ce qui est des tenants de la gauche, ils s’y retrouvent aussi, dès lors que les bénéfices sociaux sont préservés grâce à une série de préconditions — particulièrement la cohésion, le sens de communauté — permettant à la solidarité de fonctionner. Nous voici de fait arrivés à un moment de l’Histoire où, après avoir vécu une période mondialiste, atomisante, rompant toutes les structures et associations, celle-ci est désormais réévaluée, et même remise en cause dans tous les pays européens. Une culture, une tradition, un patrimoine partagés au niveau national sont autant de valeurs sans lesquelles les sociétés ne peuvent demeurer des démocraties, au point qu’après soixante ans de déracinement, elles resurgissent, telles une essentielle nécessité.