mardi 2 juin 2015

Dans quelle mesure davantage d'éducation assure-t-il une plus grande prospérité ?

Selon Lant Pritchett, les données comparatives entre les pays n'indiquent en moyenne pas de corrélation entre l’allongement de la scolarité de la population active et le taux de croissance de productivité par travailleur. Il s’agit toutefois de moyennes, l’impact de l’éducation sur le développement variant considérablement selon les pays.

Cet impact est décevant pour trois raisons possibles selon l’économiste Pritchett : l’environnement institutionnel pourrait avoir été suffisamment dégradé pour que l’accumulation de capital scolaire ait réduit la croissance économique. Deuxièmement, les rendements marginaux de l’éducation ont pu rapidement baisser, l’offre de main-d’œuvre qualifiée augmentant alors que la demande pour celle-ci stagnait. Troisièmement, la qualité de l’éducation aurait pu être si faible que les années de scolarité supplémentaires n’ont créé aucun capital humain supplémentaire. L’impact économique de ces trois phénomènes varie dans leur ampleur et leur combinaison d’un pays à l’autre.

Pendant les 50 années qui séparent 1960 de 2010, la scolarisation moyenne de la main-d’œuvre mondiale a triplé pour passer de 2,8 années à 8,3 ans. Cela signifie que, si le travailleur moyen dans la médiane des pays avait réussi moins de la moitié de l’école primaire en 1960, il avait réussi plus de la moitié de l’école secondaire en 2010.

Dans quelle mesure ces pays auraient-ils dû s’enrichir ? En 1965, en France, la main-d’œuvre avait en moyenne moins de cinq années de scolarité et son revenu par habitant était de 14.000 dollars (en prix de 2005). En 2010, les pays ayant un niveau d’éducation similaire avaient un revenu par habitant qui n'atteignait même pas 1000 $.

En 1960, les pays ayant un niveau de scolarisation de 8,3 années étaient 5,5 fois plus riches que ceux dont le niveau de scolarisation n’était que de 2,8 années. En revanche, les pays dont le niveau de scolarité est passé de 2,8 années en 1960 à 8,3 en 2010 ne se sont enrichis que de 167 %. En outre, il est impossible d’attribuer la totalité de cette richesse accrue à l’éducation, car en 2010 les travailleurs avaient accès à des technologies qui avaient 50 années d’avance sur celles de 1960. De toute évidence, la prospérité ne s’explique pas uniquement par le degré de scolarisation.

Comme c’est souvent le cas, l’expérience de certains pays est plus révélatrice que les moyennes statistiques. La Chine a commencé avec un niveau de scolarisation moindre que la Tunisie, le Mexique, le Kenya et l’Iran en 1960. En 2010, elle avait aussi moins progressé en durée moyenne de scolarisation que ces pays. Et pourtant, en ce qui concerne la croissance économique, elle a laissé tous ces pays sur place. La même chose est vraie de la Thaïlande et de l’Indonésie par rapport aux Philippines, au Cameroun, au Ghana et au Panama, plus scolarisés en 1960. Autrement dit, les pays qui se développent rapidement doivent avoir un autre avantage que leur niveau de scolarisation.

Les différences au sein d’un même pays sont également révélatrices. Au Mexique, le revenu moyen des hommes âgés de 25 à 30 ans qui ont terminé l’école primaire va du simple au triple, selon la richesse des municipalités où ils résident. Cette différence ne peut s’expliquer uniquement par la qualité de l’éducation, car ceux qui ont quitté les communes les plus pauvres pour s’installer dans des communes plus riches ont également vu leur revenu augmenter.

Il y a d’autres mauvaises nouvelles pour ceux qui pensent que la seule solution est de rallonger encore la scolarité : la plupart des compétences acquises par la main-d’œuvre ont été acquises sur le tas et non à l’école. Ce qu’un pays sait faire dans le domaine économique est surtout connu de ses entreprises, et non de ses écoles. Dans la plupart des sociétés modernes, moins de 15 % des emplois sont des postes pour débutants, ce qui signifie que les employeurs exigent surtout des compétences que le système d’éducation ne peut fournir ou n’est pas censé fournir.

Lorsqu’on les confronte avec ces faits, les passionnés de l’éducation disent souvent que l'enseignement est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour assurer la prospérité d'un pays. Mais dans ce cas, investir davantage dans l’éducation est peu susceptible d’améliorer les choses si les autres conditions ne sont pas réunies.

Après tout, même si le revenu par habitant d’un pays typique avec dix années de scolarité était de 30 000 $ américains en 2010, dans d’autres pays avec la même durée de scolarité comme l’Albanie, l’Arménie et le Sri Lanka, le revenu par habitant était inférieur à 5000 $ américains par an. Quelle que soit la raison qui empêche ces pays de devenir prospères, il ne semble pas que ce soit une scolarité trop courte.

Sources : World Bank Economic Review et El mito de la educación

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