jeudi 9 septembre 2021

La Chine bannit les hommes « efféminés » de la télévision

Désormais, les hommes « efféminés » sont bannis de la télévision chinoise. 

Après plusieurs scandales liés à des vedettes chinoises, l’Administration nationale de la radio et de la télévision a décidé que les chaînes de télévision et les plateformes en ligne « ne diffuseraient plus de programmes qui développent l’idolâtrie ou des émissions de variétés et de téléréalité ». 

Des critères de sélection des acteurs seront à privilégier, comme la bonne conduite politique et morale.

Certains formats d’émissions et des concours de talents ont également été arrêtés. Le régulateur s’est engagé à promouvoir ce qu’il appelle « une image plus masculine des hommes » et critique notamment le maquillage de certaines célébrités masculines.

Tandis que les programmes qui font la promotion de la culture traditionnelle et la culture socialiste avancée, ou encore qui favorisent le patriotisme, seront encouragés. Il s’agit de recentrer la jeunesse sur la vision du Parti communiste.

Ce n’est pas la première fois que l’on assiste à une prise de position comme celle-ci : en 2019, des boucles d’oreilles, des tatouages et des queues-de-cheval de certaines célébrités avaient été floutés à l’écran de télévision.

Comptes bloqués sur les réseaux sociaux

Feng Xiaoyi n’a plus qu’à ranger son pyjama de soie et son rouge à lèvres au placard. Ce coquet blogueur au visage fardé était devenu une vedette éphémère sur la toile chinoise, en commentant ses goûts culinaires d’une voix haut perchée grâce à des vidéos virales sur Douyin, la version chinoise de TikTok. Depuis le 31 août, la puissante plateforme a bloqué le compte du jeune homme, après une cascade de commentaires dénonçant son look « efféminé ». 

La jeune pousse pékinoise Bythedance, fondatrice de TikTok, a devancé le couperet d’autorités lancées dans une spectaculaire campagne de « rectification » dans le secteur du divertissement. Il s’agit d’une nouvelle étape de la reprise en main idéologique de la société chinoise sous la houlette du président Xi Jinping. « Il faut fermement interdire le style des idoles efféminées », a décrété le pouvoir, le 2 septembre, accélérant son offensive contre les « célébrités vulgaires », accusées de dissiper une jeunesse qui doit renouer avec les fondamentaux austères du « socialisme » cher au dirigeant le plus autoritaire depuis Mao.

L’Administration nationale de la radio et de la télévision a dévoilé une stratégie en huit points bannissant les émissions formant des idoles, notamment de téléréalité et toute celle « qui n’ont pas une position politique correcte », c’est-à-dire déviant de la ligne du Parti. Le régulateur appelle à établir des critères de beauté « corrects » et à bannir les hommes « efféminés », passant à l’action, après des semaines de mise en garde implicites lancées à l’industrie du spectacle. La « disparition » en ligne depuis fin août de l’actrice vedette Zhao Wei était interprétée également comme un avertissement par les professionnels du secteur, qui avaient déjà assisté avec stupeur à la chute de la super vedette Fan Bingbing, en 2018, pour des motifs de fraude fiscale. Cette fois, Pékin ne prend plus de gants, et dégaine le drapeau de la « moralité » pour « nettoyer » l’antenne et la toile.

« Idoles » du Net dans le collimateur

De multiples célébrités bourgeonnent chaque jour sur le plus grand marché en ligne du monde, arborant souvent des allures inspirées de la K-pop coréenne ou de codes venus d’Occident, et drainent des millions de jeunes admirateurs chinois. Après les dissidents, les avocats, les universitaires, ces « idoles » du net sont à leur tour dans le collimateur du Parti qui veut reprendre en main la jeunesse. L’influence de ces vedettes à l’apparence souvent androgyne est perçue comme un facteur d’affaiblissement de la vigueur de la seconde puissance mondiale, alors que celle-ci subit le vieillissement de sa population en plein bras de fer stratégique avec les États-Unis.

Si nous continuons à nous appuyer sur le grand capital, à nous soumettre au divertissement américain et à laisser nos jeunes générations perdre leur dureté et leur ­virilité, nous nous effondrerons comme l’URSS

Li Guangman, un commentateur sur WeChat

« Si nous continuons à nous appuyer sur le grand capital, à nous soumettre au divertissement américain et à laisser nos jeunes générations perdre leur dureté et leur virilité, nous nous effondrerons comme l’URSS », prévient un mystérieux commentateur, Li Guangman, dans un billet devenu viral sur WeChat. 
 
Redresser la natalité, louer le modèle traditionnel de la famille
 
Ce Cassandre aux atours maoïstes a été repris par les grands médias officiels, du Quotidien du peuple à l’agence Xinhua (Chine nouvelle), signalant l’approbation du pouvoir rouge. Alors que le taux de natalité est en berne, comme l’a confirmé le dernier recensement de la population publié au printemps, Pékin multiplie les injonctions aux jeunes pour qu’ils se mettent en couple et enfantent, tressant les louanges d’un modèle traditionnel, tout en assouplissant la politique de l’enfant unique. Mais ces appels peineraient à convaincre une jeunesse découvrant les joies de la nouvelle prospérité, et effrayée par le coût de l’éducation d’un rejeton, ce qui pousse le Parti à s’attaquer à la racine du mal selon lui : la culture du divertissement. L’offensive contre la communauté homosexuelle, dénoncée comme un frein à la natalité, reprend également de la force ces dernières semaines.

Dénonçant les strass et les paillettes, la deuxième puissance mondiale exhorte sa population à embrasser « vigoureusement l’excellence de la culture traditionnelle chinoise et la culture socialiste avancée », en tournant le dos au consumérisme galopant de ses métropoles depuis le décollage économique de la fin du siècle dernier. Cette frugalité est dans la droite ligne du communisme spartiate cher au président Xi, qui, adolescent, forgea son caractère dans une grotte pouilleuse du Shaanxi [Chen-si], où il effectua plusieurs années de « rééducation à la campagne » durant la Révolution culturelle. Une expérience fondatrice pour ce fils d’un compagnon de route de Mao, devenu un chantre du retour aux sources révolutionnaires, tout en remettant au goût du jour les adages confucéens. Le dirigeant exhorte les cadres à « s’endurcir » pour remporter la « lutte » face aux « forces hostiles » occidentales pilotées par Washington.

Le nouvel oukase de Pékin a déclenché un flot de commentaires, souvent critiques, sur la messagerie Weibo. « On veut nous ramener à la dynastie Qing », persifle un internaute, en se référant à la dernière dynastie impériale chinoise qui régna du XVIIe siècle au début du XXe. Si le quotidien Global Times applaudit ces « mesures de nettoyage », d’autres s’inquiètent de cette nouvelle restriction à la liberté individuelle franchissant désormais la frontière de l’intime. « Ils définissent ce qui est beau et ce qui est moche. Ils imposent une seule forme de beauté, c’est ça qui est affreux », ajoute un internaute. « Tout est interdit ! Pas de cheveux teints, pas de clou dans l’oreille, pas de séries sud-coréennes ou américaines… Nous revenons à l’ère féodale », enrage un commentateur sur le Twitter chinois.

La Chine veut censurer les émissions « vulgaires » comme les télé-crochets

Lasse de voir des émissions de divertissement ne véhiculant pas une « énergie positive », Pékin entend sévir contre certaines chaînes.

Les émissions de rencontre de partenaires et les émissions de chant sont-elles vulgaires ? Apparemment oui, pour la Chine.

L’agence de presse Xinhua (porte-parole du parti communiste et considérée par Reporters Sans Frontières comme « la plus grande agence de propagande du monde ») révèle que le gouvernement aimerait faire interdire ces émissions « dérangeantes ».

D’après Xinhua, le rôle de la télé est de transmettre de « l’énergie positive » et d’avoir un but éducatif. Et si la plupart des émissions diffusées sont considérées comme correctes, quelques-unes ne respectent pas les critères de base. Ainsi, celles-ci « subiront de plus en plus de contrôles et celles qui sont vulgaires et nuisibles seront examinées […] jusqu’à être totalement interdites ».

L’agence Reuters rappelle que, par le passé, ce sont les télé-crochets et les émissions de rencontres amoureuses qui ont le plus provoqué la colère du pays. Les premières parce qu’elles attisent (trop) les émotions et les secondes parce qu’elles promeuvent la luxure.

Les Chinois devront donc se contenter d’internet pour profiter des divertissements de ce type.

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