lundi 8 mars 2021

Thérèse Hargot: «Pour un féminisme de réconciliation avec les hommes»

En cette journée internationale des droits des femmes, la sexologue et essayiste Thérèse Hargot (ci-contre) défend sa vision du féminisme dans une lettre ouverte publiée dans Le Figaro. Thérèse Hargot est sexologue et essayiste, son dernier livre est Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour ? (Albin Michel, 2020).

Dans les combats féministes d’une partie des femmes de ma génération, je ne me reconnais pas. Et je m’interroge, pourquoi ? Quelle est la différence entre elles et moi ? Quand nous sommes nées, les droits de voter, étudier, travailler, divorcer, étaient acquis en France. Celui de disposer de son corps, aussi. On aurait pu saluer les victoires de nos grands-mères et de nos mères en décidant de vivre librement nos vies de femmes. 

Mais certaines d’entre nous ont CHOISI UN NOUVEAU COMBAT : les violences faites aux femmes par des hommes. Certes, ces violences, lorsqu’elles sont avérées, doivent être sanctionnées par la justice. Mais le moteur d’un certain féminisme a muté. De la dénonciation d’une inégalité en droit objective entre les femmes et les hommes jadis, on est passés à l’expérience subjective aujourd’hui. Dorénavant, pour faire partie du mouvement féministe, il est IMPORTANT d’avoir une histoire de violences sexuelles à raconter. Le mot de l’époque est devenu : « Moi aussi, j’ai été victime. »

« Ce n’est pas ta faute. Et nous te croyons », tel est l’adage féministe post-#MeToo réaffirmé à chaque gazouillis d’anonyme ou de célébrité dénonçant une agression commise par un homme. Ne jamais remettre en cause la parole d’une personne qui accuse un homme de violence est devenu un principe moral. Le droit fondamental à la présomption d’innocence est donc bafoué.

Il s’agit de donner raison à un nouveau récit féministe : la violence comme preuve de la domination masculine, la violence comme preuve de la qualité de victime par nature des femmes, des enfants, mais aussi des homosexuels, des transsexuels et plus largement de toutes celles et ceux qui ne répondent pas aux critères de la virilité. Des manifestes ont amorcé le changement voilà près de dix ans. Il y a eu, bien évidemment, la vague #MeToo en 2017 et ses prolongations actuelles avec les « #MeTooInceste », « #MeTooGay » qui ont envahi les réseaux sociaux, ces nouveaux tribunaux populaires.

Des personnalités affirment avoir été violées ou victimes d’agressions sexuelles, des sportives, des étudiantes. Pas une semaine ne passe sans une nouvelle dénonciation. Nombre de harcèlements de rue ou au travail sont aussi relatés, preuve, disent les tenantes de ce féminisme radical, que les violences sexuelles, sous différentes formes, sont absolument partout où il y a des hommes en nombre.

Peu importe, à chaque nouvelle accusation, la précision et la rigueur dans l’évocation des faits, peu importe la gravité variable de la faute qu’il appartiendra à la justice d’établir, le principe est d’accumuler les récits et de les rendre publics pour créer un mouvement politique fondé sur un sentiment collectif : le ressentiment envers les hommes.

Certes, la colère peut être saine. Elle habite le cœur de celles et ceux qui n’ont pas été respectés dans leur intégrité ou qui sont le témoin d’une atteinte à la dignité de la personne humaine. Quand elle ne s’exprime pas, par peur bien souvent de ne pas pouvoir être entendue, la colère se retourne contre la personne qui l’éprouve et se transforme en culpabilité. L’individu alors s’enferme dans le silence et intériorise la faute. C’est généralement le cas des victimes d’abus sexuels. Jusqu’au jour où leur langue se délie : une première étape vers la libération, mais assurément pas la dernière.

Ces activistes nourrissent la colère à coups de manifestations ou d’affichages sur les lieux public Or, c’est à ce moment fragile qu’une manipulation par certaines activistes peut s’opérer sournoisement. Comment ? D’abord par ce « Je te crois » faussement empathique. Qui sont-elles pour juger des actes dont elles ignorent quasi tout et prétendre, parfois, rendre la justice sur les réseaux sociaux à la place des magistrats ? Au lieu d’apprécier les faits au cas par cas, elles prennent parti par principe contre les hommes pour servir leur idéologie.

Puis, ces activistes nourrissent la colère à coups de manifestations ou d’affichages sur les lieux public. À partir de faits parfois avérés parfois non, celles-ci activistes créent une identité : celle des « victimes du patriarcat ». Répétons-le pour éviter tout malentendu : il est légitime de saisir la justice lorsqu’on s’estime victime de violences. Ce qui ne l’est pas, c’est le militantisme associatif qui entend faire taire tout souci d’exactitude et de nuance, au profit d’une sorte de vengeance collective par procuration.

Voilà pourquoi je ne me reconnais pas dans le féminisme victimaire de certaines femmes de ma génération. Laissons la justice faire son travail sereinement. Pour ma part, je me refuse à vivre dans le ressentiment. C’est infantilisant. Le ressentiment amoindrit, il nous rend incapables de paix intérieure et de liberté. Il nous empêche d’être en relation, il nous empêche d’aimer.

Être féministe, c’est décider de ne pas se considérer comme une victime par nature et reprendre la responsabilité de sa vie. Être féministe, c’est décider de ne plus déléguer sa vie aux hommes ou à une quelconque autorité et choisir son destin. Être féministe, c’est sortir de la plainte, du discours vindicatif et cultiver le bonheur. Je suis pour un féminisme qui réveille la femme puissante, courageuse, forte, sauvage, intuitive, créatrice, audacieuse, confiante, sage, libre et paisible, qui sommeille en chacune de nous ; un féminisme de la réconciliation avec les hommes.

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