La Presse publiait ce samedi un article intitulé « La Liberté universitaire en péril : au-delà du “mot qui commence par un n” ». En voici quelques extraits :
À l’UQAM [Université du Québec à Montréal], en études féministes, elle enseignait en quoi consiste « l’analyse différenciée selon les sexes », une approche reconnue pour contribuer à l’égalité entre les hommes et les femmes lors de l’élaboration d’un projet ou d’une politique publique. Alors, elle prononçait souvent les mots « femme » et « homme » en classe. Forcément.
Chaque fois, un étudiant s’y opposait avec force. Selon lui, une femme cisgenre comme elle n’avait pas à utiliser ces mots, puisque la société interdit aux hommes qui se sentent femmes de se dire femmes.
« Il m’interrompait toujours avec un sourire en coin », raconte la chargée de cours de dix ans d’expérience, qui a requis l’anonymat de crainte de perdre son gagne-pain.
Cela a duré deux mois, à l’automne 2018. C’était constant. Assommant. La prof avait perdu tout plaisir à enseigner. Elle ne faisait plus qu’appréhender son prochain cours. « Qu’est-ce que ça va encore être cette semaine ? Est-ce qu’il va être là ? »
L’étudiant — qui est LGBT, mais pas transgenre — en avait convaincu trois ou quatre autres de le soutenir dans sa campagne de harcèlement et de rééducation de sa professeur, de menaces.
Un jour, une poignée d’étudiants sont entrés dans sa classe avant le début du cours pour distribuer des dépliants. « Fais attention à tes mots », était-il écrit. Parler d’hommes et de femmes pour décrire les gens, lisait-on encore, c’était faire preuve de transphobie.
Sans un mot, une militante s’est avancée jusqu’au pupitre de la prof pour déposer un dépliant sur son clavier, alors qu’elle rédigeait son plan de cours.
Ce jour-là, la prof en a eu assez. « Arrêtez deux petites secondes, leur a-t-elle dit. Oui, les hommes, les femmes, ça existe. Que vous soyez convaincus que les identités sont imaginaires, ça ne change rien : les catégories existent ! »
Elle a donné son cours, comme d’habitude, dans une atmosphère tendue. Puis il y a eu une pause. « Quand je suis revenue, tout mon pupitre était couvert de dépliants. Ils en avaient mis partout sur le tableau blanc. »
Elle a craqué. « Je me suis dit : c’est terminé. C’est la fin. Ça durait depuis deux mois. J’étais à bout. À bout. Elle est tombée en arrêt de travail.
[…] À l’UQAM, ce n’était pas la première fois que l’étudiant queer se présentait dans la classe de la chargée de cours. Un an plus tôt, il s’était inscrit au cours “Homosexualité et société”. La prof y donnait à lire des textes rédigés dans les années 1950 décrivant l’homosexualité comme une pathologie.
“Il venait me voir pour me dire que ça lui faisait violence. À un moment donné, je lui ai dit : ‘Si cela te fait du mal, ne viens pas, parce que ce cours porte sur l’histoire du traitement social de l’homosexualité. On ne va pas la réinventer.”
La porte était là ; elle ne le retenait pas. Il a choisi de rester. “Il a repris un autre cours avec moi, un an plus tard. Je ne l’ai pas compris tout de suite, mais il s’était donné un mandat. Il venait régler des comptes.”
La chargée de cours s’est butée aux certitudes morales inébranlables de son étudiant. “Il était dans une posture où le savoir universitaire, ça ne valait rien, puisque c’était le savoir dominant.”
Elle s’est demandé ce qu’il faisait à l’université, s’il ne croyait pas aux savoirs qui y étaient enseignés. Elle a fini par comprendre. “Ils ne sont pas majoritaires, mais ces étudiants-là sont crinqués [remontés]. Ils ne viennent pas en cours pour apprendre, ils viennent pour faire la révolution.”
L’Institut l’a encouragée à porter plainte. La faculté a été prévenue. Mais ça n’a conduit nulle part. L’UQAM dispose bien d’un “comité d’intervention” visant à assurer un milieu de travail sain et sécuritaire, mais l’existence de ce comité est peu connue, selon Mme Chagnon. “C’est toujours très difficile de porter plainte contre un étudiant, dit-elle. Surtout pour les chargés de cours, qui sont à contrat et qui sont très fragiles.”
Et surtout quand l’université dépend très (trop) largement des étudiants-rois pour assurer son financement [les droits de scolarité payés par les étudiants représentent environ 16,4% du financement, cependant chaque université est également financée en fonction du nombre d'étudiants qui s'y inscrivent]. Au bout du compte, la chargée de cours s’est sentie laissée à elle-même. “Heureusement que j’avais une bonne psy.” Elle n’est pas encore entièrement rétablie. Elle a renoncé à enseigner en études féministes. »
Pour la journaliste, ce qui est en jeu c’est la liberté universitaire, fondamentale pour instruire. Les professeurs doivent faire leur travail, essentiel, sans craindre de se faire emporter pour des mots tabous pour certains étudiants militants.
Or cette liberté s’érode. En septembre, le rapport du scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, notait que la montée de la «rectitude politique» dans les débats de société donnait lieu à des formes de censure. « Ces phénomènes atteignent les universités, dont ils commencent même à perturber la fonction capitale d’espace de libre débat. »
Selon l’écrivaine et militante (selon la SRC) féministe et professeur du Département d’études littéraires à l’UQAM, Martine Delvaux (ci-contre), « Insister pour dire que les femmes et les hommes existent et puis c’est tout, c’est se mettre le doigt dans l’œil jusqu’au nombril. C’est prendre les étudiant. es pour des tartes. » Les étudiants. Pas des étudiants militants radicaux, mais tous les étudiants. Mme Delvaux continue : « On peut reprocher aux “jeunes” de passer trop de temps sur leurs cellulaires (ce dispositif que nous leur avons procuré). On peut s’en prendre à la culture “woke” (même si, avouons-le, c’est un peu court comme réaction). Mais au final, ces jeunes sont déjà éduqués sur les questions de genre quand ils et elles passent le seuil de nos salles de classe. »
« Les jeunes ». Pas une minorité de jeunes, minorité militante, déjà endoctrinée. On se demande bien, d'ailleurs, par qui...
Donc, selon cette professeur payée par nos impôts, les étudiants wokes qui intimident et harcèlent des chargées de cours qui ont eu le malheur de prononcer des mots aussi simples que « homme » ou « femme », mots tabous comme le mot « nègre » pour ne pas vexer des auditeurs hypersensibles, ces étudiants radicaux font selon elle preuve d’une compréhension plus nuancée de la notion du genre. Si l’on s’entête à croire que les hommes et les femmes existent et que tout n’est pas que fluidité et un spectre sans solution de continuité, c’est qu’on est encore engoncé de vieilles certitudes dépassées.
L’ancien député, ministre et chef du Parti Québécois, Jean-François Lisée, commentant cette histoire, renvoie dos-à-dos deux formes d’extrémisme : celle de l’extrême gauche devenue folle qui veut faire taire et censurer les gens qui pensent autrement qu’elle et celle de la droite offensée incarnée par des parents qui ne désirent pas que leurs enfants suivent les cours du Mois de l’histoire des noirs dans une école de l’Utah. M. Lisée ne voit-il donc aucune différence entre empêcher de parler et ne pas vouloir assister à un cours qui aura quand même lieu ? Pourquoi tente-t-il de relativiser le danger que fait peser la gauche woke en proférant ces fausses équivalences ?
L’école primaire en question accueille seulement 3 noirs sur 322 élèves. Cette école avait d’abord permis à des parents de retirer leurs enfants de son programme du Mois de l’histoire des Noirs. Cette possibilité de ne pas assister à ce programme avait suscité de vives réactions négatives de la part d’autres parents. L’école est donc revenue sur cette possibilité d’exemption. Nous ne connaissons rien du programme de l’école en question. Combien d’activités autour de ce mois de l’histoire noire ? De quelle teneur ? Rappelons que des parents et des experts (y compris non blancs) se demandent si le Mois de l’Histoire des noirs est encore une bonne chose à l’école.
Le Mois de l’histoire des Noirs a vu le jour en 1925 lorsque la deuxième semaine de février a été consacrée à la Semaine de l’histoire des Nègres (Negro History Week) puisque, à la fois, l’abolitionniste Frederick Douglass et le président Abraham Lincoln étaient nés dans la deuxième semaine de février.
Tous les noirs ne sont pas d’ailleurs pas d’accord avec ce mois consacré à l’histoire des noirs. Pour certains, l’histoire des noirs aux États-Unis doit davantage faire partie de l’Histoire des États-Unis et ne doit plus être reléguée ainsi à quelques activités.
Pour d'autres, comme John H. McWhorter dans le Washington Examiner, « nous vivons à une époque où les manuels d’histoire consacrent déjà tellement de temps à l’esclavage que certaines critiques dénoncent la réduction de temps consacré à d’autres aspects de l’histoire. Une époque où les autorités universitaires considèrent qu’il est plus important qu’un étudiant de premier cycle sache ce qu’est le racisme institutionnel plutôt que ce qu’était l’accord de Munich. […] Il peut être étrangement difficile d’admettre qu’une bataille a été gagnée. Mais d’autant plus que la personne blanche typique n’est pas exactement une encyclopédie ambulante de l’histoire “blanche”, il est temps d’admettre que l’Amérique connaît son histoire des Noirs aussi bien que quiconque a des raisons de le souhaiter. »
Alors que cette tradition américaine (96 ans !) se répand désormais en Angleterre, un expert en éducation a averti que les enseignants devraient éviter que ce nouveau programme anglais du Mois de l’Histoire des Noirs ne serve de prétexte pour enseigner « l’idéologie clivante » qu’est la « Théorie critique des races ». Ils devraient plutôt enseigner une histoire factuelle et véridique et des connaissances de fond.
Dans le Daily Telegraph, Calvin Robinson, un directeur d’école et ancien directeur adjoint qui est lui-même non blanc, prévient que la Théorie critique des races répond pleinement à la définition de l’endoctrinement : « processus consistant à enseigner à une personne ou à un groupe à accepter un ensemble de croyances sans les critiquer. »
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