Le traité de Paris de 1763 met fin à la guerre de Sept Ans et réconcilie brièvement, après trois ans de négociations, la France et la Grande-Bretagne. Les préliminaires sont signés le 3 novembre 1762 à Fontainebleau. Le traité définitif est signé le 10 février 1763. Il entérine des pertes énormes pour la France : l’Amérique française et son influence sur une bonne partie des Indes orientales.
Aux termes de ce traité, en Europe :
En Amérique :
Dans le reste du monde :
La fascination de la France pour l’Europe continentale
Le recul colonial de la France au XVIIIe siècle a tenu à l’affaiblissement progressif de sa marine lié à un manque d’investissement et la priorité donnée à la guerre continentale européenne.
Vers 1680, la France de Louis XIV pouvait aligner, grâce à Colbert et son fils Seigneulay, une flotte de guerre d’environ 200 navires, sans compter la flotte marchande. Ce fut l’âge d’or de la « Royale ». Elle faisait la loi sur les océans et les mers avoisinant son territoire et soutenait un empire colonial qui se développait régulièrement.
Cinquante ans plus tard, la France ne dispose déjà plus que d’une flotte de guerre de 50 à 80 navires tandis que la Navy britannique compte 200 unités. C’est le résultat du désintérêt porté à la guerre maritime et du recentrage de l’effort militaire sur la guerre continentale. C’est aussi le résultat du traité de La Haye avec l’Angleterre négocié par l’abbé Dubois en 1718, sous la Régence. Cette politique pacifiste a été poursuivie à la majorité du roi Louis XV par son Premier ministre, le cardinal Fleury.
Sur mer, en l’absence de guerre déclarée, la rivalité franco-anglaise se traduit par la guerre de course, mais les corsaires français, à l’exception de figures légendaires comme René Duguay-Trouin, sont bien en peine de suppléer aux insuffisances de la « Royale ».
Lorsqu’éclate la guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne compense ses faiblesses militaires en tirant parti de sa supériorité navale. Celle-ci lui permet d’envoyer au Canada des troupes relativement nombreuses pour attaquer les unités françaises. C’est ainsi que survient le désastreux traité de Paris. Dans les années qui suivent, les responsables de la marine française tentent de se ressaisir, notamment avec le plan de réforme de 1763 du comte Charles-Henri d’Estaing. Sous les ordres de l’amiral de Grasse, la « Royale » allait s’illustrer vingt ans plus tard dans le soutien aux insurgés américains. Leur indépendance apparaît comme une revanche sur le traité de Paris.
L’aspect linguistique du traité
Fait à noter, le mot Canada disparut des textes juridiques officiels, comme si la Grande-Bretagne avait voulu rompre tout lien avec le passé du pays. À partir du traité de Paris, et jusqu’en 1791, le Canada, réduit désormais à la seule vallée du Saint-Laurent, sera officiellement appelé Province of Quebec (province de Québec). De plus, dans l’usage officiel, les autorités britanniques parleront plutôt de « nouveaux sujets » plutôt que d’utiliser le terme Canadiens, par opposition aux « anciens sujets » de Sa Majesté. Dans la vie quotidienne, le titre de Canadien demeurera durant les décennies suivantes l’apanage des descendants des Français, les autres étant désignés comme « les Anglais ».
Le traité de Paris a été rédigé en français, alors la langue de la diplomatie internationale. C’est donc un document officiel rédigé en français qui a fait du Canada une colonie britannique. Voici ce qu’on peut lire dans un article séparé (art. 2) au sujet de la langue :
Comme c’était la coutume à l’époque, le traité déclarait que le seul document légal était en français. Il n’accordait aucun droit linguistique aux habitants des colonies conquises, mais cette question n’inquiétait alors personne. Le français était l’outil de communication privilégié entre les nations d’Europe et il était parlé par toute l’élite anglaise. Non seulement le général Jeffrey Amherst le parlait, mais également, comme tous les gens de leur classe sociale, James Murray, Thomas Gage, Ralph Burton, Frederik Haldimand (un Suisse francophone), etc., qui allaient diriger la colonie.
Le traité de Paris, un succès diplomatique pour les Français ?
Soulignons que, pour beaucoup de Français, la perte de la Nouvelle-France et du Canada n’était pas perçue comme une tragédie nationale. Pour certains, le commerce avec les Antilles paraissait préférable. Pour Étienne-François de Choiseul (1719-1785), alors secrétaire d’État à la Guerre et à la Marine, le traité de Paris de 1763 constituait même un « succès diplomatique ». Le ministre se consolait d’autant plus facilement que, pour lui, la cession du Canada constituait une véritable « bombe à retardement » pour l’Empire britannique. Lors de la signature du traité de Paris, Choiseul aurait déclaré à son entourage à propos des Anglais : « Nous les tenons ! » Se voulant prophétique, il précisa : « Il n’y aura que la révolution d’Amérique qui arrivera, mais que nous ne verrons vraisemblablement point, qui remettra l’Angleterre dans l’état de faiblesse où elle ne sera plus à craindre en Europe. » Pour Choiseul, c’est la peur de la puissance militaire canadienne qui faisait tenir les Treize Colonies américaines dans le giron britannique. Le traité de Paris de 1763 pouvait faire éclater l’empire colonial anglais. Pour sa part, James Murray, l’un des principaux acteurs anglais de la Conquête, répondit en juin 1760 à un officier français (Malartic) qui lui demandait si les Anglais allaient conserver le Canada :
Mais ce fut l’avis contraire de Benjamin Franklin qui l’emporta. En 1760, il convainquit les ministres britanniques que jamais les Treize Colonies ne se ligueraient contre « leur propre nation » et qu’il faudrait plutôt que la mère patrie se comporte de façon très hostile pour envisager un tel scénario invraisemblable, par exemple en remettant le Canada à la France. La Révolution américaine éclatera quand même en 1775, soit douze ans plus tard !
Cette future discorde entre Anglais et Américains était le prix de consolation de Choiseul. Encore qu’il avait su réserver pour la France l’accès à deux richesses importantes : le poisson et le sucre, soit l’accès aux Côtes françaises de Terre-Neuve (grâce sans doute à une action d'éclat en 1762 : la prise de Terre-Neuve) et la possession des « îles à sucre », dont Saint-Domingue qui assurera environ 40 % de la production sucrière mondiale et plus de la moitié de celle du café. Et ne parlons pas du bois d’ébène ! En somme, malgré le traité de Paris, la France s’engage, en stricts termes économiques, dans la période la plus productive de toute l’époque coloniale de l’Ancien Régime.
Aux termes de ce traité, en Europe :
- La France restitue Minorque qu’elle avait prise le 29 juin 1756.
- Elle évacue les territoires des alliés de l’Angleterre en Allemagne, ainsi que les territoires du Hanovre, propriété personnelle du roi de Grande-Bretagne.
- La Grande-Bretagne rend Belle-Île à la France, prise en 1761.
En Amérique :
- La Grande-Bretagne obtient de la France l’île Royale, l’île Saint-Jean (actuelle île du Prince-Édouard), l’Acadie, et le Canada, y compris le bassin des Grands Lacs et la rive gauche du Mississippi. La France abandonne également certaines îles des Antilles (Saint-Vincent, la Dominique, Grenade et Tobago).
- Conformément à la capitulation conditionnelle de 1760, la Grande-Bretagne garantit une liberté de religion limitée aux Canadiens.
- L’Espagne reçoit l’ouest du Mississippi, donc la Louisiane (Nouvelle-France), et le delta et La Nouvelle-Orléans. Notons que l’Espagne restituera la Louisiane occidentale à la France en 1800. Trois ans plus tard, ce vaste territoire fera l’objet de la « Vente de la Louisiane » entre Napoléon Bonaparte et Thomas Jefferson. Il est maintenant recouvert par treize États des États-Unis.
- L’Espagne cède, quant à elle, la Floride à la Grande-Bretagne.
- La France conserve des droits de pêche à Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent.
- Et en retour, elle acquiert Saint-Pierre-et-Miquelon et recouvre la plupart de ses îles à sucre (Martinique, Guadeloupe et surtout Saint-Domingue).
Carte des positions franco-britanniques à la veille de la guerre de Sept Ans dans le nord-est de l’Amérique du Nord |
Dans le reste du monde :
- La France cède son empire des Indes aux Anglais, ne conservant que ses cinq petits comptoirs de Pondichéry, Kârikâl, Mahé, Yanaon et Chandernagor.
- En Afrique, elle est autorisée à garder son poste de traite des esclaves sur l’île de Gorée (Sénégal) mais elle cède Saint-Louis du Sénégal.
Les possessions (rouge clair) et territoires alliés (rose) de la France en Inde avant la guerre de Sept Ans, elles rivalisent aisément avec celles de l’Angleterre (vert) |
La fascination de la France pour l’Europe continentale
Le recul colonial de la France au XVIIIe siècle a tenu à l’affaiblissement progressif de sa marine lié à un manque d’investissement et la priorité donnée à la guerre continentale européenne.
Vers 1680, la France de Louis XIV pouvait aligner, grâce à Colbert et son fils Seigneulay, une flotte de guerre d’environ 200 navires, sans compter la flotte marchande. Ce fut l’âge d’or de la « Royale ». Elle faisait la loi sur les océans et les mers avoisinant son territoire et soutenait un empire colonial qui se développait régulièrement.
Cinquante ans plus tard, la France ne dispose déjà plus que d’une flotte de guerre de 50 à 80 navires tandis que la Navy britannique compte 200 unités. C’est le résultat du désintérêt porté à la guerre maritime et du recentrage de l’effort militaire sur la guerre continentale. C’est aussi le résultat du traité de La Haye avec l’Angleterre négocié par l’abbé Dubois en 1718, sous la Régence. Cette politique pacifiste a été poursuivie à la majorité du roi Louis XV par son Premier ministre, le cardinal Fleury.
Sur mer, en l’absence de guerre déclarée, la rivalité franco-anglaise se traduit par la guerre de course, mais les corsaires français, à l’exception de figures légendaires comme René Duguay-Trouin, sont bien en peine de suppléer aux insuffisances de la « Royale ».
Lorsqu’éclate la guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne compense ses faiblesses militaires en tirant parti de sa supériorité navale. Celle-ci lui permet d’envoyer au Canada des troupes relativement nombreuses pour attaquer les unités françaises. C’est ainsi que survient le désastreux traité de Paris. Dans les années qui suivent, les responsables de la marine française tentent de se ressaisir, notamment avec le plan de réforme de 1763 du comte Charles-Henri d’Estaing. Sous les ordres de l’amiral de Grasse, la « Royale » allait s’illustrer vingt ans plus tard dans le soutien aux insurgés américains. Leur indépendance apparaît comme une revanche sur le traité de Paris.
L’aspect linguistique du traité
Fait à noter, le mot Canada disparut des textes juridiques officiels, comme si la Grande-Bretagne avait voulu rompre tout lien avec le passé du pays. À partir du traité de Paris, et jusqu’en 1791, le Canada, réduit désormais à la seule vallée du Saint-Laurent, sera officiellement appelé Province of Quebec (province de Québec). De plus, dans l’usage officiel, les autorités britanniques parleront plutôt de « nouveaux sujets » plutôt que d’utiliser le terme Canadiens, par opposition aux « anciens sujets » de Sa Majesté. Dans la vie quotidienne, le titre de Canadien demeurera durant les décennies suivantes l’apanage des descendants des Français, les autres étant désignés comme « les Anglais ».
Le traité de Paris a été rédigé en français, alors la langue de la diplomatie internationale. C’est donc un document officiel rédigé en français qui a fait du Canada une colonie britannique. Voici ce qu’on peut lire dans un article séparé (art. 2) au sujet de la langue :
Article 2
Il a été convenu et arrêté que la langue française, employée dans tous les Exemplaires du présent Traité, ne formera point un Exemple, qui puisse être allégué, ni tiré à conséquence, ni porter préjudice, en aucune manière, à aucune des Puissances contractantes ; Et que l’on se conformera, à l’avenir, à ce qui a été observé, et doit être observé, à l’égard, et de la Part, des Puissances, qui sont en usage, et en Possession, de donner, et de recevoir, des Exemplaires, de semblables Traités, en une autre langue que la française.
Comme c’était la coutume à l’époque, le traité déclarait que le seul document légal était en français. Il n’accordait aucun droit linguistique aux habitants des colonies conquises, mais cette question n’inquiétait alors personne. Le français était l’outil de communication privilégié entre les nations d’Europe et il était parlé par toute l’élite anglaise. Non seulement le général Jeffrey Amherst le parlait, mais également, comme tous les gens de leur classe sociale, James Murray, Thomas Gage, Ralph Burton, Frederik Haldimand (un Suisse francophone), etc., qui allaient diriger la colonie.
Le traité de Paris, un succès diplomatique pour les Français ?
Soulignons que, pour beaucoup de Français, la perte de la Nouvelle-France et du Canada n’était pas perçue comme une tragédie nationale. Pour certains, le commerce avec les Antilles paraissait préférable. Pour Étienne-François de Choiseul (1719-1785), alors secrétaire d’État à la Guerre et à la Marine, le traité de Paris de 1763 constituait même un « succès diplomatique ». Le ministre se consolait d’autant plus facilement que, pour lui, la cession du Canada constituait une véritable « bombe à retardement » pour l’Empire britannique. Lors de la signature du traité de Paris, Choiseul aurait déclaré à son entourage à propos des Anglais : « Nous les tenons ! » Se voulant prophétique, il précisa : « Il n’y aura que la révolution d’Amérique qui arrivera, mais que nous ne verrons vraisemblablement point, qui remettra l’Angleterre dans l’état de faiblesse où elle ne sera plus à craindre en Europe. » Pour Choiseul, c’est la peur de la puissance militaire canadienne qui faisait tenir les Treize Colonies américaines dans le giron britannique. Le traité de Paris de 1763 pouvait faire éclater l’empire colonial anglais. Pour sa part, James Murray, l’un des principaux acteurs anglais de la Conquête, répondit en juin 1760 à un officier français (Malartic) qui lui demandait si les Anglais allaient conserver le Canada :
Si nous sommes sages, nous ne le garderons pas. Il faut que la Nouvelle-Angleterre ait un frein à ronger et nous lui en donnerons un qui l’occupera en ne gardant pas ce pays-ci.
Mais ce fut l’avis contraire de Benjamin Franklin qui l’emporta. En 1760, il convainquit les ministres britanniques que jamais les Treize Colonies ne se ligueraient contre « leur propre nation » et qu’il faudrait plutôt que la mère patrie se comporte de façon très hostile pour envisager un tel scénario invraisemblable, par exemple en remettant le Canada à la France. La Révolution américaine éclatera quand même en 1775, soit douze ans plus tard !
Cette future discorde entre Anglais et Américains était le prix de consolation de Choiseul. Encore qu’il avait su réserver pour la France l’accès à deux richesses importantes : le poisson et le sucre, soit l’accès aux Côtes françaises de Terre-Neuve (grâce sans doute à une action d'éclat en 1762 : la prise de Terre-Neuve) et la possession des « îles à sucre », dont Saint-Domingue qui assurera environ 40 % de la production sucrière mondiale et plus de la moitié de celle du café. Et ne parlons pas du bois d’ébène ! En somme, malgré le traité de Paris, la France s’engage, en stricts termes économiques, dans la période la plus productive de toute l’époque coloniale de l’Ancien Régime.
Texte du traité de Paris de 1763
Clé pour lire le traité :- Le roi d’Angleterre = Sa Majesté britannique ;
- Le roi de France = Sa Majesté très chrétienne, roi très chrétien ou encore le Très-Chrétien ;
- Le roi d’Espagne = le Roi Catholique, Sa Majesté catholique, ou Roi très Catholique, titre accordé par le pape Alexandre VI en compensation pour l’octroi du titre Très chrétien aux rois de France ;
- Le roi du Portugal = le Roi très fidèle, Sa Majesté très fidèle, titre donné par le pape Benoît XIV.
Traité de paix définitif et alliance entre la Grande-Bretagne, la France et l’Espagne, conclus à Paris, avec les articles séparés y afférant.
Au nom de la très sainte et indivisible Trinité, Père, Fils, et Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Soit notoire à tous ceux, qu’il appartiendra ou peut appartenir, en manière quelconque.
Il a plu au tout puissant de répandre l’esprit d’union et de concorde sur les princes, dont les divisions avaient porté le trouble dans les quatre parties du monde, et de leur inspirer le dessein de faire succéder les douceurs de la paix aux malheurs d’une longue et sanglante guerre, qui, après s’être élevée entre l’Angleterre et la France, pendant le règne du sérénissime et très puissant prince Georges II, par la grâce de Dieu, Roi de la Grande-Bretagne, de glorieuse mémoire, a été continué sous le règne du sérénissime et très puissant prince Georges III son successeur, et s’est communiquée dans ses progrès à l’Espagne et au Portugal ;
en conséquence, le sérénissime et très puissant prince Georges III, par la grâce de Dieu Roi de la Grande-Bretagne, de France, et d’Irlande, duc de Brunswick et de Lunebourg, archi-trésorier et électeur du Saint Empire romain ;
—— le sérénissime et très puissant prince, Louis XV, par la grâce de Dieu, Roi Très-Chrétien ;
—— et le sérénissime et très puissant prince Charles III, par la grâce de Dieu, Roi d’Espagne, et des Indes, après avoir posé les fondements de la paix dans les préliminaires signés le 3 novembre dernier à Fontainebleau ;
—— et le sérénissime et très puissant prince dom Joseph Ier, par la grâce de Dieu, Roi du Portugal et des Algarves,
après y avoir accédé ; ont résolu de consommer sans délai ce grand et important ouvrage ; à cet effet les hautes parties contractantes ont nommé et constitué leurs ambassadeurs extraordinaires et ministres plénipotentiaires respectifs ; savoir, sa sacrée majesté le roi de la Grande-Bretagne, le très illustre et très excellent seigneur, Jean, duc et comte de Bedford, marquis de Tavistock, etc., son ministre d’État, lieutenant général de ses armées, garde de son sceau privé, chevalier du très noble ordre de la Jarretière, et son ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire près de Sa Majesté très chrétienne ; sa sacrée majesté le Roi Très-Chrétien, le très illustre et très excellent seigneur, César Gabriel de Choiseul, duc de Praslin, pair de France, chevalier de ses ordres, lieutenant général de ses armées, et de la province de Bretagne, conseiller en tous ses conseils, et ministre et secrétaire d’État, et de ses commandements et finances ; sa sacrée majesté le Roi Catholique le très illustre et très excellent seigneur dom Gerom Grimaldi, marquis de Grimaldi, chevalier des ordres du Roi très chrétien, gentilhomme de la chambre de Sa Majesté catholique avec exercice, et son ambassadeur extraordinaire près de Sa Majesté très chrétienne ; sa sacrée majesté le roi très fidèle, le très illustre et très excellent seigneur, Martin de Mello et Castro, chevalier profès de l’ordre de Christ, du conseil de Sa Majesté très fidèle, et son ambassadeur et ministre plénipotentiaire auprès de Sa Majesté très chrétienne ; lesquels, après s’être dument communiqué leurs pleins pouvoirs en bonne forme (et dont les copies sont transcrites à la fin du présent traité de paix) sont convenus des articles, dont la teneur s’ensuit.
Article 1
Il y aura une paix chrétienne, universelle, et perpétuelle tant par mer que par terre, et une amitié sincère et constante sera rétablie entre Leurs Majestés britannique, très chrétienne, catholique, et très fidèle, et entre leurs héritiers, et successeurs, royaumes, États, provinces, pays, sujets, et vassaux, de quelque qualité et condition qu’ils soient, sans exception de lieux, ni de personnes, en sorte que les hautes parties contractantes apporteront la plus grande attention à maintenir entre elles et leurs dits États et sujets cette amitié et correspondance réciproque, sans permettre dorénavant, que de part ni d’autre on commette aucune sorte d’hostilités par mer ou par terre, pour quelque cause ou sous quelque prétexte que ce puisse être ; et on évitera soigneusement tout ce qui pourrait altérer à l’avenir l’union heureusement rétablie, s’attachant au contraire à se procurer réciproquement en toute occasion tout ce qui pourrait contribuer à leur gloire, intérêts, et avantages mutuels, sans donner aucun secours ou protection directement ou indirectement à ceux, qui voudraient porter quelque préjudice à l’une ou à l’autre des dites hautes parties contractantes. Il y aura un oubli général de tout ce qui a pu être fait ou commis avant ou depuis le commencement de la guerre, qui vient de finir.
Article 2
Les traités de Westphalie de mil six cent quarante-huit, ceux de Madrid entre les couronnes de la Grande-Bretagne et d’Espagne de mil six cent soixante-sept, et de mil six cent soixante-dix, les traités de paix de Nimègue, de mil six cent soixante-dix-huit, et de mil six cent soixante-dix-neuf, de Ryswick de mil six cent quatre-vingt-dix-sept, ceux de paix et de commerce d’Utrecht de mil sept cent treize, celui de bade de mil sept cent quatorze, le traité de la triple alliance de La Haye de mil sept cent dix-sept, celui de la quadruple alliance de Londres de mil sept cent dix-huit, le traité de paix de vienne de mil sept cent trente-huit, le traité définitif d’Aix-la-Chapelle de mil sept cent quarante-huit, et celui de Madrid entre les couronnes de la Grande-Bretagne, et d’Espagne de mil sept cent cinquante, aussi bien que les traités entre les couronnes d’Espagne et du Portugal du 13 février mil six cent soixante-huit, du 6 février mil sept cent quinze, et du 12 février mil sept cent soixante et un, et celui du 11 avril mil sept cent treize entre la France et le Portugal, avec les garanties de la Grande-Bretagne ; servent de base et de fondement à la paix, et au présent traité ; et pour cet effet ils sont tous renouvelés et confirmés dans la meilleure forme, ainsi que tous les traités en gêneront, qui subsistaient entre les hautes parties contractantes avant la guerre, et comme s’ils étaient insérés ici mot à mot, en sorte qu’ils devront être observés exactement à l’avenir dans toute leur teneur, et religieusement exécutés de part et d’autre dans tous leurs points, auxquels il n’est pas dérogé par le présent traité, nonobstant tout ce qui pourrait avoir été stipulé au contraire par aucune des hautes parties contractantes ; et toutes lesdites parties déclarent, qu’elles ne permettront pas qu’il subsiste aucun privilège, grâce, ou indulgence contraires aux traités ci-dessus confirmés, à l’exception de ce qui aura été accordé et stipulé par le présent traité.
Article 3
Tous les prisonniers faits de part et d’autre tant par terre que par mer, et les otages enlevés ou donnés, pendant la guerre, et jusqu’à ce jour, seront restitués sans rançon dans six semaines au plus tard, à compter du jour de l’échange de la ratification du présent traité, chaque couronne soldant respectivement les avances, qui auront été faites pour la subsistance et l’entretien de ces prisonniers par le souverain du pays, où ils auront été détenus, conformément aux reçus et états constatés et autres titres authentiques, qui seront fournis de part et d’autre. Et il sera donné réciproquement des sûretés pour le paiement des dettes, que les prisonniers auraient pu contracter dans les États, où ils auraient été détenus, jusqu’à leur entière liberté.
—— et tous les vaisseaux, tant de guerre que marchands, qui auraient été pris depuis l’expiration des termes convenus pour la cessation des hostilités par mer, seront pareillement rendus de bonne foi, avec tous leurs équipages, et cargaisons ; et on procédera à l’exécution de cet article immédiatement après l’échange des ratifications de ce traité.
Article 4
Sa Majesté très chrétienne renonce à toutes les prétentions, qu’elle a formées autrefois, ou pu former, à la Nouvelle-Écosse, ou l’Acadie, en toutes ses parties, et la garantit toute entière, et avec toutes ses dépendances, au Roi de la Grande-Bretagne. De plus, Sa Majesté très chrétienne cède et garantit à sadite majesté britannique, en toute propriété, le Canada avec toutes ses dépendances, ainsi que l’île du Cap-Breton, et toutes les autres îles, et côtes, dans le golfe et fleuve Saint-Laurent, et généralement tout ce qui dépend desdits pays, terres, îles, et côtes, avec la souveraineté, propriété, possession, et tous droits acquis par traité, ou autrement, que le Roi très chrétien et la couronne de France ont eus jusqu’à présent sur lesdits pays, îles, terres, lieux, côtes, et leurs habitants, ainsi que le Roi Très-Chrétien cède et transporte le tout au dit Roi et à la couronne de la grande Bretagne, et cela de la manière et de la forme la plus ample, sans restriction, et sans qu’il soit libre de revenir sous aucun prétexte contre cette cession et garantie, ni de troubler la Grande-Bretagne dans les possessions susmentionnées. De son côté Sa Majesté britannique convient d’accorder aux habitants du Canada la liberté de la religion catholique ; en conséquence elle donnera les ordres les plus précis et les plus effectifs, pour que ses nouveaux sujets catholiques romains puissent professer le culte de leur religion selon le rite de l’Église romaine, en tant que le permettent les lois de la Grande-Bretagne.
—— Sa Majesté britannique convient en outre, que les habitants français ou autres, qui auraient été sujets du Roi très chrétien en canada, pourront se retirer en toute sûreté et liberté, où bon leur semblera, et pourront vendre leurs biens, pourvu que ce soit à des sujets de Sa Majesté britannique, et transporter leurs effets, ainsi que leurs personnes, sans être gênés dans leur émigration, sous quelque prétexte que ce puisse être, hors celui de dettes ou de procès criminels ; le terme limité pour cette émigration sera fixé à l’espace de dix-huit mois, à compter du jour de l’échange des ratifications du présent traité.
Article 5
Les sujets de la France auront la liberté de la pêche, et de la sécherie, sur une partie des côtes de l’île de Terre-Neuve, telle qu’elle est spécifiée par l’article 13 du traité d’Utrecht, lequel article est renouvelé et confirmé par le présent traité (à l’exception de ce qui regarde l’île du Cap-Breton, ainsi que les autres îles et côtes dans l’embouchure et dans le golfe Saint-Laurent et Sa Majesté britannique consent de laisser aux sujets du Roi très chrétien la liberté de pêcher dans le golfe Saint-Laurent à condition que les sujets de la France n’exercent ladite pêche, qu’à la distance de trois lieues de toutes les côtes appartenant à la Grande-Bretagne, soit celles du continent, soit celles des îles situées dans ledit golfe Saint-Laurent. Et pour ce qui concerne la pêche sur les côtes de l’île du Cap-Breton hors du dit golfe, il ne sera pas permis aux sujets du Roi très chrétien d’exercer ladite pêche, qu’à la distance de quinze lieues des côtes de l’île du Cap-Breton ; et la pêche sur les côtes de la Nouvelle-Écosse, ou Acadie, et par tout ailleurs, hors du dit golfe, restera sur le pied des traités antérieurs.
Article 6
Le Roi de la Grande-Bretagne cède les îles de Saint-Pierre et de Miquelon, en toute propriété, à Sa Majesté très chrétienne, pour servir d’abri aux pêcheurs français ; et sadite majesté très chrétienne s’oblige à ne point fortifier lesdites îles, à n’y établir que des bâtiments civils pour la commodité de la pêche, et à n’y entretenir qu’une garde de cinquante hommes pour la police.
Article 7
Afin de rétablir la paix sur des fondements solides et durables, et écarter pour jamais tout sujet de dispute par rapport aux limites des territoires britanniques et français sur le continent de l’Amérique, il est convenu, qu’a l’avenir les confins entre les états de Sa Majesté britannique et ceux de Sa Majesté très chrétienne en cette partie du monde, seront irrévocablement fixés par une ligne tirée au milieu du fleuve Mississippi depuis sa naissance jusqu’à la rivière d’Iberville, et de là par une ligne tirée au milieu de cette rivière et des lacs Maurepas et Pontchartrain jusqu’à la mer ; et à cette fin le Roi très chrétien cède, en toute propriété, et garantit à Sa Majesté britannique la rivière et le port de La Mobile, et tout de qu’il possède, ou a dû posséder, du coté gauche du fleuve Mississippi, à l’exception de la ville de La Nouvelle-Orléans, et de l’île dans laquelle elle est située, qui demeureront à la France ; bien entendu, que la navigation du fleuve Mississippi sera également libre tant aux sujets de la Grande-Bretagne comme à ceux de la France, dans toute sa largeur, et toute son étendue, depuis sa source jusqu’à la mer, et nommément cette partie, qui est entre la susdite île de La Nouvelle-Orléans et la rive droite de ce fleuve, aussi bien que l’entrée et la sortie par son embouchure. Il est de plus stipulé que les bâtiments appartenant aux sujets de l’une ou de l’autre nation ne pourront être arrêtés, visités, ni assujettis au paiement d’aucun droit quelconque. -- les stipulations insérées dans l’article 4. En faveur des habitants du Canada auront lieu de même pour les habitants des pays cédés par cet article.
Article 8
Le Roi de la Grande-Bretagne restituera à la France les îles de la Guadeloupe, de Marie-Galante, de la Désirade, de la Martinique, et de Belle Isle ; et les places de ces îles seront rendues dans le même état, où elles étaient, quand la conquête en a été faite par les armes britanniques ; bien entendu, que les sujets de Sa Majesté britannique, qui se seraient établis, ou ceux qui auraient quelques affaires de commerce à régler dans lesdites îles et autres endroits restitués à la France par le présent traité, auront la liberté de vendre leurs terres, et leurs biens, de régler leurs affaires, de recouvrer leurs dettes, et de transporter leurs effets, ainsi que leurs personnes, à bord des vaisseaux qu’il leur sera permis de faire venir auxdites îles, et autres endroits, restitués comme dessus, et qui ne serviront qu’à cet usage seulement, sans être gênés à cause de leur religion, ou sous quelque autre prétexte que ce puisse être hors celui de dettes ou de procès criminels.
—— et pour cet effet le terme de dix-huit mois est accordé aux sujets de Sa Majesté britannique à compter du jour de l’échange des ratifications du présent traité.
—— mais comme la liberté, accordée aux sujets de Sa Majesté britannique, de transporter leurs personnes et leurs effets sur des vaisseaux de leur nation pourrait être sujette à des abus, si l’on ne prenait la précaution de les prévenir, il a été convenu expressément, entre Sa Majesté britannique et Sa Majesté très chrétienne, que le nombre des vaisseaux anglais, qui auront la liberté d’aller auxdites îles et lieux restitués à la France sera limité, ainsi que le nombre de tonneaux de chacun, qu’ils iront en lest, partiront dans un terme fixé, et ne feront qu’un seul voyage ; tous les effets, appartenant aux Anglais, devant être embarqués en même temps.
Il a été convenu en outre, que Sa Majesté très chrétienne fera donner les passeports nécessaires pour lesdits vaisseaux ; que, pour —— plus grande sûreté, il sera libre de mettre deux commis ou gardes français sur chacun des dits vaisseaux, qui seront visités dans les atterrages et ports des dites îles, et lieux, restitués à la France ; et que les marchandises, qui s’y pourront trouver, seront confisquées.
Article 9
Le Roi très chrétien cède et garantit à Sa Majesté britannique, en toute propriété, les îles de la grenade et des grenadines, avec les mêmes stipulations en faveur des habitants de cette colonie, insérées dans l’article 4. Pour ceux du Canada ; et le partage des îles, appelées neutres, est convenu et fixé de manière que celles de Saint-Vincent la Dominique, et Tobago, resteront, en toute propriété, à la Grande-Bretagne, et que celle de Sainte-Lucie sera remise à la France pour en jouir, pareillement en toute propriété.
—— et les hautes parties contractantes garantissent le partage ainsi stipulé
Article 10
Sa Majesté britannique restituera à la France l’île de Gorée, dans l’état, où elle s’est trouvée, quand elle a été conquise ; et Sa Majesté très chrétienne cède, en toute propriété, et garantit au Roi de la Grande-Bretagne la rivière de Sénégal, avec les forts et comptoirs de Saint-Louis de Podor, et de Galam, et avec tous les droits et dépendances de ladite rivière de Sénégal.
Article 11
Dans les Indes orientales la Grande-Bretagne restituera à la France, dans l’état où ils sont aujourd’hui, les différents comptoirs, que cette couronne possédait tant sur la côte de Coromandel et d’Orixa, que sur celle de malabar, ainsi que dans le Bengale, au commencement de l’année mil sept cent quarante-neuf ; et Sa Majesté très chrétienne renonce à toute prétention aux acquisitions, qu’elle avait faites sur la côte de Coromandel, et d’Orixa, depuis ledit commencement de l’année mil sept cent quarante-neuf.
—— Sa Majesté très chrétienne restituera, de son côté, tout ce qu’elle pourrait avoir conquis sur la Grande-Bretagne dans les indes orientales pendant la présente guerre, et fera restituer nommément Natal et Tapanouly dans l’île de Sumatra.
Elle s’engage de plus à ne point ériger de fortifications, et à ne point entretenir de troupes dans aucune partie des états du subah du Bengale.
—— et afin de conserver la paix future sur la côte de Coromandel et d’Orixa, les Anglais et les Français reconnaîtront Mahomet Ali Khan pour légitime nabob du Carnate, et Salabat Jing pour légitime subah du Deccan ; et les deux parties renonceront à toute demande ou prétention de satisfaction qu’elles pourraient former à la charge, l’une de l’autre, ou à celle de leurs alliés indiens pour les déprédations ou dégâts commis soit d’un côté, soit de l’autre pendant la guerre.
Article 12
L’île de Minorque sera restituée à Sa Majesté britannique, ainsi que le fort Saint-Philippe, dans le même état où ils se sont trouvés, lorsque la conquête en a été faite par les armes du Roi très chrétien, et avec l’artillerie, qui y était lors de la prise de ladite île et du dit fort.
Article 13
La ville et le port de Dunkerque seront mis dans l’état fixé par le dernier traité d’Aix-la-Chapelle, et par les traités antérieurs ;
—— la cunette sera détruite immédiatement après l’échange des ratifications du présent traité, ainsi que les forts et batteries, qui défendent l’entrée du côté de la mer ; et il sera pourvu en même temps à la salubrité de l’air et à la santé des habitants par quelque autre moyen à la satisfaction du Roi de la Grande-Bretagne.
Article 14
La France restituera tous les pays, appartenant à l’électorat d’Hanovre, au landgrave de Hesse, au duc de Brunswick, et au comte de la Lippe Buckebourg, qui se trouvent, ou se trouveront occupés par les armes de Sa Majesté très chrétienne ; les places de ces différents pays seront rendues dans le même état où elles étaient, quand la conquête en a été faite par les armes françaises ; et les pièces d’artillerie, qui auront été transportées ailleurs, seront remplacées par le même nombre de même calibre, poids, et métal.
Article 15
En cas que les stipulations, contenues dans l’article 13 des préliminaires, ne fussent pas accomplies lors de la signature du présent traité, tant par rapport aux évacuations à faire par les armées de la France des places de claves, de Wesel, de Gueldre, et de tous les pays, appartenant au Roi de Prusse, que par rapport aux évacuations à faire par les armées britannique et française des pays, qu’elles occupent en Westphalie, Basse-Saxe, sur le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, et dans tout l’empire, et à la retraite des troupes dans les États de leurs souverains respectifs, Leurs Majestés britannique et très chrétienne promettent de procéder de bonne foi, avec toute la promptitude que le cas pourra permettre, aux dites évacuations, dont ils stipulent l’accomplissement parfait avant le quinze de mars prochain, ou plutôt, si faire se peut.
—— et Leurs Majestés britannique et très Chrétienne s’engagent de plus, et se promettent, de ne fournir aucun secours, dans aucun genre, à leurs alliés respectifs, qui resteront engagés dans la guerre d’Allemagne.
Article 16
La décision des prises, faites en temps de paix par les sujets de la Grande-Bretagne sur les Espagnols, sera remise aux cours de justice de l’amirauté de la Grande-Bretagne, conformément aux règles établies parmi toutes les nations, de sorte que la validité desdites prises entre les nations britannique et espagnole sera décidée et jugée, selon le droit des gens, et selon les traités, dans les cours de justice de la nation, qui aura fait la capture.
Article 17
Sa Majesté britannique fera démolir toutes les fortifications, que ses sujets pourront avoir érigées dans la baie du Honduras, et autres lieux du territoire de l’Espagne dans cette partie du monde, quatre mois après la ratification du présent traité ; et Sa Majesté catholique ne permettra point, que les sujets de Sa Majesté britannique, ou leurs ouvriers, soient inquiétés ou molestés sous aucun prétexte que ce soit, dans lesdits lieux, dans leur occupation de couper, charger, et transporter, le bois de teinture ou de campêche ; et pour cet effet ils pourront bâtir, sans empêchement, et occuper sans interruption, les maisons et les magasins, qui sont nécessaires pour eux, pour leurs familles, et pour leurs effets ; et Sa Majesté catholique leur assure par cet article l’entière jouissance de ces avantages, et facultés sur les côtes et territoires espagnols, comme il est stipulé ci-dessus, immédiatement après la ratification du présent traité.
Article 18
Sa Majesté catholique se désiste, tant pour elle que pour ses successeurs, de toute prétention, qu’elle peut avoir formée en faveur des Guipuscoans et autres de ses sujets au droit de pêcher aux environs de l’île de Terre-neuve.
Article 19
Le Roi de la Grande-Bretagne restituera à l’Espagne tout le territoire qu’il a conquis dans l’île de Cuba, avec la place de La Havane ; et cette place, aussi bien que toutes les autres places de ladite île, seront rendues dans le même état, où elles étaient, quand elles ont été conquises par les armes de Sa Majesté britannique : bien entendu, que les sujets de Sa Majesté britannique, qui se seraient établie, ou ceux qui auraient quelques affaires de commerce à régler, dans ladite île, restituée à l’Espagne par le présent traité, auront la liberté de vendre leurs terres, et leurs biens, de régler leurs affaires, de recouvrer leurs dettes, et de transporter leurs effets ainsi que leurs personnes à bord des vaisseaux, qu’il leur sera permis de faire venir à ladite île, restituée comme dessus, et qui ne serviront qu’à cet usage seulement, sans être gênés à cause de leur religion, ou sous quelque autre prétexte que ce puisse être, hors celui de dettes ou de procès criminels ; et pour cet effet le terme de dix-huit mois est accordé aux sujets de Sa Majesté britannique, à compter du jour de l’échange des ratifications du présent traité.
—— mais comme la liberté, accordée aux sujets de Sa Majesté britannique de transporter leurs personnes et leurs effets sur des vaisseaux de leur nation, pourrait être sujette à des abus, si l’on ne prenait la précaution de les prévenir, il a été convenu expressément entre Sa Majesté britannique et Sa Majesté catholique, que le nombre des vaisseaux anglais, qui auront la liberté d’aller à ladite île restituée à l’Espagne, sera limité, ainsi que le nombre de tonneaux de chacun, qu’ils iront en lest, partiront dans un terme fixé, et ne feront qu’un seul voyage ; tous les effets, appartenances aux Anglais, devant être embarqués en même temps.
—— il a été contenu en outre, que Sa Majesté catholique fera donner les passeports nécessaires pour lesdits vaisseaux ; que, pour plus grande sûreté, il sera libre de mettre deux commis ou gardes espagnols sur chacun des dits vaisseaux, qui seront visités dans les atterrages et ports de ladite île restituée à l’Espagne et que les marchandises, qui s’y pourront trouver, seront confisquées.
Article 20
En conséquence de la restitution stipulée dans l’article précédent, Sa Majesté catholique cède et garantit, en toute propriété, à Sa Majesté britannique, la Floride, avec le fort de Saint-Augustin, et la baie de Pensacola, ainsi que tout ce que l’Espagne possède sur le continent de l’Amérique septentrionale, à l’est, ou au sud-est, du fleuve Mississippi, et généralement tout ce qui dépend des dits pays et terres, avec la souveraineté, propriété, possession, et tous droits acquis par traité ou autrement, que le Roi Catholique et la couronne d’Espagne, ont eus jusqu’à présent sur lesdits pays, terres, lieux, et leurs habitants ; ainsi que le Roi Catholique cède et transporte le tout au dit Roi et à la couronne de la grande Bretagne, et cela de la manière et de la forme la plus ample ; Sa Majesté britannique convient de son côté d’accorder aux habitants des pays ci-dessus cédés la liberté de la religion catholique ; en conséquence elle donnera les ordres les plus exprès et les plus effectifs, pour que ses nouveaux sujets catholiques romains puissent professer le culte de leur religion selon le rit de l’Église romaine, en tant que le permettent les lois de la Grande-Bretagne : Sa Majesté britannique convient en outre, que les habitants espagnols, ou autres qui auraient été sujets du Roi Catholique, dans lesdits pays, pourront se retirer en toute sûreté et liberté, où bon leur semblera et pourront vendre leurs biens, pourvu que ce soit à des sujets de Sa Majesté britannique, et transporter leurs effets, ainsi que leurs personnes, sans être gênés dans leur émigration, sous quelque prétexte que ce puisse être, hors celui de dettes ou de procès criminels ; le terme, limité pour cette émigration, étant fixé à l’espace de dix-huit mois, à compter du jour de l’échange des ratifications du présent traité.
—— il est de plus stipulé, que Sa Majesté catholique aura la faculté de faire transporter tous les effets, qui peuvent lui appartenir, soit artillerie, ou autres.
Article 21
Les troupes françaises et espagnoles évacueront tous les territoires, campagnes, villes, places, et châteaux, de Sa Majesté très fidèle, en Europe, sans réserve aucune, qui pourront avoir été conquis par les armées de France et d’Espagne, et les rendront dans le même état où ils étaient, quand la conquête en a été faite, avec la même artillerie, et les munitions de guerre, qu’on y a trouvées ; et à l’égard des colonies portugaises, en Amérique, Afrique, ou dans les Indes orientales, s’il y était arrivé quelque changement, toutes choses seront remises sur le même pied, où elles étaient, et en conformité des traités précédents, qui subsistaient entre les cours de France, d’Espagne, et du Portugal, avant la présente guerre.
Article 22
Tous les papiers, lettres, documents et archives, qui se sont trouvés dans les pays, terres, villes, et places, qui sont restitués, et ceux appartenant aux pays cédés, seront délivrés, ou fournis, respectivement, et de bonne foi, dans le même temps, s’il est possible, de la prise de possession, ou au plus tard, quatre mois après l’échange des ratifications du présent traité, en quelque lieu que lesdits papiers ou documents puissent se trouver.
Article 23
Tous les pays, et territoires, qui pourraient avoir été conquis, dans quelque partie du monde que ce soit, par les armes de Leurs Majestés britannique et très fidèle, ainsi que par celles de Leurs Majestés très chrétienne et catholique, qui ne sont pas compris dans le présent traité, ni à titre de cessions, ni a titre de restitutions, seront rendus sans difficulté, et sans exiger de compensation.
Article 24
Comme il est nécessaire de designer une époque fixe pour les restitutions et les évacuations à faire, par chacune des hautes parties contractantes, il est convenu que les troupes britanniques et françaises compléteront, avant le quinze de mars prochain, tout ce qui restera à exécuter des articles 12 et 13 des préliminaires, signés le 3e jour de novembre passé, par rapport à l’évacuation à faire dans l’empire, ou ailleurs.
—— l’île de Belle Isle sera évacuée six semaines après l’échange des ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut.
—— la Guadeloupe, la Désirade, Marie-Galante, la Martinique, et Sainte-Lucie, trois mois après l’échange des ratifications du présent traité, ou plutôt, si faire se peut.
—— la Grande-Bretagne entrera pareillement au bout de trois mois après l’échange de ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut, en possession de la rivière et du port de La Mobile, et de tout ce qui doit former les limites du territoire de la Grande-Bretagne du côté du fleuve Mississippi, telles qu’elles sont spécifiées dans l’article 7.
—— l’île de Gorée sera évacuée par la Grande-Bretagne trois mois après l’échange des ratifications du présent traité ;
—— et l’île de Minorque par la France à la même époque, ou plutôt si faire se peut ; -- et, selon les conditions de l’article 6, la France entrera de même en possession des îles de Saint-Pierre et de Miquelon, au bout de trois mois après l’échange des ratifications du présent traité.
—— les comptoirs aux Indes orientales seront rendus six mois après l’échange des ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut.
—— la place de La Havane avec tout ce qui a été conquis dans l’île de cuba, sera restituée trois mois après l’échange des ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut ; et en même temps la Grande-Bretagne entrera en possession du pays cédé par l’Espagne selon l’article 20.
—— tous les places et pays de Sa Majesté très fidèle en Europe seront restitués immédiatement après l’échange des ratifications du présent traité ; et les colonies, portugaises, qui pourront avoir été conquises, seront restituées dans l’espace de trois mois dans les indes occidentales, et de six mois dans les indes orientales, après l’échange des ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut. -- toutes les places, dont la restitution est stipulée ci-dessus, seront rendues avec l’artillerie, et les munitions, qui s’y sont trouvées lors de la conquête.
—— en conséquence de quoi les ordres nécessaires seront envoyés par chacune des hautes parties contractantes avec les passeports réciproques pour les vaisseaux, qui les porteront, immédiatement après l’échange des ratifications du présent traité.
Article 25
Sa Majesté britannique, en sa qualité d’électeur de Brunswick-Lunebourg, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs, et tous les états et possessions de sa de majesté en Allemagne sont compris et garantis par le présent traité de paix.
Article 26
Leurs sacrées majestés, britannique, très chrétienne, catholique, et très fidèle, promettent d’observer sincèrement et de bonne foi tous les articles, contenus et établis dans le présent traité ; et elles ne souffriront pas, qu’il y soit fait de contravention directe ou indirecte par leurs sujets respectifs ; et les susdites hautes parties contractantes se garantissent généralement et réciproquement toutes les stipulations du présent traité.
Article 27
Les ratifications solennelles du présent traité, expédiées en bonne et due forme, seront échangées, en cette ville de paris, entre les hautes parties contractantes dans l’espace d’un mois, ou plutôt s’il est possible, à compter du jour de la signature du présent traité.
En foi de quoi nous soussignés, leurs ambassadeurs extraordinaires et ministres plénipotentiaires avons signé de notre main, en leur nom, et en vertu de nos pleins pouvoirs, le présent traité définitif, et y avons fait apposer le cachet de nos armes.
Fait à Paris le dix de février mil sept cent soixante-trois.
Bedford c.p. s. Choiseul duc de Praslin. le marquis de Grimaldi.
{l.s.} {l.s.} {l.s.}
Articles séparés
1
Quelques-uns des titres, employés par les puissances contractantes, soit dans les pleins pouvoirs, et autres actes, pendant le cours de la négociation, soit dans le préambule du présent traité, n’étant pas généralement reconnus, il a été convenu, qu’il ne pourrait jamais en résulter aucun préjudice pour aucune des dites parties contractantes, et que les titres, pris ou omis, de part et d’autre, à l’occasion de ladite négociation, et du présent traité ne pourront être cités ni tirés à conséquence.
2
Il a été convenu et arrêté que la langue française, employée dans tous les exemplaires du présent traité, ne formera point un exemple, qui puisse être allégué, ni tiré à conséquence, ni porter préjudice, en aucune manière, à aucune des puissances contractantes ; et que l’on se conformera, a l’avenir, à ce qui a été observé, et doit être observé, à l’égard, et de la part, des puissances, qui sont en usage, et en possession, de donner, et de recevoir, des exemplaires, de semblables traités, en une autre langue que la française.
3
Quoique le Roi du Portugal n’ait pas signé le présent traité définitif, Leurs Majestés britannique, très chrétienne, et catholique reconnaissent néanmoins que Sa Majesté très fidèle y est formellement comprise comme partie contractante, et comme si elle avait expressément signé ledit traité ; en conséquence, Leurs Majestés britannique, très Chrétienne et Catholique, s’engagent respectivement et conjointement avec Sa Majesté très fidèle, de la façon la plus expresse et la plus obligatoire, à l’exécution de toutes, et chacune des clauses, contenues dans ledit traité, moyennant son acte d’accession.
Les présents articles séparés auront la même force, que s’ils étaient insérés dans le traité.
En foi de quoi nous soussignés ambassadeurs extraordinaires et ministres plénipotentiaires de Leurs Majestés britannique, très Chrétienne, et Catholique, avons signé les présents articles séparés, et y avons fait apposer le cachet de nos armes.
Fait à Paris le dix de février mil sept cent soixante-trois.
Bedford C.P.S. Choiseul duc de Praslin. el Marqs de Grimaldi.
{L.S.} {L.S.} {L.S.}
Voir aussi
Articles préliminaires de paix entre le Roi, le Roi de la Grande-Bretagne et le Roi d’Espagne, signés à Fontainebleau le 3 novembre 1762
Préconisé par le rapport Durham, l’Acte d’Union voté en juillet 1840 par le parlement britannique prend effet le 10 février 1841.
2 commentaires:
Bravo. Un travail rare et digne de vives félicitations.
L'Histoire n'est pas le lieu des consensus. Faire connaître des faits historiques, bien ou mal connus, risque souvent de heurter certains conceptions, illusions et préjugés. Les québécois eux-mêmes connaissent mal leur histoire et donc leur origine et leur importance. Merci pour ce coup de balais consciencieux qui nous donne une image assez percutante de l'importance de l'action de colonisation française en Amérique du Nord.
Si une chose en ressort, c'est bien l'impact de la bataille de 1759 à Québec mais aussi l'intérêt évident des anglophones de l'époque à s'emparer des fruits du travail d'exploration et d'implantation française en Amérique. Beaucoup de leçons à tirer dont l'importance de ne pas sacrifier ses acquis ...
Bien aimé ce résumé de la politique coloniale française à l'époque lu ailleurs qui vous cite d'ailleurs:
Le problème c’est que la
France (les ministres de la Marine) avait une vision idiote des colonies. Elle
ne devait servir qu’à court terme, produire des produits qui n’existaient pas en
France (poissons, minéraux, peaux) et ne pas dépeupler la France. Aucune
imagination : l’Angleterre a eu des colonies de peuplement (cela n’a pas
dépeuplé l’Angleterre, mais peupler le monde d’anglophones, cela a enrichi
l’Angleterre par le simple commerce alors que la Nouvelle-Angleterre aurait pu
dans les yeux d’un ministre français avoir été considérée comme une concurrente
potentielle de la métropole).
Il n’y a pas eu plus de 30 000 à 40 000
colons envoyés en Nouvelle-France. la France ne voulait pas vraiment en envoyer
plus. La population (comme celle des colonies anglaises puis des É-U) doublait
environ tous les 30 ans (on ne mourrait pas de faim, on se mariait tôt
contrairement à la France). Des disettes pendant le XVIIe et XVIIIe siècles
tueront des dizaines de fois plus de gens que tous les colons envoyés en
Nlle-France (on aurait pu les sauver). La grande famine de 1693 tua 1,3
million de personnes, celle de 1709 0,6 million…
En 1763, Choiseul (ministre de la Marine) se réjouissait de la perte la Nouvelle-France, il
pensait grâce au pacte familial (des Bourbons français et espagnols) pouvoir
enrichir la France grâce au commerce avec l’Empire espagnol. Il n’en fut rien,
en fait la France y perdu des positions après l’ouverture de Cadix. Et cela
profite à l’Angleterre surtout ! Choiseul, un grand génie, envoya aussi
quasiment autant de colons que n’avait reçus la Nlle-France en 150 ans mais
cette fois-ci en Guyane (ce n’est donc pas le manque de personnes en France qui
explique le manque de colon, mais le manque de volonté en haute place), ils
moururent rapidement en masse de maladies… Idem à Madagascar (mauvais côté de
l’île, trop pluvieux) bien que là ce fut une entreprise privée que Choiseul
laissa faire.
Toujours aussi génial le ministre Vergennes quelques années
plus tard aida massivement les États-Unis, refusa toute récupération du Canada
[volontairement !] pensant se faire des alliés commerciaux avec les Américains
et détrôner (au niveau commercial) les Anglais chassés des 13 colonies. Il n’en
fut bien sûr rien : les Anglais restèrent les principaux partenaires commerciaux
des nouveaux É-U d’Amérique. Comme quoi avoir des gens comme soi ailleurs ça
aide.
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