jeudi 11 avril 2019

Les « changements climatiques », une des causes de la guerre en Syrie... Vraiment ?

On se rappellera les manchettes de la presse et des médias plus généralement qui associaient les « changements climatiques » à la guerre en Syrie. Dans le détail, les articles évoquaient une sécheresse en Syrie comme une cause de la guerre en Syrie. Qu’en est-il ?

D’abord un florilège de ces manchettes :










Deux études publiées dans des revues scientifiques réputées remettent en question ce récit médiatique.

Une nouvelle étude de l’Université de Melbourne, de l’Institut Georg Eckert à Brunswick et de l’Université libre de Berlin a soulevé plusieurs problèmes avec les études qui affirment qu’il existerait un lien entre les changements environnementaux causés par le « réchauffement climatique » et des guerres dans les régions affectées.

Le document, qui vient de paraître dans Nature Climate Change, montre qu’une grande partie des recherches actuelles sur le sujet (telles que celles citées par l’article du Guardian ci-dessus) souffrent d’une multitude de défauts et de biais.

Les chercheurs ont examiné plus de 100 articles publiés de 1990 à 2017, affirmant un lien entre le réchauffement de la planète et la guerre, et ont découvert d’importants biais, de parti pris. C’est ainsi qu’une grande partie de la recherche était axée sur les conflits faisant les manchettes, négligeant les conflits qui ne font pas la une de la presse.

Ils ont également noté que la plupart des conflits se déroulaient dans des zones où les gens parlaient anglais, ce qui simplifiait la tâche des chercheurs (la solution de facilité), tout en ignorant de nombreuses autres régions qu’ils auraient dû étudier. Ils ont également constaté que de nombreuses études portaient sur des zones déjà en conflit, telles que la Syrie et le Soudan.

En outre, les zones étudiées n’étaient souvent même pas celles que les « experts » avaient jugées les plus susceptibles d’être affectées par le réchauffement climatique.

Une étude antérieure de la revue érudite Political Geography montre qu’il n’y a aucune preuve solide que le changement climatique mondial a été un facteur responsable de la guerre civile syrienne.

Les affirmations selon lesquelles une sécheresse majeure causée par le changement climatique anthropogénique était un facteur clé du déclenchement de la guerre civile syrienne ont considérablement gagné du terrain depuis 2015 et font partie du récit médiatique propagé par les médias. L’ancien vice-président américain Al Gore l’a répété en août 2017 en marge de commentaires sur le Brexit. Cette étude, dirigée par le professeur Jan Selby de l’Université du Sussex, jette un regard nouveau sur les preuves existantes à l’appui de ces affirmations, elle y ajoute de nouvelles recherches sur les données pluviométriques syriennes et les expériences des réfugiés syriens, témoins de cette sécheresse.

Le professeur Jan Selby, directeur du Centre Sussex pour la recherche sur les conflits et la sécurité à l’Université du Sussex, a déclaré : « Notre article conclut qu’il n’y a aucune preuve solide que le changement climatique mondial a été un facteur déclencheur de la guerre civile syrienne. En effet, il est extraordinaire que cette affirmation soit devenue si largement acceptée alors que les preuves scientifiques qui la justifient sont si ténues. »

« Les changements climatiques globaux constituent un défi très réel et auront sans aucun doute d’importantes conséquences en termes de conflit et de sécurité, mais rien ne prouve que ce soit ce qui se passait dans ce cas-ci. Il est essentiel que les experts, les commentateurs et les décideurs politiques résistent à la tentation de faire dans l’hyperbole au sujet des conséquences du changement climatique sur les conflits. Des déclarations exagérées qui ne sont pas fondées sur des données scientifiques rigoureuses ne font que nourrir le scepticisme climatique. »

Le professeur Selby a travaillé sur cette étude avec Christiane Fröhlich du Centre pour la recherche sur le système terrestre et la durabilité (CEN) de l’Université de Hambourg, Omar Dahi du Hampshire College et Mike Hulme du King’s College de Londres. Leur article est publié dans une section spéciale de la revue Political Geography, le principal média au monde pour l’étude des liens entre le climat et les conflits. L’article est accompagné de trois réponses de hautes personnalités universitaires américaines et d’une réplique de Selby et de ses collègues. Tous sont disponibles en accès libre pour une période limitée.

Dans son article, Selby et ses collègues concluent que :
  • Bien que le nord-est de la Syrie ait connu une sécheresse exceptionnellement grave avant la guerre civile, cette sécheresse n’a pas nécessairement été causée par les influences humaines sur le climat mondial ;
  • Bien que la sécheresse de 2006/07 à 2008/09 ait contribué à la migration en provenance du nord-est de la Syrie, cette migration (probablement 40 à 60 000 familles) n’a aucunement eu l’ampleur qu’on lui a attribuée (le « 1,5 million de personnes » souvent cités), et était probablement davantage causée par la libéralisation économique que par la sécheresse ;
  • Il n’y a aucune preuve significative que la migration liée à la sécheresse a été un facteur contributif au début de la guerre civile.
Les points bleus ont reçu plus de pluie que la moyenne de 2006 à 2009, les autres moins. Les zones les plus touchées sont celles du désert de Syrie, peu peuplées. Les villes de Racca et Deir-es-Zor sont sur les rives de l’Euphrate, Hassaké sur un affluent de l’Euphrate.

Mike Hulme du King’s College de Londres a mené une analyse originale des données pluviométriques syriennes. Elles montrent les limites géographiques et temporelles précises de la sécheresse qui a duré trois ans. Il a déclaré : « La sécheresse dans le nord-est de la Syrie était sans aucun doute très grave, mais ne fait pas nécessairement partie d’une tendance à la dessiccation et ne peut être attribuée sans ambiguïté aux émissions de gaz à effet de serre. » Michael Hulme est professeur de Climat et de culture au département de géographie du King’s College de Londres. Il a été professeur de Changement climatique à l’École des sciences environnementales de l’Université d’Est-Anglie.

Christiane Fröhlich du Centre pour la recherche sur le système terrestre et la durabilité (CEN) de l’Université de Hambourg a interrogé des réfugiés syriens en Jordanie qui ont vécu la sécheresse qui a précédé la guerre civile. Elle a déclaré : « Nous devons intégrer l’expérience scientifique vécue par les personnes touchées par les changements environnementaux globaux à l’étude scientifique du réchauffement climatique afin de mieux comprendre l’impact de ses effets sur les différentes parties de la société ».

Omar Dahi, du Hampshire College, a déclaré : « De nombreux aspects de la Syrie avant et après mars 2011 sont largement acceptés comme des faits, malgré le peu de preuves. La thèse du changement climatique est un de ces faits. On la répète sans cesse sans la remettre correctement en question. »

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