dimanche 28 janvier 2024

La présentation sélective et tronquée des faits par Isabelle Hachey

Isabelle Hachey est une journaliste de La Presse. Son employeur et elle ont été blâmés il y a quelques semaines par le Conseil de la Presse « pour informations incomplètes, manque d’équilibre et apparence de conflit d’intérêts ».


Mme Hachey a consacré un long article samedi à quelques lignes extraites du plus récent livre de Mathieu Bock-Côté, Le Totalitarisme sans le goulag. Elle prétend que Bock-Côté y « tord la vérité ». Dans un passage de son livre, Bock-Côté dresse un portrait de ce qui arrive aux gens trop rétifs à l’idéologie woke ou diversitaire.

Afin de fournir le contexte, voici le passage, tiré de l’ouvrage, sur le sort de quelques opposants à l’idéologie du genre ; il concentre quatre des six critiques de Mme Hachey (les deux autres portent sur l’immigration) :

À l’automne 2021, un homme accusé de mégenrage à l’endroit d’un de ses anciens collègues, qui se déclarait non-binaire, dans un restaurant, a été condamné à payer plusieurs dizaines de milliers de dollars en dommage au non-binaire en question — quant au restaurant, il était obligé d’imposer à ses employés une formation en sensibilisation à la diversité. En Allemagne, à l’été 2023, une loi a été votée pour punir d’une amende allant jusqu’à 10 000 euros le simple fait de rappeler l’identité de genre antérieure d’une personne trans 31. En France, on assiste aux premiers procès pour mégenrage, comme on l’a vu avec la poursuite engagée contre la militante féministe Dora Moutot, pour avoir affirmé qu’elle voyait en Marie Cau, une femme trans, non pas une femme mais un homme. En Grande-Bretagne, à la fin de l’été 2023, le Parti travailliste envisageait de faire du mégenrage un crime haineux. Il n’est pas insensé de croire à une radicalisation des peines conduisant jusqu’à la prison, malgré la dénégation des partisans de ces lois. À tout le moins, à l’été 2023, on apprenait que près de la moitié de la génération des milléniaux aux États — Unis était favorable à la criminalisation du mégenrage.

En Irlande, un professeur ayant annoncé qu’il refuserait d’utiliser les nouveaux pronoms trans pour parler à ses étudiants a vu son école lui demander de ne plus y remettre les pieds. Puisqu’il s’y est présenté quand même, la police l’a arrêté. En Ontario, au Canada, un élève a dû faire l’expérience de la police car il refusait la présence de garçons s’identifiant comme filles dans le vestiaire de ces dernières. Dans ces deux cas, la punition idéologique était à demi avouée : le professeur fut officiellement arrêté parce qu’il n’avait pas respecté l’interdiction de revenir à son école s’il ne se convertissait pas à l’utilisation des pronoms trans. Le même argument fut utilisé au Canada. Que faire de ceux qui ne consentent pas à ce que leurs enfants, s’ils le demandent, s’engagent dans une thérapie de changement de sexe ? Le refus des parents de se plier à l’idéologie trans sera alors assimilé à une forme de maltraitance parentale. En Colombie — Britannique, toujours au Canada, un père s’est vu condamner à six mois de prison car il a refusé de reconnaître la transition de genre de son enfant, et continuait de voir en sa fille une fille et de l’interpeller par un pronom féminin.
Il n’était pas dans l’idée de Bock-Côté de s’appesantir sur chacun des cas, mais plutôt de relever ce qu’ils ont en commun : l’opposition à la théorie du genre sera punie. Plus l’opposition sera déterminée, plus la punition sera grande.
 
1. Le père en Colombie-Britannique.
 
Pour Mme Hachey, « [e]n fait, le père n’a pas été condamné pour son refus d’accepter la transition de son enfant, mais pour avoir étalé sur la place publique des informations personnelles et médicales à son propos, violant ainsi une ordonnance imposée par un tribunal pour protéger sa vie privée. […] Il y a deux semaines, cette caricature de la réalité a été dénoncée sur 𝕏 [par André Pratte, ancien sénateur libéral nommé par Justin Trudeau, ancien éditorialiste en chef de La Presse et donc ex-collègue de Mme Hachey…], et ça m’a incitée à me plonger dans l’essai. »

C’est en effet ce que prétend le « régime diversitaire ». Mais allons un peu plus dans les détails dont est si avide la vétilleuse Hachey.
 
L’affaire était bien connue des seules personnes vraiment concernées : les élèves de son école et ses voisins, si l’on en croit l’avocat du père. Toutes ces personnes savaient que la fille du père en question (plus de détails ici) faisait une transition. Comme le soulignait l’avocat du père, « aucune preuve » n’a été apportée que les commentaires publics de son client aient entraîné un quelconque préjudice. Et d’ailleurs de quelles informations personnelles et médicales parle Mme Hachey ? Elle reste vague, cest commode. Le Federalist l'a interrogé et, étant régi par les lois américaines, n'a jamais retiré son entretien avec le père. Quel est donc l'information révélée qui contrevient à sa « vie privée » ? Dire « ma fille » ? Simple syntagme qui contrevenait déjà à l’ordonnance de protection.
[1] AB, un garçon transgenre [une fille biologique donc] de 14 ans, demande une ordonnance de protection pour empêcher son père, CD, de publier, de parler ou de donner des interviews sur cette affaire ou sur les informations personnelles et médicales d’AB.

a) CD doit être empêché de :
  1. tenter de persuader AB d’abandonner le traitement pour la dysphorie de genre ; 
  2. s’adresser à AB par son nom de naissance ; et 
  3. se référer à AB comme une fille ou avec des pronoms féminins, que ce soit à AB directement ou à des tiers ;
b) CD ne publiera ni ne partagera, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’un agent ou d’un tiers, des informations ou des documents relatifs au sexe, à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle, à la santé mentale ou physique, à l’état de santé ou aux thérapies de AB.
Cette ordonnance de « protection » (contre quoi ?) est clairement excessive.

Cette injonction forçait le père à se taire complètement, il ne pouvait pas dire à son enfant ni à quiconque dautre : « j’ai une fille »  ou « ma fille ». Son opposition ne pouvait avoir lieu que dans son for intérieur. Il s’agissait beaucoup plus à notre avis de tout faire pour ne pas ébruiter ce genre d’affaires et non de « protéger » l’enfant. C’est une de ces ruses administratives communes à plus d’une affaire.

En résumé, l’emprisonnement du père (Robert Hoogland) vient bien de son refus d’accepter la « transition » de sa fille qu’il considère comme dangereuse notamment sur le plan médical, et ce même après qu’on lui a intimé de se taire complètement et de se transformer en une tombe. C’est bien son refus devant cette transition, obstiné pour d’aucuns, héroïque pour d’autres, qui l’emprisonnera.

2. Un homme accusé de mégenrage 
 
Isabelle Hachey opine : « Sauf qu’en épluchant les articles publiés en Colombie-Britannique, où se sont déroulés les évènements, on découvre que l’employé non binaire, Jessie Nelson, a reçu 30 000 $ non pas pour avoir été mégenré, mais pour avoir été injustement mis à la porte après avoir demandé à ses collègues de l’appeler par les pronoms de son choix. Ce n’est pas une mince nuance. »
 
Il est vrai que cette personne a été dédommagée parce que renvoyée, mais quelle est donc cette discrimination qui rend ce renvoi injustifié et donc sujet à dédommagement ? « Le tribunal des droits de l’homme a estimé que le travailleur avait fait l’objet d’une discrimination parce que le restaurant n’avait pas pris en compte les mégenrages à l’encontre de l’employé ». Le mégenrage ! Et c’est ce que retenait l’avocate de la plaignante, Adrienne Smith : « Cette “lourde” somme est un signal adressé aux employeurs ». « Cela devrait être un signal indiquant que les employeurs doivent être respectueux. Les pronoms corrects pour les individus ne sont pas facultatifs. Les employeurs ne sont pas libres de s’adresser aux gens avec les pronoms qu’ils choisissent ».

Tout part du mégenrage qui envenime la situation et qui permet d’obtenir un dédommagement. Bref, Isabelle Hachey pinaille.
 
3. Le cas de Josh Alexander, élève de 16 ans en Ontario

Mathieu Bock-Côté :
« En Ontario, au Canada, un élève a dû faire l’expérience de la police car il refusait la présence de garçons s’identifiant comme filles dans le vestiaire de ces dernières. »
Selon Isabelle Hachey, « [c]ette affaire, encore une fois, est plus complexe qu’elle n’en a l’air. Josh Alexander a été suspendu après avoir organisé une manifestation devant son école pour protester contre l’utilisation par les élèves transgenres des toilettes de leur choix. L’élève de 16 ans avait été prévenu par la direction que, s’il organisait cette manifestation, il serait suspendu sur-le-champ. Sans tenir compte de cet avertissement, il est allé de l’avant, soutenu par des organisations telles que Save Canada et Freedom Fighters Canada. Parmi la trentaine de manifestants, pour la plupart adultes, certains brandissaient des pancartes clamant “FUCK TRUDEAU”, “FAKE NEWS” et des citations de la Bible. »

Ajoutons quelques faits et questions
, car nous sommes d’accord : cette affaire est plus compliquée que ne le laisse croire Mme Hachey quand on ne s’intéresse qu’aux détails et qu’on refuse de voir la tendance punitive commune des exemples donnés.

1. Josh a été suspendu 2 jours avant la tenue de cette manifestation.
2. En quoi organiser une manifestation (devant l’école) pose-t-il problème dans un pays libre et entraînerait une suspension ? Imagine-t-on qu’organiser une manifestation pro-LGBTQ+ mènerait à des suspensions ? C’est bien évidemment le thème de la manifestation qui dérangeait, thème qui est celui que mentionne Bock-Côté : « la présence de garçons s’identifiant comme filles dans le vestiaire de ces dernières ». Cela renforce le fait que cette opposition est la cause de la suspension !
3. Save Canada est l’organisation fondée par Josh (16 ans à l’époque) et ses frères cadets, rien de bien menaçant !
4. En quoi citer la Bible devant une école prétendument catholique (Saint-Joseph) est-il une circonstance aggravante aux yeux de Mme Hachey ?
5. À la suite de cette manifestation, son école l’a accusé d’intimidation contre des élèves qui seraient non-binaires. Josh a toujours dit qu’il ne visait pas des personnes, mais les politiques scolaires et les propos inappropriés de ses professeurs.

Rappelons les circonstances initiales pour offrir un peu de contexte dont se soucie si peu Mme Hachey.

En classe, relate Josh, son professeur de maths [58e minute dans cette vidéo] déclare que la Création et la Bible sont des mythes. Ceci dans une école catholique… 
Selon son site internet, l’école Saint-Joseph œuvre à promouvoir « une éducation dans un cadre chrétien catholique ».

Par la suite [1:00:00], après que Josh Alexander a abordé l’inconfort de certaines filles qui se sont confiées à lui de partager les vestiaires avec des garçons (des mâles biologiques), une discussion a lieu dans la classe de maths. Son prof de maths lui crie dessus en affirmant :
  • qu’il existe un grand nombre de genres,
  • qu’il s’agit d’un spectre,
  • que Josh devrait « s’explorer »,  
  • que des hommes peuvent donner le sein, etc.
Josh répond que des mâles qui se font téter par des enfants c’est de la pédophilie.

Son professeur devient alors « agité ».

Josh cite alors le Nouveau Testament : « Dieu les fit homme et femme » (Marc 10:6). Il s’oppose à ce qu’un professeur essaie d’imposer la théorie du genre en classe. Convoqué dans le bureau du directeur, il maintient sa position. Il est suspendu ensuite.

Après 21 jours de suspension, on lui dit qu’il peut revenir à condition de ne plus aller en classe de maths, en classe de religion (que fréquenteraient deux enfants qui se disent trans) et de ne pas parler aux élèves non binaires. Il refuse, car il dit qu’il n’a rien fait de mal, qu’il n’attaque personne en particulier, qu’il n’a jamais utilisé l’ancien prénom des élèves trans, qu’il trouve cependant pervers que des mâles aillent dans les toilettes des filles, qu’il est dans une école catholique et qu’il défend la biologie et la parole de Dieu. Il est prêt à en débattre, mais la direction refuse. Il reste donc exclu d’une école qui se vante de son inclusion. [1:02:00]

Entrevue des frères Alexander (tous les deux suspendus) avec Jordan Peterson. Plus de 370 000 vues en deux mois, rien que sur YouTube (elle est aussi sur 𝕏). Sous-titrage par traduction automatique disponible, utiliser la molette en bas à droite après avoir cliqué sur la boîte blanche à côté.


L’avocat de Josh Alexander, Me Kitchen, a déclaré que
« Contraindre Josh à proférer des mensonges sur le genre contraires à ses convictions et l’exclure de deux cours sont des manifestations répugnantes de discrimination religieuse ».

Notons qu’un voile secret occulte les raisons du maintien jusqu’à ce jour de cette suspension. Comme le rapporte le Catholic Register, en date du 21 décembre 2023, le conseil scolaire « a placé la décision officielle du comité sous interdiction de publication, ce qui signifie que la justification de la décision controversée du groupe [d’experts] de maintenir la suspension n’est pas rendue publique. James Kitchen, le conseiller juridique d’Alexander, a contesté la sagesse de la décision du conseil d’administration de censurer les détails. Kitchen a ajouté que l’ordonnance viole le principe démocratique “selon lequel les procédures judiciaires sont ouvertes au public”. Le public y a accès. Les gens ont le droit d’utiliser le fait qu’ils ont accès pour promouvoir, faire de la publicité et exercer un contrôle ou une responsabilisation auprès des décideurs. C’est aussi un droit à la liberté d’expression et à un procès équitable. »

Bien évidemment, les autorités scolaires prétextent de leur volonté de protéger la vie privée des élèves. On remarque l’aspect commun avec l’affaire du père en Colombie-Britannique. Mais Me Kitchen a souligné que lui et M. Alexander étaient d’accord avec le conseil scolaire tout au long de ce processus pour dire que les mineurs impliqués dans cette affaire devaient voir leur identité protégée. Il a affirmé qu’étant donné qu’il n’y a pas de détails compromettant l’identité dans la décision, invoquer la protection de la vie privée pour empêcher la publication de ce document est « fallacieux ». « Cela soulève la question suivante : “Qui cherche-t-on à protéger en matière de vie privée ou d’identité ?” De toute évidence, les adultes dans cette situation », a-t-il conclu.

Dans le climat d’intimidation de l’école (un professeur de maths qui crie en classe son appui à la théorie du genre, convocations auprès de la direction, suspension, arrestation), il est évident que les plus rétifs à l’idéologie du genre sont des personnalités à fort caractère et à fortes convictions. Les autres élèves ou employés sceptiques se taisent et espèrent ne pas attirer de telles sanctions. Le truc pour certains journalistes consiste alors à se concentrer sur la forte personnalité de ces rebelles (argumentum ad hominem) et non sur les faits (ad rem) à la source de ces différends qui s’enveniment. 
 
Et c’est ainsi que Mme Isabelle Hachey consacre le reste de sa relation de cette affaire à noircir et à présenter sous un mauvais jour Josh Alexander aux yeux de ses lecteurs. Songez que Josh tire au pistolet ! La procureur Hachey nous lapprend : « En août, il a diffusé une vidéo sur X dans laquelle on le voit s’exercer sur une cible, dans un bois, avec une arme de poing. » Voilà encore un détail très important à n’en pas douter qu’avait omis Bock-Côté. En quoi justifie-t-il la suspension de cet élève des mois auparavant ?

Si Mme Hachey voulait fournir plus de contexte sur le type de personne qu’est Josh Alexander — et pas uniquement à charge — elle aurait pu informer ses lecteurs des déboires des parents de Josh tous les deux enseignants et suspendus eux aussi à deux semaines d’intervalle (heureux hasard !) La mère [1:07:00], enseignante en maternelle, apparemment parce qu’elle aurait arraché un drapeau arc-en-ciel LGBTQ+ posé sur la porte de sa classe de maternelle. Les parents auraient aussi perdu par la suite leur maison [17 : 30]. 

4. L’enseignant d’une école confessionnelle arrêté en Irlande 
 
Pour rappel, Bock-Côte relate : « En Irlande, un professeur ayant annoncé qu’il refuserait d’utiliser les nouveaux pronoms trans pour parler à ses étudiants a vu son école lui demander de ne plus y remettre les pieds. Puisqu’il s’y est présenté quand même, la police l’a arrêté. »
 
 Madame Hachey présente les choses ainsi :

L’enseignant, Enoch Burke, a été suspendu non parce qu’il refusait d’utiliser des pronoms trans, mais en raison de son comportement belliqueux, notamment lors d’une réunion du conseil scolaire au cours de laquelle, furieux, il avait « éclaté » et « complètement changé de couleur », selon un témoin de la scène. Plus tard, lors d’une cérémonie religieuse, il s’emportera à nouveau très publiquement contre les pronoms à utiliser pour désigner un élève transgenre10.

Enoch Burke a été emprisonné après avoir violé une ordonnance de la cour lui interdisant de se présenter à l’école en attendant l’issue de la procédure disciplinaire. Plus tard, il a été renvoyé pour avoir intimidé et harcelé un collègue, en plus d’avoir brimé le droit à la confidentialité d’un élève en processus de transition. La Haute Cour d’Irlande a jugé que la crainte de l’école avait été « rationnelle et raisonnable » et que M. Burke, de par son comportement, avait été « l’artisan de son propre malheur ».

Tout part cependant de l’obligation d’utiliser ces pronoms trans (« s’emporta à nouveau publiquement contre les pronoms ») Et ceci dans une école de l’Église d’Irlande. Ce qui est quand même insolite.

Nous connaissons mal ce cas, mais force est de constater à la lecture des articles de presse et des décisions de justice que M. Burke a causé un esclandre et a harcelé sa directrice au sujet de cette requête et que c’était sans doute un facteur important dans sa suspension. Enoch Burke et sa famille considèrent toute l’idéologie LGBTQ comme une abomination (citant la Bible), mais ils sont malhabiles, trop sanguins, et comme un juge l’a dit, M. Burke est son « pire ennemi ».

C’est sans doute le cas où le comportement de la personne, peu importe ses opinions, est un des principaux facteurs objectifs à sa suspension. À la décharge de Mathieu Bock-Côté, notre essayiste ne parlait pas des incidents qui ont suivi l’arrestation initiale, incidents ultérieurs qui confirment le caractère emporté de M. Burke et accréditent ainsi la version de la direction.  

Parions cependant que, devant ce déploiement de sanctions, aucun enseignant n’ose plus s’opposer à l’emploi des pronoms trans dans cette école et sans doute dans bien d’autres en Irlande.

Dans sa  réponse à l’article de Mme Hachey, Mathieu Bock-Côté résume bien les défauts de la « vérification des faits » par cette journaliste, en voici un extrait :

Loin de décontextualiser ces événements, comme Hachey me le reproche, je les inscris dans le grand contexte qui les éclaire : le surgissement, la normalisation, l’institutionnalisation puis la radicalisation autoritaire de la théorie du genre dans les sociétés occidentales, théorie absolument inédite à l’échelle de l’histoire de notre civilisation (et du monde) qui postule que le masculin et le féminin sont des constructions sociales intégrales, et qu’il suffit de se dire d’un sexe pour en être, dans la mesure où le ressenti de genre serait plus important que le corps sexué, l’anatomie devenant une forme de carcasse réactionnaire.

Je parle de l’émergence de cette théorie avec ce que tout cela entraîne en matière de répression des discours et d’entrave à la liberté d’expression.

C’est le cas au Canada quand un père est contraint par les tribunaux de se taire à propos du changement de sexe de son enfant. C’est le cas en Irlande quand un professeur dans une école catholique refuse de se soumettre à l’utilisation concrètement obligatoire des nouveaux pronoms. C’est le cas en Ontario quand un élève s’oppose à ce que des garçons qui s’identifient comme filles puissent utiliser les toilettes des filles.

[…]

Punition

Évidemment, la punition pour délit d’opinion n’est pas toujours «directe» – elle prend souvent le détour d’arguties administratives ou de ce qu’on pourrait appeler une forme de ruse juridique. Je prends d’ailleurs la peine d’ajouter, dans le livre, que ces punitions sont souvent imposées de manière détournée (je le note en particulier pour le professeur irlandais ou de l’élève ontarien, où je parle, à la page 186, de punitions «à demi avouées»).

Je vais résumer la chose pour qu’on comprenne bien la dynamique idéologique qui traverse nos sociétés: imaginons qu’un employé se fasse imposer une séance de formation sur la théorie du genre en entreprise – ou encore une formation EDI. Il refuse de s’y présenter parce qu’il juge que c’est du délire. Il est convoqué par les ressources humaines, qui lui reprochent son manque d’esprit coopératif. Il explique que non, il ne se rendra pas sur l’heure du dîner à une formation où on risque de lui expliquer qu’un homme peut accoucher (non plus qu’à une formation où on explique comme allant de soi que le Canada ou le Québec sont des sociétés soumises à la suprématie blanche). Le directeur des ressources humaines, surtout s’il est lui-même animé par l’esprit EDI, voit dans ce refus une forme d’intolérance, et surtout d’insubordination – et l’employé est alors viré pour insubordination. Isabelle Hachey dira ici très probablement qu’il a été viré non pour son opposition à la théorie du genre, mais parce qu’il n’a pas respecté ses obligations au travail. Et accusera le chroniqueur dont l’interprétation va au-delà de ce détail, de faire dans l’industrie des fake news, de ne pas proposer «un portrait factuel complet», comme s’il voulait cacher des informations, cacher «toute» la vérité pour mieux manipuler le public.

[...]

Isabelle Hachey, avec sa chronique, nous rappelle ce qu’est trop souvent le pseudo « fact-checking » : non pas une entreprise de correction factuelle, mais un procédé visant à empêcher de réfléchir à la signification des événements, à leur portée sociologique. Il s’agit en fait d’une technique de contrôle du débat public pour en maîtriser les termes et éviter qu’il ne sorte des paramètres de ce que j’appelle l’idéologie diversitaire. Isabelle Hachey ne corrige pas les erreurs en rapport avec les faits : elle fixe leur seule interprétation autorisée. 

Au terme de cela, je suis obligé de conclure une chose simple : Isabelle Hachey, croyant déconstruire ma thèse, confirme surtout qu’elle participe au système que je dénonce. Ceux qui la lisent depuis longtemps le savaient déjà.
 La réponse de Bock-Côté vaut d’être lue au complet.


 

Notons le titre de cet autre article de La Presse : « [Médecin] Radié trois mois pour avoir mégenré un patient trans ». Si l’on devait appliquer la méthode Hachey, journaliste au même journal, ne pourrait-on avancer que ce titre « tord la vérité » pour présenter cette affaire où une dame se disant trans a enregistré en cachette sa consultation avec son médecin de famille ? 

En effet, le « Conseil de discipline reproche également au médecin en question d’avoir mis fin au suivi médical » de la patiente sans la diriger vers un confrère, comme souhaité. En contravention des articles 33 et 35 du Code d’éthique. « Ce n’est pas une mince nuance », écrirait quelque journaliste.

Notons que, dans un premier temps, comme le rappelle l’excellent site de La Presse, le docteur affirma à la dame qui se disait désormais homme « qu’un collègue du CLSC [dispensaire] suivait des patients désirant une transformation de genre » et qu’il proposa à la patiente de l’y diriger, ce que cette dernière finira par accepter. 

Que s’est-il donc passé pour que finalement le docteur refuse de la mettre en contact avec ce collègue ?

Le médecin « 
indique que depuis le début de la rencontre, il [a] l’impression que sa conduite est scrutée ». La dame, se sachant enregistrée, est, elle, sur ses gardes, se domine et se retient.

Quand le médecin lui parle des risques accrus liés aux traitements hormonaux (agressivité, impact sur la chevelure), elle « réitère que “c’est un gros stéréotype, ça aussi” ».

La patiente rappelle au médecin qu’elle est un homme trans alors que ce dernier souligne qu’elle est génétiquement une femme. La patiente réitère qu’elle se considère comme un homme trans et le docteur lui mentionne que si une analyse chromosomique était réalisée, il serait démontré que ses chromosomes sont porteurs des gènes XX et non XY. La patiente répète qu’elle est un homme trans et son généraliste lui répond : « Oui, ça, c’est dans votre cerveau ».

La patiente ajoute par la suite « qu’[elle] n’est pas surpris[e] de son discours qui témoigne de ce qui est véhiculé par les personnes trans au sujet des opinions toutes faites qui sont parfois émises par les médecins. » 
 
Sans doute piqué au vif par ces accusations répétées, le docteur « s’impatiente et insiste sur le fait que la formation en médecin suppose huit années d’étude. » À la suite de cette remarque, la patiente « reproche à l’intimé [le docteur] son attitude réfractaire et son comportement agressant. » 
 
Sous le coup de l’émotion, le médecin affirme : « allez-vous-en, allez-vous-en ! ». Il reproche à la dame de ne faire preuve d’aucune écoute et l’invite à s’en aller s’il lui déplaît et est en désaccord avec sa pratique. Qu’il n’a pas de leçon à recevoir d’une patiente ! Ce à quoi la dame répond : « Par un patient ». Le docteur persiste et déclare : « Une patiente jusqu’à ce jour, vous étiez une femme, chère madame ». La patiente répète « par un patient » et son généraliste lui rappelle qu’elle est « biologiquement une femme » et, tout en ajoutant qu’il sera un homme « un jour peut-être », il lui demande de quitter. Qu’il n’a pas à subir que sa conduite professionnelle soit scrutée et remise en cause ainsi.

Et voilà comment, le docteur qui, à l’origine, était prêt à recommander cette patiente n’assura pas le suivi de son traitement (pour nous purement électif et qui ne devrait pas être remboursé par le Trésor public). Le tout tourne autour de la difficulté du médecin d’accepter le ressenti de sa patiente comme réalité (le mégenrage) et le malaise qu’il ressent lors de cette discussion alors qu’il se sent scruté et rabroué à répétition pour ses « stéréotypes » et « clichés ».  

La sanction nous paraît sévère, mais le code de déontologie demandant une conduite « irréprochable » (article 17) au médecin, il est commode pour un conseil de discipline « éveillé » de blâmer un médecin au comportement peu « ouvert » à la diversité de genre. « Montrez-moi le médecin et je vous trouverai l’infraction », pour adapter un mot célèbre de Béria. Le comportement du réfractaire, son mégenrage par exemple, sera alors assimilé, de nos jours, à un manque de « respect de la vie, de la dignité et de la liberté de la personne » (article 4). Le conseil de discipline reproche à plusieurs reprises les « pièges des biais cognitifs, des stéréotypes et des opinions préconçues » du médecin. Il regrette aussi que « rien n’indique que [le médecin] projette de suivre un cours de perfectionnement portant sur les biais cognitifs ».

Dans son rapport, le Collège des médecins du Québec, qui devrait quand même privilégier la biologie, adopte le point de vue de la dame et utilise sans cesse le masculin pour s’y référer. Le conseil de discipline reprend toute la phraséologie de la théorie du genre, parlant notamment du « sexe assigné à la naissance », plutôt que de sexe constaté.

Notons que la radiation d’un médecin pour manque d’enthousiasme devant cette fiction idéologique qu’est la théorie du genre était prévue par Bock-Côté à la page 188 du Totalitarisme sans le goulag :

Madame Hachey n’a pas cru opportun de relever ce passage de l’essai cependant.




1 commentaire:

Raoul W. a dit…

L'article Haché est vraiment mal intentionné, elle est myope et visiblement pro-trans.