Les élèves de neuvième année n’ont jamais été aussi mauvais en allemand — mais comprennent mieux que jamais l’anglais. Les élèves immigrés jouent un rôle particulier dans les deux cas.
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Les élèves allemands apprennent l’anglais dès le primaire |
On n’avait jamais obtenu un tel résultat auparavant. Depuis plus de deux décennies, les responsables de la politique scolaire font tester scientifiquement à intervalles réguliers ce que les élèves allemands savent faire dans les principales matières d’enseignement. C’était maintenant au tour des élèves de neuvième année d’être testés en anglais et en allemand. Et les résultats surprennent même les observateurs de longue date des courbes de compétences : alors que les performances en allemand atteignent un nouveau plancher, les capacités en anglais s’envolent vers des sommets insoupçonnés.
D’abord la vallée des larmes. Ce que le bilan des élèves de l’école primaire avait déjà laissé entrevoir l’année dernière s’est maintenant confirmé pour les élèves plus âgés, mais de manière encore plus radicale. Dans tous les types d’écoles, dans tous les Länder et dans chacun des trois domaines testés — lecture, écoute et orthographe — l’Institut pour le développement de la qualité dans l’éducation (IQB) observe dans son rapport des « changements défavorables », des « baisses importantes des performances », des « reculs continus des compétences ». En fin de compte, il semble que l’équipe de recherche de Berlin ait manqué de termes négatifs.
Trois chiffres tirés du rapport de 460 pages suffisent à illustrer le caractère dramatique de l’évolution.
- L’IQB indique systématiquement les performances des élèves en points de performance. Dans le domaine de la lecture, les élèves de neuvième année obtiennent cette fois-ci en moyenne 25 points de moins que les élèves testés en 2015, ce qui correspond à l’apprentissage attendu pour une année scolaire complète.
- La proportion de très mauvais lecteurs s’élève désormais à près d’un tiers dans toute l’Allemagne (près de la moitié à Brême). Ces élèves de 9e année n’atteignent même pas les exigences minimales dans la matière pour leur âge. Cela signifie qu’en 9e année ils comprennent les informations d’un texte à peu près au niveau escompté par un bon élève de l’école primaire en fin de 4e année.
- Les régions les plus durement touchées sont la Rhénanie-du-Nord–Westphalie, le Brandebourg et le Schleswig-Holstein, tandis que Hambourg et le Bade-Wurtemberg s’en sortent un peu moins mal. Mais même les régions qui étaient jusqu’à présent des modèles, comme la Bavière, connaissent désormais des difficultés. En compréhension orale, les élèves y ont presque atteint le niveau moyen des élèves brêmois (les cancres) en 2009. En bref, la Bavière est devenue Brême.
Évolution des performances des élèves de 9e de 2015 à 2022 en points*
La deuxième raison des mauvais résultats en allemand ressort assez clairement du rapport de l’IQB : la forte augmentation du nombre d’enfants immigrés. Aujourd’hui, 38 pour cent des élèves de neuvième année ont au moins un père ou une mère (selon la définition de l’immigration) qui n’est pas né(e) avec la nationalité allemande, ou sont eux-mêmes nés à l’étranger. La répartition est toutefois très différente selon les régions : À Brême, ils sont près de 58 pour cent, alors qu’en Saxe-Anhalt, ils ne sont qu’un peu plus de 10 pour cent.
Il s’avère que les nombreux enfants arrivés à l’époque du « Wir-schaffen -das » [« nous y arriverons » de Merkel en 2015] n’ont réussi qu’à moitié à l’école. Les jeunes réfugiés ont été intégrés dans les classes avec beaucoup de dévouement, ils s’y sentent plutôt bien selon leurs propres dires. Cependant, leurs connaissances en allemand sont loin d’être suffisantes pour se débrouiller un tant soit peu en classe.
Un chercheur en éducation avait d’ailleurs prédit précisément cette évolution il y a plus de dix ans dans une interview accordée au ZEIT : Jürgen Baumert, chercheur PISA de la première heure. Pour sa prédiction, il a projeté la composition démographique dans l’école et est arrivé à la conclusion suivante : « Les classes d’âge les plus jeunes sont de moins en moins nombreuses. En même temps, la proportion d’immigrés issus de milieux sociaux défavorisés augmente ». Moins d’enfants qui parlent allemand à la maison, plus de pauvreté éducative dans les familles : cela se répercutera presque forcément sur le niveau d’apprentissage moyen. C’est exactement ce qui s’est passé.
Les chercheurs de l’IQB indiquent même la part des pertes d’apprentissage imputable aux « changements dans la composition de la population scolaire » : environ un tiers. Les défis posés par la migration sont donc énormes — et les efforts d’intégration consentis jusqu’à présent ne suffisent pas. En effet, 142 points de performance séparent un élève de neuvième année de la première génération d’immigrés d’un voisin de banc non issu de l’immigration en allemand : un écart d’apprentissage gigantesque que l’école actuelle est loin de pouvoir combler.
Après tout, les élèves immigrés ne sont pas réfractaires à l’apprentissage ou durs de comprenure. C’est ce que montrent — et c’est là que nous quittons la vallée des larmes selon Die Zeit — leurs progrès en anglais. [Malgré la pandémie Covid-19…] Ils sont, comme les progrès de tous les élèves testés, sans précédent.
Comment la compréhension écrite s’est-elle développée en anglais ?
Évolution des performances des élèves de 9e année de 2015 à 2022 en points*
- Tous les Länder (à l’exception de la Sarre, où le français est la première langue étrangère) connaissent un saut de compétence, même les Länder notoirement mauvais en matière d’éducation comme Brême. Si l’on compare les performances en anglais de Brême avec celles de 2009, les élèves de la ville hanséatique ont aujourd’hui atteint le niveau (élevé) des élèves bavarois de l’époque. Dans un sens positif, c’est donc aussi le cas ici : Brême est désormais la Bavière.
- Et parmi les élèves de neuvième année qui fréquentent un lycée généraliste (le « gymnasium »), 29 pour cent atteignent en lecture de l’anglais ce que l’on appelle le niveau optimal — c’est-à-dire qu’ils peuvent comprendre sans problème des textes très difficiles. Auparavant, seuls les élèves des cours de perfectionnement atteignaient ce niveau au baccalauréat [collégial au Québec, DEC].
Et tout cela malgré l’augmentation du nombre d’élèves immigrés et malgré Corona. Ou faut-il dire : justement à cause de cela ? Car il est impossible d’expliquer cette explosion des performances uniquement par l’école. C’est plutôt le comportement des élèves pendant leurs loisirs — qu’ils soient allemands ou immigrés à l’origine — qui joue ici un rôle décisif. Les jeunes passent 200 minutes par jour sur Internet. Ils jouent à FIFA ou à Minecraft, regardent des films YouTube ou des séries Netflix, demandent des conseils de maquillage à des influenceurs ou discutent du changement climatique, et ce en grande partie en anglais. Et pendant la durée de pandémie Covid, la consommation numérique a encore fortement augmenté. Si l’école dans son ensemble peut souffrir de la concurrence du net en dehors de la salle de classe, l’anglais en profite.
De plus, l’enseignement de l’anglais a progressé — notamment grâce aux réformes de la formation des enseignants : c’est peut-être l’enseignement le plus moderne de l’école allemande. En effet, il met l’accent sur la pratique de la langue et non sur la théorie de la grammaire. Les enseignants d’autres matières pourraient tirer des enseignements de leurs collègues : en enseignant vraiment en fonction des compétences. En utilisant davantage les médias modernes. En orientant plus souvent leurs cours sur la vie quotidienne de leurs élèves. Cela devrait plaire aux élèves — quelle que soit leur origine — et profiter à leurs résultats.
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