samedi 13 février 2021

Legault parle de garantir la liberté de débat à l'université, Martine Delvaux de l'UQAM parle de « police » gouvernementale

Le Premier ministre du Québec, François Legault a publié ce samedi matin un texte encourageant sur Facebook.

On entend beaucoup parler de liberté académique et de liberté d’expression ces temps-ci. Je pense notamment à l’histoire de l’Université d’Ottawa qui a choqué pas mal de monde, moi compris.

On voit qu’une poignée de militants radicaux essaient de censurer certains mots et certaines œuvres. On voit arriver ici un mouvement parti des États-Unis et franchement, je trouve que ça ne nous ressemble pas.

Ce qui est vraiment inquiétant, c’est que de plus en plus de gens se sentent intimidés. Ils se sentent forcés de s’autocensurer, de peur de se faire insulter et dénoncer sur la place publique.

Des professeurs se font demander d’effacer des œuvres de certains de nos grands écrivains, comme Anne Hébert, Réjean Ducharme, Dany Laferrière ou Pierre Vallières. C’est absurde. Ça va à l’encontre de l’idée même de l’université.

Et puis ça ne se limite pas aux campus. À l’automne, j’en ai moi-même fait l’expérience quand des militants ont essayé de censurer mes suggestions de lecture parce que j’avais recommandé un livre de Mathieu Bock-Côté, qui portait justement sur les dérives du politiquement correct.

Récemment, une chargée de cours à l’université témoignait dans un journal qu’elle s’était fait dénoncer et harceler pour avoir utilisé les mots « homme » et « femme » !

Ça va trop loin. La situation est en train de déraper. Je pense que c’est le temps qu’on ait une sérieuse discussion tous ensemble. L’utilisation de certains mots peut blesser, et il faut reconnaître la douleur de ceux qui la ressentent. Par contre, leur juste cause ne doit pas être détournée par des radicaux qui veulent censurer, museler, intimider et brimer notre liberté de parole. Entre blessure et censure, on doit tracer une ligne.

S’il peut être sain de remettre en question certaines conceptions ou certains comportements et d’éviter de choquer ou de blesser, on ne doit pas pour autant sacrifier notre liberté d’expression. On doit se tenir debout pour que les personnes intimidées sachent qu’elles ont le droit d’exposer des faits et des idées, et qu’on sera là pour les défendre.

Même chose pour les personnes victimes de racisme. Elles doivent savoir qu’on ne laissera pas passer les propos haineux, les actes racistes ou la discrimination.

La liberté d’expression fait partie des piliers de notre démocratie. Si on se met à faire des compromis là-dessus, on risque de voir la même censure déborder dans nos médias, dans nos débats politiques. On ne voudra plus rien dire. Personne n’osera parler d’immigration, par exemple, si chaque fois qu’on aborde ce sujet, on se fait crier des bêtises. Personne ne veut ça. Pas moi, en tout cas.

Ce problème-là est parti de nos universités, et je pense que c’est là qu’on va devoir le régler en premier. La ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, est en train de se pencher là-dessus avec les milieux universitaires pour agir rapidement. Nos universités devraient être des lieux de débats respectueux, de débats sans censure et de recherche de vérité, même quand la vérité peut choquer ou provoquer. On va faire ce qu’il faut pour aider nos universités à protéger notre liberté d’expression.

Mais on a aussi une responsabilité là-dedans. On a tous le devoir de défendre nos principes fondamentaux devant les tentatives d’intimidation. Si on commence à s’autocensurer par peur de se faire insulter, ou si on ne défend pas quelqu’un qui est victime de ça, on joue le jeu des radicaux. Je comprends que ça puisse faire peur, mais on doit se tenir debout, rester fermes. Plus on sera nombreux à refuser de céder à l’intimidation d’une minorité de radicaux, plus la peur reculera.

Bon samedi tout le monde.

Votre Premier ministre

Voyons si ce texte sera suivi d’effets.

Martine Delvaux, professeure/professoresse/professeuse d’« études littéraires » à l’UQAM, qui avait déjà défendu les étudiants wokes dans ce dossier (voir Universités : après le mot « nègre » devenu tabou, le bannissement de « femme » et « homme » pour transphobie ?) a immédiatement réagi sur le même médium en invoquant le spectre de la police gouvernementale.

Ironique de voir ces partisans du zéro tolérance invoquer le fait que la censure, le harcèlement et l’intimidation ne seraient que des exceptions. Comme si c’était une excuse pour ces gens qui ne tolèrent pas la moindre « microagression »…    

L’appartenance de Martine Delvaux au Département d’études littéraires pourrait faire croire qu’elle s’intéresse de manière érudite à la littérature, aux grands classiques, il n’en est rien. Elle se spécialise dans la « douleur au féminin », les « études féministes », « Jacques Derrida » et la « littérature des femmes ». Sur Derrida et les autres « déconstructeurs », lire Épidémie d’occidentalophobie semble avoir frappé le monde universitaire anglo-saxon et Parodier le vocabulaire des études de genre : un nouveau genre à succès ?

Les commentaires des partisans de Martine Delvaux valent leur pesant d’or :

Rappelons que le gouvernement conservateur albertain exige que les établissements d’enseignement postsecondaires en Alberta se plient aux principes de Chicago. Les principes de Chicago ont été rédigés en 2014 par le Comité sur la liberté d’expression de l’Université de Chicago et publiés en janvier 2015. Ils réitèrent l’importance de la plus grande liberté d’expression possible sur les campus. Selon ses promoteurs, les universités, par nature, doivent s’abstenir de limiter la propagation d’idées mêmes blessantes ou désagréables. La limite c’est que les lois soient respectées et qu’il n’y ait donc ni diffamation, ni menaces, ni harcèlement. Plus de détails ici : L’Alberta exige une plus grande liberté d’expression sur les campus.

Nous pensons cependant qu’il faut aller au-delà de cette nécessaire liberté d’expression. Il faut s’interroger sur le financement public des universités et de départements d’études idéologiques (femmes, genre, races) dont la valeur pour le contribuable est plus que de douteux.

Nadia El-Mabrouk sur Facebook rappelle que : « Il est vrai que la prise gouvernementale sur le déroulement de la recherche universitaire est bien mince. En particulier, le gouvernement du Québec n'a pas de contrôle sur le fonctionnement des revues scientifiques ou sur les paramètres des subventions fédérales à la recherche. Par contre, il serait très judicieux de se pencher sur les subventions provinciales et ministérielles octroyées, et s'interroger sur la responsabilité du gouvernement, par l'intermédiaire de ces subventions, dans le blanchissement d'idées non-fondées scientifiquement et la capture institutionnelle de théories fumeuses. »

 


Extrait de la réaction de Mathieu Bock-Côté

C’est aussi une très bonne chose de voir la classe politique annoncer qu’elle lui tiendra tête, comme vient de le faire François Legault, qui expliquait dans ses mots aujourd’hui que l’intolérance idéologique qui se présente sous le signe de la vertu est un vrai danger pour l’esprit démocratique. La question de la liberté d’expression en général et de la liberté académique en particulier s’impose au cœur de la vie publique. La liberté d’expression doit être défendue ardemment et nous ne pouvons que nous réjouir de voir le premier ministre s’emparer personnellement de cet enjeu, en en faisant une priorité nationale. Il y a quelques mois, d’ailleurs, Paul St-Pierre Plamondon avait déjà plaidé pour une action sur la question. Quelle que soit leur nuance de bleu, les nationalistes s’entendent pour défendre la démocratie contre la mouvance woke.

La réaction paniquée de la mouvance woke, qui se drape derrière le principe de l’autonomie universitaire pour dissimuler son emprise sur une institution qu’elle a détournée pour en faire une machine de guerre idéologique est révélatrice. Certains nous disent que l’université est capable de se réguler elle-même. Elle a pourtant fait la preuve du contraire depuis des années, et de la manière la plus grotesque qui soit. Plusieurs recteurs eux-mêmes, et bien des professeurs, sont tentés aujourd’hui par une censure à prétention vertueuse. Bien des étudiants souffrent de cet environnement qui fonctionne selon les règles du contrôle idéologique. À travers son emprise sur l’université, et surtout, sur les départements de sciences sociales, la gauche woke exerce une véritable hégémonie idéologique sur la société: elle maîtrise les conditions de production de l’idéologie dominante, et cela, bien au-delà des départements de sciences sociales.

Mais ce serait une erreur de croire que cette mouvance est simplement le fait de militants radicaux qu’il suffirait de confronter pour que le débat civilisé reprenne ses droits. Nous ne sommes pas seulement devant des hurluberlus isolés. La mouvance woke, je le redis, ne représente que la nouvelle vague du déploiement du politiquement correct, qui est hégémonique dans l’université depuis bien plus longtemps. Le wokisme, en quelque sorte, est un politiquement correct radicalisé et fanatisé. Il ne s’agit pas, toutefois, d’une dérive inattendue, mais de l’expression la plus achevée de l’idéologie dominante dans le milieu universitaire. Nous ne devrions pas parler des dérives du wokisme, mais du wokisme comme dérive. Mais pour le savoir, il faut s’intéresser à la guerre culturelle qu’il mène dans le monde des idées ainsi qu’à ses méthodes.

Cette idéologie domine aussi les milieux culturels, les organismes subventionnaires qui les soutiennent, et est très présente dans le milieu médiatique, comme on le voit à Radio-Canada qui soumet ses employés à des ateliers de rééducation idéologique obligatoires. Cette idéologie se retrouve aussi à différents degrés dans la fonction publique et plus largement, dans les départements de marketing et de ressources humaines de plusieurs entreprises, qui normalisent sa rhétorique sans vraiment savoir ce qu’ils font. L’autoritarisme aime se draper derrière les plus nobles intentions. Au nom de ce qu’elle appelle la «diversité», la gauche woke entraîne notre société dans une régression racialiste. Elle fabrique des interdits, transforme des mots en tabous et rend imprononçable le titre de certaines œuvres.

Il faut donc avoir une vision d’ensemble de la situation. Ceux qui, dans les médias, dénoncent les étudiants censeurs sans s’intéresser aux fondements idéologiques de leur prétention à la censure, sans même se rendre compte qu’il leur arrive de les embrasser, participent à la confusion générale. De ce point de vue, si on veut vraiment tenir tête au wokisme et entreprendre une reconquête démocratique de l’espace public, il faut comprendre les mécanismes institutionnels par lesquels il exerce une telle emprise sur l’université, qu’il transforme en machine à endoctriner et à embrigader, en plus de fabriquer trop souvent un faux savoir pseudo-scientifique, mais authentiquement délirant qui continue de bluffer un trop grand nombre d’acteurs sociaux même si, de temps en temps, des canulars universitaires bien montés révèlent sa grotesquerie.

Comment fonctionnent aujourd’hui les organismes subventionnaires? Comment le processus d’embauche des professeurs favorise-t-il la création de coteries idéologiques n’ayant plus rien à voir avec la liberté universitaire? Comment les associations étudiantes fanatisées se permettent-elles d’avoir un comportement milicien sur les campus? Il ne faudra pas se contenter de prendre la pose pour défendre la liberté d’expression: il faudra restaurer l’institution qui n’aurait jamais dû la trahir. C’est au nom de la liberté qu’il faut s’engager. La liberté de penser, de débattre, de réfléchir. Cette bataille, qui doit être menée, nous permettra de dire que le Québec sait résister au délire idéologique nord-américain et confirme, de la plus belle façon qui soit, sa réputation de village gaulois.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Rappel : Legault menacerait de couper la publicité gouvernementale à toute station qui inviterait @E_Duhaime (Éric Duhaime). C'est ça la liberté expression selon Legault.