samedi 13 février 2021

Éric Zemmour : « Le déclin de l’empire américain ? Mais c’est aussi le nôtre ! »

Pour Éric Zemmour, l’Occident, jadis terre de conquérants et de baroudeurs, semble transformé en petite chose craintive et oublieuse de son grand passé.

Décidément, la presse américaine n’en rate pas une. Time, qui a consacré Assa Traoré en icône de la liberté contre une France raciste et islamophobe, a aussi dressé un bilan catastrophiste de l’année 2020 : « La pire année de l’Histoire. »

 On reste pantois devant une telle hyperbole. La pire, vraiment ? Pire que 1916, l’année de Verdun ? Pire que 1918, l’année de la grippe espagnole ? Pire que 1942, l’année de Stalingrad ? Pire que 1871, « l’année terrible », quand les Parisiens assiégés par l’armée prussienne mangeaient des rats ? Pire que 1709, l’année du « grand hiver », quand la famine tuait en masse dans la France de Louis XIV ? Et encore on ne parle que de l’Europe, et surtout de la France.

L’hiver de 1709, appelé grand hiver de 1709, fut un épisode de froid intense en Europe, qui marqua durablement les esprits, car il provoqua une crise de subsistance qui entraîna une famine. Cet épisode commença brutalement le jour de l’Épiphanie 1709, par une soudaine vague de froid qui frappa l’Europe entière.

En France cet hiver fut particulièrement cruel. À Paris, les températures furent très basses (Paris n’en connaîtrait de plus basses que bien plus tard notamment en décembre 1879). Les régions du Sud et de l’Ouest de la France furent sévèrement touchées avec la destruction quasi complète des oliveraies et de très gros dégâts dans les vergers. De plus, l’événement prit la forme de vagues de froid successives entrecoupées de redoux significatifs. Ainsi, en février, un redoux de deux semaines fut suivi d’un froid assez vif qui détruisit les blés et provoqua une crise frumentaire.

Environ 600 000 personnes moururent en France à la suite de ces intempéries, que ce soit directement du froid, de la faim ou en raison des épidémies particulièrement meurtrières sur une population sous-alimentée. La mortalité fut aggravée par la situation économique précaire engendrée par la guerre de Succession d’Espagne.

On nous avait dit que le niveau scolaire avait baissé aux États-Unis autant qu’en France et on n’y croyait pas. On nous avait dit que la presse américaine, que les journalistes français admirent tant, était désormais aux mains de jeunes trentenaires qui se qualifient de « woke » (éveillés), sensibles à l’écologie, au féminisme, à l’antiracisme et aux thèses décoloniales. On avait oublié qu’ils étaient sensibles tout court, génération qui n’avait pas connu la guerre, et qui avait été biberonnée dans les universités américaines aux « avertisseurs de sensibilité » qui les alertaient sur les œuvres du passé contrevenant aux règles de bienséance du politiquement correct.

La grande famine de 1693-1694 est due à un hiver très rigoureux en 1692, suivi en 1693 d’une récolte très médiocre, causée par un printemps et un été trop pluvieux, causant une flambée des prix des céréales et une sous-alimentation qui favorise les épidémies comme le typhus, jusqu’en 1694. La France, qui avait alors 20 millions d’habitants, eut 1 300 000 morts en plus de la mortalité normale, selon Emmanuel Leroy-Ladurie.

En français d’avant, on les aurait traités de « chochottes », mais ce mot sent trop fort la langue du monde d’hier, pleine de préjugés patriarcaux. Et puis, en réfléchissant, cette presse américaine, dont on aime se gausser autant qu’elle aime nous sermonner, c’est nous. Nous qui nous sommes enfermés et avons mis notre économie à terre pour une épidémie qui tue 0,5 % des personnes contaminées [au pire, sans traitement, ni vaccin; ce sera bientôt nettement moins donc]. Nous qui sommes tétanisés par la trouille et le principe de précaution. Nous qui sacrifions tout à la sauvegarde de la « vie nue », tout ce qui fait le plaisir de la vie. Nous qui menaçons, par juges interposés, les politiques qui n’oseraient pas tout faire pour nous protéger. Et nos politiques qui, rendus fous par la crainte des juges et par l’hubris de la toute-puissance, enferment tout un peuple de bien portants, régentant jusqu’à nos salles à manger.

Les grands esprits du XIXe, qui avaient vu les débuts de notre monde moderne, nous avaient prévenus : Auguste Comte avait prédit que la révolution technologique provoquerait l’avènement des valeurs féminines : pacifisme, recherche du consensus, principe de précaution, etc. L’inventeur de la sociologie, Émile Durkheim, avait annoncé que l’importance accordée aux questions économiques irait de pair avec l’anomie de sociétés individualistes et sans ressort.

Mais c’est surtout l’Occident qui semble touché par ces symptômes. L’Asie s’est déjà ressaisie et est repartie dans sa course en avant industrielle. L’Afrique semble rire de cette épidémie, ridicule par rapport au virus Ebola qui a ravagé le continent et ne ralentit pas son expansion démographique. L’Occident, jadis terre de conquérants et de baroudeurs intrépides et cruels, semble transformé en petite chose craintive et oublieuse de son grand passé. Comme un Empire romain décadent et émollient.


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