jeudi 11 février 2021

Parodier le vocabulaire des études de genre : un nouveau genre à succès ?

Helen Pluckrose et James Lindsay viennent de signer un essai intitulé Cynical Theories (Théories cyniques) et sous-titré Comment les universités ont tout réduit à la race, au genre et à l’identité — et pourquoi cela nuit à tout le monde.

Les deux auteurs se sont déjà fait connaître par des articles parodiques qui ont fait couler beaucoup d’encre comme 

  1. Réactions humaines à la culture du viol et à la performativité queer dans les parcs à chien de Portland (Oregon), ou 
  2. Une ethnographie de la masculinité des restaurants aux serveuses en soutien-gorge : thèmes d’objectivisation, conquête sexuelle, contrôle masculin, et raideur masculine dans un restaurant objectivant la sexualité.

Ces deux articles ont été publiés par des revues universitaires de sciences sociales qui n’ont même pas vu leur caractère parodique. Il faut dire que le sens du second degré fait autant défaut à leurs comités éditoriaux que le sérieux scientifique… 

Un autre article pseudo-savant, Ton combat est mon combat. Féminisme solidaire comme réplique intersectionnelle au féminisme de choix néolibéral, avait été fabriqué en recopiant de larges extraits de Mein Kampf (Mon combat en allemand). Seule modification : les mots aryen et allemand avaient été remplacés par femmes ou féminin, le mot juif par hommes ou masculin. Il était en cours de publication, lorsque le canular fut révélé. 

Après les canulars, place aujourd’hui au sérieux. Dans leur livre paru en 2020, Helen Plukcrose, rédactrice en chef du magazine Aero, et James Lindsay, mathématicien de formation, tentent de comprendre comment nous sommes devenus si obsédés par la race, le genre ou l’identité.

De la « French Theory » à une société de castes identitaires

Tout a commencé sur les campus dans les années 1960-1970 avec la « French Theory » de Michel Foucault, Jacques Derrida ou Jean-François Lyotard. En pleine désillusion à gauche par rapport au marxisme comme à la modernité, ce courant radical a rejeté toute notion de savoir objectif et de vérité universelle. La connaissance ne serait qu’une construction sociale, et les sociétés, institutions ou langages ne peuvent être considérés que comme oppressifs. Le ver postmoderniste était introduit dans le fruit universitaire. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, ce courant nihiliste a muté et s’est divisé en plusieurs branches plus militantes pour déconstruire les injustices sociales. Les études postcoloniales considèrent la science et les Lumières comme des ruses pour promouvoir les valeurs occidentales. Il faut tout décoloniser, de la littérature aux cheveux.

La théorie queer nie les origines biologiques non seulement du genre, mais aussi du sexe et de la sexualité. Hommes et femmes, hétérosexuels et homosexuels ne sont que des catégories construites par les discours dominants pour préserver des normes. Quant à la théorie critique de la race, elle fait preuve d’une vision profondément religieuse : comme le péché chez les chrétiens, le racisme y est omniprésent et éternel. Même le fait de ne pas considérer les gens en fonction de leur race devient raciste. Comme l’assure par exemple Barbara Appelbaum dans Being White, Being Good (Être blanc, être bon : complicité blanche, responsabilité morale blanche et pédagogie de la justice sociale, paru en 2010), tous les Blancs sont activement complices du racisme, et seule la confession de ces privilèges permet d’y remédier.

C’est ainsi, expliquent Pluckrose et Lindsay, que nous sommes entrés dans une société de castes identitaires où l’on est soit membre d’un groupe marginalisé, soit assigné à un groupe privilégié en fonction des différentes thématiques de genre, race ou sexualité. Dans cette folle logique, Peter Tatchell, figure des droits de l’Homme notamment investi contre l’apartheid, s’est retrouvé accusé de racisme pour avoir critiqué des rappeurs noirs appelant à tuer des homosexuels.

Un plaidoyer pour le libéralisme classique, la raison et la science

Alors que ces théories jargonneuses ont longtemps été cantonnées aux microcosmes des universités d’élite, les termes « suprématie blanche » ou « cisnormativité » ont contaminé la société dans les années 2010. Selon Pluckrose et Lindsay, « l’évangile » des activistes pour la justice sociale — aujourd’hui désignés par le terme « woke » (« éveillés ») — est devenu incontournable. Et les excommunications, brutales, se multiplient. Ingénieur chez Google, James Damore a été licencié pour avoir écrit, dans une note en interne, que les différences de genres existent alors qu’il cherchait justement à trouver une solution à l’inégalité entre hommes et femmes dans son secteur. Même Martina Navratilova, pionnière LGBT dans le tennis, a été étrillée pour avoir rappelé qu’il n’était sportivement pas équitable que des femmes trans puissent participer aux mêmes compétitions que les femmes cisgenres.

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Extraits de La Grande Déraison ; Race, genre, identité de Douglas Murray

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Le wokisme se répand dans les entreprises, dans son ouvrage (La Grande Déraison) Douglas Murray indique :

L’activisme en faveur de la justice sociale est censé — à juste titre — être le paramètre par défaut de tous les employés des grandes entreprises et la plupart d’entre elles, y compris Google, font passer des tests aux candidats pour éliminer toute personne ayant des penchants idéologiques non conformes. Ceux qui ont passé ces tests confient avoir dû répondre à de multiples questions sur les problèmes liés à la diversité — sexuelle, raciale et culturelle — et témoignent que des réponses « correctes » à ces questions constituent la condition préalable à tout recrutement. La théorie de la « fragilité blanche »

La théorie de la « fragilité blanche »

 

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