dimanche 28 janvier 2024

France — L'enseignement privé coûte 30 % moins cher aux pouvoirs publics

Pour la directrice de la Fondation Ifrap, Agnès Verdier-Molinié, l’enseignement privé n’est nullement privilégié par l’État, au contraire. Elle a donné une entrevue au Figaro Magazine.
 
 


— Vous affirmez dans une de vos études que l’enseignement privé fait faire des économies à l’État et aux collectivités locales. Comment arrivez-vous à ce résultat ?

— Commençons par le constat : l’enseignement privé coûte, tous financeurs confondus, 30 % moins cher par élève et par an. Environ 3 000 euros d’écart par élève et par an, que ce soit dans le premier degré ou dans le second degré. En premier lieu car les retraites des enseignants du public, calculées sur les 6 derniers mois, sont plus élevées – à carrière égale – que celles des enseignants du privé, calculées sur les 25 meilleures années. En second lieu, le profil des enseignants : dans le public, on trouve 3 fois plus d’agrégés qui enseignent 15 heures hebdomadaires pour un salaire annuel moyen de 42 000 euros. Dans le privé, on trouve 4 fois plus de contractuels avec un salaire annuel moyen plus faible. Les enseignants du public sont également deux fois plus nombreux à ne pas être « en charge d’une classe » que dans le privé : aligner le taux public sur celui du privé permettrait de remettre face aux élèves plus de 40 000 enseignants publics. Enfin, les frais de fonctionnement représentent 43 % des économies que le privé réalise par rapport au public.

— Y a-t-il un sous-financement du privé par l’État ?

— Il y a globalement une volonté de dépenser moins dans l’enseignement privé sous contrat. Au niveau de l’État, le choix d’aligner le calcul des retraites des enseignants du privé sur le régime général et non sur celui des enseignants statutaires publics en dit long. Le recours aux contractuels dans le privé pour couvrir les absences sans passer par le rectorat permet aussi à l’État de faire des économies. Au niveau des collectivités, les frais de fonctionnement plus rationalisés dans le privé sont la conséquence du choix des collectivités locales de verser aux établissements du privé un forfait de fonctionnement par élève au plus juste. Alors que les mêmes collectivités emploient du personnel statutaire coûteux et champion de l’absentéisme pour le nettoyage et l’entretien des lycées ou collèges publics.

— Depuis 1992, avec la règle des 80/20, le privé ne bénéficie que de 20 % des crédits d’éducation, est-ce légitime ?

— Cette règle est totalement arbitraire, elle n’est même pas inscrite dans la loi, c’est une pratique qui rationne les financements du privé sous contrat et maintient sous cloche le nombre d’élèves qui ont accès à une place dans un établissement privé. La première conséquence, c’est que l’on observe des listes d’attente très longues pour ces établissements. Plutôt que de vouloir ressortir les vieilles antiennes de la « guerre scolaire », qui n’existe que dans la tête de quelques caciques, il serait temps de faire sauter cette règle inique et de rendre aux Français une vraie liberté de choix pour la scolarité de leurs enfants.

Des résultats scolaires qui ne justifient pas la surdépense dans l’enseignement public

Si l’on se penche sur les résultats scolaires des élèves, on constate qu’en termes de résultats bruts, les élèves du privé s’en sortent généralement mieux. Les évaluations nationales de 2019, sur les compétences des élèves démontrent ceci : les élèves du CM1 [9-10 ans] public (hors Éducation prioritaire [REP]) maîtrisaient le français à 75,5 % contre 89,4 % dans le privé (et 54,9 % en REP [quartiers à « difficulté sociales »] et 51,2 % en REP+ [les quartiers les plus difficiles]). Concernant les mathématiques, les élèves du CM1 public affichaient un taux de maîtrise satisfaisant de 73,1 % contre 85,9 % dans le privé (et 52,4 % en REP et 51,3 % en REP+). Des taux qui se confirment en 6e puisque si 72,1 % des élèves de 6e du privé maîtrisaient la compréhension et l’écrit en français, ils n’étaient que 61,5 % dans le public hors Éducation prioritaire (contre 46 % en REP et 35,5 % en REP+). Et concernant la résolution de problèmes de mathématiques, 72,7 % des élèves du privé maîtrisaient cette compétence, contre 63,2 % dans le public hors Éducation prioritaire (et 45,2 % en REP et 33,5 % en REP+).

Néanmoins la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), dans une étude sur le sujet, concluait en 2017 que les meilleurs résultats des élèves du privé étaient corrélés à leur milieu social et qu’en supprimant ce biais, la performance entre public et privé était relativement équivalente. Une nuance confirmée par les classements PISA où la France se classe dans le groupe des pays où les élèves des établissements privés ont une meilleure performance globale (environ +20 points) mais une performance annulée après la prise en compte des critères économiques, sociaux et culturaux des élèves.

Cependant, il faut noter qu’actuellement, la France se place en bas de classement PISA avec comme résultat : une 23e place sur 82 en lecture, une 25e place sur 82 en mathématiques et en sciences mais aussi une 28e place en bien-être des élèves et une 8e place sur 77 en équité (vis-à-vis du sexe, issu de l’immigration ou milieu social). Et d’ailleurs, en 2018, alors que PISA analysait l’évolution de la performance des pays depuis la parution du premier classement en 2000, la France était classée dans les pays ne présentant ni progression, ni diminution du niveau des élèves. D’autres pays européens affichaient, pourtant, une performance à la hausse comme l’Estonie, le Portugal, l’Allemagne, la Pologne et la Roumanie. Une performance stagnante des élèves français qu’il convient de corriger, non pas en rajoutant des moyens comme cela se fait depuis plusieurs années, comme en réformant les structures, en donnant plus d’autonomie aux établissements et en se dégageant des marges de manœuvre financières. Si les résultats bruts du privé sont meilleurs, si les résultats prenant en compte le milieu social sont égaux, rien ne justifie la surdépense actuellement accordée au public. D’autant plus que la DEPP soulignait aussi que le choix du privé, par rapport au public, était fortement corrélé à la proximité de l’établissement du domicile, alors qu’en moyenne l’établissement public le plus proche est à 670 m tandis que l’établissement privé le plus proche est à 3,8km.


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