vendredi 5 janvier 2024

M à j : François recule un peu (Bénédiction des couples homosexuels : une révolution qui ne dit pas son nom et qui divise)

Dans une note publiée jeudi, Rome révise les modalités de sa décision polémique : les évêques auront le choix de l’appliquer ou non.

Avant ce recul de Rome, des évêques de France s’étaient déjà opposés à cette bénédiction, celui de Bayonne, mais aussi, depuis le 1er janvier, neuf évêques de Bretagne.

Sans revenir sur son feu vert aux bénédictions de couples homosexuels, qui a suscité le rejet - notamment de plusieurs conférences épiscopales, dont une majorité en Afrique -, le Vatican vient de réviser les modalités de leur application. Il a finalement concédé aux évêques, ce jeudi, la responsabilité d’exécuter ou de reporter, selon le « contexte » de leur diocèse, la mise en œuvre de cette « déclaration » du dicastère pour la Doctrine de la foi, intitulée « Fiducia supplicans », datée du 18 décembre dernier.

Avant cet amendement romain, des évêques avaient déjà édicté leurs propres consignes à leur diocèse. Comme Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, qui avait demandé à ses prêtres et diacres, le 29 décembre, de ne pas bénir des « couples » de même sexe mais seulement « chaque personne individuellement ». Ce qui lui a valu d’être mis en cause par l’association SOS Homophobie. Mais sa démarche en a inspiré d’autres : le 1er janvier, ce sont les neuf évêques et un administrateur apostolique de la province ecclésiastique de Bretagne, dont Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, est en charge, qui ont envoyé de façon unitaire, une circulaire « aux prêtres et diacres des diocèses de Quimper, Rennes, Saint-Brieuc, Vannes, Angers, Laval, Le Mans, Luçon, Nantes». Elle les appelle bénir « individuellement chacune des deux personnes formant un couple, quelle que soit leur orientation sexuelle », et non pas « en couple ».

Le texte s’étonne que « la déclaration n’explicite pas le raisonnement qui la fait passer des “personnes” aux “couples”, terme absent des deux premières parties ». Les évêques bretons estiment que cette « possibilité » donnée par le texte romain «n’est pas une obligation de bénir les “couples de même sexe”», d’autant que Rome, pensent-ils, «invite à opérer un discernement » pour ne pas «créer de la confusion» ou du « scandale ». L’enjeu, pour eux, est plutôt celui de «notre société, où le mariage a été banalisé en devenant une notion de droit civil », lequel «ignore la spécificité fondatrice de la différence sexuelle ».

Le communiqué de presse romain du 4 janvier est signé par le cardinal Victor-Emmanuel Fernandez, ami argentin de François, que ce dernier a nommé à ce poste il y a six mois. Le prélat ne remet pas du tout en cause le fond de «Fiducia supplicans», à savoir la possibilité de bénir des couples homosexuels. Il reconnaît seulement que les réactions de «certaines conférences épiscopales» - la France est restée muette sur le sujet - sont « compréhensibles ». À condition, toutefois, prévient-il, que ces prises de position ne soient pas «une opposition doctrinale, parce que le document est clair et classique sur le mariage et la sexualité ».

« Hors de toute idéologie »

Quant à « certains évêques » qui ont fait valoir leur « pouvoir de discernement in loco, dans le lieu concret», cela « ne pose pas de problème », mais à la même condition : qu’ils soient «dans le respect d’un texte signé et approuvé par le souverain pontife lui-même, en cherchant à accueillir la réflexion qu’il contient», et non comme une «négation totale ou définitive du chemin proposé» pour ces bénédictions.

Que ce soit donc, dans les deux cas, « hors de toute idéologie », insiste le cardinal Fernandez. Car, pour lui, le cap est clair : « Nous devrons nous habituer à accepter que, si un prêtre donne ce genre de bénédiction simple, il n’est pas hérétique, il ne ratifie rien et il ne nie pas la doctrine catholique. » Et de répéter : « Ce qui est important, c’est que ces conférences épiscopales ne défendent pas une doctrine différente de celle de la déclaration approuvée par le pape, puisqu’elle est la doctrine établie. »

Autre mise au point de Mgr Fernandez, la « déclaration » du 18 décembre ne peut être considérée « comme hérétique, contraire à la tradition de l’église ou blasphématoire ». Il répond directement ici au cardinal Gerhard Müller – qui a occupé le même poste de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi jusqu’en 2017, nommé par Benoît XVI en 2012. Il a en effet publiquement qualifié « Fiducia supplicans» de texte « blasphématoire ».

Si le cardinal Fernandez concède aux évêques le soin de décider de bénir ou non des couples homosexuels, c’est seulement en raison du « contexte » de certains pays, notamment dans ceux où l’homosexualité est un délit, afin de protéger ces personnes. « Il est évident que les évêques ne veulent pas exposer les personnes homosexuelles à la violence », souligne-t-il. [Hmm...] Le prélat de marteler encore : «Ces bénédictions non ritualisées ne sont pas une consécration de la personne ou du couple qui les reçoit, elles ne sont pas une justification de toutes leurs actions, elles ne sont pas une ratification de la vie qu’ils mènent.» D’autant qu’elles doivent être «très brèves», «dix ou quinze secondes », «sans rituel et sans livre des bénédictions ». [Pour le moment...car il faut d'abord habituer à accepter ce concept ?]

Sources : AFP et Le  Figaro



Billet originel du 22 décembre

Bénédiction des couples homosexuels par l'Église catholique : une révolution qui ne dit pas son nom et qui divise)

En autorisant la bénédiction des unions homosexuelles, le pape François divise l’Église et crée une faille profonde dans la doctrine catholique sur le mariage.


L’autorisation donnée par le pape François de bénir les couples homosexuels semble devoir être à son pontificat ce que le fiasco de la loi immigration est à la macronie, c’est-à-dire un accélérateur de division. Depuis la publication, lundi 18 décembre, par la Congrégation pour la doctrine de la foi, présidée depuis peu par un proche du pape, le cardinal Victor Manuel Fernandez, de la déclaration Fiducia supplicans, autorisant la bénédiction par les prêtres catholiques de couples homosexuels, les réactions négatives, issues d’évêques du monde entier, se multiplient.

Venues d’Afrique notamment, où les épiscopats du Malawi et de Zambie ont déjà déclaré que la déclaration ne serait pas appliquée dans leur pays, quand celui du Kenya déclarait que certains aspects du texte « provoquaient de l’anxiété et même de la confusion parmi les chrétiens et, en général, parmi le peuple de Dieu ». Mais aussi d’Europe, où la conférence des évêques d’Ukraine a alerté sur le fait que « la notion de bénédiction des couples de même sexe, ou des couples irréguliers sur le plan sacramentel, peut être perçue comme une légalisation de ces relations », et regretté « que le texte ne fasse pas clairement la distinction entre une personne et sa situation : acceptant avec miséricorde cette personne et exprimant son désaccord avec son péché. » Tandis que l’évêque d’Astana, au Kazakhstan, a carrément interdit de telles bénédictions dans son diocèse et qu’en Angleterre, plus de 500 prêtres et diacres, réunis dans la Confraternité britannique du clergé catholique, ont déclaré que « de telles bénédictions sont théologiquement, pastoralement et pratiquement inadmissibles ». Last but not least, le cardinal Müller, ancien préfet de la congrégation pour la doctrine la foi avant d’être démis de ses fonctions par le pape François, a jugé, ni plus ni moins, que « les bénédictions pour les couples homosexuels sont blasphématoires ». Nombre d’évêques, comme celui de Copenhague ou celui d’Alicante, sans juger négativement le fond du document, ont alerté sur le risque d’interprétations erronées auxquelles il prête le flanc.


Cette bénédiction ne saurait être confondue avec un mariage

Le texte publié avec l’assentiment du pape, comme il est précisé explicitement en préambule, prend pourtant de multiples précautions pour préciser que cette bénédiction ne saurait être confondue avec un mariage qui, selon la doctrine catholique qui « reste ferme », demeure « une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à une génération d’enfants ». C’est, dit le texte, pour éviter que « l’on reconnaisse comme mariage ce qui n’en est pas un » que cette bénédiction des couples homosexuels ne sera pas donnée au cours d’une cérémonie liturgique, ni à la suite d’une cérémonie d’union civile, et que devront être évités tous éléments, y compris vestimentaires, qui pourraient imiter, de près ou de loin, un mariage. Mais, on l’a vu, ces précisions n’ont pas suffi à dissiper les doutes, les inquiétudes ou même les suspicions de vouloir changer subrepticement, à petits pas et sans le reconnaître ouvertement, la doctrine de l’Église sur le mariage et sur l’homosexualité.

Les promoteurs et les défenseurs du texte ont beau insister sur le fait que cette bénédiction accordée à des personnes « ne signifiait pas l’approbation de leur choix de vie », comme l’a expliqué Andrea Tornielli, directeur de la communication du Vatican, les opposants soulignent une évidence : c’est bien comme une approbation de l’union homosexuelle que cette décision a été universellement comprise. Si le texte présente la demande de bénédiction de la part de l’Église comme une demande de fidèles « se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide », tout le monde sait parfaitement que nombre de couples homosexuels la demanderont dans l’esprit de recevoir une reconnaissance de leur vie de couple.

Les actes d’homosexualité sont intrinsèquement contraires à la loi naturelle

Du reste, s’il ne s’agit pas de bénir une union, mais seulement des personnes, pourquoi alors bénir ensemble deux personnes dont le lien principal est d’être en couple, et qui font cette demande commune précisément parce qu’ils sont en couple et qu’ils ont l’intention d’y demeurer ? Or, comment concilier ce qui ne peut apparaître que comme la bénédiction d’unions homosexuelles avec le Catéchisme de l’Église catholique qui continue à affirmer « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés » et « contraires à la loi naturelle », en conséquence de quoi il rappelle que « les personnes homosexuelles sont appelées à la chasteté » — ce que ne rappelle pas la déclaration de la Congrégation de la doctrine de la foi ? Si la bénédiction d’unions homosexuelles venait à se banaliser, on ne voit pas comment le pape François, ou son successeur, ne seraient pas conduits à modifier ces articles 2357 à 2359, comme François l’a déjà fait de son propre chef, pour modifier la doctrine catholique sur la peine de mort.

Autre problème : le texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi n’explique pas comment il concilie cette nouvelle décision avec la déclaration précédente de la même Congrégation, datant du 15 mars 2021, à l’époque où elle était présidée par le cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer, et qui avait rendu une décision rigoureusement inverse : « Il n’est pas licite de donner une bénédiction aux unions de personnes du même sexe », écrivait-elle alors. Déclaration qui, à l’époque, avait suscité l’indignation de jésuite américain James Martin, principal porte-parole du lobby homosexuel dans l’Église, et qui s’est empressé cette fois-ci d’appliquer la nouvelle position de l’Église en rendant publiques les images d’une bénédiction d’un couple homosexuel ami, sur un mode plutôt triomphaliste. Le seul moyen trouvé pour justifier ce grand écart qu’a trouvé la déclaration Fiducia supplicans ayant été d’inventer un nouveau sens au mot bénédiction, définie par le document comme « une contribution spécifique et innovante à la signification pastorale des bénédictions ». Le mot bénédiction n’ayant pas le même sens dans les deux documents, le document inventant un nouveau type de bénédiction « populaire » et « pastorale », il n’y aurait ainsi plus de contradiction. […]

Le pape François a voulu rappeler que c’était lui, et lui seul, le maître

Notons d’abord que les seules citations données par le texte à l’appui de cette innovation émanent du pape François : une fois de plus, François crée son propre Magistère, autoréférentiel, qui ne puise aucunement dans la tradition de l’Église. Ensuite, le cardinal Müller met en garde avec juste raison contre cette manipulation de la langue : « Il est hasardeux d’inventer de nouveaux termes qui vont à l’encontre de l’usage traditionnel de la langue. Une telle procédure peut donner lieu à des exercices de pouvoir arbitraires. Dans le cas présent, le fait est qu’une bénédiction a une réalité objective propre et ne peut donc pas être redéfinie à volonté en fonction d’une intention subjective contraire à la nature d’une bénédiction. C’est là que la célèbre phrase de Humpty Dumpty dans Alice au pays des merveilles me vient à l’esprit : “Lorsque j’utilise un mot, il signifie ce que je choisis de signifier, ni plus ni moins.” Alice répond : “La question est de savoir si l’on peut faire en sorte que les mots signifient autant de choses différentes.” Et Humpty Dumpty de répondre : “La question est de savoir lequel est le maître, c’est tout.” »

— Quand, moi, j’emploie un mot, déclara Humpty Dumpty d’un ton assez dédaigneux, il veut dire exactement ce qu’il me plaît qu’il veuille dire… ni plus ni moins.
— La question est de savoir si vous pouvez obliger les mots à vouloir dire des choses différentes.
— La question est de savoir qui sera le maître, un point c’est tout.
De l’autre côté du miroir, Lewis Caroll

Qui est le maître : le pape François, en approuvant la bénédiction des unions homosexuelles qui venaient pourtant tout juste d’être refusées par le synode qu’il avait lui-même convoqué, a bel et bien voulu rappeler que c’était lui, et lui seul. Et que si le pouvoir ne lui est pas reconnu par le droit et la tradition de l’Église de changer la doctrine catholique, il a en réalité toute latitude pour le faire concrètement, aussi longtemps qu’il sauve les apparences en prétendant inscrire ces changements dans une conception « vivante » et « dynamique » de la Tradition.

Source : Valeurs actuelles


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