mardi 18 avril 2023

France — Demain, la classe moyenne n’aura-t-elle plus aucun moyen de protéger ses enfants de l’effondrement de l’école publique ?

Le ministre de l’éducation nationale français, le controversé Pap Ndiaye, compte sur un « engagement » de ces établissements sous contrat avec des « pourcentages » de « boursiers », euphémisme désignant des élèves le plus souvent issus de l’immigration.

Dans une interview au Figaro, le ministre de l’Éducation nationale (ci-contre) avait précisé sa volonté d’« engagement » du privé sous contrat, avec des « pourcentages » de boursiers. Pour ces établissements, l’équation est impossible : comment accueillir plus de familles défavorisées sans en avoir les moyens ? « Si nous n’avons pas d’aides sociales, ça ne fonctionnera pas », résume Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique.

« Dans cette affaire, il ne faudrait pas que l’enseignement catholique soit le bouc émissaire », réagit Gilles Demarquet, à l’association des parents de l’enseignement libre (Apel), avant de pointer « une politique de la ville défaillante » et l’inflation qui pèse sur le quotidien des Français. Les établissements catholiques accueillent aujourd’hui, affirme-t-il, « tous types de familles », qui les rejoignent pour des raisons « religieuse, culturelle, de proximité géographique, de difficultés scolaires ». Dans un contexte économique difficile, il explique que les familles modestes sont de plus en plus nombreuses à renoncer au privé sous contrat, payant.

L’enseignement catholique — qui rassemble l’écrasante majorité des établissements sous contrat — estime être aujourd’hui confronté à une impossible équation : accueillir des familles défavorisées alors qu’il ne bénéficie pas des mêmes aides sociales que le public. À commencer par la cantine, qui coûte 6 à 8 euros par jour, quels que soient les revenus des parents. Autre illustration : si le privé se fixe un objectif de 10 % de boursiers dans ses classes préparatoires, celui-ci n’est jamais atteint. En raison des frais de scolarité — qui financent l’immobilier, très coûteux dans les grandes villes —, les admis se dirigent plutôt vers le public.

Le hors contrat [moins soumis à l’État] se répand

« On ne peut pas nous reprocher notre manque de mixité et empêcher des familles de nous rejoindre ! », résume Philippe Delorme, secrétaire général à l’enseignement catholique (Sgec). « Si nous n’avons pas d’aides sociales, ça ne fonctionnera pas. Certaines familles n’auront pas la liberté de nous rejoindre. Ce n’est pas idéologique que de dire cela, mais pragmatique », ajoute-t-il. De son côté, la Peep, fédération de parents d’élèves du public, craint « l’effet pervers » que pourrait avoir la conclusion d’un accord entre l’enseignement sous contrat et l’État.

« Cela risque de pousser les élèves les plus riches du privé sous contrat vers le hors contrat, qui se répand déjà de plus en plus », observe son vice-président, Laurent Zameczkowski. Plus généralement, il ne souhaite pas que la politique de mixité à venir « repose uniquement sur l’école privée sous contrat ».

« Je ne veux pas que cela masque tout ce qu’il y a à faire du côté du public, explique-t-il. Il faudrait déjà commencer par donner les moyens aux établissements publics d’avoir une politique permettant une mixité ambitieuse. » Un avis partagé par Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat enseignant Se-unsa. « L’enjeu, c’est bien de faire avancer la mixité sociale à l’intérieur de l’école publique, afin que cette dernière puisse tenir sa promesse républicaine d’égalité des chances », déclare celui qui trouve cependant « justifié » que l’état « demande des comptes à l’enseignement privé ». « On sait bien que le privé est un des acteurs de la ségrégation sociale à l’école », affirme-t-il.

C’est un fait : la France est scolairement ségréguée. Un constat qui s’impose depuis des années et que la récente publication des indices de position sociale (IPS) est venue confirmer, chiffres à l’appui. Ces IPS ont mis en lumière les écarts sociaux criants entre des établissements publics parfois géographiquement proches, dans les grandes villes notamment, mais aussi la concentration de populations favorisées dans l’enseignement privé sous contrat. De là à conclure que l’enseignement privé catholique sous contrat est un pilier de la ségrégation scolaire, il n’y a qu’un pas… Que de nombreux politiques, militants de gauche et syndicats d’enseignants du public, comme le Se-unsa, n’hésitent pas à franchir, surtout depuis que Pap Ndiaye a fait de la mixité sociale et scolaire une priorité de son mandat.
 

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