jeudi 24 mars 2022

Québec — Plus de 35 % des élèves des cégeps anglophones incapables de suivre des cours en français

L’Assemblée nationale condamnera des milliers d’étudiants à l’échec sur fond de « crise sociale » si elle adopte le projet de loi 96 dans sa forme actuelle, met en garde le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay.

[Cris d’orfraie]

Il s’inquiète particulièrement des contrecoups de l’obligation de suivre « un minimum de trois cours donnés en français » imposée aux étudiants inscrits dans un cégep anglophone, qui figure dans la version amendée du projet de Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. « Il y a des milliers d’étudiants qui seront dans l’incapacité d’être diplômés », déclare M. Tremblay dans un entretien avec Le Devoir mercredi.

Plus de 35 % des quelque 29 000 étudiants inscrits dans les cégeps anglophones ont une connaissance insuffisante de la langue française pour suivre des cours en français, souligne-t-il, données statistiques à l’appui.

La proportion d’étudiants ayant une connaissance insuffisante du français varie d’un programme à l’autre : 57,4 % en Techniques en soins infirmiers, ou 85,9 % en Techniques d’éducation à l’enfance, par exemple. Le projet de loi 96 a récemment été amendé sous l’impulsion du Parti libéral du Québec afin de contraindre tous les étudiants inscrits dans un programme d’études conduisant au diplôme d’études collégiales (DEC) dans un cégep anglophone, y compris ceux déclarés admissibles à l’enseignement en anglais à l’école primaire et secondaire, de suivre au moins trois cours en français autres que des cours de français, langue seconde ou des cours d’éducation physique. « Cet amendement-là a un effet catastrophique et, de toute évidence, un effet discriminatoire », souligne M. Tremblay, qui porte la voix des 48 collèges publics, dont 5 collèges anglophones, du Québec.

« L’impact [sera] majeur pour les étudiants qui ont été scolarisés en anglais au Québec et qui poursuivent leur parcours dans un cégep anglophone », poursuit-il, avant de demander : « Comment la communauté anglophone peut-elle accepter que l’on condamne de jeunes Québécois anglophones, qui ont le droit, en vertu des lois du Canada, de suivre des cours en anglais ? Comment peut-on faire en sorte que ces jeunes-là vont se retrouver dans une situation d’échec ? »

[Il semble évident que ces jeunes ont reçu une éducation lacunaire en français pour s’intégrer en français au Québec et qu’il faut que l’école primaire et secondaire anglaise forme beaucoup mieux ces jeunes privilégiés. Prochain chantier ?]

[Larmes de crocodile]

Le président de la Fédération des cégeps s’« insurge » contre l’« absence de sensibilité » des députés de l’Assemblée nationale — qui ne sont pas des spécialistes du régime d’études collégiales, relève-t-il — appuyant cette « fausse solution au problème de vitalité du français » retenue par l’auteur du projet de loi 96, Simon Jolin-Barrette, après discussion avec le PLQ. « On fait ça sous prétexte qu’on veut se donner bonne figure, donner l’impression qu’on règle le problème du français. Alors, on condamne des étudiants à l’échec. On ne peut pas se taire », lance-t-il au cours d’une entrevue téléphonique.

[Nous sommes d’accord que cette mesure est insuffisante pour vitaliser le français au Québec et qu’il faudrait aussi appliquer la loi 101 aux cégeps. À moins de considérer la francisation de tous les cégeps publics, un peu comme la Flandre belge a néerlandisé tout le réseau scolaire publique de l’école primaire à l’université. Le tout culminant par la néerlandisation complète de l’Université de Louvain en 1968.]

[Appels dilatoires devant une mesure qui n’a déjà que trop tardé] 

Bernard Tremblay presse les membres de la Commission de la culture et de l’éducation, qui examinent actuellement le projet de loi renforçant la Charte de la langue française, d’en retirer l’obligation pesant sur les étudiants des collèges anglophones de suivre trois cours en français, ou à tout le moins d’en « différer » l’entrée en vigueur afin de prendre la juste mesure de tous ses impacts, y compris sur le personnel enseignant du réseau collégial. « Prenons le temps de faire l’analyse. Peut-être que l’on constatera que la disposition est inapplicable. Si on s’est trompé, on n’aura pas mis des milliers d’étudiants en situation d’échec », souligne-t-il.

Le projet de loi 96 « va véritablement changer le visage de l’enseignement au niveau collégial », selon le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette.

L’élu caquiste compte également imposer une épreuve uniforme de français aux étudiants du réseau collégial anglophone, sauf à ceux étant déclarés admissibles à l’enseignement en anglais à l’école primaire et secondaire, en plus de plafonner le nombre places dans les cégeps anglophones. Il s’est toutefois refusé à appliquer la loi 101 aux cégeps, au regret notamment du Parti québécois.

« Le problème n’est pas du côté du collégial. Le problème du français, surtout à Montréal, est dans : l’anglais, langue du travail ; l’anglais, langue d’affichage ; l’anglais, langue de l’administration. Il est un peu partout », prétend Bernard Tremblay.

[En toute logique, il faut donc s’attaquer à tous ces aspects en ne négligeant en rien l’école, car comment imposer le français au travail, par exemple, quand une grande partie des diplômés des cégeps seront incapables de travailler en français ?]

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