jeudi 4 juillet 2019

Québec — La légalisation du cannabis n'a pas entamé les bénéfices du crime organisé

Le 4 avril dernier, les policiers du Service de police de la Ville de Montréal ont trouvé 800 plants de pot chez un associé de la pègre asiatique en lui rapportant ses deux chiens de type pitbull qui s’étaient sauvés, sur la rue Lajeunesse.

Le crime organisé ne s’est pas étouffé avec la légalisation du cannabis au pays et n’en subira pas d’effets nuisibles avant au moins trois ans.

C’est le constat sans lunettes roses du très crédible Service canadien de renseignements criminels (SCRC) dans un rapport récent sur l’état du marché des drogues.

Au contraire, « la pénurie actuelle de cannabis licite au Canada donne aux groupes du crime organisé un avantage concurrentiel » en attendant « que le stock légitime soit disponible », d’après le SCRC.

Le gouvernement Trudeau disait vouloir « retirer des milliards [...] des poches des criminels » en légalisant le pot à des fins récréatives, le 17 octobre dernier.

Mais près de neuf mois plus tard, le virage libéral n’a pas fait mal aux 293 bandes criminelles canadiennes qui s’enrichissent sur le marché noir de la marijuana et du haschisch.

« Il n’y a probablement eu aucune incidence mesurable sur la part du marché des groupes du crime organisé et il n’y en aura probablement pas dans un avenir rapproché », estime l’agence relevant de la Gendarmerie royale du Canada qui renseigne tous les organismes d’application des lois au pays.

Le SCRC croit « peu probable » que les grosses organisations criminelles comme les Hells Angels et la mafia en souffrent parce qu’elles tirent aussi des revenus d’autres drogues plus lucratives comme la cocaïne, l’héroïne et la méthamphétamine.

C’est « à long terme », soit « dans trois ans et plus », qu’on peut prévoir un recul du pot illégal, d’après ce rapport produit au printemps.

Le SCRC confirme une faille du système décriée par la police de Montréal : « des associés ou intermédiaires de plusieurs groupes du crime organisé [sont] détenteurs de licences » de Santé Canada pour produire du cannabis à des fins médicales.

Cela fait d’eux « les mieux placés pour profiter de toute pénurie dans le marché légitime ».

En mars dernier, Le Journal rapportait que c’était le cas de cultivateurs de marijuana associés à la pègre asiatique de Montréal.

L’avocat Maxime Guérin, du Groupe SGF – consultants en cannabis, qui conseille des entrepreneurs de l’industrie légale du pot, trouve la situation ironique.

« Il n’y a pas beaucoup plus d’efforts pour éradiquer le marché noir depuis le 17 octobre 2018, mais on encadre beaucoup les producteurs légaux. Le poids entre les deux est clairement au désavantage du marché légal », a-t-il dit.

D’après lui, le marché illicite restera « en avance » au Québec tant que la SQDC n’aura pas baissé ses prix [malgré la syndicalisation du personnel de la SQDC qui ne peut que hausser les coûts de production ?], mis fin à ses ruptures de stock et haussé son offre de produits, ainsi que leur quantité.

Ajoutons qu’il restera sans doute toujours un marché noir des produits du cannabis, même si les coûts du cannabis gouvernement baissent, puisque le produit gouvernemental est moins puissant (a un taux de THC moindre) que celui que l’on retrouve sur le marché noir.

Enfin, il faut se demander, si en légitimant le cannabis en le légalisant, l’État n’a pas banalisé le cannabis (ou même les drogues en général) et créé les conditions pour une plus grande consommation de ce produit à terme. Rappelons que la consommation de cannabis a augmenté de 10 % au Québec après sa légalisation l’automne dernier comme l’indiquait Statistique Canada en février 2019. Le 2 juillet 2019, un rapport mondial sur les drogues publié par l’Organisation des Nations unies nous apprenait que, entre 2013 et 2017, le nombre de consommateurs de cannabis au Canada avait augmenté de 40 %. Le rapport relève que cette augmentation serait imputable à une diminution de la perception du risque lié à cette drogue alors que le Parti libéral du Canada et son chef élu (en avril 2013) prônaient sa légalisation. Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, avait admis en août 2013 qu’il avait consommé à plusieurs reprises de la marijuana depuis son élection comme député, en 2008.

Voir aussi

Selon un document du Service canadien de renseignements criminels (SCRC), dont le Journal de Montréal a obtenu copie, le nombre de consommateurs de cocaïne est passé de 353 000 à 730 000, de 2015 à 2017. Au micro de Dan Bigras, Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et expert en toxicomanie, a abordé les différents facteurs qui pourraient expliquer cette soudaine popularité : « C’est un marché lucratif. Les groupes criminels ont intérêt à mousser cette consommation pour faire davantage d’argent, en gardant les prix relativement bas ».



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