jeudi 4 juillet 2019

John Christy : « Les modèles climatiques surchauffent »

Directeur du Earth System Science Center à l’Université d’Alabama à Huntsville (Alabama, États-Unis), le climatologue John Christy est un des pionniers de la recherche sur les bases de données climatiques. Il soutient aujourd’hui que les modèles utilisés surestiment fortement le réchauffement en cours.

Quand j’étais plus jeune, j’étais fasciné par le contraste entre le temps qu’il faisait chez nous, dans la vallée de San Joaquin, en Californie — un désert —, et le climat qui régnait sur les montagnes de la Sierra Nevada voisine, immédiatement à l’est. Je me demandais pourquoi certaines années étaient humides, d’autres sèches, pourquoi il pleuvait davantage sur les montagnes, pourquoi les niveaux d’enneigement pouvaient varier à ce point. J’ai dû être le premier étudiant de Californie à concevoir un programme destiné à prédire le temps qu’il ferait et à calculer la hauteur de neige sur les sommets. Il s’agissait de modèles statistiques vraiment basiques, écrits pour les ordinateurs très rudimentaires de la fin des années soixante, mais cela m’a familiarisé avec le codage et, de manière plus vaste, avec le travail qu’il fallait fournir pour étudier correctement ce genre de chose.

À cette époque, la science était encore une façon d’appréhender le réel, une méthode pour obtenir de l’information. On affirmait quelque chose, on avançait une hypothèse, et l'on confrontait cette hypothèse à un ensemble de données. Si ça ne fonctionnait pas, on rejetait ou l'on modifiait l’hypothèse. Elle n’était pas bonne, tout simplement. Or aujourd’hui, si une personne affirme quelque chose à propos du climat, mettons que celui-ci se détraque à cause de l’homme, et que quelqu’un comme moi, par exemple, invalide cette affirmation, au lieu d’abandonner l’hypothèse émise on constate que la personne aura tendance à soutenir, en criant de plus en plus fort, que son affirmation est exacte.

Pourtant, Il importe de comprendre qu’une des caractéristiques principales de la méthode scientifique est que, si vous comprenez un système, alors vous pouvez prévoir son comportement.

De ce point de vue là, notre travail, à nous autres climatologues, qui est de comparer les « prédictions » des modèles climatiques avec ce que nous percevons du monde réel, nous oblige à dire que notre compréhension du changement climatique est assez pauvre.

En tout cas, cette compréhension n’est certainement pas assez solide, assez mature, pour soutenir des politiques de régulation ou de contrôle, Que certains experts persistent à refuser de voir cette fragilité est simplement stupéfiant, même si l'on peut comprendre, eu égard à la complexité du sujet, qu’i1 soit plus facile pour eux de l’ignorer et de s’en remettre à des déclarations simplistes.

Rentrons un peu dans le détail de mon propos. En 1994, mon collègue Dick McNider et moi-même avons cherché à tester les modèles climatiques qui, à l’époque, indiquaient une vitesse de réchauffement de 0,35 °C par décennie.

C’est ce que disait le modèle de James Hansen, et ce que d’autres modèles disaient aussi. Dick et moi pensions que cette valeur n’était pas probable et nous ne faisions pas non plus confiance aux ensembles de données des températures de surface, parce que la plus grande partie de la Terre n’était pas couverte et parce que les enregistrements compilés n’étalent pas homogènes (par exemple les heures d’enregistrement n’étaient pas les mêmes). Mais nous avions quinze années de données satellitaires et nous avons pensé pouvoir en faire quelque chose.

Après avoir traité la question des éruptions volcaniques et d’El Niño, qui affecte les données satellitaires, nous sommes arrivés à une estimation de la tendance du réchauffement lié à l’effet de serre de 0,09 °C par décennie, soit environ le quart de la prévision des modèles climatiques.

En 2017, Dick et moi avons voulu vérifier notre travail de 1994. Les séries temporelles étaient alors longues de trente-sept ans et demi.

Nous avons de nouveau calculé et neutralisé l’effet El Niño, j’ai développé une fonction mathématique pour simuler les éruptions des volcans El Chichón et Pinatubo qui expliquent les deux creux de la température globale et, en fin de compte, il nous reste une ligne à peu près droite qui donne une tendance de 0,095 °C par décennie, soit presque exactement la même que celle trouvée dans notre étude antérieure, il y a vingt-cinq ans — ce dont nous étions assez fiers.

La tendance au réchauffement que nous avons trouvée suggère donc que les hommes ont un impact relativement mineur sur les températures globales.

Pour le dire autrement, la réponse climatique transitoire (le réchauffement à court terme) dans la troposphère est + 1,1 °C pour un doublement de la concentration en dioxyde de carbone. Ce n’est pas bien alarmant. En revanche, si nous faisons le même calcul avec les résultats des modèles climatiques, nous obtenons + 2,31 °C, ce qui est très différent.

La réponse des modèles au dioxyde de carbone est le double de ce que nous constatons dans la réalité.

Pour prouver ce décalage d’une autre manière, nous avons décidé d’étudier la température de l’atmosphère entre 30 000 et 40 000 pieds [9144 — 12 192 mètres] sous les tropiques de 20 degrés Nord à 20 degrés Sud. Le modèle climatique en vigueur suggère en effet qu’un réchauffement important aurait déjà dû se produire à cette altitude. Presque tous les modèles montrent un tel réchauffement, mais aucun ne le montre si le forçage [définition] supplémentaire des gaz à effet de serre n’est pas inclus. Les tendances au réchauffement des 102 modèles climatiques établissent une moyenne de 0,44 °C par décennie. C’est assez rapide : sur quarante ans, cela fait presque 2 °C, bien que certains modèles aient un réchauffement plus lent et d’autres plus rapide.

Or le réchauffement du monde réel est beaucoup plus faible : il est environ un tiers de la moyenne du réchauffement des modèles.


En bas les observations (la réalité) et en haut la ligne rouge représente la moyenne des prévisions de 102 modèles climatiques. Il y a bien un petit réchauffement, mais bien moindre que celui prévu par les modèles qui servent de bases aux prophéties apocalyptiques.

Des prévisions pour 2100 qui sont déjà invalides

Quand on compare les projections des modèles et les différents ensembles de données d’observation, on constate la différence des pentes des approximations linéaires et l’évidence saute aux yeux : les modèles chauffent trop vite.

L’exception est le modèle russe qui est beaucoup moins sensible au dioxyde de carbone et qui donne donc pour la fin du siècle des projections qui sont loin d’être alarmantes. Les autres modèles sont déjà faux, et leurs prévisions pour 2100 ne sont pas fiables.

Si un ingénieur construit un avion en affirmant qu’il peut voler 600 milles, mais qu’au bout de 200 milles l’avion s’écrase, il ne dira pas : « Hé ! Je ne me suis trompé que d’un facteur trois ! » Personne ne dit ça. Un facteur trois est énorme dans un bilan énergétique ! C’est pourtant ce qu’on a avec les modèles climatiques.

Ces problèmes sont connus depuis longtemps. En 2000, j’ai participé à la rédaction d’un rapport parrainé par l’Académie nationale des sciences qui soulignait le décalage entre le réchauffement prévu par les modèles et celui du monde réel. Nous disions à l’époque : un rapprochement plus correct des changements de température des modèles et de ceux observés dépend de l’amélioration des modèles utilisés pour simuler la réponse atmosphérique aux forçages naturels et anthropiques. Comme on le voit, ce rapprochement ne s’est pas encore produit.

Le GIEC est bien conscient du problème, mais dans son cinquième rapport d’évaluation il a évité d’attirer l’attention sur ce point. Dans mes commentaires de relecture du rapport, j’ai souligné cette discordance et écrit que les affirmations du GIEC ne résisteraient pas à un examen contradictoire.

Bien entendu, le processus de relecture du GIEC n’est pas un vrai examen contradictoire, car les auteurs principaux, soigneusement sélectionnés pour que le « bon » message soit fourni, ont toujours le dernier mot.

En réponse à mes objections, le GIEC a inséré un nouveau graphique, mais l’a enfoui dans les annexes, publiées longtemps après le rapport principal. En fait il y a trois façons possibles de trancher ce problème :
  1. Les observations sont fausses et les modèles sont bons.
  2. Les forçages utilisés dans les modèles sont erronés.
  3. Les modèles sont des hypothèses invalidées.

Je prédis que l’option « modèles invalidés » ne sera pas retenue.

C’est pourtant bien ce qu’il faudrait faire.

JOHN CHRISTY

Voir aussi

« Sauver le climat », la nouvelle tentation autoritaire


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