vendredi 8 avril 2011

ECR — L’Association canadienne des libertés civiles en Cour suprême du Canada

L’Association canadienne des libertés civiles créée pour promouvoir et défendre les droits et libertés fondamentaux dans la société canadienne, représente des milliers de membres incluant aussi des associations. L’association s’intéresse au présent pourvoi parce que la décision aura un impact sur « la façon dont toutes les autorités en charge de l’instruction publique au Canada devront traiter les demandes d’exemption d’un programme obligatoire au motif qu’il irait à l’encontre des croyances religieuses ou de la conscience des parents ou des enfants ».

Selon cette association, « la sincérité de croyance d’un justiciable doit s’évaluer selon une norme subjective et à la suite d'un examen restreint ». Selon elle, les tribunaux doivent considérer « le meilleur intérêt de l’enfant » ainsi que la possibilité d’octroyer un « accommodement raisonnable ».

Elle maintient ce qui suit : « Afin de vérifier s’il y a violation de la liberté de conscience et de religion, les tribunaux peuvent appliquer un test qui cherchera à déterminer si cette intervention étatique a pour effet de procéder à l’éducation idéologique des élèves et va à l’encontre des convictions des parents de façon non négligeable ou non insignifiante ou si elle prodigue plutôt à l’enfant un enseignement neutre, objectif et respectueux des croyances de chacun. »

L’ACLC conclut que la Cour supérieure a fait une erreur en se basant sur l’expertise demandée par le gouvernement du Québec du théologien M. Gilles Routhier qui estime que l’enseignement des autres religions ne viole pas la liberté de religion des catholiques.

Selon elle, la légitimité des objections d’une croyante n’est pas tributaire de la position des autorités de son culte. En ceci nous croyons qu'elle rejoint clairement la jurisprudence canadienne et ce qui a été plaidé depuis le début par les avocats des parents, mais ignoré par les juges des instances inférieures.

Le principe du meilleur intérêt de l’enfant exige, selon elle, que les besoins intellectuels et moraux de ce dernier soient au centre des préoccupations. Ce carnet craint qu'il ne s'agisse, en fait, d'une manière pour l'État d'étendre de plus en plus son emprise sur les enfants de parents qui seront jugés trop « rétrogrades ». En effet, est-il dans le meilleur intérêt de l'enfant juif orthodoxe, amish, mennonite conservateur de vivre « en marge » de la société, isolé et éduqué dans la religion des parents, et ne pas apprendre la « tolérance » de tous les modes de vie ?

Elle note que la liberté de religion et de conscience de l’enfant peut entrer en conflit avec celle des parents. Remarque qui ne fait que confirmer nos craintes.

Le test que propose l'ACLC pour déterminer si un programme à contenu moral et religieux peut être enseigné dans les écoles est en fait le même que celui que préconise le procureur général du Québec, celui retenu par la Cour d'appel de l'Ontario (Canadian Liberties Association v. Ontario (Minister Education), 65 D.L.R. (4th) 1, 27-28). À nouveau, il nous est apparu que l'ACLC ne défend pas tant les libertés civiles, celles des citoyens, mais défend le pouvoir de l'État d'imposer des programmes.

L'ACLC semble aller jusqu'à défendre le droit de l'État d'imposer à tous des programmes non neutres et non objectifs : « Il peut à première vue apparaître difficile d'imaginer qu'un enseignement qui n'est pas neutre, objectif et respectueux des croyances de chacun poursuive un objectif important. L'ACLC est cependant d'avis qu'il ne faut pas rejeter d'emblée cette possibilité afin de préserver une marge de manœuvre à l'État pour faire des choix qui peuvent se justifier dans une société libre et démocratique. »

Cette position peut peut-être s'expliquer, pour les écoles publiques, afin de pouvoir probablement enseigner des cours d'histoire qui, par leur nature, ne sont ni neutres, ni objectifs, ni même respectueux de tous. L'ACLC n'a pas fourni d'exemple d'un tel programme. En outre, si un tel programme peut être imposé aux écoles publiques, il faudrait probablement que des exemptions soient possibles, mais l'ACLC n'en parle pas. Or, c'est l'objet du litige ! Enfin, il est quand même paradoxal qu'une association — dont le mandat est de protéger les droits des citoyens face à l'État et à son appareil — défende à ce point l'État !

Voir aussi

Plus de 75 % des Québécois, selon 2 sondages Léger Marketing, appuient la liberté de choix en matière du cours Éthique et culture religieuse. (lien vers le sondage Léger-Marketing)




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5 commentaires:

Réaliste a dit…

C'est le Québec, même les associations de protection des citoyens protègent d'abord l'État !

Dix-Zed a dit…

Réaliste, c'est normal :

les progressistes et athées étaient pour les liberté civiles quand ils étaient minoritaires, jeunes et absents des cercles de pouvoir.

Aujourd'hui l'ACLC défend l'État qui reflète ses préjugés progressistes.

Anonyme a dit…

On a l'impression que ce qui prime chez certains Canadiens et Québécois, c'est la haine de la religion et en rien de tenir loin d'eux l'État-nounou.

Yves G. a dit…

J'ai reçu ça de l'ACLC :

Thank you for your email and interest in the CCLA’s position in this case. At this stage, the only documents that the CCLA has filed with the Supreme Court in relation to this case are materials requesting permission to intervene (which was granted). Those materials provide a relatively short description of the kinds of arguments we intend to make, but I don’t believe the summary set out in the link you provided accurately captures the CCLA position.



This cases raises questions about the ability of public school systems to accommodate a variety of religious beliefs. CCLA’s position is a nuanced one and will be set out in greater detail in our factum, which will be filed with the Court in early May. Generally, however, the CCLA takes the position that where parents seek exemptions from parts of the curriculum on behalf of their children, deference and respect should be given to the religious beliefs of the parents and the state should bear the burden of showing why this exemption should not be granted. This doesn’t mean that parents’ religious objections will dictate what the curriculum will be for all students, but it does provide them with opportunities to seek exemptions or other forms of accommodation for their own children, where they consider it necessary for the proper exercise of their religious freedoms. It also doesn’t mean that an exemption will necessarily be granted in every case in which it is sought, since there may be instances where the objectives of a public school curriculum cannot be met if an exemption is given, and there may be cases of conflict between parents and their children, which will need to be taken into account. The CCLA’s submissions will be aimed at providing the Court with some factors that are relevant to determining when refusing an exemption is unreasonable or unacceptable, and when it is not. Rest assured that our organization has always had a strong commitment to protecting religious freedoms and that we will continue to do so in this and other cases.



I hope this helps to clarify the CCLA’s position on this matter. Once our factum has been filed with the Court, it will be available on our website. Thank you again for contacting us.



Sincerely,





Cara Faith Zwibel, LL.B., LL.M.
Director, Fundamental Freedoms Program/ Directrice, programme libertés fondamentales


Canadian Civil Liberties Association/ Association canadienne des libertés civiles
360 Bloor St. West, Suite 506 / 360 rue Bloor Ouest, Bureau 506
Toronto, ON M5S 1X1

Pour une école libre a dit…

@Yves G.

Merci de votre commentaire.

La réponse de l'ACLC semble plus modérée que les arguments qui sont présents dans la requête de 66 pages qu'a soumise l'ACLC !

Le mémoire de l'ACLC ne pourra pas aller au-delà de dix pages, il ne sera donc pas beaucoup plus précis que la requête (celle-ci comprend également de nombreux renseignements sur l'ACLC qui ne se retrouveront pas dans le mémoire).

L'ACLC semble considérer plus facilement l'exemption dans la réponse qu'elle vous a envoyée, ce n'était pas aussi clair dans sa requête. Il faudra attendre le court mémoire pour voir ce qu'il en sera vraiment.

Et puis une bonne partie du billet reproduit des passages de la requête et, par exemple, le passage troublant où l'ACLC dit vouloir défendre non la liberté des citoyens mais le pouvoir de l'État d'imposer (sans mentionner d'exemption) des cours non objectifs, non neutres et qui pourraient aller à l'encontre de la liberté de religion...

Comme nous l'avons dit ceci pourrait peut-être s'expliquer pour l'école publique (mais ECR est imposé aux écoles privées!) et il faudrait un mécanisme généreux et non tatillon d'exemption pour les parents qui le demanderaient quand ces cours touchent à la morale, à la liberté de conscience ou de la religion. Or, la requête de 66 pages ne semblait pas prévoir celle-ci dans ce cas précis.

Nous serons bientôt fixés, le 2 mai tous les mémoires doivent avoir été déposés.