lundi 4 novembre 2019

Éducation à la sexualité au Québec : plus de 200 élèves exemptés


Quelque 80% des étudiants libérés d’éducation à la sexualité viennent de la même commission scolaire.

Une commission scolaire de l’Outaouais devra rendre des comptes au ministre de l’Éducation parce que ses écoles ont accepté que près de 200 élèves soient soustraits à des contenus d’éducation à la sexualité, un nombre gigantesque par rapport au reste du Québec.

« Si on se rend compte qu’il y a des failles qui sont exploitées par des groupes de parents, on va resserrer les balises, dit le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge. Les exemptions, ça doit être vraiment, vraiment exceptionnel. »

Depuis un an, l’éducation à la sexualité est censée être de retour dans toutes les écoles du Québec. Les parents qui souhaitent que leurs enfants soient sortis de la classe lorsque certains sujets sont abordés doivent se plier à une procédure établie par le ministère.

Dans l’ensemble de la province, les écoles ont reçu 540 demandes d’exemption, dont 237 ont été acceptées par les directions, selon le ministère.

Or, 81 % de ces dérogations accordées viennent de la même commission scolaire, soit Portages-de-l’Outaouais (CSPO). Ailleurs, moins d’une cinquantaine d’élèves à travers le Québec ont pu sortir de la classe pendant les ateliers.

« Est-ce que ces demandes ont bien été analysées par la CSPO ? » se demande le ministre, qui a l’intention de demander des comptes à l’organisation.

Lourdeur

Sur le terrain, le personnel de la CSPO a dû gérer chacune de ces demandes à la pièce, ce qui a entraîné de la lourdeur, explique Suzanne Tremblay, du syndicat des profs de l’Outaouais.

Par exemple, que faire lorsqu’un élève du primaire doit quitter le local le temps d’un atelier ? C’est souvent le technicien en éducation spécialisé qui devait s’en occuper, au lieu d’être en classe pour donner son appui habituel, illustre Mme Tremblay.

Mais comment expliquer un tel volume dans une petite commission scolaire basée à Gatineau ?

Le président de Parents engagés de l’Outaouais, Ibrahim Sballil, croit que son organisme a eu un important rôle à jouer.

Son association est composée essentiellement de parents musulmans, mais est ouverte à toutes les religions, précise-t-il.

Dès le départ, les parents n’ont pas été consultés par le gouvernement sur le contenu, critique-t-il. Le regroupement a demandé à la CSPO une rencontre d’information à laquelle quelque 300 parents ont assisté à l’automne 2018.

Trans et homosexualité

Ce sont les thèmes de l’homosexualité et de la réalité transgenre qui étaient au cœur des demandes. Plus précisément, l’idée que les gens ne choisissent pas leur orientation sexuelle, et que le sexe biologique ne détermine pas le genre de la personne, explique M. Sballil.

Il ne reproche pas au programme d’en parler, mais croit qu’il manque de « neutralité » en présentant le point de vue religieux comme une « perspective à combattre ».

« Je diverge totalement d’opinion, dit le ministre Roberge. Les cours d’éducation à la sexualité ne sont ni proreligion ni anti-religion. » Cela reste à prouver pour ce carnet. En quoi banaliser ou d'introduire précocement la promiscuité, l'homosexualité ou la transsexualité serait compatible avec les religions traditionnelles chrétiennes, musulmanes ou judaïques ?

La Commission scolaire Portages-de-l’Outaouais a refusé notre demande d’entrevue.

Les élèves dispensés d’éducation sexuelle

Commission scolaire Portages-de-l’Outaouais

214 demandes
192 acceptées

Ailleurs au Québec

326 demandes
45 acceptées

Total

540 demandes
237 acceptées

Source: Ministère de l’Éducation
Les élèves montréalais n’ont pas été exclus

Les écoles de la métropole ont refusé toutes les demandes d’exemption reçues, des décisions qui contrastent avec celles prises en Outaouais, selon une compilation du Journal. Où l'on voit qu'il est facile pour des fonctionnaires d'en faire à leur tête et de se passer de l'avis des parents.

« Quand on regarde le nombre pour l’ensemble du Québec, je ne vois pas de grand scandale », dit le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.

« Ailleurs [qu’à la Commission scolaire Portages-de-l’Outaouais], il y a peut-être des groupes de parents qui se sont mobilisés, mais qui se sont fait dire non », suggère-t-il.

Le Journal a obtenu par demande d’accès à l’information le nombre de demandes reçues et accordées dans chaque commission scolaire, et aucune de celles situées à Montréal n’a noté avoir exempté des élèves, malgré la clientèle multiethnique.

C’est le cas à la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSPI), qui a reçu des demandes pour 13 élèves.

« On s’attendait à en recevoir beaucoup plus que ça », avoue Valérie Biron, du secrétariat général.

Moins que prévu

Selon les balises du ministère, les parents pouvaient invoquer deux motifs pour demander une dérogation. Le premier est un possible tort psychologique que pourrait causer l’exposition à certains contenus, comme lorsque l’enfant a été victime d’agression sexuelle.

Mais dans la grande majorité des demandes, c’est le deuxième motif qui a été invoqué, soit une atteinte à un droit fondamental garanti par les chartes canadiennes et québécoises, généralement pour des raisons religieuses.

Les parents devaient alors prêter serment et prouver le caractère « sérieux » de la demande. Ils devaient préciser les contenus à éviter pour leur enfant.

Dans tous les cas, la décision finale revenait à la direction de l’école. La CSPI a toutefois mis sur pied un comité pour faire des recommandations aux directeurs.

Par exemple, des parents ne croyant pas à l’homosexualité alléguaient que cela minerait leur autorité parentale si leur jeune en entendait parler, illustre-t-elle.

« Le comité n’était pas fermé à l’idée d’accepter certaines demandes. »

Mais aucun de ces parents n’a pu prouver aux yeux des autorités qu’il y aurait de préjudice sérieux si leur enfant assistait aux cours d'ajouter la journaliste du journal de Montréal.

Pour ce carnet, dans ces matières morales, l'ampleur du préjudice dépend des convictions et de la sensibilité des gens. Normaliser l'homosexualité, la transsexualité, la sexualité hors mariage peuvent paraître sans conséquences pour des comités urbains « progressistes », mais perçus très différemment pour des parents plus prudes ou conservateurs. Pourquoi est-ce aux parents de convaincre des gens qui ne partagent pas leur valeurs de ce qui est bon pour leurs enfants ? Ne devrait-ce pas être l'inverse ?





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