Les accusations pleuvent. Pour Nathalie Elgraby, le coupable est le ministère accord que pour Luc Papineau, enseignant de français, la faute en revient au système qui encouragerait l’illettrisme.
Même les professeurs de cégep en sont venus à des constats simples : leurs étudiants ne maitrisent pas les accords dans les groupes du nom et sont confus quant à [distinguent mal] certains homophones. Des notions souvent de niveau primaire.
On suggère aussi que les enseignants fassent écrire leurs élèves tous les jours. C’est un vœux [sic] pieu [sic] que je souhaiterais bien pouvoir accomplir. Sauf qu’il faudrait réaliser [comprendre, saisir] qu’avec mes 120 élèves […], je risque d’y laisser ma santé, surtout quand il est reconnu que la charge de travail des enseignants s’est alourdie au fil des années.
On leur propose également de consacrer plus de temps à enseigner les régularités de la langue française. Comme si on ne le faisait déjà pas dans nos classes. Dans les faits, on « épure » tellement l’enseignement de la grammaire pour se consacrer à l’essentiel que des étudiants universitaires voulant passer le TECFÉE pour devenir eux-mêmes enseignants un jour sont confrontés à des règles peu ou jamais vues au secondaire.
Enfin, on nous indique qu’il faudrait qu’on soit plus efficace et prenne plus de temps dans l’enseignement des stratégies de révision…
Grille de correction laxiste
Or, le secret que personne n’ose dire à voix haute est que les élèves peuvent se moquer de maitriser la grammaire et l’orthographe avant la cinquième secondaire parce que la place occupée par celles-ci dans les grilles de correction d’un texte est insuffisante. Ils savent pertinemment qu’ils peuvent réussir en écrivant un texte comprenant une faute de grammaire ou d’orthographe par mot. Sauf en cinquième secondaire où tout à coup, on a resserré ce critère.
Une des solutions que les experts ne suggèreront jamais est de revoir les exigences des grilles de correction en écriture. Il est anormal que la maitrise de la ponctuation et de la syntaxe compte davantage que celle de la grammaire et l’orthographe. Il est anormal qu’un élève puisse réussir, sauf en cinquième secondaire, un texte en écrivant une faute par mot. On a habitué nos jeunes à un laxisme consternant et on se surprend ensuite quand ils échouent.
Tant et aussi longtemps qu’on sera si peu exigeant avec nos jeunes, ils nous donneront exactement ce qu’on attend d’eux… comme on peut le constater avec les résultats récents dévoilés par le Journal de Montréal.
Luc Papineau, Enseignant de français
Parions que cette nouvelle a dépité les bonzes du ministère de l’Éducation qui s’affairent sans doute à trouver un bouc émissaire pour expliquer pareil fiasco. Pourtant, les coupables, ce sont eux et leurs prédécesseurs.
Résultat
Depuis plusieurs décennies, le ministère a fait du taux de diplomation sa priorité.
Or, comme l’indique la loi de Goodhart, « lorsqu’une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure », car elle devient l’objet de manipulations afin d’en améliorer le résultat. C’est d’ailleurs l’incitation qu’a créée le ministère en stipulant que hausser le taux de diplomation exige « que tous les acteurs […] se sentent unis par une obligation de résultats ».
Ainsi, pour atteindre ledit résultat, les « acteurs » ont nivelé par le bas et bradé les diplômes, mais ils ont oublié que l’on récolte toujours ce que l’on sème.
Or, les enseignants d’aujourd’hui sont le produit des diplômes délivrés hier. Et comme on ne peut enseigner ce que l’on ignore, l’échec des élèves trahit les lacunes du corps enseignant. On comprend mieux pourquoi ils sont nombreux à réclamer une simplification de la grammaire !
Excellence
L’excellence ne procède jamais de la nullité. Le ministère ne pourra donc espérer relever le niveau du français sans exiger une mise à niveau rigoureuse de son corps enseignant et l’évaluation de ce dernier.
De plus, pour interrompre la dégénérescence de l’instruction publique causée par les réformes adoptées au nom d’un soi-disant « progrès », Québec devrait changer de paradigme et privilégier la qualité des diplômes plutôt que la quantité.
Interrompre la marche descendante est possible. Mais qui en aura le courage ?
Nathalie Elgraby, Journal de Québec
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