Un texte d’Antoine Robitaille paru dans le Journal de Québec.
À quelque chose, malheur est bon.
Puisqu’il manque quelque 1000 enseignants dans nos écoles, on va valoriser le savoir et les connaissances.
Je m’explique : nos écoles sont pleines de « NLQ », dont je vous ai déjà parlé. Ces profs étiquetés « non légalement qualifiés » (NLQ), puisqu’ils n’ont pas complété la voie royale vers le métier : quatre ans dans une faculté des sciences de l’éducation.
L’ennui : une bonne partie des NLQ ont déjà (au moins) un baccalauréat [licence en Europe] dans une discipline donnée. S’ils peuvent exercer le métier, c’est qu’ils se trouvent sous le coup d’une « tolérance d’enseignement » renouvelable une fois par décennie.
Mais ils ne seront jamais admissibles au fameux brevet d’enseignement, à moins qu’ils fassent une « maîtrise qualifiante » de 60 crédits, qui peut prendre deux ans à temps plein et plus longtemps à temps partiel.
Après avoir enseigné plus de 15 ans avec une « tolérance », un lecteur enseignant m’a écrit il y a quelques mois qu’il était enfin devenu « légal » il y a 4 ans, grâce à une telle maîtrise.
Il se disait « particulièrement amer » d’avoir été contraint de débourser « près de 10 k » afin de se former à un métier qu’il exerçait depuis 15 ans… « sans sécurité d’emploi ».
Voie rapide
La pénurie devenant plus aiguë, le ministre Drainville a demandé, en janvier, aux universités de développer des passerelles en pédagogie de 30 crédits. Tous ses prédécesseurs avaient malheureusement refusé cette solution qui tombe sous le sens.
Vous avez un bac en français, mathématiques, anglais, histoire, géographie, etc., etc. ? Vous complétez ce parcours court (les 30 crédits) et vous voilà admissible au brevet.
La Téluq, dont tous les cours sont à distance, est toutefois la seule université (sur 13 candidates potentielles) qui a jusqu’à maintenant proposé un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) pour les niveaux préscolaire et primaire. Il sera disponible dès l’automne 2023. Le ministre Drainville souhaite étendre ce type de solution au niveau secondaire.
Résistance
Mais la résistance est forte. Fin mars, Jean Bélanger, le président de l’ADEREQ (Association des doyens, doyennes et directeurs, directrices pour l’étude et la recherche en éducation au Québec) déclarait : « On pense que le programme n’est pas suffisant pour obtenir le brevet d’enseignement. »
Dans Le Devoir hier, des professeurs de l’UQAM aussi s’élevaient contre les passerelles « Drainville » : « Diminuer les attentes de formation pour répondre à une crise à court terme […] ne constitue certainement pas une solution durable au double problème de la qualité de l’enseignement et de la constitution d’une solide relève enseignante. »
Les mots peuvent être trompeurs.
Permettre aux personnes diplômées dans une discipline d’accéder plus facilement au métier d’enseignant, est-ce vraiment diminuer « les attentes » ?
Au contraire, n’est-ce pas rendre le métier plus attrayant à des personnes possédant de solides formations disciplinaires ? Ça me semble être une manière de valoriser le savoir, les connaissances. Ceux qui appuient la solution des 30 crédits le soulignent. Souvent, ce sont des voix émanant du « terrain ».
Les universités, qui décernent des diplômes dans tous les domaines, devraient résister à la résistance émanant des départements de sciences de l’éducation. Et le ministre Drainville devrait insister pour persister dans cette voie.
Voir aussi
Des professeurs autrement qualifiés
Québec — Les intérêts du ministère et des syndicats au centre du système scolaire ?
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