AMENDES de 5 000 à 100 000 euros. Pour qui ? Pour les entreprises et les institutions en Italie qui utilisent des termes étrangers inutiles au lieu de l’équivalent italien. La proposition est de Fabio Rampelli, vétéran de la Fratelli d’Italia (le parti de la présidente du Conseil, Giogia Meloni) et premier signataire d’un projet de loi pour la défense de la langue italienne. Un durcissement des cursus universitaires en langues étrangères est également prévu.
L’utilisation fréquente de termes anglais a récemment été stigmatisée par l’ancien premier ministre et ancien chef de la Banque centrale européenne, Mario Draghi.
Liste diffusée sur les médias sociaux de 30 mots italiens pour remplacer les mots anglais à la mode |
L’année dernière, M. Draghi a reproché aux gens d’utiliser des termes étrangers pour tenter de paraître plus importants, affirmant que l’italien était une langue belle et expressive qui n’avait pas besoin d’être remplacée. Il a également observé que les nombreuses personnes qui ne connaissent pas l’anglais, le principal coupable, pâtissent de l’utilisation de mots étrangers qui leur sont inconnus.
Le Mouvement 5 étoiles (M5S), parti d’opposition, a accusé le parti Fratelli d’Italia d’incohérence puisque c’est ce parti qui a renommé le ministère de l’Industrie le « ministère du Made in Italy ». « M. Rampelli veut-il désavouer son collègue Adolfo Urso, le ministre des Entreprises et du Made in Italy ? »
Un Italien du Nord de l'Italie se promène dans sa ville non touristique et nous montre les anglicismes visibles dans la rue.
On trouvera ci-dessous la traduction non officielle du projet de loi en question.
Chambre des députés
Projet de loi n° 724
Déposé le 30 mars 2023
À L’INITIATIVE DE DÉPUTÉS
RAMPELLI, AMICH, CAIATA, CIABURRO, CIOCCHETTI, COLOMBO, COMBA, DE CORATO, GARDINI, LONGI, MAIORANO, MARCHETTO, ALIPRANDI, MILANI, PIETRELLA, POLO, POZZOLO, ROSCANI, FABRIZIO ROSSI, TESTA, TREMAGLIA, VIETRI, VINCI
Dispositions pour la protection et la promotion de la langue italienne et création du Comité pour la protection, la promotion et la valorisation de la langue italienne
Soumis le 23 décembre 2022
MESDAMES ET MESSIEURS ! — La langue italienne représente l’identité de notre nation, notre élément unificateur et notre patrimoine immatériel le plus ancien, qui doit être dûment protégé et valorisé.
La langue et la littérature italiennes, qui sont les quatrièmes langues et littératures les plus étudiées au monde, constituent une contribution extraordinaire de l’Italie à la culture mondiale : nous devons être conscients de ce patrimoine que nous avons hérité de notre passé et de notre histoire, et nous devons surtout apprendre à le considérer comme un bien commun de tous les citoyens italiens, que nous avons donc la tâche de la préserver et de la faire connaître.
Il ne suffit pas d’avoir un patrimoine, mais il faut être capable d’en saisir la signification réelle et de l’utiliser à bon escient.
Depuis des années, des universitaires, des experts et des institutions telles que l’Accademia della Crusca dénoncer la dévaluation progressive de notre langue et signalent l’importance d’une plus grande protection de l’italien et son utilisation également dans la terminologie administrative de l’État, de ses branches territoriales et des instruments de radiodiffusion culturelle publics et à capitaux publics, comme la RAI.
L’utilisation de plus en plus fréquente de termes en anglais ou issus du langage numérique est devenue une pratique communicative qui, loin d’enrichir notre patrimoine linguistique, l’appauvrit et le rabaisse.
L’utilisation de mots en anglais ou issus de la langue numérique est devenue une pratique de communication qui, loin d’enrichir notre patrimoine linguistique, l’appauvrit et le mortifie. Ces dernières années, les mots empruntés au monde anglo-saxon sont devenus de plus en plus nombreux, à tel point que l’on a créé le terme « itanglais » pour définir l’intrusion de mots anglais dans notre langue, souvent à la limite de l’abus.
Selon les dernières estimations, le nombre de mots anglais qui se sont retrouvés dans la langue italienne écrite a augmenté de 773 % depuis 2000 : près de 9 000 anglicismes sont actuellement présents dans le dictionnaire Treccani sur environ 800 000 mots de la langue italienne.
Une comparaison des anglicismes répertoriés dans le dictionnaire Devoto-Oli de 1990 et celui de 2022, par exemple, montre une augmentation d’environ 1 600 à 4 000, ce qui conduit à une moyenne de 74 par an.
Les facteurs qui ont conduit à cette évolution sont essentiellement les suivants : l’intrusion de jargons dialectaux propres au cinéma et à la télévision ; l’utilisation sans discernement de néologismes issus de la langue bureaucratique et scientifique ; l’infiltration excessive de mots empruntés à l’anglais, qui a atteint un niveau critique au cours des dernières décennies.
Ces xénismes (ces termes étrangers) obsessifs risquent cependant, à long terme, de conduire à un effondrement de l’usage de la langue italienne jusqu’à sa disparition progressive et, en particulier, l’usage et l’abus de termes étrangers risquent de pénaliser l’accessibilité de la démocratie participative.
La mondialisation et le monolinguisme stéréotypé de l’anglais constituent depuis longtemps un danger pour les langues locales.
La France et l’Espagne l’ont compris et ont pris des mesures, ce qui n’est pas le cas de l’Italie. En France, par exemple, la loi Toubon de 1994 a rendu obligatoire l’utilisation de la langue française dans les publications gouvernementales, les publicités, les lieux de travail, tous les types de contrats, les services, l’enseignement dans les écoles publiques et le commerce ; tout panneau public comportant un slogan en anglais avec un slogan en français est désormais un panneau avec une langue française.
La Constitution elle-même, contrairement à la Constitution italienne, consacre la défense du français comme langue de la République et reconnaît au citoyen le droit de s’exprimer et de recevoir toute information en français.
Paradoxalement, la langue italienne est mieux protégée en Suisse qu’ici. La Confédération suisse représente en fait un modèle de multilinguisme très avancé qui peut être considéré comme un exemple par rapport au monolinguisme international dominant basé sur l’anglais.
La Suisse compte quatre langues officielles et un riche patrimoine de dialectes. Comme l’italien n’est parlé que par 8,1 % de la population et qu’il est minoritaire par rapport à l’allemand (63,5 %) et au français (22,5 %), le Conseil fédéral a fait de la promotion de l’italien une priorité. Dans le cadre du Projet Culture 2016-2020, il a alloué des fonds pour renforcer la présence de la langue et de la culture italiennes dans l’enseignement et la formation bilingues, notamment par le biais d’une série d’événements culturels.
En Italie, en revanche, il n’y a pas de politique linguistique ; au contraire, la langue politique s’est de plus en plus anglicisée au cours du nouveau millénaire, introduisant des mots étrangers dans les lois, les institutions et le cœur de l’État.
Aujourd’hui, le multilinguisme européen est une valeur réelle qui doit être sauvegardée, surtout en raison de la domination internationale de la langue anglaise, qui est d’autant plus négative et paradoxale qu’avec le « Brexit », le pays même d’où cette langue est originaire a quitté l’Union européenne. La fonction d’une langue auxiliaire internationale est de rendre possible la communication entre des personnes de différentes nations qui ne partagent pas la même langue, favorisant ainsi le dialogue et la coopération ; cependant, elle devrait être proposée comme une deuxième langue à apprendre et non comme une langue qui remplace la langue maternelle.
Ceux qui ne parlent que l’italien aujourd’hui risquent l’échec de l’incommunicabilité, mais le risque encore plus grand est de perdre la beauté d’une langue complexe et riche comme la nôtre, sa « pulltion » suscitant de sérieuses inquiétudes q quant à son « état de santé ».
Il ne s’agit pas seulement d’une question de mode, car les modes passent, mais l’anglomanie se reflète dans les choix des institutions telles que les écoles et les universités, avec des répercussions sur l’ensemble de la société.
Dans ce contexte, la préservation de la langue italienne est une priorité absolue en termes de sécurité nationale et de protection de l’identité. Il est nécessaire de légiférer, comme en France, pour protéger notre patrimoine linguistique au niveau économique, social, culturel et professionnel, ainsi qu’à tout autre niveau jugé important. Il n’est plus permis d’utiliser des termes étrangers dont la correspondance italienne existe et est complètement exhaustive.
Ce projet de loi, qui vise à protéger le patrimoine linguistique, garantit l’utilisation de la langue italienne dans la jouissance des biens et des services, dans l’information et la communication, dans les activités scolaires et universitaires, ainsi que dans les relations de travail et dans les structures organisationnelles des organismes publics et privés. Elle prévoit également la création du Comité pour la protection, la promotion et la valorisation de la langue italienne, conçu comme un organe d’assistance au gouvernement national, au sein duquel les composantes politiques, culturelles et académiques peuvent échanger leurs points de vue dans leurs sphères d’influence respectives.
Ces dispositions constituent un frein à l’utilisation généralisée de termes étrangers au lieu de termes italiens et un outil pour éliminer les barrières linguistiques qui limitent la participation des citoyens italiens à la vie collective.
Article 1.
(Principes généraux)
1. La langue italienne est la langue officielle de la République, qui en promeut l’usage, la diffusion et la valorisation, tout en respectant la protection des minorités linguistiques, conformément à l’article 6 de la Constitution et à la loi n° 482 du 15 décembre 1999.
2. La République garantit l’usage de la langue italienne dans tous les rapports entre l’administration publique et le citoyen, sous réserve des dispositions de l’article 111, paragraphe 3, de la Constitution.
Art. 2.
(Utilisation de la langue italienne dans la jouissance de biens et de services)
1. La langue italienne est obligatoire pour la promotion et l’utilisation des biens et services publics sur le territoire national.
2. Les entités publiques et privées sont tenues de présenter en italien toute description, information, avertissement et documentation concernant les biens matériels et immatériels produits et distribués sur le territoire national.
3. L’indication des activités commerciales, des produits typiques, des spécialités et des zones géographiques avec un nom italien en langue étrangère sur les produits destinés au marché international doit être accompagnée du nom italien correspondant. La République favorise par tous les moyens la protection des dénominations italiennes dans les pays étrangers.
Art. 3.
(Utilisation de la langue italienne dans l’information et la communication)
1. Tout type et forme de communication ou d’information dans un lieu public ou ouvert au public ou provenant de fonds publics et destiné à l’intérêt public doit être diffusé en langue italienne.
2. Pour tout événement, conférence ou réunion publique organisé sur le territoire italien, l’utilisation d’outils de traduction et d’interprétation, également sous forme écrite, qui garantissent la parfaite compréhension du contenu de l’événement en italien, est obligatoire.
Art. 4.
(Utilisation de la langue italienne dans les institutions publiques et privées)
1. Les personnes qui occupent des postes dans les institutions italiennes, les administrations publiques, les entreprises publiques à participation majoritaire et les fondations dont le patrimoine est constitué de dons publics sont tenues, sans préjudice des règles d’égalité des langues [nationales] adoptées par les statuts particuliers des régions autonomes et des provinces autonomes de Trente et de Bolzano, de connaître et de maîtriser la langue italienne écrite et orale.
2. Les sigles et désignations des fonctions exercées dans les sociétés opérant sur le territoire national doivent être en langue italienne. L’utilisation d’acronymes et de désignations en langue étrangère est autorisée en l’absence d’équivalent en italien.
3. Les règlements intérieurs des entreprises opérant sur le territoire national doivent être rédigés en italien.
Tout document contenant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour que le salarié puisse effectuer son travail doit être rédigé en italien. Ces documents peuvent être accompagnés d’une traduction dans une ou plusieurs langues étrangères.
Art. 5.
(Utilisation de la langue italienne dans les contrats de travail)
1. L’article 1346 du Code civil est complété par l’alinéa suivant :
« Le contrat doit être conclu en langue italienne. Le contrat est traduit en langue étrangère si l’une des parties contractantes est résidente ou citoyenne d’un pays autre que l’Italie. »
2. Les dispositions du paragraphe 1 ne s’appliquent pas aux documents reçus de l’étranger ou destinés à l’étranger.
Art. 6.
(Utilisation de la langue italienne dans les écoles et les universités)
1. Dans les écoles de tous types et de tous niveaux, ainsi que dans les universités publiques italiennes, les offres éducatives qui ne sont pas spécifiquement destinées à l’apprentissage de langues étrangères doivent être en italien. Les cours de langue étrangère ne sont autorisés que s’ils sont déjà dispensés en italien, sauf exception justifiée par la présence d’étudiants étrangers, dans le cadre de projets de formation spécifiques, d’enseignants ou d’invités étrangers.
2. Les écoles étrangères ou les écoles spécifiquement destinées à des élèves de nationalité étrangère, ainsi que les
établissements à caractère international, ne sont pas soumis aux obligations énoncées au paragraphe 1.
Art. 7.
(Commission pour la protection, la promotion et la valorisation de la langue italienne)
1. La Commission pour la protection, la promotion et la valorisation de la langue italienne en Italie et à l’étranger est institué auprès du ministère de la Culture.
2. La commission visée au paragraphe 1 est composé du ministre de la Culture, ou de son délégué, qui le préside, un représentant de l’Accademia della Crusca, un représentant de la Société Dante Alighieri, un représentant de l’Institut Treccani, un représentant du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, un représentant du ministère de l’Éducation et du Mérite, un représentant du ministère de l’Éducation et du Mérite, un représentant du ministère des Universités et de la Recherche, un représentant du département de l’édition et de l’information de la présidence du Conseil des ministres, un représentant de la RAI (Radiotelevisione Italiana Spa) et trois parlementaires, désignés par accord entre les présidents des deux chambres. Les membres de la Commission n’ont droit à aucun jeton de présence, remboursement de frais ou autre émolument de quelque nature que ce soit.
3. Les membres de la Commission sont nommés par arrêté du ministre de la Culture.
4. Le président convoque la première réunion du comité dans les dix jours suivant la nomination de ses membres.
5. Le comité visé au paragraphe 1 promeut :
a) la connaissance des structures grammaticales et lexicales de la langue italienne ;
b) l’utilisation correcte de la langue italienne et de sa prononciation dans les écoles, les médias, le commerce et la publicité ;
c) l’enseignement de la langue italienne dans les écoles de tous niveaux et dans les universités ;
d) l’enrichissement de la langue italienne dans le but premier de mettre à la disposition des citoyens des termes adaptés à l’expression de toutes les notions du monde contemporain, en favorisant la présence de la langue italienne dans les nouvelles technologies de l’éducation et de la communication ;
e) au sein des administrations publiques, des formes d’expression linguistique simples, efficaces et immédiatement compréhensibles afin de faciliter et de clarifier la communication avec les citoyens, y compris au moyen d’outils informatiques ;
f) l’enseignement de la langue italienne à l’étranger, en accord avec la Commission nationale.
Art. 8.
(Sanctions)
1. La violation des obligations prévues par la présente loi entraîne l’application d’une sanction administrative consistant dans le paiement d’une somme comprise entre 5 000 et 100 000 euros.
Voir aussi
Italie — Le gouvernement Meloni pourrait accueillir 500 000 immigrants légaux cette année (m à j)
L’« extrême droite » a-t-elle gagné en Italie comme le prétendent Radio-Canada et l’AFP ?
Étude — La conversion des Européens aux « valeurs de droite »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire