mardi 14 décembre 2021

France — Malgré une forte demande, l’apprentissage du latin et du grec stagne dans les collèges et lycées

« L’étude du latin et du grec ancien est un complément indispensable à la formation de nos élèves pour en faire des citoyens éveillés, raisonnés et cultivés. » À 100 jours de la présidentielle, l’association de promotion des langues et cultures de l’Antiquité « Arrête ton char ! » interpelle les candidats sur l’avenir de l’enseignement des langues en France, après 2022.

« Dans cette drôle de campagne, on n’entend pas beaucoup parler d’éducation, et encore moins de latin et de grec, explique son président, Robert Delord, professeur de lettres classiques dans un collège de la Drôme. Pourtant la maîtrise des bases du latin permet d’asseoir la maîtrise de la langue française. »

Cible des attaques « woke »

« Je suis convaincu que nous devons à la fois proposer l’apprentissage des langues anciennes à davantage d’élèves et raffermir les liens entre cet enseignement et les autres disciplines », affirmait encore récemment le ministre de l’Éducation. Après avoir signé une déclaration avec ses homologues grec, italien et chypriote pour « promouvoir une Antiquité qui éclaire et nourrit le présent », Jean-Michel Blanquer annonçait le 15 novembre, dans une interview au Point, le développement des options latin et grec au collège et au lycée.

« Des lycéens canadiens ont brûlé L’Odyssée. Aux États-Unis, des universitaires rédigent des chartes pour décoloniser les auteurs antiques… Je trouve de telles interprétations absolument sidérantes », expliquait encore le ministre, alors que les cultures antiques sont aujourd’hui la cible des attaques woke.

Mais dans le même temps, la Rue de Grenelle, par un texte publié le 12 novembre, a mis fin au système de bonus dont pouvaient bénéficier les élèves présentant l’épreuve facultative de latin au bac. « Les élèves qui poursuivent l’option latin jusqu’au bac, soit six ans d’investissement dans cette option à des horaires souvent ingrats, vont perdre la bonification », résume le président de l’association « Arrête ton char ! », créée début 2015, juste avant que la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem vienne porter un coup fatal au latin.

Mais Robert Delord, n’est pas surpris. Le fossé entre les grandes déclarations politiques en faveur des langues anciennes et la réalité de leur enseignement est un grand classique. « On fait porter le chapeau à Jean-Michel Blanquer, mais il faut regarder du côté de Bercy, glisse-t-il. La volonté de faire des économies sur le dos des langues anciennes remonte à loin. » En 1969, c’est sous le mandat de Georges Pompidou, agrégé de lettres classiques, que fut supprimé l’apprentissage pour tous du latin en 5. L’année précédente, il avait déjà disparu du programme de 6. Il deviendra ensuite une initiation obligatoire en 5, avant que le ministre Claude Allègre la rende facultative à partir de 1998.

Une variable d’ajustement

« Jusqu’aux années 1960, on apprenait le français à travers le latin. Au début du XXe siècle, il n’y avait d’ailleurs pas de matière appelée “français”, rappelle Robert Delord. Si les élèves d’aujourd’hui maîtrisaient les bases du latin — avec sa grammaire rigoureuse, mais pas compliquée —, ils n’arriveraient pas en 3e sans reconnaître un sujet ou un complément d’objet », poursuit le professeur, qui ne veut pas « faire le vieux réac » mais se souvient avec amertume de cet enseignement du latin décrit, à gauche, comme « poussiéreux » et « élitiste », au moment de la réforme du collège, sous le quinquennat Hollande. Une réforme qui a achevé de faire du latin une variable d’ajustement, en mettant fin au « fléchage » des heures et en laissant l’organisation des enseignements à la main des chefs d’établissement.

Par ailleurs, au lycée, la réforme du bac de 2019 a créé 13 « spécialités », parmi lesquelles « langues et cultures de l’Antiquité ». Mais celle-ci est faiblement proposée par les établissements, à part dans les lycées réputés.

Chaque année, 500 000 élèves étudient le latin de la 6e à la terminale. Un chiffre qui n’a pas évolué depuis quarante ans. « La démocratisation du latin s’est arrêtée, car il y a un numerus clausus établi, de fait, par les chefs d’établissement. Pourtant, la demande est là ! affirme Robert Delord. Parmi les collégiens qui veulent s’inscrire en option latin, certains restent parfois sur le carreau. On choisit les meilleurs élèves — ce qui est une véritable erreur — ou on tire au sort. »

« L’autonomie des collèges et des lycées ne saurait avoir pour conséquence la dégradation de l’enseignement du latin et du grec », a pour sa part martelé Jean-Michel Blanquer, le 15 novembre, en annonçant, pour la rentrée prochaine, la mise en place dans chaque académie de missions chargées de veiller à cela.

Source : Le Figaro

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