vendredi 11 janvier 2013

Dérive théocratique de l'État détenteur de la vérité à inculquer à la jeunesse

Lettre ouverte d'Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l'école, publiée dans Les Échos. On remarquera que le gouvernement québécois fait exactement la même chose (voir aussi ici) qu'en France, mais que les médias sont unanimes pour le soutenir, des syndicats soutiennent ces dérives et les grands partis politiques acquiescent ou se taisent sur le sujet. Et cela dans une province qui prétend valoriser la diversité et le débat.

Dans sa lettre du 4 janvier adressée aux recteurs, Vincent Peillon affirme sa volonté de révolutionner la société en se servant de l’école : "le gouvernement s’est engagé à s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités, notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles", affirme-t-il en début de lettre. On remarque les termes : "s’appuyer sur la jeunesse" pour "changer les mentalités". Qui ? Le gouvernement.

En réalité, c’est donc lui qui choisit les orientations politiques et morales qui doivent prévaloir dans la société. Ce n’est plus la famille, l’école et la société adulte qui éduquent la jeunesse. Contrairement à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, c’est donc désormais l’État en France qui se pose en seul détenteur de la vérité. On assiste à une dérive théocratique de l’État républicain actuel. Et cette jeunesse, qui, par définition, ne possède pas encore les repères lui permettant de poser des choix par elle-même, il la mobilise dans le sens qu’il juge bon, selon le schéma de la révolution culturelle.

La position de Vincent Peillon est vraiment choquante. Lorsqu’il s’appuie sur la jeunesse comme moteur révolutionnaire, renouant avec l’esprit de 1968, le gouvernement sort à l’évidence de son rôle : il instrumentalise la jeunesse à des fins politiques, pour changer les représentations sexuelles et morales dominantes. Ce faisant, il change les règles du jeu au sein de l’École publique en abandonnant ostensiblement l’exigence de neutralité.

L’État sort également de son devoir de neutralité et de respect des droits éducatifs familiaux et de l’intimité des enfants lorsque le ministre demande aux recteurs de renforcer les campagnes d’information sur la ligne azur. Ainsi, contrairement à ce qui est affiché, il ne s’agit plus de lutter contre des stigmatisations homophobes en tant que telles, il s’agit bien plutôt d’inciter activement les jeunes en recherche d’identité (comme le sont par construction tous les adolescents) à explorer pour eux-mêmes la voie de l’homosexualité ou de la transsexualité.

De même, lorsque le ministre encourage les recteurs à faire intervenir davantage les associations de lutte contre l’homophobie, il encourage en pratique l’ingérence dans l’enceinte de l’école d’associations partisanes engagées dans la banalisation et la promotion des orientations sexuelles minoritaires, si l’on se réfère à la liste des associations agréées par l’Éducation nationale pour intervenir sur ces thématiques dans les établissements. Il favorise donc des prises de paroles unilatérales auprès des jeunes, sur un sujet qui n’a pas encore été tranché par le législateur. [Note du carnet : et même si la législature socialiste tranchait, pourquoi cela devrait-il se faire ? Elle est élue par un système électoral verrouillé qui favorise deux partis institutionnels et amplifie leur victoire.]

Tout cela relève-t-il vraiment du rôle de l’État ? Est-ce davantage le rôle de l’école ? Est-ce judicieux si l’on veut que les familles aient une relation confiante et paisible envers l’institution scolaire ? Si l’État se donne pour mission de promouvoir l’homosexualité, il prend la grave responsabilité de discriminer frontalement les familles attachées au modèle familial qui est celui que vit la grande majorité des Français, et de heurter les convictions de tous ceux, juifs, chrétiens, musulmans et bien d’autres, qui jugent que ce modèle est la seule référence conforme à la réalité naturelle et par là au bien de l’enfant.

Une telle politique de l’État alimentera infailliblement le communautarisme déjà à l’œuvre dans la société. Si l’État n’est pas neutre, s’il se sert de son pouvoir pour promouvoir au sein des services publics des options philosophiques, morales, sexuelles, religieuses particulières et nettement minoritaires, il conduira mécaniquement un nombre croissant de familles à déserter les services publics. Lorsque l’État refuse la neutralité, il prend la responsabilité d’alimenter une balkanisation politique, religieuse et morale de la société lourde de conséquences.

L’école, publique comme privée, doit se recentrer sur sa mission propre et se garder de vouloir traiter à chaud les sujets polémiques. En histoire comme dans les autres domaines de la connaissance, l’école ne doit pas se précipiter dans l’ultraactualité, au risque de manquer de rigueur, de recul critique, de discernement. Il ne convient pas davantage que l’école [publique?] conduise les jeunes – inconsciemment ou pas – à se prononcer publiquement sur leurs choix et opinions personnelles sur des sujets touchant aux convictions intimes (religion, politique, sexualité, etc.).

Ces prises de position n’ont pas de fonction éducative ; elles peuvent en revanche conduire les jeunes à révéler les opinions familiales, s’exposer eux-mêmes au jugement de leurs camarades ou de leurs professeurs, au mépris de leur droit à l’intimité et de leur liberté d’opinion, de conscience et de religion. À quoi bon voter dans l’isoloir si l’école trouve le moyen par le biais de vos enfants de connaître vos opinions politiques ?

Durant la période soviétique, comme durant d’autres périodes totalitaires, il était habituel de se servir des enfants pour démasquer et sanctionner les opinions dissidentes des parents. C’était l’époque de la délation par ses propres enfants. Revenir à de telles pratiques inhumaines et profondément immorales serait une grave régression de l’État de droit.

Non content enfin de mettre au pas les écoles publiques, le gouvernement entend aussi museler les écoles privées en bafouant clairement leur caractère propre. Il est évident que les écoles dont le projet éducatif et l’identité sont fondés sur la foi seront opposées à la légalisation du mariage homosexuel. Leur demander d’être neutres sur ce sujet n’a aucun sens, si ce n’est celui de leur faire renier purement et simplement leur vocation spécifique.

"Le caractère propre de ses établissements ne saurait leur permettre de déroger au strict respect de tous les individus et de leurs convictions", affirme le ministre. La formulation dialectique est habile, car qui peut s’opposer au respect des individus et de leurs convictions ? Mais elle est doublement défectueuse. Philosophiquement, car elle passe par pertes et profits la différence fondamentale qui existe entre la critique d’une position politique ou morale et celle d’une personne. On respecte les personnes, on débat librement des idées. S’il fallait respecter toutes les opinions sans discuter, cela voudrait dire qu’il serait interdit d’étudier le fond des problèmes.

Mais bien entendu, la réalité est autre : il s’agit de réprimer les vues différentes de l’idéologie officielle. S’il est interdit de penser et de débattre sur un sujet comme le supposé mariage de deux personnes d’un même sexe, cela veut dire que pour ne pas se faire traiter d’homophobe on est contraint de fait d’accepter le mariage homosexuel. Que reste-t-il alors de la liberté de penser ?

Politiquement en outre la formulation est défectueuse. Les établissements catholiques respectent les convictions de leurs élèves, mais sont catholiques, c’est leur raison d’être, protégée par toutes les déclarations et instruments juridiques relatifs aux Droits de l'Homme.

En revanche l’Éducation nationale, du moins telle que la voient nos dirigeants, impose sous couvert d’égalité et de lutte contre les discriminations la promotion active de l’homosexualité, présentée comme un des rares comportements humains échappant par nature à tout débat. Où est la neutralité du service public d’Éducation ? Où est le respect des convictions de citoyens ?







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