jeudi 8 juillet 2010

Problème juridique complexe et délicat

Michel Lebel, ancien professeur des droits et libertés de la personne, a publié cet article sur le jugement Loyola.


L'abbé Raymond Gravel, dans un texte publié dans Cyberpresse le 28 juin, estime qu'il y a « un problème éthique de taille » dans le fait que deux jugements de la Cour supérieure arrivent à des conclusions différentes sur des affaires portant sur le Cours d'éthique et de culture religieuse(ECR). Je ne dirais pas que c'est « un problème éthique » mais plutôt un certain différend juridique entre deux magistrats, explicables en bonne partie en raison des faits distincts ayant donné naissance aux causes respectives. Sur le fond, il faut toutefois reconnaître qu'il y a des ressemblances entre les deux litiges. Il appartiendra aux cours d'appel, il faut le souhaiter, de réunir ces deux affaires.

La question centrale est ici la suivante : le cours ECR, obligatoire pour chaque année du programme des élèves du primaire et secondaire, viole-t-il la liberté religieuse de certains parents d'élèves et de certains professeurs ? Ma réponse est oui, parce que je ne crois pas que dans les faits pareil enseignement ne puisse pas brimer cette liberté religieuse. Séparer l'aspect culturel de celui de la croyance lors de l'étude du fait religieux par des enfants et des jeunes personnes me paraît une vue de l'esprit, une impossibilité pratique. Une vue de l'esprit tant pour les élèves que leurs professeurs. Je reconnais cependant d'emblée qu'une évaluation différente de ce cours puisse être faite. Seule une preuve sérieuse pourra amener à une conclusion précise à cet égard.

Ceci étant dit, je reconnais à l'État le droit de mettre sur pied un tel cours ECR, mais je reconnais aussi, au nom de la liberté religieuse, le droit des parents d'exempter leurs enfants de suivre pareil cours et des professeurs de le donner. La même règle devrait s'appliquer tant aux écoles publiques que privées. Si une mesure réparatrice limitée d'exemption s'avère juridiquement impossible, il faudra conclure à l'inconstitutionnalité, donc à la nullité du programme ECR.

Au nom de la séparation de l'Église et de l'État, je préférerais cependant que l'État s'abstienne de tout enseignement religieux, y inclus le cours ECR, dans les écoles publiques. Les écoles privées confessionnelles auraient toutefois le droit de donner un enseignement de leur religion, ce qui serait conforme à la Charte québécoise des droits et libertés et au droit international de la personne.

Tout ce sujet de l'enseignement religieux dans les écoles est fort complexe et délicat. Chaque pays a sa façon de traiter la question. Il appartiendra sans doute maintenant aux plus hauts tribunaux du pays d'y apporter un éclairage important.




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