mardi 3 janvier 2023

France — Aucun lien avéré entre « séparatisme » et instruction à la maison

Le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye
Le ministère de l’Éducation française a communiqué fin novembre, sur demande il y a plusieurs de l’association Les Enfants d’abord, les rapports bisannuels de la Dgesco sur l’instruction en famille (IEF) pour les années 2019/2020 et 2021/2022. Ils arrivent à la fin d’une procédure judiciaire en cours avec le ministère de l’Éducation nationale.

enquête 2019-2020

enquête 2021-2022

Dans un contexte où le gouvernement prétend que l’IEF représente une menace pour l’intégrité de la République, au point d’avoir mobilisé un temps, une énergie, et des moyens financiers considérables énormes sur le projet de loi, sur les différents recours, et sur la poursuite des familles, pour y porter la plus grande atteinte possible, l’association Les enfants d’abord se montre très étonnée que les rapports 2021/22 soient réduits à un document de 2 pages, ridiculement — et de plus en plus — pauvre en informations. La logique aurait voulu au contraire qu’il se donne les moyens d’une enquête approfondie. Mais le ministère sait pertinemment que ses allégations ne seraient pas confirmées par de telles enquêtes, comme elles ne l’ont jamais été par le passé. Cette réticence à la délivrance d’informations confirme une fois de plus son hypocrisie quant aux inquiétudes avancées.

Les rapports se suivent et se ressemblent depuis des années, voici les éléments que nous pouvons toutefois relever :

  • la courbe suit, depuis plusieurs années maintenant, une augmentation constante. Pour 2021/22, on note une hausse de 50 % du nombre d’enfants en IEF après le confinement.
  • au niveau sociologique, pour 2019/20 et comme par le passé, il y a toujours plus de garçons que de filles instruits en famille.
  • le nombre de jeunes hors CNED est toujours en croissance.
  • des contrôles pédagogiques réalisés en très grande partie et toujours aussi satisfaisants.
  • des mises en demeure et saisine du procureur à la marge et une administration qui a les moyens de faire le suivi de toutes les situations.
  • des chiffres absents en 21/22 sur les raisons ou motivations de l’IEF et le sexe des jeunes.
  • aucun chiffre ne vient étayer la thèse de « séparatisme » (euphémisme étrange) ou radicalisation en IEF.

[Note sur le terme de séparatisme : qu’est-ce que cet euphémisme recouvre exactement ? Est-ce que des gens qui refusent la société de consommation, qui veulent se séparer d’un monde matérialiste et superficiel font preuve de séparatisme ? Est-ce devenu interdit en France ? Plus de hippies ? Plus de moines ? De quel séparatisme veut-on parler ? De l’islamisme ? Mais celui-ci se porte très bien dans les écoles publiques de la République, car ce sont des quartiers entiers qui se sont séparés, bientôt des villes entières qui ne ressemblent plus à la France historique. Nul besoin d’enseigner l’école à la maison à ses enfants, les profs « laïcs » de la République ne heurtent pas sérieusement les préceptes des musulmans (ce serait islamophobe, voire raciste), de toute façon ces enseignants sont vus avec méfiance pour ce qui a trait à l’histoire, la morale, la religion. Que l’on sache les terroristes islamistes qui ont frappé la France et la Belgique n’ont pas été instruits à la maison… Voir Salah Abdeslam qui a fréquenté une école publique en Belgique, Abdelhamid Abaaoud qui lui a même été inscrit, un an, dans un collège catholique dans une banlieue huppée de Bruxelles, les frères Kouachi élevés dans des écoles publiques françaises, idem pour Karim Mohamed-Aggad, un des tueurs du Bataclan élevé en Alsace, etc.]

En 2019/20, 48 008 jeunes étaient déclarés en IEF, on passe à 72 369 jeunes en 2021/22. En France, comme dans le monde, le nombre d’enfants instruits en famille est en croissance régulière chaque année, mais reste toutefois très minoritaire (de l’ordre de 0,5 % des jeunes en âge d’être scolarisés) et de courte durée (50 % des enfants sont en IEF une année ou moins et 2/3 ne le sont plus au bout de deux ans.

Cette augmentation serait-elle le signe de la montée des « séparatismes » ? Il est à noter que la crise sanitaire est la raison majoritaire de cette augmentation. Cependant, elle ne peut à elle seule l’expliquer totalement. Les enquêtes indiquent également que de plus en plus d’enfants [2/3] sont notamment victimes de harcèlement, phobie scolaire ou ont des difficultés d’apprentissage dans un système scolaire qui ne leur est pas adapté, et qui se dégrade, et de plus en plus de parents sont également soucieux de respecter le rythme de leur enfant et d’utiliser des pédagogies actives.

Les contrôles sont toujours aussi satisfaisants, rien ne justifiait donc les préoccupations quant au droit à l’instruction qui ont été émises par le Gouvernement afin de légitimer les importantes restrictions. Ainsi, en 2019/20 : 92 % des 1ers contrôles sont satisfaisants et 90,4 % en 2021/22. En cas d’insatisfaction au premier contrôle, un second contrôle doit être réalisé.

Notons que l’instruction à la maison constitue une économie pour l’État en 2021/2022 de près de 400 millions d’économies pour l’État [7000 euros par écoliers]. Le rapport de 2019/20 permet de constater le nombre d’enfants concernés par les motifs prévus dans le questionnaire de l’administration :

Pour les familles inscrites au CNED réglementé :

  • 60,5 % des enfants sont itinérants
  • 26,9 % des enfants suivent des soins médicaux en famille
  • 6,8 % des enfants suivent des activités artistiques ou sportives
  • le handicap ne représente que 1,9 % et l’éloignement géographique d’un établissement scolaire 0,8 %.

Le CNED est le Centre national d’éducation à distance, il dispense des cours qui suivent le programme officiel français. En classe réglementée, les élèves suivent toutes leur scolarité à distance. Ces cours du CNED en classe complète permettent de préparer les examens nationaux, tels que le brevet et le baccalauréat. Cette inscription en classe réglementée est depuis peu soumise à autorisation [plutôt que simple déclaration]. On peut aussi s’inscrire au CNED en inscription libre pour un cours particulier ou même tous les cours d’une année [on ne satisfait pas alors à l’obligation scolaire en France, même lorsque l’on suit tous les cours du programme].

Pour les familles hors CNED réglementé dont les raisons invoquées sont prévues par l’administration [20,8 %] on trouve notamment : 5,9 % : inadaptation au système scolaire

  • 2,9 % : des problèmes de santé
  • 2,1 % : itinérance des parents en France
  • 1,8 % la phobie scolaire.
  • Le motif religieux ne représente que 0,6 %.

Tout cela montre que les exigences apparues progressivement au fil de cette attaque législative, puis réglementaire, puis judiciaire contre l’IEF n’ont jamais eu la vocation de préserver cette liberté pour les familles, mais bien au contraire de réduire toutes les possibilités leur permettant d’y recourir.

Intimidations et phobies en hausse, restrictions draconiennes de la part du CNED

Les enquêtes de l’association Les Enfants d’abord indiquent également que de plus en plus d’enfants [2/3] sont notamment victimes de harcèlement, phobie scolaire ou ont des difficultés d’apprentissage dans un système scolaire qui ne leur est pas adapté, et qui se dégrade, et de plus en plus de parents sont également soucieux de respecter le rythme de leur enfant et d’utiliser des pédagogies actives.

Ces raisons pédagogiques et liées au bien être de l’enfant expliquent sans doute également en partie l’augmentation du nombre de jeunes qui s’instruisent hors CNED réglementé versus CNED [65 % en 2019/20, 72 % en 2021/22], mais les motifs de cette augmentation sont également à rechercher en grande partie dans le fait que l’accès au CNED réglementé est de plus en plus rationné par l’administration, même pour les familles qui peuvent en bénéficier, en raison du déficit du CNED et de la baisse de la dotation publique. Le CNED réglementé est autorisé uniquement dans une situation de handicap, itinérance, pratiques sportives et artistiques de haut niveau, mais dans des conditions de plus en plus draconiennes.

Baisse du nombre d’élèves à la maison en 2022 ?

D’après des chiffres qui ont circulé officieusement cet été, il semble que les effectifs de jeunes en IEF aient baissé fortement à la rentrée 2022. Le ministère de l’Intérieur se félicite, dans son bilan de la loi séparatisme, d’une baisse de 30 % des effectifs pour cette rentrée scolaire.

Ce bilan n’est pourtant pas à mettre au bénéfice de la lutte contre le séparatisme, mais plutôt de l’atteinte aux libertés et à l’intérêt supérieur de l’enfant. Aucun refus d’autorisation relevé cette année par les associations n’a mis en évidence de cas problématique à ce niveau, les nombreux refus portant plutôt sur la négation de toute possibilité de choix, même pédagogique, de la part des familles, voire sur l’absence de démonstration d’une « impossibilité à scolariser ». Le nombre de refus d’autorisation pour les 1res demandes, motif 4 [correspondant à « la situation propre de l’enfant »] atteint en effet presque 100 % dans certaines académies, comme à Besançon, Nice, Toulouse, Orléans/Tours.

Concernant les familles qui étaient régulièrement en IEF l’année dernière et qui pouvaient bénéficier d’une autorisation de plein droit, on note que 20 % ont toutefois été rejetées selon notre enquête et dans les académies sus-citées, ce sont parfois plus de la moitié des demandes de plein droit qui ont été refusées.

Source

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