Au début de cette semaine, de nombreux gros médias dont l’AFP, Radio-Canada, le New York Times et la RTBF belge ont répercuté — sans aucun esprit critique ni mise en contexte — une étude alarmiste sur la hausse du niveau de la mer d’ici 2050. Selon Radio-Canada, 300 millions de personnes seraient menacées par la montée des océans dans 30 ans (voir la capture d’écran ci-dessous).
Gros média parmi les gros médias, le New York Times a relayé illico cette étude sur l’élévation du niveau des mers, hausse « évidemment » due au changement climatique et qui devrait tripler, d’ici à 2050, le nombre de personnes menacées de submersion. Publiée par Climate central, une organisation regroupant scientifiques et journalistes dont le but est de porter à la connaissance du public des informations relatives au changement climatique et à son impact sur les populations.
L’écologiste « sceptique » Bjorn Lomborg a démonté le traitement que le New York Times faisait de cette étude sur l’élévation du niveau de la mer. Un appel à cesser de systématiquement dramatiser les données scientifiques.
Effrayer le lecteur
La médiatisation faite par les gros médias comporte cependant plusieurs biais visant surtout à effrayer les lecteurs plutôt qu’à les informer. Biais que Bjorn Lomborg, ancien activiste reconverti en « écologiste sceptique », du nom de son succès de librairie publié en 2004, s’est plu à décortiquer.
Premier biais : publier une carte d’une région donnée, en l’occurrence le Sud du Vietnam, en indiquant en rouge quelles seront les zones susceptibles de submersion en 2050 (à savoir la quasi-totalité de cette région) en omettant de préciser que ce même pays est déjà en zone inondable et qu’une population très nombreuse y vit pourtant fort bien, usant du bateau pour se déplacer, par exemple dans le delta du Mékong. Ne pas le préciser revient à faire croire que le pays va passer d’une situation normale (les pieds au sec) à une situation anormale (les pieds dans l’eau), du fait du réchauffement climatique, alors que les habitants vivent depuis longtemps dans des zones inondables, s’y sont depuis longtemps adaptés et devraient continuer à pouvoir le faire quand on considère la faible hausse prévue du niveau marin1.
Autre biais, qui lui est connexe : jouer sur la peur engendrée par l’idée même de submersion. Comme le faisait remarquer Bjorn Lomborg, des millions de personnes vivent déjà sous le niveau de la mer — aux Pays-Bas notamment — et n’ont pas été pour autant transformées en migrants climatiques. L’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, 14e plate-forme mondiale pour ce qui est du nombre de passagers, serait ainsi, à en croire le New York Time, condamné à brève échéance. « C’est oublier l’existence d’un objet comme la digue », ironise l’ancien militant de Greenpeace. En appliquant à la Hollande le traitement qu’ils réservent au Vietnam, les rédacteurs du New York Times auraient dû dire que ce pays était dès aujourd’hui « sous les eaux à marée haute » et donc inhabitable, ce qui bien évidemment n’est pas le cas. Ils n’ont pas osé, ils ont préféré mentionné des régions asiatiques exotiques remettant au goût du jour l’ancien adage « A beau mentir qui vient de loin ».
Autre aspect de l’urgence climatique épinglé par Lomborg : l’inefficacité des mesures politiques envisagées pour censément sauver l’humanité du désastre annoncé. Pour reprendre le cas du Vietnam et du nombre de personnes menacées par la montée des eaux, l’étude du Climate central montre que passer d’une politique mondiale haut-carbone à une politique mondiale bas-carbone (au prix de mesures coercitives coûteuses) n’améliorerait le sort que d’un million de personnes… sur 24 millions ! Mettre les économies des pays développés sens dessus dessous, détruire purement et simplement leurs industries ou réseaux de production d’énergie, ponctionner des milliers de milliards de dollars en culpabilisant des populations entières, fragiliser les économies des pays en développement, tout ceci pour améliorer, peut-être, et en 2050, le quotidien de 5 % des habitants d’un pays donné, en les soustrayant à des conditions de vie dont ils s’accommodent déjà fort bien, comme d’autres avec eux sur la planète. Voilà l’avenir que nous dessine l’urgence climatique revue et corrigée par le New York Times — et bien d’autres médias avec lui.
C’est ainsi que le diffuseur public belge, la RTBF, a repris la dépêche catastrophiste de l’AFP en y ajoutant 40 millions de personnes menacées, pour ce diffuseur subventionné il y aurait en effet 340 millions de personnes menacées... La RTBF ajoutait une carte des côtes belges menacées oubliant — comme le New York Times — de mentionner qu’il s’agirait de zones inondables une ou deux fois par an (en l’absence de digues) et que la Belgique a déjà de ces polders, ces zones habituées situées sous le niveau de la mer aujourd’hui, en 2019.
L’existence de ces polders est bien connue. De telles zones existent aussi dans le Nord de la France dans la région des watergangs ou wateringues, près de Dunkerque. Enfin, c’est aussi le cas dans la région de Kamouraska au Québec, ces polders y sont protégés par des digues nommées aboiteaux.
L’alarmisme de l’article était trop évident. Deux jours plus tard, la RTBF corrigeait le tir : « Non, Bruges ou Termonde ne seront pas en bord de mer en 2050 ». Frank Pattyn, glaciologue à l’Université libre de Bruxelles (ULB), relativisait cet article trop sensationnaliste : « les auteurs [de l’étude] se sont appuyé sur des études qui prennent un compte une élévation du niveau des mers plus importante, mais aussi moins probable que celle avancée dans d’autres études, c’est-à-dire 2 mètres d’élévation que plutôt que 1 mètre. » Notons que ce mètre de hausse est lui-même supérieur à la plus haute des prévisions du Rapport 5 du GIEC où le pire scénario (RPC8.5) ne prévoit qu’une hausse de 0,82 m. La hausse du niveau de la mer varie d’un endroit à l’autre sur la planète, car la plaque continentale s’affaisse dans certaines régions (l’Atlantique canadien) mais se soulève dans d’autres (presque tout le Canada et le Québec), voir Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète... Est-ce grave ?
« Cette étude ne détermine pas où se trouveront les côtes dans le futur, mais bien jusqu’où rentrera[it en absence de digues] l’eau en cas d’inondation lors des hautes marées. Ces hautes marées ont lieu une à deux fois par an et peuvent provoquer des rentrées d’eau de mer via les estuaires vers l’intérieur des terres. Ces nouvelles cartes nous indiquent des zones, en rouge, qui peuvent être inondées 1 fois par an. » En résumé, les zones rouges le long de la côte belge n’indiquent pas des zones inondées en permanence, mais bien des endroits à risque quand on néglige la présence de digues.
À la question de savoir si, en 2050, selon cette étude, il sera dangereux pour les gens de vivre dans ces zones, Frank Pattyn répond : « Non ce n’est pas dangereux en soi, mais le risque d’inondation est accru. Si la Belgique ne réagit pas, les inondations seront très importantes. Il faut donc adapter nos infrastructures, comme aux Pays-Bas où de nombreux aménagements ont été faits et sont planifiés. » Adaptation nettement moins coûteuse que les mesures préconisées par ceux qui veulent imposer une politique mondiale « bas-carbone ».
Voir aussi
Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète... Est-ce grave ?
Gros média parmi les gros médias, le New York Times a relayé illico cette étude sur l’élévation du niveau des mers, hausse « évidemment » due au changement climatique et qui devrait tripler, d’ici à 2050, le nombre de personnes menacées de submersion. Publiée par Climate central, une organisation regroupant scientifiques et journalistes dont le but est de porter à la connaissance du public des informations relatives au changement climatique et à son impact sur les populations.
L’écologiste « sceptique » Bjorn Lomborg a démonté le traitement que le New York Times faisait de cette étude sur l’élévation du niveau de la mer. Un appel à cesser de systématiquement dramatiser les données scientifiques.
« Le Sud du Vietnam pourrait bien disparaître en 2050 » selon le New York Times |
Effrayer le lecteur
La médiatisation faite par les gros médias comporte cependant plusieurs biais visant surtout à effrayer les lecteurs plutôt qu’à les informer. Biais que Bjorn Lomborg, ancien activiste reconverti en « écologiste sceptique », du nom de son succès de librairie publié en 2004, s’est plu à décortiquer.
Premier biais : publier une carte d’une région donnée, en l’occurrence le Sud du Vietnam, en indiquant en rouge quelles seront les zones susceptibles de submersion en 2050 (à savoir la quasi-totalité de cette région) en omettant de préciser que ce même pays est déjà en zone inondable et qu’une population très nombreuse y vit pourtant fort bien, usant du bateau pour se déplacer, par exemple dans le delta du Mékong. Ne pas le préciser revient à faire croire que le pays va passer d’une situation normale (les pieds au sec) à une situation anormale (les pieds dans l’eau), du fait du réchauffement climatique, alors que les habitants vivent depuis longtemps dans des zones inondables, s’y sont depuis longtemps adaptés et devraient continuer à pouvoir le faire quand on considère la faible hausse prévue du niveau marin1.
Autre biais, qui lui est connexe : jouer sur la peur engendrée par l’idée même de submersion. Comme le faisait remarquer Bjorn Lomborg, des millions de personnes vivent déjà sous le niveau de la mer — aux Pays-Bas notamment — et n’ont pas été pour autant transformées en migrants climatiques. L’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, 14e plate-forme mondiale pour ce qui est du nombre de passagers, serait ainsi, à en croire le New York Time, condamné à brève échéance. « C’est oublier l’existence d’un objet comme la digue », ironise l’ancien militant de Greenpeace. En appliquant à la Hollande le traitement qu’ils réservent au Vietnam, les rédacteurs du New York Times auraient dû dire que ce pays était dès aujourd’hui « sous les eaux à marée haute » et donc inhabitable, ce qui bien évidemment n’est pas le cas. Ils n’ont pas osé, ils ont préféré mentionné des régions asiatiques exotiques remettant au goût du jour l’ancien adage « A beau mentir qui vient de loin ».
Autre aspect de l’urgence climatique épinglé par Lomborg : l’inefficacité des mesures politiques envisagées pour censément sauver l’humanité du désastre annoncé. Pour reprendre le cas du Vietnam et du nombre de personnes menacées par la montée des eaux, l’étude du Climate central montre que passer d’une politique mondiale haut-carbone à une politique mondiale bas-carbone (au prix de mesures coercitives coûteuses) n’améliorerait le sort que d’un million de personnes… sur 24 millions ! Mettre les économies des pays développés sens dessus dessous, détruire purement et simplement leurs industries ou réseaux de production d’énergie, ponctionner des milliers de milliards de dollars en culpabilisant des populations entières, fragiliser les économies des pays en développement, tout ceci pour améliorer, peut-être, et en 2050, le quotidien de 5 % des habitants d’un pays donné, en les soustrayant à des conditions de vie dont ils s’accommodent déjà fort bien, comme d’autres avec eux sur la planète. Voilà l’avenir que nous dessine l’urgence climatique revue et corrigée par le New York Times — et bien d’autres médias avec lui.
C’est ainsi que le diffuseur public belge, la RTBF, a repris la dépêche catastrophiste de l’AFP en y ajoutant 40 millions de personnes menacées, pour ce diffuseur subventionné il y aurait en effet 340 millions de personnes menacées... La RTBF ajoutait une carte des côtes belges menacées oubliant — comme le New York Times — de mentionner qu’il s’agirait de zones inondables une ou deux fois par an (en l’absence de digues) et que la Belgique a déjà de ces polders, ces zones habituées situées sous le niveau de la mer aujourd’hui, en 2019.
L’existence de ces polders est bien connue. De telles zones existent aussi dans le Nord de la France dans la région des watergangs ou wateringues, près de Dunkerque. Enfin, c’est aussi le cas dans la région de Kamouraska au Québec, ces polders y sont protégés par des digues nommées aboiteaux.
La région des polders est en orange protégée par un fin liséré jaune (les dunes côtières) |
L’alarmisme de l’article était trop évident. Deux jours plus tard, la RTBF corrigeait le tir : « Non, Bruges ou Termonde ne seront pas en bord de mer en 2050 ». Frank Pattyn, glaciologue à l’Université libre de Bruxelles (ULB), relativisait cet article trop sensationnaliste : « les auteurs [de l’étude] se sont appuyé sur des études qui prennent un compte une élévation du niveau des mers plus importante, mais aussi moins probable que celle avancée dans d’autres études, c’est-à-dire 2 mètres d’élévation que plutôt que 1 mètre. » Notons que ce mètre de hausse est lui-même supérieur à la plus haute des prévisions du Rapport 5 du GIEC où le pire scénario (RPC8.5) ne prévoit qu’une hausse de 0,82 m. La hausse du niveau de la mer varie d’un endroit à l’autre sur la planète, car la plaque continentale s’affaisse dans certaines régions (l’Atlantique canadien) mais se soulève dans d’autres (presque tout le Canada et le Québec), voir Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète... Est-ce grave ?
« Cette étude ne détermine pas où se trouveront les côtes dans le futur, mais bien jusqu’où rentrera[it en absence de digues] l’eau en cas d’inondation lors des hautes marées. Ces hautes marées ont lieu une à deux fois par an et peuvent provoquer des rentrées d’eau de mer via les estuaires vers l’intérieur des terres. Ces nouvelles cartes nous indiquent des zones, en rouge, qui peuvent être inondées 1 fois par an. » En résumé, les zones rouges le long de la côte belge n’indiquent pas des zones inondées en permanence, mais bien des endroits à risque quand on néglige la présence de digues.
À la question de savoir si, en 2050, selon cette étude, il sera dangereux pour les gens de vivre dans ces zones, Frank Pattyn répond : « Non ce n’est pas dangereux en soi, mais le risque d’inondation est accru. Si la Belgique ne réagit pas, les inondations seront très importantes. Il faut donc adapter nos infrastructures, comme aux Pays-Bas où de nombreux aménagements ont été faits et sont planifiés. » Adaptation nettement moins coûteuse que les mesures préconisées par ceux qui veulent imposer une politique mondiale « bas-carbone ».
Note 1 : On rappelle que, selon le dernier rapport du GIEC (AR5), pour la période allant de 2081 à 2100 par rapport à 1986-2005, l’élévation moyenne du niveau de la mer au niveau mondial devrait se situer entre 0,26 et 0,55 m pour le scénario RCP2.6, de 0,32 à 0,63 m pour le RCP4.5 de 0,33 à 0,63 m pour le RCP6.0 et de 0,45 à 0,82 m pour le RCP8.5. Et ceci si les modèles sont fiables, or ils ont tendance à surestimer le réchauffement climatique par rapport aux valeurs observées. Voir John Christy : « Les modèles climatiques surchauffent ». Les quatre scénarios du GIEC sont nommés d’après la gamme de forçage radiatif obtenue pour l’année 2100 : le scénario RCP2.6 correspond à un forçage de +2,6 W/m2, le scénario RCP4.5 à +4,5 W/m2, et de même pour les scénarios RCP6 et RCP8.5. Plus la valeur de forçage radiatif est élevée, plus le système terre-atmosphère gagne en énergie et se réchauffe. Le scénario RCP8.5 est peu probable pour plusieurs raisons : il suppose une croissance démographique très soutenue et rapide (un doublement de la population de la Terre à 12 milliards alors que même l’ONU prévoit plutôt 10,9 milliards en 2100), une faible « innovation technique, une croissance lente du PIB mondial, une augmentation massive de la pauvreté mondiale, et une plus forte consommation d’énergie fossile alors que celle-ci se tariront probablement et coûteront donc plus cher ce qui en limitera la consommation.
Voir aussi
Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète... Est-ce grave ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire