mercredi 5 décembre 2012

Espagne — Madrid engage la bataille linguistique avec la Catalogne et le Pays Basque

Le gouvernement espagnol compte renforcer son contrôle sur l’éducation, une compétence jusqu’ici partagée avec les communautés autonomes.

Le projet de réforme de l’éducation prévoit d’imposer à la Catalogne la mise en place de cursus scolaires en castillan.

Comment est organisé l'enseignement en Catalogne ?

Dès les premiers pas de son autonomie, à la fin des années 1970, la Catalogne a mené une vaste politique en faveur de la généralisation et de la normalisation du catalan, resté très vivant, bien qu’invisible en raison de son interdiction sous le franquisme. « La Catalogne a fait le choix d’un modèle de société, avec une école de l’intégration au travers d’une politique de l’immersion linguistique », rappelle le politologue Gabriel Colomé. Tous les élèves de Catalogne ont, depuis lors, un enseignement dispensé en catalan, avec des cours en castillan. Ce qui permet de pérenniser la langue minoritaire, épine dorsale de la nation catalane.

« Cela fait aussi du catalan la langue et le projet de vie communs pour tous les habitants. Chacun, d’où qu’il vienne, peut garder son identité, sa langue et sa culture, tout en faisant partie d’une même communauté », plaide Josep-Anton Fernandez, l’un des responsables de l’ONG de défense de la langue Plataforma per la llengua. Résultat : 78 % des résidents en Catalogne parlent le catalan ; les élèves obtiennent des résultats aux examens en castillan comparables à ceux des autres régions espagnoles et les Catalans, bilingues catalan-castillan, passent de l’un à l’autre en permanence.

Que changerait le projet de loi ?

Le ministre espagnol de l’éducation, José Ignacio Wert, sociologue réputé, marqué à droite, proche de l’ancien chef de gouvernement José Maria Aznar, entend bien donner corps à ses convictions : le 10 octobre dernier, il avait déclaré qu’il était temps « d’espagnoliser les élèves catalans ». Son projet de loi sur « l’amélioration de la qualité éducative », dévoilé en début de semaine, incarne la vision dite « centraliste » et « espagnoliste » du gouvernement dirigé par le Parti populaire.

Il prévoit de renforcer le pouvoir de l’État en matière de contenus scolaires, l’éducation étant jusqu’à présent une compétence partagée entre l’État et les communautés autonomes et une source permanente de frictions avec la Catalogne, très soucieuse de ses prérogatives en la matière. En l’occurrence, le projet de réforme envisage de « rééquilibrer » les enseignements en catalan et castillan, de créer des écoles en castillan et d’organiser un baccalauréat sans épreuve de catalan.

« Le texte a été reçu comme une bombe en Catalogne », affirme Xavier Arbos, professeur de droit constitutionnel à l’université de Barcelone. « L’arrêt de la Cour constitutionnelle de juin 2010, qui a annulé des pans entiers du nouveau statut d’autonomie, a affaibli la politique d’immersion linguistique de la Catalogne », explique le juriste, tout en estimant que la situation, juridiquement complexe, promettait d’ouvrir une nouvelle période de contentieux entre l’Espagne et la Catalogne.

« Ce projet caricatural ne restera pas en l’état, mais il lance le débat pour affaiblir le catalan », redoute le sociologue Jordi Vives. En réaction, la Generalitat (gouvernement et parlement catalan) a boycotté hier la réunion ministérielle sur la politique universitaire. Son président, Artur Mas, a dénoncé « la claire offensive » de Madrid et annoncé la tenue d’un sommet sur le sujet le 12 décembre. Un appel à manifester a été lancé pour le 13 décembre. Le ministre Wert a, quant à lui, convoqué une nouvelle réunion le 19 décembre.

Vives réactions au Pays basque : les langues régionales moins importantes que l'anglais ?

Cette annonce a provoqué de vives réactions au Pays Basque. « Ségrégationniste, rétrograde, centralisatrice », la conseillère à l’Education du gouvernement de Gasteiz, Isabel Celaa (PSE, socialiste) n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. L’avant-projet de la loi organique pour l’amélioration de la qualité de l’éducation relègue la langue basque au troisième rang dans l’importance attribuée aux matières enseignées.

Le basque, comme le catalan, ferait partie des matières de « spécialité », elle passerait donc derrière les matières « obligatoires » et les matières « spécifiques ». Les langues locales deviendraient moins importantes que les langues étrangères qui seraient, elles, des matières “spécifiques”. Or, le basque est, au même titre que l’espagnol, officiel en Gispucoa, Biscaye et l'Alava.

Sources : La Croix et Le Journal du Pays basque




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