mercredi 19 septembre 2012

Pauline Marois et l'école obligatoire

Extrait du discours de Pauline Marois de cet après-midi (les mêmes paroles ont été prononcées) :
« Depuis toujours, la prospérité des peuples est fondée sur le savoir. L'école obligatoire, l'innovation et la recherche sont aux fondements de la prospérité qu'ont connue les sociétés les plus avancées depuis quelques siècles.

Ce qui était vrai hier l'est encore aujourd'hui pour le Québec, qui se démarque déjà et doit se démarquer encore davantage par son esprit d'innovation et d'avancement du savoir.

Le savoir demeure également la voie par excellence de l'enrichissement individuel et de la mobilité sociale.

Pour assumer cette tâche stratégique à titre de ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie et ministre responsable de la région du Centre-du-Québec, j'ai mandaté Pierre Duchesne. »
Quelques remarques :
  1. C'est vrai : le savoir est très utile, c'est une condition sans doute nécessaire, mais en rien suffisante pour assurer la prospérité des peuples.  Il existe des savoirs de peu d'utilité (voir la bulle universitaire aux États-Unis, 15 % des coursiers aux États-Unis ont un diplôme universitaire...), mais la prospérité peut être promue par l'industrie d'un peuple, l'inventivité, les structures et les politiques d'un pays. Il existe des politiques fiscales qui peuvent décourager les gens, l'industrie, les investisseurs et n'assurent pas la prospérité des peuples. L'URSS avait un bon système scolaire, l'école y était obligatoire et pourtant on ne peut pas dire que l'Union soviétique fut prospère.


    L'université, un investissement rentable pour les bons élèves, nettement moins pour les étudiants médiocres (selon le magazine de gauche Newsweek de ce mois)   

  2. L'école obligatoire... depuis des siècles. Hmmm. L'instruction n'est devenue obligatoire dans l'ensemble des États-Unis qu'en 1917. Et là encore, aller à l'école n'est pas obligatoire comme l'atteste le mouvement de plus en plus populaire aux États-Unis d'instruction à domicile. Moins d'un siècle donc. En Europe, l'Angleterre et le Pays de Galles n'ont imposé l'éducation élémentaire qu'en 1870. Époque à laquelle l'Angleterre était déjà prospère. Enfin, même si l'école secondaire inférieure (jusqu'à 14/15 ans) est obligatoire au Japon, près de 96,3 % des jeunes poursuivaient en 2009 leurs études secondaires (ils n'étaient que  42,5 % en 1950) sans que cela fût obligatoire. On ne peut pas en dire autant au Québec où la chose est pourtant obligatoire...
     
  3. Pourquoi Madame Marois tenait-elle à parler de l'école obligatoire dans ce discours ? Veut-elle rendre l'école encore plus obligatoire ?  Pourquoi en parler dans le contexte de l'enseignement supérieur ?

Voir aussi

Histoire du premier réseau d'écoles publiques aux É.-U. (Samuel Blumenfeld et son livre Is Public Education Necessary?)

La bulle universitaire aux États-Unis va-t-elle crever ?



Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

7 commentaires:

JP Proulx a dit…

En philosophie en général et en philosophie de l'éducation en particulier, les certitudes absolues sont rares.

Les débats, l'étude, la délibération publique mènent parfois à des consensus forts, mais rarement intégraux.

Ainsi à la question: "L'école doit-être obligatoire?", il a fallu attendre 1944 pour atteindre un consensus suffisant important pour que la législateur impose la scolarisation obligatoire. Les évêques avaient finalement adhéré à l'idée.

PUEL mène, au nom de la liberté, un combat contraire au consensus. Mais qui espère-t-il convaincre de renverser la vapeur?

Pour une école libre a dit…

Peu nous chaut le consensus si douillet pour d'aucuns. Qu'est-ce qui vous rassure tant dans le consensus, M. J.-P. Proulx ?

Dans ce cas-ci, vous dites que les certitudes absolues sont rares.

Et pourtant, il est avéré que l'école *obligatoire* depuis *des siècles* n'existait pas dans *les nations prospères*. Cela est une certitude. En passant, dans les années 45-60, le Québec était un des pays les plus prospères au monde sans cette scolarité étatique obligatoire (puisque l'obligation de 1944 n'avait pas encore pu avoir d'effets, c'est la guerre et la symbiose avec l'économie américaine qui expliquent cette prospérité).

Enfin, pourquoi Madame Marois se sentait-elle obligée aujourd'hui de ressortir son petit laïus très IIIe République sur l'école obligatoire ? Il ne manquait plus que les mots « laïque et républicaine »...

C'était d'un effet des plus pompiers qui trahit plus ses préjugés et ses références d'un autre siècle qu'un pragmatisme moderne qui serait d'un meilleur aloi.

Nous sommes pour la liberté et le moins d'obligations possibles (le Japon montre bien qu'on peut avoir une population très éduquée sans obligation étatique). Nous n'avons pas besoin de l'approbation du légendaire « consensus » québécois pour penser que cette liberté est une bonne chose.

Nous n'avons pas le temps ici de parler de la fabrique du consensus québécois, nous avons bien vu comment les réformes récentes ont été imposées sans demande véritable de la base, de la population. L'élite impose souvent son consensus par la force des moyens gouvernementaux devant des parents isolés. Je vous renvoie aux articles du professeur Gary Caldwell qui a décrit cela de l'intérieur.

Par exemple:
http://kiosquemedias.wordpress.com/2009/12/21/la-reforme-scolaire-ne-pour-un-petit-bulletin/

Lorrie le laurie a dit…

Les consensus ça se change, JP Proulx.

Vous êtes un fixiste conservateur.

JP Proulx a dit…

"Qu'est-ce qui vous rassure tant dans le consensus, M. J.-P. Proulx ?", demandez-vous?

Sans être le seul, le consensus est un ingrédient essentiel à la démocratie. Il assure la légitimité de l'action gouvernementale.

PUEL y réfère fréquemment notamment pour regretter sinon dénoncer le fait que des mesures gouvernementales sont imposées sans véritable consensus.

Cela dit, le consensus ne rend pas la dissidence illégitime.

Je vous remercie pour votre commentaire.

Étienne D a dit…

Je me demande si Marois veut rendre encore plus obligatoire l'école... Sinon je ne vois pas pourquoi elle dit ça.

École de son type obligatoire bien sûr.

Pourquoi elle le dit en introduisant le ministre des universités, c'est bizarre. Sans doute une défense de l'éducation pour tous quasi gratuites alors que cela coûte très cher sans que l'on soit sûr que cela rapporte ou soit bien adapté aux besoins du Québec.

Anonyme a dit…

Je m'étonne que personne n'ait déjà dit que la vidéo de Newsweek n'a rien à voir, c'est les États-Unis, là-bas ça coûte trop cher, mais au Québec, c'est quasiment gratuit, pas d'hyperinflation des coûts, etc...

Évidemment, le problème au Québec c'est que les contribuables (pas tous riches) paient la formation de ces coursiers et barmans mais que cela est encore plus insidieux, personne ne se rend compte vraiment que c'est du gaspillage (au moins aux États-Unis le coursier en question se dit que son diplôme ne sert sans doute à rien et qu'il lui a coûté très cher, ici les frais sont cachés et confondus dans un énorme pot que paie l'État).

Le Saguenéen a dit…

Visiblement ici certains n'ont pas encore la maturité nécessaire pour faire confiance aux parents, aux jeunes adultes : ils glorifient encore l'obligation, l'État, l'élite (eux bien sûr) qui sait mieux.