jeudi 20 janvier 2011

Jugement ECR — Gilles Routhier, l'expert du juge Dubois en action

Comment on le sait, dans l'affaire du procès intenté par des parents de Drummondville contre leur commission scolaire pour avoir refusé d'accorder à deux de leurs enfants une exemption au cours ECR, le juge Dubois n'a mentionné dans son jugement qu'un seul témoin expert, l'abbé Gilles Routhier.

Disons-le tout de suite son témoignage nous apparaît peu pertinent, puisqu'il est de nature très générale, ne parle pas du cours ECR et il est en partie contredit par celui de Louis O'Neill. Ce qu'omet de mentionner le juge Dubois. Gilles Routhier déclarait au sujet du programme ECR dans un article du Canadian Catholic News : « there is debate about whether the course content is relativistic. » Relativisme qui est condamné de manière nette par l'Église, mais dont il s'est bien gardé de parler devant le juge Dubois.

Guy Durand, théologien renommé présent au procès de Drummondville, résumait ainsi l'argumentation de Gilles Routhier dans une lettre publiée dans la Voix de l'Est :
« Plus largement, l'interprétation de la position officielle de l'Église catholique par le théologien Gilles Routhier auquel se réfère le juge frise la malhonnêteté. À preuve, le document publié en mai 2009 par le cardinal Zénon Grocholewsi, président de la Congrégation pour l'éducation de la foi, qui rappelle longuement l'enseignement de Rome: responsabilité première des parents sur l'éducation de leurs enfants, avec droit à une aide complémentaire de l'école; préférence pour l'école catholique qui permet «d'éviter des tensions et des fractures dans le projet éducatif» parents/enfants; différence et complémentarité entre catéchèse et enseignement religieux scolaire; droit des parents dans l'école non confessionnelle à un enseignement religieux conforme à leurs convictions.

Si le pape Jean-Paul II reconnaissait l'importance de la connaissance des religions, rien ne permet de conclure - au contraire - que cela devait se faire à un tout jeune âge et encore moins dans la perspective du programme actuel. Ces dernières années, cela se faisait déjà à la fin du secondaire. »

Voulant récuser l'avis de la Congrégation pour l'éducation de la foi sur le cours ECR et les cours qui se disent « neutres » qui peuvent être « source de confusion, ou inciter au relativisme ou à l'indifférentisme », l'expert Gilles Routhier avait imprudemment déclaré au procès :


Gilles Routhier — Alors, en matière d'éducation catholique, il y a au moins deux autorités distinctes. Il y a, d'une part, la Congrégation pour l'éducation catholique constituée par la Constitution apostolique Pastor Bonus, et cette Congrégation, qui équivaut... qu'on appelle un petit "caster" [note du carnet : lire « dicastère »], qui équivaut à un ministère dans nos États, s'occupe de trois choses. La Constitution Pastor Bonus dit qu'elle s'occupe,un, de toute la formation des clercs dans les grands séminaires et dans les maisons des religieux et des religieuses, y compris les instituts séculiers, première compétence.

Deuxième juridiction de la Congrégation pour l'éducation catholique, il s'agit des universités catholiques et les écoles supérieures catholiques.

Troisième champ d'autorité, les écoles catholiques. Alors, sur ces trois champs, l'autorité est la Congrégation pour l'éducation catholique. Elle ne couvre pas... l'autorité de la Congrégation ne couvre pas les écoles publiques ou non catholiques.

Deuxième autorité, c'est la Congrégation pour le clergé. D'ailleurs, j'avais écrit ça dans mon texte juste un peu plus haut. La Congrégation pour le clergé s'occupe... parce qu'elle a été constituée à la suite du Concile de Trente, qu'on appelait la Congrégation du Concile à partir du 16ième siècle. L'appellation a été modifiée par Paul VI dans sa Constitution apostolique Pastor Bonus, et elle s'occupe de toute l'éducation chrétienne en plus de s'occuper, naturellement, du clergé. Elle s'occupe de l'éducation chrétienne.

puis, un peu plus tard, alors que l'on parle du cardinal Zénon Grocholewski, préfet de la Congrégation pour l'éducation catholique, qui s'est exprimé contre l'imposition du cours ECR :

Gilles Routhier — Oui. Le supérieur de la Congrégation pour l'éducation catholique, c'est bien le Cardinal Zenon Grocholewski. J'ai précisé que sous la compétence de cette Congrégation pour l'éducation catholique ne tombent pas les écoles publiques.
Me Bélisle qui interroge l'abbé Routhier lui demande de montrer où il est dit que cette congrégation n'est pas compétente en ce qui a trait aux écoles publiques :

Me Bélisle — Dites-moi donc, dans le Code de droit canonique ou dans l'autre document que vous avez apporté, qui est le Concile...

Routhier — Les conciles oecuméniques.

Bélisle — ... les conciles publics ou dans les lettres apostoliques ou dans les avis envoyés aux conférences épiscopales, donnez-moi, montrez-moi le texte, montrez-nous un texte où il est dit que la Congrégation de l'éducation catholique, c'est seulement, effectivement, pour les écoles catholiques et que ça ne s'applique pas à l'éducation des catholiques dans quelque forme de système éducationnel et de réseau scolaire que ce soit?

Routhier — Alors, c'est, d'une part, dans un texte de Paul VI, dans une constitution apostolique dont le titre est Pastor Bonus, et je ne l'ai pas ici parce que ce n'est pas le Code de droit canonique.

M. Bélisle veut ensuite produire un document émanant de la Congrégation pour l'éducation catholique et se voit répondre que le document est récent et ne relève pas de l'autorité compétente (sur la foi de l'expert Gilles Routhier). Me Jacob qui représente la commission scolaire intimée s'oppose à ce document :

Me Jacob — Peut-être que mon collègue n'a pas compris, mais ce qu'a expliqué monsieur Routhier c'est que Monseigneur dont le nom est compliqué...

La cour — Monseigneur Zenon.

Me Jacob — ... n'est pas l'autorité compétente en matière d'éducation. Il a bien expliqué ça. Je pense que vous avez bien compris ça. Là, on veut nous produire un document qui date d'il y a quelques jours de quelqu'un qui n'a pas l'autorité qu'on veut lui prêter.

Alors, je ne vois pas l'intérêt d'avoir ce document-là, pas... et je pense que, comme vous en avez décidé hier, si on n'est pas prêt à admettre l'opinion du... de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec sur le même point, je ne pense pas qu'on puisse accepter non plus celle de quelqu'un qui n'est pas l'autorité en la matière alors que l'Assemblée générale des évêques était l'autorité la plus proche de nous en la matière.

Me Boucher qui représente le Monopole de l'Éducation revient aussi sur le manque d'autorité de la Congrégation pour l'éducation catholique supposée en la matière :

Me Jacob —il s'agit de l'autorité... le témoin vous dit: ce n'est pas l'autorité en la matière.

La cour rejette la production de lettre provenant de la Congrégation pour l'éducation catholique et n'y reviendra plus. La lettre sera par contre acceptée par le juge Dugré au procès qui opposait le collège Loyola au Monopole de l'Éducation du Québec.

L'ennui c'est, comme on le verra le lendemain au tribunal, que l'expert Gilles Routhier s'était trompé :

Me Bélisle — Si vous saviez qu'il y avait un département pour les universités catholiques, il me semble que vous étiez, à tout le moins, ignorant comme expert en théologie que le bureau, le département pour les écoles catholiques, qui est le huitième paragraphe de ce simple document de deux pages - et nous allons en faire la lecture.

- En anglais, votre Seigneurie, dans le texte, guillemets:

"The office for Catholic School
(lecture faite en anglais)."

The Office for Catholic Schools collaborates with other dicasteries of the Roman Curia on questions of mutual interest, has contacts with bishops and with pontifical representatives abroad to remain abreast of the educational systems throughout the world and maintains relations with national and international Catholic organizations on matters concerning Catholic education.

Some of the issues treated by this office regard the teaching of sex education in Catholic schools, problems related to the teaching of moral or religious matters in public schools, the closing of Catholic schools in some countries or, in others, the juridical recognition of Catholic schools and ecclesial goods and properties.

N'est-il pas exact que mercredi après-midi, lorsque vous nous avez affirmé que la Congrégation pour l'éducation catholique ne s'occupait que des écoles catholiques, vous avez dit à la Cour une chose qui est fausse? Oui ou non, monsieur Routhier, une chose qui est fausse?

Est-ce que vous corrigez votre témoignage de mercredi après-midi?

Routhier — Je vais répondre à la question non pas par un oui ou par un non, mais par une réponse circonstanciée. J'ai dû consulter et l'office pour... Alors, la Congrégation est divisée, comme j'ai dit, en trois offices et un s'occupe des écoles catholiques. Cet office précisément collabore avec d'autres dicastères puisqu'elle n'a pas une compétence exclusive. [Note du carnet : la salle ne peut retenir un murmure d'incrédulité.]

C'est bien ce que j'ai dit mercredi en référant à la Congrégation pour le Clergé, elle collabore avec d'autres dicastères et elle a effectivement contact, et caetera, mais on ne dit pas qu'elle a autorité sur des écoles non catholiques alors qu'on dit qu'elle a autorité dans d'autres cas.

La terminologie n'est pas la même pour décrire ce qu'elle fait.

Me Bélisle — Monsieur Routhier, vous allez prendre votre Code de droit canonique que vous avez avec vous depuis longtemps à la page 1649. Ça va? Vous vous doutez pourquoi je vous réfère à 1649? La Congrégation pour le Clergé. Vous nous avez parlé, mercredi après-midi, comme témoin expert en théologie, je me souviens très bien de votre témoignage. Vous avez dit: "Non, c'est pas la Congrégation pour l'éducation catholique qui a le droit de donner la position d'autorité de l'Eglise concernant les matières religieuses dans les écoles publiques." Vous avez affirmé en plus devant la Cour, sous votre serment comme expert,que c'était la Congrégation pour le Clergé.

Comment avez-vous pu ignorer le paragraphe 94 Pastor Bonus?

- Votre Seigneurie, je veux le lire au témoin parce que je ne veux pas le piéger. Alors, on parle de l'autre congrégation, celle qui a été 8 produite sous PGQ-38, votre Seigneurie, je suppose. D'accord?

La Cour — Congrégation pour le Clergé, ça va être...

Me Bélisle — D'accord?


Me Lucie Jobin [pour le Monopole] — Oui, 38. [Note du carnet : la pièce 38]

Me Bélisle — Bon.

"Elle s'occupe..."

On définit son rôle. C'est une définition de l'administration et de mission, de pouvoir.

"en raison de sa tâche, de la promotion de la formation religieuse des fidèles de tout âge et de toute condition; elle présente les normes opportunes pour que l'enseignement de la catéchèse soit donné d'une manière correcte; elle veille à ce que la formation catéchétique soit donnée correctement; elle concède l'approbation du Saint-Siège prescrite pour les catéchismes et les autres écrits relatifs à la formation catéchétique, avec l'assentiment de la Congrégation pour la Doctrine de la foi;..."

Donc, est soumise à l'autre.

"elle assiste les bureaux catéchétiques et suit les initiatives ayant trait à la formation religieuse et ayant un caractère international portées devant elle, elle en coordonne l'activité et leur offre ses services, le cas échéant."


N'est-il pas exact? N'est-il pas exact, monsieur Routhier, que la Congrégation pour le Clergé, telle que définie dans Pastor Bonus, s'occupe de tout l'aspect de la catéchèse dans les églises et ils ne s'occupent aucunement de ce que la Congrégation pour l'éducation catholique a comme mission et comme mandat de donner la position de l'autorité de l'Eglise dans les écoles publiques à travers le monde?

Routhier — Elle s'occupe de la promotion de la formation religieuse, c'est bien ce qui est écrit. Egalement, si j'en viens à la catéchèse, encore jusqu'en 84 [!!!], les programmes dans les écoles publiques [québécoises] étaient des programmes d'ordre catéchitique. Donc, elle s'occupait des programmes catéchitiques offerts dans les écoles publiques au Québec si bien qu'elle avait une compétence en cette matière. C'est bien ce que j'ai dit mercredi, qu'il y a des compétences qui se croisent et c'est pour ça que l'Office de l'éducation - pardon - l'Office pour les écoles catholiques collabore avec d'autres dicastères.

S'il n'y avait pas des compétences qui sont partagées, elle n'aurait pas à collaborer, elle serait souveraine dans le domaine.

Me Bélisle — Vous venez de dire dans votre réponse, monsieur Routhier, "jusqu'en 1984". Donnez-moi donc la situation en 2008.

S'en suit moult noyades de poissons de la même eau...

C'est le seul expert sur sept présents au procès dont le juge Dubois ait retenu le témoignage.

Voir aussi

Préfet de la Congrégation pour l'éducation catholique : l'imposition du cours ECR viole le droit des parents





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