mercredi 18 mai 2022

Éthique et culture religieuse (toujours pas abrogé) — certains profs disent marcher sur des oeufs

Les enseignants ont parfois du fil à retordre avec des sujets abordés dans le cadre du cours d’éthique et culture religieuse (ECR). Face à des contenus jugés plus « délicats », notamment la religion, certains ont « l’impression de marcher sur des œufs », révèle un rapport produit par le ministère de l’Éducation dans la foulée de la refonte de ce cours.

À la rentrée 2023, le cours d’ECR sera remplacé par le cours Culture et citoyenneté québécoise. Dans le cadre de cette refonte, le ministère de l’Éducation a mené une consultation dans les écoles et en a tiré un rapport daté de mars 2021, mais rendu public récemment à la suite d’une demande d’accès à l’information.


Le document lève le voile sur certaines difficultés rencontrées par les enseignants qui ont à aborder en classe des « sujets complexes et sensibles », parfois « source de tension », lit-on dans ce rapport, qui cite une dizaine d’enseignants tout en préservant leur anonymat.

Parmi ces sujets délicats figure « le thème de la tolérance, où la problématique du racisme est abordée avec la tension que le mot en N peut engendrer… », observe un enseignant.

Un autre estime que parler de tolérance « relève de la prouesse ». « […] Plusieurs élèves et leurs parents sont carrément racistes ou xénophobes et cela transparaît dans les réponses de plusieurs élèves… D’autre part, aborder l’intimidation est difficile quand dans les classes mêmes se retrouvent les agresseurs et les victimes », témoigne-t-il dans le document.

Un certain « malaise »

Si le programme ECR est obligatoire de la 1re année du primaire à la 5e année du secondaire, le rapport gouvernemental montre que la perception de la culture religieuse est fort différente selon le niveau auquel on l’enseigne.

Au primaire, des instituteurs jugent que la culture religieuse est « trop abstraite » pour les élèves et une majorité estime qu’elle ne « contribue pas au rôle de l’école ».

La majorité des élèves n’ayant pas d’appartenance religieuse, ou ne sachant même pas qu’ils en ont une, ne sont pas prêts à recevoir ces connaissances. [Rien d’étonnant : on leur enseigne une myriade de petits faits religieux alors qu’ils ne connaissent même pas leur tradition religieuse, ils ont 6 ans en 1re année..]

Une conseillère pédagogique estime pour sa part que le « malaise » de certains enseignants par rapport à l’enseignement de la culture religieuse est « comparable à celui suscité par l’éducation à la sexualité ».  [Un autre sujet « moderne » de l’État qui ne se limite plus à enseigner les matières de bases, mais veut façonner la morale des enfants. Entretemps, le français et la culture générale des enfants sont lacunaires.]

Certains ont « très peu de culture religieuse et ne se sentent pas compétents pour le faire ; d’autres se font une fausse idée de ce volet ; d’autres encore le comprennent mal. Certains ont eu un vécu personnel négatif en lien avec une religion. Certains craignent les religions et même les haïssent », a confié cette conseillère.

Des enseignants craignent de « heurter certaines sensibilités », note-t-on aussi dans le rapport de Québec.

« En ce sens, le contexte social et familial est pour certains un obstacle : soit on craint que le discours de l’école sur le phénomène religieux confronte la vie religieuse familiale ; soit l’absence de dimension religieuse dans la vie familiale rend le sujet caduc », y lit-on. [Mais qui a eu l’idée d’imposer une seule formation identique pour tous dans ce domaine ?]

Un cours peu valorisé

Parmi les autres difficultés rencontrées dans l’enseignement de ce cours, des professeurs du secondaire citent un trop grand nombre d’élèves, la lourdeur de la tâche et le manque de temps pour bien enseigner.

Un enseignant de Montréal note que certains de ses collègues du secondaire ont jusqu’à 14 groupes à suivre. « Comment mettre de l’avant, mettre en application un programme, quand tu as plus de 450 élèves avec qui faire des suivis ? C’est impossible », a confié l’enseignant.

Un autre considère que le manque de temps consacré à ce cours fait que la matière est « garrochée ».

La moitié des enseignants du secondaire qui ont répondu au questionnaire du ministère de l’Éducation ont indiqué ne pas avoir de formation initiale en éthique et culture religieuse.

Le cours d’éthique et culture religieuse est dévalorisé, notent les auteurs du rapport, qui font état de « frustration » à cet égard chez les enseignants. Un enseignant mentionne un « mépris » par rapport au cours, tandis que d’autres déplorent que ce soit perçu comme une « matière douce », une « matière fourre-tout dans laquelle on envoie tous les intervenants [des associations politiquement correctes] de l’école faire leur petit numéro ».

Le nouveau cours de culture et citoyenneté québécoise sera consacré à la culture et à la citoyenneté québécoises, comme son nom l’indique, ainsi qu’au dialogue et à la pensée critique. Le ministère de l’Éducation entend y inclure des notions d’éducation aux médias et d’éducation à la sexualité. L’élève sera aussi amené « à aborder des dilemmes moraux ainsi qu’à examiner des repères culturels, moraux, religieux, scientifiques et sociaux ». [Fin du volet religieux, donc moins d’informations factuelles, mais toujours autant de « dialogue » et d’éthique… les volets que condamnaient le Collège Loyola.]

Le ministère de l’Éducation indique qu’« un ensemble d’éléments et considérations ont été pris en compte dans le processus de révision du programme d’Éthique et culture religieuse ».

Source : La Presse

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