lundi 15 mai 2023

Seul 1,8 % des Canadiens hors Québec parlent français à la maison, deux fois moins qu'en 1969


Revue trimestrielle sur l’état du français dans le magnifique Canada censément bilingue…
 
En avril, nous apprenions qu’en Ontario, le taux de bilinguisme français-anglais était au plus bas depuis 40 ans (partout au pays, le bilinguisme devient une affaire de francophones seulement).

Toujours en avril, après qu’un homme de Saint-Jean-Port-Joli [au Québec] n’a pu recevoir d’aide en français de la part du 911, on découvrait que le CRTC savait depuis au moins 10 ans qu’il y avait des problèmes d’accès au 911 en français. Dix ans ! Le 911 ! Et le CRTC, un organisme fédéral, ne faisait rien.

Durant le même mois, Air Canada menaçait d’expulser un homme d’affaires qui voulait se faire servir en français. Ceci expliquant cela, un peu plus tôt, en mars, on apprenait que le syndicat des employés d’Air Canada se plaignait que l’entreprise exigeait trop de français de la part des agents de bord (!). À peu près dans la même semaine, dénoncés de toutes parts, Air Canada et le CN acceptaient enfin de se soumettre aux règles de l’Office québécois de la langue française, ce qui nous rappelait qu’ils s’y étaient opposés pendant des décennies.

L’offre rachitique de contenu télévisuel québécois sur les vols d’Air Canada faisait, elle aussi, la manchette. Sur les 200 séries de fiction, téléréalités, documentaires et autres émissions de variétés, cinq seulement (2,5 %) étaient québécoises. Dans le même mois d’avril, on apprenait qu’Air Canada avait triplé, oui, triplé, le salaire de son PDG, Michael Rousseau, celui-là même qui se vantait de pouvoir vivre à Montréal sans parler français. Ça ne s’invente pas. Beau symbole, cet Air Canada.

Quelques jours plus tard, une étude révélait le déclin « lent et irrémédiable » du français en sciences au Canada⁠. À la grandeur du pays, de 2019 à 2022, 95 % des subventions fédérales pour la recherche ont été versées à des projets rédigés en anglais. L’explication ? Pour avoir plus de chances d’être financés par le fédéral, les chercheurs soumettent leurs demandes en anglais. Et ils semblent avoir de bonnes raisons de le faire. Entre 2001 et 2016, l’Institut de recherche en santé du Canada a accepté 39 % des demandes rédigées en anglais contre seulement 29 % des demandes rédigées en français. [Ayant travaillé dans le domaine, nous nous rappellerons un patron francophone très libéral (PLC/PLQ), nous dire alors qu’il nous demandait de rédiger nos demandes de financement en anglais : « il faut écrire dans la langue des décideurs ».]  Y aurait-il là quelque chose de systémique ? À moins que les francophones soient moins bons ? Résultat : pas fous, les chercheurs francophones passent à l’anglais.

Finalement, à plusieurs reprises durant la même période, des élus fédéraux se sont félicités de l’atteinte, pour la première fois depuis 20 ans, de leur objectif de recrutement de 4,4 % d’immigrants francophones hors Québec. Ils ont tous oublié de dire qu’à ce rythme-là il faudra presque un siècle, oui, un siècle, pour rattraper le retard causé par leurs échecs des 20 dernières années, et cela, sans tenir compte du phénomène de l’assimilation. Non, il n’y a pas de quoi être fier.

Au Canada hors Québec, le français continue de s’effacer. Il y a aujourd’hui plus de gens qui parlent chinois (mandarin ou cantonais) qu’il y a de gens qui parlent français.

Le panjabi et le tagalog le dépasseront bientôt eux aussi. Le français est la 17e langue parlée à Toronto. Seul 1,8 % des Canadiens hors Québec parlent français à la maison. C’est la moitié de ce que c’était en 1969, au moment de l’adoption de la Loi sur les langues officielles. 

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