Les médias de grand chemin en sont coutumiers. Notre très chère Radio-Canada (plus d’un milliard de dollars de subventions par an) en est un bon exemple. Il faut faire très peur au sujet de la Covid-19 et n’annoncer que de mauvaises nouvelles en ce qui concerne la chloroquine, un traitement potentiel. Nous nous perdons en conjectures sur les raisons de cette ligne éditoriale, est-ce parce que Trump est optimiste et s’est déclaré en faveur de la chloroquine ? Et qu’il faut donc prendre le contre-pied ? Est-ce parce que cette panique pourrait permettre de remettre en cause l’ordre économique et politique considéré comme injuste ?
Nous ne prenons pas ici position sur le traitement à la chloroquine associée à de l'azithromycine
(est-elle efficace ou non), mais sur la sélectivité des médias comme la SRC qui tend à l'alarmisme et à ne publier rapidement que des nouvelles négatives de la chloroquine, un traitement potentiel, que Trump a dit privilégier.Nous ne prenons pas ici position sur le traitement à la chloroquine associée à de l'azithromycine
Résumé de nos épisodes précédents :
1. La SRC annonce d’un air grave au Téléjournal le 6 mai que la situation s’aggrave dans les États américains qui déconfinaient, comme la Géorgie, ce n’était pas le cas et c’est encore moins le cas aujourd’hui, voir la courbe officielle des décès de Géorgie en ce jeudi 4 juin (il en va de même de la Floride qui avait aussi déconfiné) :
2. Dans le même journal télévisé, Radio-Canada interroge un expert, il est extrêmement pessimiste. Le Téléjournal soulignait par deux fois les propos apocalyptiques de cet expert (sans contrepartie plus optimiste).
Le correspondant radio-canadien résume : « cela équivaut aux pires moments de la grippe espagnole, et il prévient ce n’est qu’un début : “Aussi tragique qu’ait été la situation, ce n’est que le début”. » La Grippe espagnole, rien que cela. Une époque sans antibiotique, des populations affaiblies au sortir de la Première Guerre mondiale, avec de nombreux cas empoisonnement à l’aspirine. Radio-Canada n’interroge aucun expert qui pourrait modérer cette prédiction apocalyptique.
3. Une étude controversée dès sa parution le 22 mai prétendait que la chloroquine était non seulement inefficace, mais dangereuse. La SRC en publie tout de suite les conclusions sans aucune mise en garde, conditionnel ou prudence. En une semaine, Radio-Canada publiait près d’une dizaine d’articles sur une étude du Lancet de Londres et des conséquences négatives du traitement à la chloroquine. Moins de deux semaines après cet emballement médiatique, l’étude devenue « bidon » sous la pression des médias sociaux, est rétractée, une des rétractations les plus rapides dans l’histoire du Lancet...
4. Entretemps, Harvey Risch, référence de l’épidémiologie à Yale, défend le traitement précoce des patients infectés par le SARS-COV2, en utilisant le traitement à base de l’hydroxychloroquine et l’azithromycine. Radio-Canada n’en parle pas.
5. Des données et conclusions favorables présentes dans une première version d’une étude chinoise sont supprimées par les éditeurs du British Medical Journal sans aucune explication dans la version finale. Aucun journaliste ne se demande pourquoi, ne demande au BMJ de s’expliquer.
6. Une étude indienne favorable à la chloroquine à titre prophylactique paraît le 28 mai 2020. Radio-Canada n’en parle apparemment pas. Elle est en double aveugle, randomisée.
6. Une étude indienne favorable à la chloroquine à titre prophylactique paraît le 28 mai 2020. Radio-Canada n’en parle apparemment pas. Elle est en double aveugle, randomisée.
Dernier épisode : la SRC publie mercredi 3 juin 2020 une étude [Boulware et al.] défavorable à la chloroquine (cela semble être la ligne éditoriale) dès sa parution. Littéralement. Et cela dans la catégorie « tout (hmmm) sur la pandémie ».
Cette étude trouve bien que moins de gens ont été infectés dans le groupe traitement à la chloroquine, mais la différence n’était pas statistiquement significative. Pas d’effets secondaires graves à la chloroquine non plus.
Notons que comme on le verra le titre est faux, l'étude trouve une faible efficacité à l'hydroxychloroquine, celle-ci n'est pas statistiquement significative, mais elle ne prouve nullement l'inefficacité car sa puissance statistique est minée par des erreurs de mesure potentielles. Bref une étude peu informative, non concluante dont les médias interprètent mal les conclusions. Mais bon, comme on pense qu'elle est défavorable à la chloroquine on en fait grand bruit.
Le chapeau sous le titre de la SRC est aussi erroné : l’étude indienne (6.) publiée plus tôt est bien randomisée (par tirage aléatoire) et en double aveugle.
Elle est tout de suite vivement critiquée (mais Radio-Canada ne s’en est pas fait l’écho), car elle n’a pas utilisé de tests PCR pour évaluer si le personnel était atteint de la Covid-19, mais s’est basé sur les symptômes souvent communs à la grippe.
Elle est tout de suite vivement critiquée (mais Radio-Canada ne s’en est pas fait l’écho), car elle n’a pas utilisé de tests PCR pour évaluer si le personnel était atteint de la Covid-19, mais s’est basé sur les symptômes souvent communs à la grippe.
Bon, j’ai maintenant lu cette étude [Boulware et al.] et, roulement de tambour, c’est encore une merde qui n’apporte rien et n’aurait jamais dû être publiée dans le NEJM et encore moins faire l’objet d’articles de presse avant même sa publication.Notez d’abord que l’étude porte sur la question de savoir si l’hydroxychloroquine a un effet prophylactique en protégeant les personnes à risque d’être infectées. Ce n’est donc pas la question qui fait l’objet du débat le plus intense, à savoir si l’hydroxychloroquine a un effet thérapeutique chez les gens déjà malades, mais en soi ce n’est pas grave, c’est aussi une question intéressante.Il y aurait pas mal de choses à dire sur le moment choisi de l’intervention et est-ce que ça permet vraiment de tester un effet prophylactique, mais ça n’aurait pas grand intérêt parce que cette étude souffre d’un défaut tellement énorme qu’à côté tout le reste n’a pas d’importance.Le problème en question c’est que, en raison du manque de tests à l’époque, l’immense majorité des participants n’ont pas pu être testés par PCR. Parmi ceux qui ont été jugés positifs, l’infection a été confirmée en laboratoire dans moins de 20 % des cas.
Les autres ont été diagnostiqués comme souffrant de COVID-19 parce qu’ils avaient des symptômes compatibles avec la maladie. Les participants recevaient le traitement par la poste et répondaient à un questionnaire en ligne...Or, l’étude a été réalisée en mars, à une époque où il y avait a priori encore plein de grippes et de rhumes, donc l’absence de test PCR dans l’immense majorité des cas a forcément introduit énormément d’erreurs de mesure.Cette erreur de mesure a pour effet de réduire la puissance statistique du test en noyant tout signal éventuel, donc leur calcul de puissance pour déterminer la taille de l’échantillon dont ils avaient besoin ne vaut rien puisqu’il ne prend pas en compte l’erreur de mesure...J’ai fait une petite simulation dans la nuit pour me faire une idée de l’effet que cette erreur de mesure a pu avoir sur la puissance statistique selon les hypothèses qu’on fait sur la taille de l’effet et les autres paramètres.J’ai mis le code en ligne sur GitHub pour que vous puissiez essayer vous-même avec différentes hypothèses et vérifier que je n’ai pas fait d’erreur quelque part vu que j’ai fait ça rapidement à 2 h du mat. [...]Je pense que les hypothèses que j’ai faites sont déjà très optimistes, mais par acquit de conscience j’ai essayé avec d’autres combinaisons d’hypothèses et, dans tous les cas, la puissance statistique restait bien en dessous de ce qui est désirable.Je sais déjà que, pour défendre les auteurs et le NEJM, on va me dire que les auteurs ont pris soin de noter les « limitations » de l’étude dans le papier, mais franchement c’est une blague. Ils notent en effet comme une « limitation » le manque de tests PCR, mais ne font aucun effort pour estimer les conséquences de l’erreur de mesure que ça introduit et font un calcul de puissance purement théorique et détaché de la réalité.La presse s’est bien sûr empressée d’obtempérer puisque, comme Trump a admis prendre de l’hydroxychloroquine à titre prophylactique, c’était l’occasion de lui taper dessus... C’est le cas du NYT et j’ai vu que le Washington Post avait fait de même.L’article du NYT mentionne en passant que « tous les participants n’ont pas pu être testés », mais je n’avais jamais imaginé en lisant ça que la proportion était si basse !
Bref, encore une fois, c’est un cas d’école en termes de mauvaises pratiques scientifiques et journalistiques, mais bien sûr ni les auteurs de l’étude, ni le NEJM, ni le NYT ou le Post n’en souffriront, parce que tant que ça permet de taper sur Trump ce n’est pas grave.Honnêtement, cette histoire d’hydroxychloroquine devient un gag, je commence à me demander si on n’a jamais une étude là-dessus qui n’est pas complètement pourrie... Ce n’est pourtant pas *si* compliqué à faire, mais apparemment personne n’a envie.
Pour l’équipe de France-Soir qui a parlé à un des membres de l’étude Boulware, le docteur Gibson McDonald :
Si on fait l’analyse comme les auteurs l’on fait, sur 1 jour à 4 jours indépendamment on trouve des différences non significatives. Cela veut dire que l’écart de mesure entre les deux chiffres ne peut pas être considéré comme pouvant entrainer une conclusion comme quoi le traitement fonctionne mieux que le placebo. Les bases statistiques apparaissent fiables même si les échantillons sont un peu petits et donc cela rend les tests statistiques plus délicats.Mais avec la science statistique, allons plus loin.Quand on regroupe les échantillons en personne ayant été exposées 1 à 2 jours ou 1 à 3 jours [à une autre personne infectée] donc avec des échantillons plus grands et donc plus fiables, là les tests deviennent significatifs.Ainsi la conclusion de l’étude Boulware est erronée. Ce qui plaiderait en faveur de l’hydroxychloroquine et changerait les conclusions de cette étude.(Pour reprendre l’interprétation avec des mots simples, dans le cas du rédacteur de l’étude, ils ont testé s’il y avait un effet significatif entre le groupe placebo et le groupe traitement. En faisant cela par tranche d’exposition au traitement ils arrivent à la conclusion que ce n’est pas statistiquement différent. L’analyste aurait dû vérifier sur des bases plus importantes en regroupant comme nous l’avons proposé. Avec ces regroupements le résultat devient statistiquement significatif. C’est-à-dire qu’il y a un effet positif de l’hydroxychloroquine)
Encore une fois le diable se trouvait dans le détail acte II.Le docteur Gibson McDonald nous l’a confirmé « nous n’avons pas fait ces analyses statistiques ».
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