dimanche 17 octobre 2021

Mythe — Le Moyen Âge n’a pas cru que la Terre était plate (m à j)

Nous mettons à jour ce billet pour signaler la parution de La Terre plate — Généalogie d’une idée fausse publiée cet octobre aux Belles Lettres.  Nous ajoutons donc un résumé de cet ouvrage à notre billet diffusé il y a plus de 3 ans.

Cela reste un lieu commun de penser que le Moyen Âge a cru en une terre plate, par ignorance scientifique autant que coercition religieuse. Il aurait fallu attendre les navigateurs, Colomb ou Magellan, ou encore les astronomes modernes, Copernic ou Galilée, pour que les ténèbres se dissipent et qu’enfin la Terre devînt ronde.

Or, de l’Antiquité grecque à la Renaissance européenne, on n’a pratiquement jamais défendu et encore moins enseigné, en Occident, l’idée que la Terre était plate.

Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony s’attachent ici à retracer l’histoire de cette idée fausse et à essayer d’en comprendre la genèse. Elles nous proposent dans une première partie de lire avec elles les sources antiques, les Pères de l’Église mais aussi et surtout les manuels et encyclopédies rédigés tout au long du Moyen Âge et à la Renaissance et utilisés pour l’enseignement dans les écoles cathédrales puis dans les universités, à partir du XIIIe siècle.

Une seconde partie est consacrée à l’étude du mythe lui-même et s’interroge sur sa généalogie — sa genèse et son histoire — pour éclairer sur les causes de sa survie. Pourquoi, contre l’évidence même, continue-t-on d’affirmer que pour le Moyen Âge, la Terre était plate ?

Présentation de l’ouvrage

Où l’on retrouve Voltaire, les Lumières et les positivistes

« Or non seulement l’idée que le Moyen Âge croyait que la Terre était plate est historiquement fausse, mais elle relève d’une manipulation de l’histoire des sciences, et surtout des consciences, et participe d’une vision pauvrement linéaire et téléologique du développement des civilisations, issue du positivisme et de l’idée de progrès défendue depuis le XVIIIe et surtout le XIXe siècle », d’écrire les auteurs.

« C’est principalement au XIXe siècle que s’est répandue et fortement enracinée l’idée d’une croyance des hommes du Moyen Âge en une Terre plate. La légende, cependant, est plus ancienne et apparaît timidement au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle, en particulier avec Voltaire », soulignent les Giacomotto-Charra et Nony. Voltaire, dans son combat contre ce qu’il nommait l’Infâme, a souhaité démontrer que le christianisme, et notamment les Pères de l’Église, avait imposé au monde la croyance en la Terre plate pendant un millénaire, croyance qui fut seulement vaincue par deux figures héroïques, à savoir celle du scientifique éclairant les lois de la nature par la raison et celle de l’intrépide navigateur bravant les interdits de l’institution religieuse.

Technique : magnifier le rôle de penseurs marginaux, occulter le consensus savant de l’époque

Pour Matthieu Giroux qui recense cet ouvrage, une des méthodes souvent utilisées par ceux qui veulent dénigrer le Moyen Âge et la réalité scientifique de cette époque consiste à mettre en avant des penseurs marginaux qui remettaient réellement en question la sphéricité de la Terre et à leur donner le statut d’autorité spirituelle et scientifique.

C’est le cas notamment de Lactance, un rhéteur du IIIe et IVe siècles qui obtiendra tardivement le titre de Père de l’Église en 1770. Dans Les Institutions divines, Lactance exprime explicitement son hostilité à l’égard des antipodes et de la sphéricité de la Terre. « Mais Lactance n’est ni un philosophe ni un savant, et il n’a pas de légitimité à enseigner la cosmologie. De fait, sa prise de position contre les antipodes — dont l’argumentation est tout à fait inepte même pour l’époque — est restée isolée au sein de l’Église romaine », précisent Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony.

Encore plus emblématique de cet amalgame malhonnête est la figure de Cosmas Indicopleustès, un chrétien nestorien du VIe siècle, auteur d’une Topographie chrétienne défendant l’idée d’une Terre plate. Voltaire, encore lui, mais aussi les Américains Irving [voir notre billet originel ci-dessous], Draper, et Dickson White (déjà dénoncés par le médiéviste Jeffrey Burton Russell dans Inventing the Flat Earth publié en 1991) donnent à Cosmas une importance considérable qu’il n’a jamais eue historiquement, du fait notamment qu’il était partisan du nestorianisme, doctrine reconnue comme hérétique et condamnée par le concile d’Éphèse en 431. « Cosmas ne fait pas partie des Pères de l’Église, il n’a été ni traduit en latin (il était donc illisible durant tout le Moyen Âge), ni approuvé, encore moins promu, par les autorités, tant religieuses que politiques. Son œuvre n’a eu aucun retentissement sur le savoir médiéval. »

Contrairement à ce que défendaient certains philosophes des Lumières, le christianisme médiéval n’avait pas oublié les textes des physiciens et des astronomes de l’Antiquité, qui postulaient dès le IIIe siècle avant J.C. (pour Ératsosthène) ou le IIe siècle (pour Ptolémée) la sphéricité de la Terre.

De même, les représentations des penseurs présocratiques (qui eux pensaient pour la plupart que la Terre était plate) n’étaient pas connues du haut Moyen Âge. En réalité, des pères de l’Église beaucoup plus éminents que Lactance, comme Saint-Augustin, avaient une bonne connaissance des théories païennes. « Augustin n’a donc jamais réfuté l’idée de la sphéricité et il écrit ailleurs, à propos de la vertu divine, qu’elle est “la cause de la rondeur de la Terre et du Soleil”. »

Les auteurs soulignent également que dans la proposition « Au Moyen Âge, on croyait que la Terre était plate », on ne précise jamais qui est le « on ». S’agit-il de l’autorité religieuse, de l’état du savoir scientifique, de la croyance populaire ? Or, « on ne peut considérer comme témoin valable du savoir la population de ceux qui ne savent pas, d’autant que l’on n’a guère de renseignements sur ce qu’un paysan de l’Aveyron ou un artisan corrézien savait ou croyait. Si certainement la grande majorité de la population, analphabète et illettrée, ne se demandait probablement pas si la Terre était sphérique ou plate, on a en revanche des données plus fiables sur le milieu des lettrés et, à partir de l’apparition des universités, sur le contenu officiel des enseignements. Or parmi les lettrés et leur entourage, il ne fait pas de doute que la sphéricité était non seulement connue, mais n’était pas discutée ».

Persistance du savoir scientifique païen

Si l’on se penche sur les enseignements d’Isidore de Séville (560–636), évêque éponyme, « dernier des Pères de l’Église latine » et fondateur de l’encyclopédisme médiéval, on remarque la persistance du savoir scientifique païen (en particulier la cosmographie aristotélicienne et néoplatonicienne) et sa description de la Terre comme « globe terrestre » est explicite.


La Terre plate

Généalogie d’une idée fausse
par Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony
paru le 8/X/2021 aux Belles-Lettres
à Paris
280 pp,
EAN13 : 9 782 251 452 234


 
 
Billet originel du 9 février 2018
 
Christophe Colomb n’a jamais eu à démontrer que la Terre était ronde. Car tout le monde le savait déjà. Et depuis longtemps ! C’est ce que confirme l’ouvrage d’un historien américain, Jeffrey B. Russel, qui met à mal bon nombre d’idées reçues sur les géographes du Moyen Âge et de l’Antiquité. Il commence par constater que les auteurs médiévaux affirment la rotondité de la Terre, comme le faisait Platon. Il examine ensuite l’apparition du mythe moderne selon lequel le Moyen Âge croyait la Terre plate.

En cette année anniversaire de la découverte du Nouveau Monde [1], c’est un véritable déluge de publications qui s’abat sur nous ; à cette occasion, nombre d’idées reçues sont remises en question. L’une d’elles, selon laquelle les contemporains de Christophe Colomb croyaient que la Terre était plate, a trouvé son historien, Jeffrey B. Russel, dans un petit ouvrage décapant qui vient d’être publié aux États-Unis [2].

Sceau de la Bulle d’or de 1356
on y voit Charles IV du Saint-Empire, un orbe à la main,
une sphère qui représente le monde

Considérons le cas de Christophe Colomb : les historiens ont depuis longtemps dénoncé la fable selon laquelle il aurait dû affronter les foudres des docteurs de Salamanque pour avoir osé prétendre que la Terre était ronde — sans quoi le passage des Indes par l’ouest était inconcevable. Certes, le découvreur a eu ses détracteurs et ses opposants, mais leurs arguments tenaient aux probabilités d’échec de l’entreprise.

Et ils avaient raison, puisque la distance qui sépare les îles Canaries du Japon est de deux cents degrés de longitude, là où Colomb, pour avancer son projet, voulait n’en voir que soixante. Mais nulle part dans ces discussions il ne fut question d’une sphéricité que le navigateur aurait dû démontrer.

Déjà au XVe siècle, l’affaire était entendue. La Géographie du Grec Ptolémée (90-168) est traduite en latin en 1410. Or cet ouvrage ne laisse subsister aucun doute sur la rotondité de la Terre : il est tout entier fondé sur le quadrillage de la sphère en degrés de latitude et méridiens de longitude.

Et le cardinal Pierre d’Ailly en a bien retenu toutes les leçons dans son Image du monde écrite en latin dès 1410. Mais avant ? Là où les médiévistes ont souvent été plus évasifs, Jeffrey Russell nous invite à voir partout et toujours la même représentation, les mêmes comparaisons. Pour les uns, la Terre est un œuf ou une balle, pour d’autres, une pomme ou une pelote.

Sur cet extrait de la Géographie de Ptolémée,
imprimée à Ulm en 1482,
on voit l’auteur tenant le globe terrestre
(Bucarest, Musée national d’histoire)

Pour les philosophes John Holywood ou Thomas d’Aquin au XIIIe siècle, Jean Buridan ou Nicolas Oresme au XIVe, nul doute n’est possible. Ces deux derniers évoquent même la rotation de la Terre sur elle-même !

Faut-il remonter plus avant vers les « siècles obscurs », pour reprendre une expression chère aux Anglo-Saxons ? Là où un Isidore de Séville (mort en 636) semble entretenir certaines réserves, Bède le Vénérable au VIIIe siècle et Scot Érigène au IXe sont catégoriques : la Terre est ronde. Ils ne font d’ailleurs pas preuve d’originalité, puisqu’ils reprennent la tradition scientifique des compilateurs de l’Antiquité tardive, notamment Martianus Capella dont les Noces de Mercure et Philologie, écrites vers 420, connaissent une très large diffusion au Moyen Âge. Or Martianus affirme lui aussi sans ambages : « Elle [la Terre] n’est pas plate, elle est ronde. »

Il semble donc y avoir durant tout le Moyen Âge occidental unanimité sur la question.

Non sans quelques problèmes pour les philosophes et les cartographes. Ceux-ci veulent en effet représenter un œkoumène (l’ensemble des terres habitées) conforme aux connaissances de la période et, d’autant que possible, à la tradition biblique et évangélique. Dès lors, que Jérusalem soit au centre du monde ou le paradis à l’est, c’est une simple convention cartographique. Le géographe arabe Al Idrisi ne place-t-il pas, au XIIe siècle, La Mecque au centre de sa carte ? Et, au XXe siècle, ne discute-t-on pas encore de la « juste » représentation de l’hémisphère sud sur nos modernes mappemondes ? Plus délicat est le problème de la conformité aux enseignements de l’Église selon lesquels les Apôtres ont apporté la Parole « aux quatre coins du monde ». Car il faudrait que la Terre soit plate pour posséder quatre coins.

Ainsi s’explique l’hésitation d’Isidore de Séville ; pourtant saint Augustin lui-même (354-430) avait mis en garde contre le danger d’utiliser le sens littéral de l’Écriture. Lorsque les cartographes médiévaux nous présentent une Terre d’apparence plate et circulaire, c’est donc certainement une convention cartographique, parfois l’illustration d’une certaine tradition biblique, mais jamais la représentation d’un soi-disant dogme de la « Terre plate ».

D’où vient alors ce mythe, puisque mythe il y a ? De l’exploitation qu’on a faite, au XIXe siècle, de certains textes de l’Antiquité tardive. Cette époque avait bel et bien connu deux « théoriciens » de la Terre plate : Lactance (vers 265-345) d’abord, polémiste crédule, qui s’oppose ouvertement à la pensée scientifique (et païenne) de son époque, au moyen d’arguments simples, mais combien efficaces : « Y a-t-il quelqu’un d’assez extravagant pour se persuader qu’il y a des hommes qui aient les pieds en haut et la tête en bas […] et que la pluie et la grêle puissent tomber en montant ? »

Illustration d’un manuscrit
du XIVe siècle
de L’Image du monde
par Gautier de Metz (vers 1246).

Darwin contre l’Église

Lors des disputes du XVIIe qui opposèrent coperniciens, galiléens et autorités ecclésiastiques, la forme de la Terre n’est pas un enjeu, on débat en revanche des habitants des antipodes, c’est-à-dire de l’autre hémisphère, sans rapport avec l’héliocentrisme. Rappelons que la Bible n’exprime aucune opinion sur la sphéricité ou non de la Terre. Les Pères de l’Église, Augustin et Ambroise de Milan, qui étaient parfaitement au courant de l’état de la science grecque, estimaient que cette question n’avait pas d’importance : ce qui importait c’était que l’évangélisation puisse s’effectuer jusqu’au confins du monde.

Puis, deux siècles plus tard, en Égypte, Cosmas dit « Indicopleustès » (« le voyageur des Indes »), retiré dans un monastère du Sinaï, rédige sous le titre de Topographie chrétienne une vaste compilation géographique où la Terre plate occupe une place importante. Il faut cependant savoir que cet ouvrage volumineux, rédigé en grec et aux marges orientales de la chrétienté, ne nous est connu aujourd’hui qu’à travers trois manuscrits médiévaux complets. Critiqué à Byzance dès le IXe siècle par le patriarche Photius, il est totalement ignoré de l’Occident médiéval. La première traduction latine de Cosmas date de 1706 ! Et c’est cet auteur, tout à fait marginal dans le monde grec et inconnu du monde latin, qui deviendra au XIXe siècle le symbole de l’obscurantisme médiéval ! Son traducteur, Bernard de Maufaucon, prétendait que les anciens païens, savants grecs et latins, croyaient que la Terre était plate, ce qui, bien entendu, est faux. Peut-être pour renforcer la thèse hétérodoxe à l’époque de Cosmas.


Car ces visions farfelues du monde seraient restées aussi chimériques que les descriptions contemporaines de cynocéphales (hommes à tête de chien), si elles n’avaient été reprises par les positivistes et « progressistes » du XIXe siècle. La démonstration de Jeffrey Russell est ici tout à fait originale et convaincante.

Washington Irving
 
S’il n’y a jamais eu de mythe médiéval de la « Terre plate », il y a bel et bien eu une légende moderne du « dogme médiéval de la Terre plate ». Russell traque son apparition puis sa diffusion, en France et aux États-Unis, tout au long du XIXe siècle ; il démasque à l’occasion quelques « coupables ».

Coupable, le premier, le romancier américain Washington Irving (1783-1859), dans un pastiche historique sur la vie de Christophe Colomb, publié pour la première fois en 1828.

Irving invente de toutes pièces une scène qui deviendra célèbre, dans laquelle le navigateur doit se défendre contre l’obscurantisme des docteurs de Salamanque incapables d’admettre que la Terre était ronde [3].

Le roman connaît un immense succès et contribue à accréditer, outre-Atlantique, la vision d’une Église catholique dogmatique et intolérante. Coupable encore, en France, à la même époque, le très respecté Antoine-Jean Letronne (1787-1848), directeur de l’École des Chartes et professeur au Collège de France, qui dans la Revue des deux mondes, avance l’idée d’un dogme de la Terre plate chez les Pères de l’Église et d’une interprétation littérale de la Bible au long du Moyen Âge.

Illustration du XIIe siècle
représentant une Terre sphérique
avec les quatre saisons,
tiré du Liber divinorum operum
de Hildegarde de Bingen


Coupables surtout, aux États-Unis à nouveau et principalement pendant la seconde moitié du XIXe siècle, nombre d’esprits libéraux qui souhaitent réfuter les arguments anti-évolutionnistes de l’époque. Nous sommes en effet en plein débat autour des thèses de Darwin sur l’évolution des espèces, que l’Église se refuse à admettre. Quoi de mieux, dès lors, pour combattre son étroitesse de vues, que de stigmatiser un obscurantisme plus général, dont le pseudodogme médiéval de la Terre plate deviendrait une sorte de cas exemplaire ? C’est la voie que suivent sans hésiter certains auteurs américains dans des ouvrages dont les titres à eux seuls sont tout un programme : Histoire du conflit entre religion et science de John Draper (New York, 1874) ou Histoire du combat entre la science et la théologie dans le Christianisme d’Andrew White (New York, 1896)…

L’idée d’un dogme médiéval de la Terre plate se diffuse dès lors dans les ouvrages de vulgarisation et les manuels scolaires. Elle correspond si bien à l’image que l’on se fait du Moyen Âge au temps de Victor Hugo ou de Jules Michelet qu’on la reçoit sans discussion.

Tant et si bien que malgré toutes les réfutations modernes, un auteur à succès pourtant bien informé comme Daniel Boorstin perpétue encore aujourd’hui ce mythe [4].

Preuve, s’il en était besoin qu’un petit essai comme celui de Jeffrey Russell est d’actualité. Il a depuis été complété par une bibliographie savante de plus en plus fournie, voir ci-dessous.

Raisons profondes de la survie et de la longévité de ce mythe

Interrogé dans le cadre de l’ouvrage collectif, Le Vrai Visage du Moyen Âge, le directeur de recherche et d’études (CNRS) Patrick Gautier Dalché, explique ces raisons de la façon suivante :

« Aujourd’hui, les déterminations anticléricales ne jouent plus. Pour nous qui nous pensons comme modernes et libres de toute superstition, ce mythe est un repoussoir nécessaire qui procure un prétexte indiscutable pour accepter les utopies technologiques et louer le monde merveilleux qui est le nôtre. Le cliché de la Terre plate, et bien d’autres, me semblent avoir pour fonction de justifier notre différence en magnifiant la rationalité, supposée admirable, de notre propre monde. Pour cela, il faut adhérer à des réalités illusoires qui soient simples, massives et indiscutables : c’est à cela que sert parfois la science. »


Notes

[1] Repris de L’Histoire n° 159, octobre 1992.

[2] Jeffrey B. Russel, Inventing the Flat Earth. Colombus and Modern Historians, New York—Wesport—Londres, Praeger, 1991. Il n’a jamais été traduit en français, il l’a été en espagnol.

[3] Washington Irving, The Life and Voyages of Christopher Columbus, rééd. Boston, J.H.
Mc Elroy, 1981.

[4] Daniel Boorstin, The Discoverers (Les Découvreurs), New York, 1983, trad. française, R. Laffont,1988.

Annexe

En Occident, hormis Lactance (250-325) qui ne conçoit qu’une Terre plate, la rotondité de la Terre, du fait de la connaissance maintenue du Timée grâce aux traductions en latin de Cicéron et surtout de Calcidius au IVe siècle, reste communément admise par les lettrés. Par ailleurs, le commentaire qui accompagne la traduction de Calcidius résume les connaissances astronomiques du Ier siècle en reprenant la plus grande partie du chapitre Astronomie de l’Exposition des connaissances mathématiques utiles à la lecture de Platon de Théon de Smyrne.

Jérôme de Stridon (347-419), dans son Commentaire de l’Épitre aux Éphésiens, critique ceux qui nient la sphéricité.

Pour Augustin (354-430) la question n’est pas la rotondité, mais le peuplement des antipodes, dont il nie la possibilité. En effet, pour lui, comme « l’Écriture ne peut mentir », les antipodes ne peuvent être peuplés par des hommes d’une autre souche que celle d’Adam, ce qui vaut refus du polygénisme. Or, pour l’évêque d’Hippone, comme pour ses contemporains, une zone infranchissable interdit d’atteindre les antipodes : comment donc les descendants de Noé auraient-ils pu traverser « l’immensité de l’Océan » pour aller peupler cette autre partie du Monde ?

Macrobe (370-440 env.), dans son Commentaire sur le Songe de Scipion, souligne que la terre est sphérique ; il expose la théorie des cinq zones climatiques et évoque l’hypothèse d’antipodes peuplés.


Illustration d’un manuscrit du XIIIe siècle
du Commentaire sur le Songe de Scipion par Macrobe.
Ici les zones climatiques : polaires en jaune, tempérées en bleu, torride en rouge.

Au Ve siècle, Martianus Capella décrit, au livre VIII des Noces de Philologie et de Mercure, un modèle astronomique géohéliocentrique dans lequel la Terre, immobile au centre de l’Univers, voit les étoiles, le Soleil et la plupart des planètes tourner autour d’elle, alors que Mercure et Vénus tournent autour du Soleil.

Boèce (480-525) dans Consolation de la philosophie parle de la masse arrondie de la Terre.

Dans ses Étymologies, Isidore de Séville (~530 — ~636) compare la Terre à une balle.

Bède le Vénérable (672-725) dispose d’un manuscrit de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien ; dans ses traités De natura rerum et De tempore ratione la Terre est ronde, pas simplement circulaire comme un écu ou une roue, mais semblable à une balle.

Charlemagne, dans plusieurs statues et gravures de son époque, est représenté tenant dans sa main un globe terrestre surmonté de la Croix.

Jean Scot Erigène (~ 800-876) étend, dans son Periphyseon le modèle géohéliocentrique de Martianus Capella en faisant également tourner Mars et Jupiter autour du Soleil.

Au chapitre XCIII de sa Géométrie, Gerbert d’Aurillac (~ 945-1003) décrit l’expérience d’Ératosthène et Hermann Contract (1013–1054) estime la circonférence de la Terre à partir de cette méthode…


Vignette d’un manuscrit du XIIIe siècle
du Commentaire sur le Songe de Scipion par Macrobe.
Ici le monde connu séparé des antipodes par l’océan à l’équateur.


Bibliographie

GAUTIER DALCHÉ Patrick,  L’Espace géographique au Moyen-Âge, Florence, SISMEL/éd. del Galluzzo, 2013, 476 pages, ISBN-13 : 978-8884505019.

— La Géographie de Ptolémée en Occident (IVe-XVIe siècles), Turnhout, Brepols, 2009, 442 pages. ISBN-13 : 978-2503531649.

GAUTIER DALCHÉ Patrick (dir), La Terre. Connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2013, 710 pages. ISBN-13 : 978-2503547534.

KRÜGER Reinhard, Ein Mythos der Moderne : Der Erdscheibentheorie im Mittelalter und die Verfälschung des "Hexaemeron" des Basilius Von Caesarea durch Bernard de Montfaucon (1706), in Mittellateinisches Jahrbuch: internationale Zeitschrift für Mediävistik, ISSN 0076-9762, Vol. 36, Nº 1, 2001, pp. 3-30.

Moles globosa, globus terrae und arenosus globus in Spätantike und Mittelalter: Eine Kritik des Mythos von der Erdscheibe, Weidler Buchverlag Berlin (2012), 297 pages, ISBN-13: 978-3896935854.

MAYAUD Pierre-Noël, Le Conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles : un moment de l’histoire des idées autour de l’affaire Galilée, t. VI, Paris, Honoré Champion, 2005, ISBN-13 : 978-2745311269.

RUSSEL Jeffrey Burton, Inventing the Flat Earth, Columbus and Modern Historians, New York, Praeger, 1997, 160 pages. ISBN-13 : 978-0275959043.

WEILL-PAROT Nicolas (dir) et SALES Véronique, Le Vrai Visage du Moyen Âge, Au-delà des idées reçues, Vendémaire, 2017, ISBN 13-978-2-36358-290-4.


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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je ne sache pas que l'Église aurait combattu l'école évolutionniste.

Encore un mythe, comme la croyance en la platitude de la Terre prêtée à la même victime des calomniateurs.