vendredi 31 mars 2017

La tragédie de l'État-providence aux États-Unis par Charles Murray (4 sur 5)

Ci-dessous, la quatrième partie de la série consacrée aux effets de l’État-providence sur le tissu social et moral aux États-Unis selon Charles Murray (voir le premier volet, le deuxième, le troisième).

Toutes ces modifications des règles du jeu — certaines légères, d’autres plus importantes — allaient dans la même direction. Il était plus facile de s’en sortir sans travailler. Il était plus facile pour un homme d’avoir un enfant sans être responsable de son entretien et de son éducation. Il était plus facile pour une femme d’avoir un enfant sans avoir de mari. Il était plus facile d’échapper à la sanction pour les délinquants. Il était plus facile de se procurer de la drogue. Parce qu’il était plus facile de vivre sans travailler il était aussi plus facile de ne rien faire à l’école. Parce qu’il était plus facile de vivre sans travailler il était plus facile de quitter son travail au moindre caprice et de négliger les comportements et les habitudes qui vous font apprécier d’un employeur.

Sur le long terme, la voie la plus facile se révélait une impasse. Celui qui, à vingt cinq/trente ans, s’est bâti un CV montrant qu’il n’est pas un employé fiable et travailleur restera probablement toute sa vie en bas de l’échelle salariale. L’adolescente qui a un enfant et qui vit des aides du Welfare State est presque sûre de rester toute sa vie dépendante de ces aides. Et ainsi de suite.

Mais pour comprendre que cette voie facile est une impasse, il faut une capacité à percevoir les conséquences à long terme de certains comportements qu’il ne serait pas raisonnable d’attendre de la part de gens sans qualités particulières, comme Harold et Phyllis.

En 1960, Harold aurait gardé son travail au pressing, bien que ce travail soit pénible et inintéressant. Au bout de quelques années, parce qu’il se serait montré un employé sérieux, son patron lui aurait peut-être proposé un poste un peu plus intéressant et mieux payé. Petit à petit, en accumulant de l’expérience, en développant quelques compétences, en se bâtissant une bonne réputation, Harold aurait sans doute grimpé dans l’échelle salariale et serait passé d’un emploi précaire, mal payé et pénible, à un emploi relativement sûr, mieux rémunéré et moins désagréable. Sa vie et celle de Phyllis n’auraient pas été une success-story pour autant. Tous deux auraient sans doute continué à vivre petitement jusqu’à la fin de leurs jours. Leur vie aurait simplement été celle d’innombrables générations de travailleurs américains, qui commencent très bas et finissent moins bas, avec l’espoir raisonnable que leurs enfants s’élèveront plus haut qu’eux.

En termes purement économiques, il n’est pas sûr que leur comportement responsable aurait beaucoup rapporté à Harold et Phyllis, même dans le scénario modérément optimiste esquissé ci-dessus.
La vérité est que les motivations tangibles que la société, n’importe quelle société, peut offrir à de jeunes gens pauvres et sans talents pour bien se conduire sont essentiellement basées sur la crainte : « si tu n’étudies pas à l’école, nous t’expulserons ; si tu commets un délit, nous te mettrons en prison ; si tu ne travailles pas, nous rendrons ta vie si misérable que n’importe quel emploi te paraitra préférable. » Promettre davantage serait mentir.

Pourtant nous aurions tort de conclure que la vie d’Harold et Phyllis serait plus heureuse à l’ombre du Welfare State. À partir des années 1970, la charité publique a certes permis à presque tous les Harold et Phyllis de vivre en travaillant moins, voire plus du tout, mais elle a en même temps dégradé la qualité de leur vie d’une manière que les indicateurs économiques ne peuvent pas mesurer. Et nous touchons là au second effet — psychologique — pervers du Welfare State.

La prémisse essentielle qui a guidé la transformation de la charité publique en un État-providence tentaculaire est, nous l’avons vu, la négation de la responsabilité individuelle : ceux qui sont pauvres ne sont pas responsables de leur situation.

Avec cette transformation, les pauvres furent homogénéisés, d’un point de vue moral. Plus de distinction entre les pauvres méritants et les pauvres non méritants. Entre les travailleurs et les paresseux, entre ceux qui s’en sortent par eux-mêmes et ceux qui se laissent aller à dépendre de l’aide sociale, entre ceux qui se conduisent de manière responsable et ceux qui se conduisent de manière irresponsable : les pauvres sont tous des victimes.

Les agents de l’État-providence se mirent donc en devoir d’apprendre aux pauvres que ceux qui sont sans ressources ne sont pas responsables de leur situation, que l’aide sociale est un droit, et qu’il ne faut pas avoir honte de réclamer ses droits.

Mais si être aidé cesse d’être honteux, alors s’en sortir par soi-même cesse d’être honorable. Si ceux qui vivent des aides sociales ne doivent pas être considérés comme responsables de leur situation, alors ceux qui parviennent à se suffire à eux-mêmes ne peuvent pas non plus retirer de fierté du fait d’être indépendants. Autrement dit, l’État-providence a peu à peu ôté aux pauvres honnêtes et travailleurs la principale récompense de leur honnêteté et de leur labeur.

Outre le salaire, la satisfaction morale qui s’attache au fait de subvenir par soi-même à ses besoins et à ceux de sa famille est en effet, la plupart du temps, la seule satisfaction que peuvent procurer les emplois situés en bas de l’échelle salariale. Des emplois qui, en plus d’être mal payés, sont aussi, le plus souvent, répétitifs, salissants, pénibles, voire dangereux.

Cette satisfaction, cette fierté légitime de ne pas dépendre d’autrui, a beau être immatérielle elle n’en est pas moins très réelle, et elle était traditionnellement renforcée par les louanges accordées par la communauté à ceux qui se conduisaient de manière responsable — revers de la désapprobation qui attendait ceux qui se conduisaient de manière irresponsable.

Un homme qui occupait un emploi très subalterne, et qui grâce à cela subvenait aux besoins de son épouse et de ses enfants, pouvait avoir l’impression justifiée qu’il accomplissait quelque chose de réellement important. Qu’il était quelqu’un qui comptait, si bas que puisse être son statut social.

Mais dans la nouvelle configuration de l’État-providence, le message implicite est que celui qui persiste à exercer un emploi au bas de l’échelle plutôt que d’accepter des aides sociales est réellement un naïf ou un idiot, une dupe du « système ». Non seulement il est désormais possible de vivre sans travailler, mais en plus vivre sans travailler a cessé d’être déshonorant.

Cette dé-moralisation de l’indépendance et de la responsabilité individuelle produisit ses effets principalement sur les plus jeunes générations. Les plus âgés étaient relativement immunisés contre le nouveau chant des sirènes par les habitudes contractées au cours d’une vie laborieuse. Les plus jeunes, en revanche, étaient naturellement plus ouverts à la nouveauté et un nombre croissant d’entre eux cessa d’écouter les admonestations démodées de leurs parents. Comme le remarque Charles Murray, l’ironie amère de tout cela est que les parents les plus attachés à la vieille moralité étaient aussi, en général, ceux qui apprenaient à leurs enfants à prendre pour modèles les gens instruits et ayant réussi ; ces mêmes gens instruits qui venaient maintenant répandre la bonne nouvelle qu’il n’est pas honteux de dépendre de la charité publique.

L’État-providence est en général envisagé en termes purement économiques. Il ne s’agit, pensons-nous, de rien d’autre que de demander aux uns une portion de leur superflu pour accorder aux autres le nécessaire, pour reprendre les termes de Tocqueville. Envisagés en ces termes il est effectivement difficile d’opposer des objections sérieuses à l’État-providence. Pour quels justes motifs refuserions-nous d’aider nos frères dans le besoin alors que nous sommes dans l’abondance ? Nous pouvons discuter du montant du chèque, mais guère de son principe.

Cependant les statistiques et les analyses présentées par Charles Murray nous obligent à réaliser que cette manière de concevoir l’État-providence est largement trompeuse. Les transferts opérés par l’État-providence sont en partie des transferts monétaires des catégories plus aisées de la population (en pratique essentiellement les classes moyennes) vers les catégories moins aisées. Mais, bien plus souvent, les transferts sont non monétaires, et ils ont lieu à l’intérieur des catégories défavorisées. Les catégories les plus favorisées ordonnent ces transferts, mais ce sont les pauvres qui doivent en payer le prix.

Prenons le cas de la modification des règles scolaires. Ces modifications, rendant beaucoup plus difficile de punir et d’expulser les élèves perturbateurs, étaient motivées officiellement par le désir d’aider ces élèves perturbateurs, qui étaient considérés avant tout comme des victimes. Leur comportement s’expliquait, disait-on, par la situation socialement défavorisée qui était la leur et les punir pour ce comportement revenait à les punir pour être pauvres. Les élèves indisciplinés devaient donc rester à l’intérieur de l’école. La conséquence évidente est que la discipline à l’intérieur des salles de classe accueillant ces élèves « issus de milieux défavorisés » s’est beaucoup dégradée, pour ne pas dire que dans trop de cas elle a purement et simplement disparu et qu’il y est devenu impossible d’enseigner et d’apprendre.

Cette modification des règles ne coûte a priori pas d’argent à la collectivité, et cependant un transfert a bien été effectué. Pour améliorer la situation des élèves perturbateurs, nous dégradons la situation des élèves travailleurs et disciplinés. Nous opérons un transfert immatériel des bons élèves vers les mauvais élèves. Les mauvais élèves restent à l’école, mais les bons élèves ont plus de difficulté à apprendre puisque l’ambiance de la classe s’est dégradée.

En pratique ce transfert a presque toujours lieu des enfants issus des catégories défavorisées vers d’autres enfants des catégories défavorisées. Le fils de pauvre, qui est disposé à écouter ses professeurs, à travailler et à apprendre, doit abandonner l’occasion de s’instruire et de s’élever par l’école pour que le fils de pauvre qui n’est pas disposé à travailler et à apprendre puisse rester dans la même école que lui. Il ne saurait en effet être question de bâtir des filières différentes pour ces deux types d’élèves : les mêmes principes qui ont conduit à modifier les règles de la discipline scolaire conduisent aussi à refuser toute « ségrégation » scolaire, c’est-à-dire à séparer les bons élèves des mauvais.

Ces transferts des pauvres vers les pauvres sont au cœur de l’État-providence.

Lorsque des délinquants issus de milieux défavorisés, selon l’expression consacrée, sont laissés en liberté sous prétexte qu’ils sont avant tout des victimes du « système », les risques d’être victime de la criminalité augmentent avant tout pour les gens pauvres qui vivent dans les mêmes quartiers que ces délinquants. Ce sont eux, et non pas les catégories favorisées de la population, qui doivent abandonner une large part du bien que l’on nomme « sécurité » afin que les jeunes délinquants n’aient pas à être punis. Lorsque les programmes de formation professionnelle sont conçus en fonction des capacités des plus médiocres, ce sont les pauvres les plus capables qui doivent abandonner l’opportunité de développer leur potentiel professionnel. Lorsque les politiques sociales instillent l’idée que certains emplois sont trop dégradants pour être occupés, ce sont les pauvres qui préfèrent occuper ces emplois plutôt que de dépendre de la charité publique qui doivent abandonner une partie de ce qui faisait leur dignité personnelle.

D’une manière générale, l’État-providence, à partir du milieu des années 1960, a effectué des transferts considérables entre les pauvres, des pauvres les plus capables vers les pauvres les moins capables, des pauvres les plus honnêtes vers les pauvres les moins honnêtes, des pauvres les plus responsables vers les pauvres les moins responsables. En retour, l’État-providence a uniquement donné à ces pauvres méritants la seule chose qu’ils n’auraient jamais demandé : un accès plus facile à la charité publique.

Voir aussi

Idées reçues sur les blancs américains, écart moral et culturel croissant des classes sociales


Le financement des écoles dites privées au Québec et au Canada

Le philosophe Guy Durand écrit au Devoir :

Dans le texte intitulé « La nouvelle croisade », paru le 28 mars, le journaliste [du Devoir] Michel David donne des chiffres peu fiables, voire inexacts et susceptibles de fausser le débat sur le financement des écoles privées.

Il s’appuie d’abord sur le rapport Champoux-Lesage (2013) pour affirmer que les écoles privées au Québec sont subventionnées à 75 %. Or, selon les données du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), la contribution de l’État représente plutôt environ 42 % des revenus totaux des écoles privées (Indicateurs de gestion 2013-2014 : établissements d’enseignement privés, page 8). Dans les faits, l’État verse aux écoles privées subventionnées 60 % de ce qu’il verse aux commissions scolaires pour les services éducatifs. Mais, une école dépense plus que des services éducatifs, par exemple, le coût d’entretien des bâtiments et équipements, les frais des divers services de soutien aux élèves, etc. D’où le 42 % du MEES.

Plus loin, le journaliste écrit que l’école privée n’est financée par l’État que dans quatre autres provinces canadiennes, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick ne donnant aucune subvention. Effectivement, le rapport de Pierre Fortin et Marc Van Audenrode (sept. 2013) met le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique dans la même catégorie que le Québec, mais pour dire qu’elles subventionnent de 40 % à 50 % des coûts totaux des écoles privées (page 14). Et en Ontario, les écoles privées ne reçoivent rien, mais tout le réseau des écoles séparées (Roman Catholic Schools) est subventionné à 100 %.

jeudi 30 mars 2017

Québec — La maternelle 4 ans n’a pas atteint ses objectifs, selon une étude

Voici une nouvelle qui ne surprendra pas les lecteurs de ce carnet au vu des études précédentes qui tendent à montrer que l’éducation formelle très précoce a — en général — peu d’effets à long terme. Les gains observés en maternelle s'atténuant au bout d'une année d'école. Voir Maternelle publique et gratuite : sans effet sur les résultats au primaire, « Le système de garderie universel en Suède forme des enfants moins instruits » et Les CPE ont échoué sur le plan pédagogique... comportemental et démographique. Ceci dit dans certains cas avec des enfants très défavorisés et des programmes de très bonnes qualités, on peut obtenir de bons résultats. Mais cela ne s’applique pas à un grand nombre d’enfants, il faut vraiment que les enfants viennent de milieux dysfonctionnels ou qui ne permettraient pas à l’enfant d’apprendre la langue d’enseignement avant qu’il ne rentre à l’école.

La réponse du milieu éducatif à cet échec était prévisible, pavlovienne : il faut plus de moyens, plus de subventions. Plus d’argent donc, mais au dépens de qui ? De quels autres enfants ?

Ceci dit nous ne sommes pas contre l’aide ponctuelle à des enfants très défavorisés, car ces enfants méritent d’être aidés. Mais, il faudrait aussi se demander qui sont ces enfants défavorisés ? Ceux de familles pauvres, de familles immigrées ne parlant pas le français, de familles monoparentales ? Et si l’on tentait également de réduire ce bassin de familles défavorisées ? En favorisant le développement économique, en limitant l’immigration de personnes ne parlant pas le français, en valorisant la stabilité des couples ?



Une première étude sur la qualité éducative de la maternelle quatre ans, depuis son déploiement en 2013, démontre qu’elle n’a pas atteint ses objectifs.

Ceci s’explique par un manque de qualité, selon la psychologue et professeure Christa Japel au Département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM, qui a piloté l’étude.

La conclusion de son étude est sans équivoque : l’initiative a raté sa cible, puisqu’elle ne réussit pas à favoriser la préparation à l’école des enfants issus de milieux défavorisés.

« On n’a pas alloué assez d’argent aux enseignants pour mettre en place un milieu qui est stimulant et accessible pour les enfants de quatre ans », explique Christa Japel, qui épingle au passage le manque de formation ciblée des enseignants.

La psychologue ne recommande pas pour autant l’abolition du service. Elle suggère plutôt au gouvernement de bonifier la qualité des services. « J’aimerais bien mettre en perspective le résultat parce que je veux bien qu’il serve à améliorer les maternelles, pas à les abolir, ce serait vraiment dommage », conclut-elle.

Le gouvernement a implanté la maternelle quatre ans en milieu défavorisé pour réduire l’écart entre les enfants de ce milieu et ceux qui sont plus nantis lorsqu’ils commencent leur scolarisation à cinq ans.

Dans leur méthodologie, la psychologue et son équipe ont choisi quelque 300 enfants dans 30 écoles différentes en milieu rural et urbain. L’année suivante, ces mêmes enfants ont été comparés avec un groupe témoin issus des mêmes écoles et des mêmes quartiers, qui n’avaient pas fréquenté la maternelle quatre ans. Les chercheurs n’ont observé aucune différence entre les deux groupes.

La psychologue salue l’énergie et les efforts du personnel de ces maternelles, mais constate que près d’un quart des enseignants n’a pas suivi de cours spécifiques en enseignement préscolaire. Elle note également le manque de personnel et de soutien matériel.

Le ministre de l’Éducation du Québec, Sébastien Proulx, appuie le programme. « Ce que j’entends c’est que c’est un bon programme et qu’il faut continuer, dit-il, mais s’intéresser à la qualité. C’est ce que je fais en service de garde, c’est ce que je fais à l’école, c’est ce que je vais faire en maternelle tant quatre ans que cinq ans dans notre système. »

Il promet même d’augmenter prochainement le nombre de classes pour les enfants de quatre ans.

Quant au chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, il estime que le gouvernement doit réinvestir dans le programme de maternelle quatre ans en milieu défavorisé.

Sources : Le Devoir et Radio Canada

Le programme Head Start aux États-Unis

Head Start est un programme du Département de la Santé, de l’Éducation et des Services sociaux des États-Unis qui fournit une éducation complète, des services d’implication parentale, de santé, de nutrition, aux enfants à faibles revenus et à leurs familles. Head Start a été créé en 1965 et fut modifié par le Head Start Act de 1981. Ce programme a été profondément refondu en décembre 2007. C’est aussi le programme ayant la plus grande longévité parmi ceux destinés à régler la pauvreté systémique aux États-Unis. De 1965 à 2005, plus de 22 millions d’enfants en âge préscolaire avaient participé au programme Head Start. Le budget de 6,8 milliards de dollars en 2005 a permis d’offrir ces services à plus de 905 000 enfants, 57 % d’entre eux avaient quatre ans ou plus, et 43 % en avaient trois ans ou moins.

Selon l’histoire administrative du Bureau des Opportunités économiques, les enfants qui terminent le programme Head Start et qui sont placés dans des écoles défavorisées ont de moins bons résultats que leurs homologues dès la deuxième année du primaire. Ce n’est qu’en isolant ces enfants, par exemple en les dispersant et en les envoyant dans des écoles plus performantes que les gains acquis en maternelle pourraient être maintenus par rapport à leurs homologues.

Dans un article publié par le New York Times en 2009 et intitulé « Head Start Falls Further Behind » (Head Start prend encore du retard), Besharov et Call discutent une évaluation de 1998 qui a conduit à une réévaluation nationale du programme. Les auteurs déclarent que la recherche concluait que le programme actuel avait peu d’impact significatif.

En 2011, le chroniqueur du magazine Time, Joe Klein, a appelé à l’élimination de Head Start, en citant un rapport interne selon lequel le programme est coûteux et a un impact négligeable sur le bien-être des enfants au fil du temps. Klein a écrit :
« Prenez environ un million d’enfants de 3 et 4 ans parmi les plus pauvres, mettez-leur le pied à l’étrier sur le plan de la socialisation et de l’instruction en leur fournissant gratuitement un enseignement préscolaire, si cela fonctionne, cela permet d’économiser de l’argent en produisant moins de criminels et moins de bénéficiaires de l’aide sociale... Voilà 45 ans que ce programme a été introduit. Nous consacrons plus de 7 milliards de dollars à Head Start auprès de 1 million d’enfants chaque année. Nous avons finalement des preuves indiscutables quant à l’efficacité du programme, preuves fournies par le ministère de la Santé et des Services sociaux : Head Start ne fonctionne tout simplement pas. »

Toutefois, pour W. Steven Barnett, directeur de l’Institut national pour la recherche de l’éducation de la petite enfance à l’Université Rutgers, « Si l’on considère toutes les preuves et pas seulement celles citées par des partisans d’un côté ou de l’autre, la conclusion la plus précise est que Head Start produit des bénéfices modestes, y compris quelques gains à long terme pour les enfants »

Enfin, les chercheurs Fryer et Levitt n’ont trouvé aucune preuve selon laquelle la participation à Head Start avait un effet durable sur les résultats scolaires pendant les premières années à l’école.


Harcèlement scolaire: le cauchemar des bons élèves

On parle souvent de harcèlement à l’école. Curieusement on ne dit rien du phénomène suivant qui est pourtant très bien documenté et inquiétant et dont les professeurs ont souvent fait état dans l’indifférence générale : dans beaucoup de collèges et de lycées, ce sont les bons élèves, les “intellos” qui font l’objet de harcèlement.


“Marion, 13 ans pour toujours” : un téléfilm choc sur le harcèlement scolaire en France Un film sur l'histoire vraie de Marion, une collégienne qui s'est suicidée à l'âge de 13 ans parce qu'elle ne supportait plus les agressions verbales et physiques de ses camarades.

Sur ce sujet, silence des défenseurs des droits des enfants et de ceux qui militent à juste titre contre les horribles discriminations. La discrimination dont font l’objet les bons élèves, ceux qui travaillent, écoutent le professeurs, la discrimination, parfois des élèves “intelligents” ou doués, la discrimination des élèves précoces, des élèves qui lisent : personne n’en parle, ou si peu !

La stigmatisation des “intellos”

Il est évoqué en long et en large le rejet de la différence physique, les facteurs ethniques, territoriaux, religieux, sociaux qui peuvent expliquer une forme de rejet ou d’intolérance et on ne parle guère de ce rejet, pourtant hautement inquiétant au sein d’une institution qui serait censée promouvoir les qualités intellectuelles : le rejet et la discrimination des élèves différents parce qu’ils aiment lire ou parce qu’ils veulent travailler, parfois parce qu’ils sont doués pour les études, bref parce qu’ils sont des “intellos”.

Ce terme est là, bel et bien pour stigmatiser, souvent violemment, une catégorie particulière et quand même très bien représentée, d’élèves pas tout à fait acquis à la violence (qui parfois prévaut dans les établissements scolaires) et mal intégrés au caïdat local que font régner une poignée de meneurs. Je pense notamment aux lycées professionnels où l’on a pu voir des élèves pétitionner pour… pouvoir simplement étudier dans le calme: leur seul tort est de vouloir travailler, d’avoir parfois la tête dans les nuages de la culture, de l’histoire, des mathématiques, d’être de doux rêveurs dans un monde de rapports de force et de compétences strictement utilitaires.

J’ajouterai que ces élèves, nombreux, viennent de tous les milieux sociaux. Tous ! Ils peuvent être fils de femme de ménage, enfants d’ouvriers immigrés, jeune fille musulmane souhaitant s’émanciper par le travail d’un milieu qui n’encourage guère les femmes à faire des études, fils d’instituteurs, de cadres : tout le monde peut faire l’objet de ce bannissement abject.

Discrimination passée sous silence, car peu exploitable politiquement ?

Mais curieusement ce “racisme” là ne trouve guère d’écho. Personne n’en fait la phénoménologie naïve, en s’étonnant, en mesurant, en circonscrivant, puis enfin en s’indignant qu’une telle chose ait pu surgir au sein de… l’école de la République: le sanctuaire du savoir ??

Pas sociologiquement correcte ? pas redevable d’une explication marxiste en terme de lutte des classes ? Non inscriptible dans la lutte “anti-raciste” ? Non rabattable dans les plis de la “pensée politique” préformée ? Ne s’inscrivant pas suffisamment dans l’opposition dominants vs dominés ? Stigmatisant (ce serait un comble, mais je m’attends toujours au pire avec notre “intelligentsia” !) les caïds des collèges, ratonneurs d’intellos, peut-être, mais qui sont eux-mêmes des “victimes du système” venant de couches défavorisées??

Étonnant silence. Indécent oubli ! Criminelle abstention. Le harcèlement, les études le montrent, concernent très souvent de bons élèves parfois de brillants élèves et qui viennent assez souvent de milieux défavorisés. Ces élèves ni leurs parents n’ont les moyens, matériels et moraux, de se défendre ou de soustraire leur fils ou leur fille à ce qui peut parfois devenir un enfer. Cela est-il acceptable ?

Boucs émissaires faciles

Une anecdote qui en dit long pour terminer: dans un bon collège avec des enfants de cadres supérieurs, un élève me cite lors d’un débat une émission qu’il a vu sur Arte parlant d’égyptologie. Les moqueries de ses camarades fusent : “Arte !?! tu regardes ça! Trop mort de rire ! Le bouffon !”

Inutile de préciser que j’ai vertement mouché les aboyeurs. Formé à l’école de Meirieu, j’aurais sans doute remis vertement en place… mon intello : “Mounir ce n’est pas bien d’essayer d’intimider tes camarades et de te placer en position de supériorité ! Est-ce que tu arrives à comprendre pourquoi c’est une forme de violence ?? Te crois-tu supérieur parce que tu regardes Arte ? Fais ton auto-critique devant la classe !” Je n’exagère nullement. Ce sujet ne prête pas à rire.

Les profils du bouc-émissaire sur qui la violence collective se déchaîne parfois (les meneurs entraînant les autres) sont multiples mais catégorisables. Bien entendu il y a des élèves médiocres aussi dont le seul tort est d’être en surpoids, d’avoir la mauvaise couleur de peau, de religion, les mauvais vêtements le mauvais accent ou d’être… une fille gentille. Mais il y a aussi beaucoup d’élèves rejetés parce qu’ils montrent des aptitudes intellectuelles, un goût pour l’étude, le travail, que certains cadors jugent “un truc de pédale” (expression entendue!).

Anxiété, dépression, décrochage scolaire et pour finir..échec scolaire, finissent par être leur lot et ce, dès le collège, si la discrimination et les intimidations ont commencé à l’école primaire.

Cumulant les “handicaps” de plusieurs profils de bouc émissaire, on n’ose pas imaginer ce qu’il advient, parfois, dans l’école d’aujourd’hui, dans certains “endroits” oubliés par la République, des filles intellos, lectrices, soucieuses de bien faire, timides, anxieuses mais aussi en surpoids, n’ayant pas le bon profil ethnique ou religieux et n’ayant, pour faire valoir auprès de l’établissement et de l’institution scolaire, leur droit à la paix, la sécurité, parfois simplement leur droit à l’existence, qu’une mère agent d’entretien qui parle mal le français…


Les petits grammairiens, les petits latinistes, les petits collectionneurs de noms de dinosaures, les petits joueurs d’échecs : potentiellement presque tout le monde, si l’on ne s’employait pas à écrêter les aspirations à l’élévation…les départs de lumière.

Peut-être pourrait-on concevoir une école qui protège toutes les intelligences et tous les talents du massacre ? Après tout dans l’expression “lieu de vie” chère aux réformateurs il y a tout de même le mot “vie” qui peut ménager une petite place à la vie de l’esprit ?

Source (légèrement modifiée et raccourcie): Le Causeur

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Cégeps : légère baisse chez les francophones, lègere hausse chez les anglophones

Légère baisse chez les francophones, petite hausse chez les anglophones, augmentation pour les techniques et mini désintérêt pour les programmes préuniversitaires, notamment en sciences humaines… Voilà quelques grandes tendances qui se dégagent des données préliminaires compilées au terme du premier tour des demandes d’admission dans les cégeps.

Suivant la courbe démographique, les 32 établissements collégiaux francophones du Service régional d’admission du Montréal métropolitain (SRAM) font face à une légère baisse des demandes d’admission (-1,8 %), plus marquée en région (-2,4 %). « C’est ce à quoi on s’attendait, on n’est pas en hausse démographique », constate Geneviève Lapointe, directrice des communications au SRAM. « Pour nous, une baisse de 1,8 %, c’est 1143 dossiers de moins. Peut-être qu’elle ne sera plus là au terme des 2e et 3e tours. » Le portrait est encore incomplet. Et les demandes d’admission ne se traduisent pas nécessairement en inscriptions, insiste-t-elle.

Hausse à Dawson

Contrairement au réseau collégial francophone, le cégep Dawson, le plus gros établissement collégial anglophone et l’un des plus populeux du Québec, voit ses demandes d’admission augmenter de +2,3 %, malgré la courbe démographique. Quoique petite, l’augmentation de la clientèle semble se confirmer si l’on se fie aux données des dernières années. « Pour nous, la hausse des demandes d’admission se passe en majorité dans les programmes techniques, c’est pour nous une surprise parce que ce n’est généralement pas le cas », explique Donna Varrica, responsable des communications. C’est d’ailleurs une nouveauté, les années précédentes ayant été marquées par un plus grand engouement pour les programmes préuniversitaires. « Je ne peux pas vous expliquer pourquoi, on n’a pas fait de sondages auprès des étudiants. […] Il y a eu beaucoup de travail sur la promotion des programmes techniques parce qu’ils permettent d’accéder rapidement au marché du travail, mais n’empêchent pas d’aller à l’université. Ça ouvre deux portes au lieu d’une. »

Moins de préuniversitaires, plus de techniques

Toujours à Dawson, les programmes préuniversitaires en sciences humaines et arts, lettres et communication suscitent moins d’intérêt. C’est d’ailleurs aussi le cas une grande partie des cégeps francophones ailleurs au Québec. « Il y a eu une diminution en sciences humaines, tous profils confondus », confirme Mme Lapointe, du SRAM. « C’est l’endroit où on a constaté la plus grande diminution, mais elle est de l’ordre de 3,6 %. Ce n’est pas alarmant. » Les techniques sont quant à elles au même niveau que l’an dernier (51 %).

Selon le service régional d’admission au collégial de Québec (SRACQ), les demandes pour les programmes techniques dans les cégeps de la région de la Capitale-Nationale ont augmenté de 1 %, alors que le secteur préuniversitaire a été légèrement plus populaire (2 %).

Fait à noter : les techniques des arts et des communications graphiques connaissent une hausse marquée de près de 10 %. À Québec comme à Montréal, les techniques de l’administration (comptabilité, gestion, etc.) semblent également très à la mode. Le SRACQ rapporte une hausse de 6,3 % en techniques administratives et le SRAM, une hausse de 22 % pour la Technique de comptabilité de gestion.

Source : Le Devoir

« Si j’étais ministre de l’Éducation... » de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Coté (MBC) se met dans la peau d’un futur ministre de l’Éducation. Nous sommes d’accord sur de nombreux constats et vœux, mais nous pensons que son programme a peu de chances d’être mis en place à cause de l’inertie bureaucratique et syndicale. Tout vouloir changer sera trop difficile et une œuvre de trop longue haleine alors que les ministres de l’Éducation ont historiquement des mandats très courts. En outre, philosophiquement, faut-il que toutes les écoles se ressemblent ? Nous pensons qu’elles doivent être plus libres et permettre à certaines écoles de mettre en place des écoles nettement plus libres qui pourraient mettre en place le programme MBC, le tout subventionné directement (comme actuellement avec les écoles dites « privées » au Québec) ou indirectement (chèque-éducation ou déduction fiscale par enfant inscrit à l’école).



Carlos Leitao a réussi à faire passer son message : son budget de mardi était celui de l’espoir retrouvé en éducation.

D’un chroniqueur à l’autre, on l’en félicite. Bravo pour ces millions ! On aurait envie de jouer de la trompette avec eux.

Je persiste à croire une chose, toutefois. En éducation, l’argent à lui seul ne fait pas le bonheur.

On aurait beau rajouter mille milliards de dollars par année, sur le plan des principes, il y aurait encore quelque chose de déréglé dans notre système d’éducation.

Mission

Quoi donc ? Notre vision de l’école, justement.

Qu’attendons-nous d’elle ? Quelle mission voudrait-on qu’elle joue ? Quelle philosophie l’anime ? Ce sont des questions essentielles.

Traditionnellement, l’école devait transmettre une culture. Elle devait inscrire les nouvelles générations dans une civilisation et les familiariser avec son histoire, sa géographie, ses grandes œuvres et ses savoirs fondamentaux.

Elle devait apprendre à lire, à écrire, à parler, et pourquoi pas, à bien parler. Elle devait donner aux jeunes esprits le goût de la culture et du silence méditatif.

L’école a renoncé à cette philosophie. Elle l’a fait sous la double pression de la droite économique et de la gauche politiquement correcte.

La première voulait que l’école forme de futurs travailleurs malléables et adaptés au marché.

La seconde rejetait massivement notre héritage de civilisation. Elle voulait plutôt que l’enfant construise lui-même son propre savoir, sans être « écrasé » par le monde d’hier. Il fallait alors couper les liens avec le passé. Nous avons mutilé les âmes.

Je cède un instant à un fantasme : je m’imagine ministre de l’Éducation.

Je m’efforcerais de rétablir le sens de la transmission culturelle.

Je reconnecterais l’enseignement du français à celui de la littérature.

Je délivrerais l’enseignement de l’histoire du politiquement correct. On y raconterait l’histoire du peuple québécois et de la civilisation occidentale sans cette étrange manie culpabilisante qui pousse la jeune génération au déracinement.

On l’aura compris : mes premières décisions ne seraient pas budgétaires. Je voudrais réformer culturellement l’école. J’y rétablirais le culte du silence, de la concentration.
Chaque jour, les élèves liraient une bonne heure en silence.

À l’école, pas de textos, mais des grands textes.

J’apprendrais aux élèves à admirer les grands ancêtres et les grandes œuvres. Je leur inculquerais la passion de l’histoire, de la géographie, des sciences naturelles.

Rupture


Il y aurait une grande rupture : assez de l’obsession des nouvelles technologies. Assez des nouvelles méthodes pédagogiques où les connaissances sont sacrifiées aux compétences.

Le professeur en pleine maîtrise de sa matière serait de retour. Mais je m’assurerais aussi que les professeurs soient formés en conséquence.

L’école ne traiterait plus les élèves comme des cobayes au service des savants fous du ministère de l’Éducation, mais comme de futurs citoyens appelés à enrichir l’héritage légué par leurs devanciers.

Pour cela, il faut moins des milliards que des idées claires et du courage politique. Ces dernières ressources sont encore plus rares que les milliards.

Voir aussi

Pas de classiques de la littérature, mais la lutte contre l’hétérosexisme en classe de français, d’anglais, d’histoire et de mathématiques

Pour la lecture des classiques : « On est un meilleur ouvrier si on a lu Montaigne ou Proust »

Très forte chute des résultats en lecture pour les élèves québécois francophones entre 2007 et 2010

Dépenser plus en éducation, est-ce la solution ?


mardi 28 mars 2017

Hausse record de la natalité en Pologne

Le journal Dziennik Gazeta Prawna annonce que la Pologne est en bonne voie pour dépasser cette année la barre des 400 000 naissances, ce qui serait une première depuis 2010.

Selon le journal, le nombre de bébés nés a été en constante augmentation depuis octobre l’année dernière, atteignant un sommet de sept ans en janvier.

Le quotidien ajoute que la raison du boom pourrait être le programme « 500+ » du gouvernement, qui fournit à toutes les familles de deux enfants ou plus une somme de 500 PLN (130 $) par mois par enfant.

L’article indique également que le dynamisme du marché du travail polonais est un facteur important dans la croissance du nombre de naissances.

Sources : Radio Pologne et Le Petit Journal

Voir aussi

Démographie — Nouvelle petite chute de la natalité québécoise en 2016 (7e année de suite)


Extrait d’un reportage qui parle de l’attrait de la politique nataliste du PIS au pouvoir en Pologne. Cette émission d’Arte (chaîne franco-allemande très européiste) est critique des gouvernements « populistes » d’Europe centrale, mais il laisse parler les partisans des partis populistes.

« Le sexe à l’école. L’amour nulle part. »


Extraits d’un billet de Brigitte Bédard, chroniqueuse au Verbe :

Lise Ravary du Journal de Montréal a écrit un billet hier sur le sujet, et je me dois d’écrire ici ce que je serais allé dire ce soir-là en studio.

Lise affirme que ce sont les parents « surtout dans les domaines religieux » qui ont contesté le cours obligatoire d’éducation sexuelle très explicite que l’Ontario s’apprête à donner en septembre, dès le primaire.

D’abord, le fait que ce soit surtout les parents religieux qui s’y opposent n’enlève rien au fait que ce cours soit une mauvaise idée. Rappelons-nous que c’étaient surtout les parents étiquetés « religieux » qui contestaient l’obligation du cours d’éthique et de culture religieuse au Québec à partir de 2008 ; ce n’est qu’en 2015 que la Cour suprême, ainsi que bien des chroniqueurs vedettes et une partie de la population, commence à se réveiller sur cet endoctrinement.

Le parent « religieux » n’est pas exempt de raison. Les parents « religieux » offrent la possibilité de voir les choses sous un autre angle, un angle qui tente de préserver ce qu’il y a de sacré : la vie, la mort, l’amour, la sexualité, la foi, la conscience, la famille, les plus faibles, les conditions de vie humaines et sociales des personnes, l’environnement et la nature.

[...]

Lise Ravary y va avec statistiques sur les infections transmises sexuellement (ITS) pour justifier le cours d’éducation sexuelle. Elle le justifie aussi du fait que les jeunes d’aujourd’hui sont alimentés sexuellement « par la porno sur Internet et le récit des aventures de leurs pairs » qui eux, croient tout savoir.

Aucune preuve que davantage de cours d'éducation sexuelle au Canada réduise les ITS

Notons que la lutte contre les maladies vénériennes est une vieille scie. On l’utilise depuis que les cours d’éducation sexuelle ont été introduits dans les années soixante sans que ces infections ne diminuent...

L’Ontario a déjà, depuis de nombreuses années, un cours d’éducation sexuelle (un cours à part et non enseigné de manière transversale) où l’on informe les élèves des maladies vénériennes et des moyens de s’en protéger. Est-ce que cela veut dire que l’Ontario a connu une moindre augmentation dans les infections transmises sexuellement que le Québec ? La réponse courte est non. Ces infections sont en hausse dans tout le Canada, avec une plus grande fréquence pour la chlamydia et la gonorrhée dans certaines régions peuplées par de nombreux Amérindiens et Inuits. Et bien sûr ces infections touchent toujours d’abord les jeunes dans nos sociétés à la sexualité permissive et précoce. Ce n’est pas une nouveauté ni une « catastrophe » récente.

Les cas d’infections sexuellement transmissibles augmentent dans les milieux homosexuels (mâles). Qui peut prétendre que c’est par « ignorance » des moyens prophylactiques ?

Taux et cas signalés d’infection à Chlamydia trachomatis, d’infection gonococcique et de syphilis infectieuse (pour 100 000 habitants) 2002, 2010 et 2011, Canada
Année  Infection à Chlamydia   Infection gonococcique   Syphilis infectieuse 
Cas Taux Cas Taux Cas Taux
2002 56 266   179,5  7 365   23,5 482  1,5 
2010 93 329   273,7  10 743   31,5 1 698  5,0 
2011 100 044   290,4  11 397   33,1 1 757  5,1 

Des augmentations similaires des taux d’infections transmissibles sexuellement à déclaration obligatoire étaient observées en Australie, en Angleterre et aux États-Unis des pays avec des programmes scolaires et d’éducation sexuelle très divers. Les campagnes de prévention hédoniste comme celle de 2009 ci-dessous ne semblent pas avoir d’effet, ce n’est pas étonnant.


Extrait de Chlamydia au menu (vos impôts québécois à l’œuvre !)



Hausse de 35 % des cas de chlamydia en Ontario entre 2008 et 2012...


La hausse du taux d’infection est constante depuis de nombreuses années


Chlamydia frappe les jeunes en Ontario aussi

Il en va de même pour la gonorrhée en Ontario, malgré (?) les cours d’éducation sexuelle


Forte augmentation des cas de syphilis infectieuse en Ontario depuis 2008 (près de deux fois plus en 2012 qu’en 2007)

De même en Suède, malgré l'éducation sexuelle très explicite, on assiste à une recrudescence des maladies vénériennes.




Brigitte Bébard poursuit :

Si la porno est si populaire, et même devenue banale (elle est présente dans les films, les téléséries, la pub, les médias), c’est au monde adulte que nous le devons. Si les jeunes ont accès à des sites pornos, ce sont les adultes qui leur donnent l’occasion de les visionner en toute liberté, en leur offrant des appareils sans filtre et en ne légiférant pas sur la porno. Si les pairs croient tout savoir et racontent leurs exploits, c’est qu’ils ont été éduqués par des adultes sans éducation, eux-mêmes accros à la porno ou libertins assumés et revendiqués.

Qu’entendent les enfants dans leur maison à propos de la sexualité ? À propos de l’amour ? Voient-ils leurs parents s’aimer ? Ont-ils des conversations sérieuses, avec un parent, dans l’intimité, sur la sexualité et l’amour, sur la responsabilité, sur la joie d’apprendre à faire l’amour pendant toute une vie avec la même personne, dans l’abandon à l’autre, dans le don de soi ? Ont-ils des moments de complicité avec leur père sur les émissions nocturnes ? Ou encore, les filles, un moment de grâce avec leur maman au sujet de la beauté du cycle féminin, si parfaitement réglé ?

Les enfants ne font qu’imiter les parents, ainsi que tout le monde adulte qu’ils côtoient chaque jour. Comment oser leur demander d’agir mieux que nous-mêmes ? « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », c’est ça ? C’est absurde. Ne sommes-nous pas là pour les guider, leur donner le goût de vivre, d’aimer, de se donner, de donner la vie, de porter du fruit, de montrer l’exemple ?

Ils entendent et voient que le sexe se vit sans amour. Ils entendent et voient que le « pseudo-amour », ça se protège. Elles entendent et voient que si elles deviennent enceintes, elles peuvent se faire avorter. Ils entendent et voient qu’avec un condom, il n’y aura pas de risque. On leur dit que si elles reçoivent un vaccin, elles ne courent plus de risque.

Des bidules, des machins et l’amour vrai lui ?

S’il y a davantage d’ITS, c’est simplement parce qu’il y a davantage d’actes sexuels qui se produisent sans amour vrai. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre ça ! Moins il y aura d’actes sexuels sans amour vrai, moins il y aura d’ITS ou d’avortement.

Lise Ravary se moque de l’idéologie du genre — théorie qui fait partie intégrante du cours d’éducation sexuelle ontarien — mais elle est d’accord avec l’approche explicite des cours d’éducation sexuelle dès le primaire : « nommer les choses », « orientation sexuelle », « puberté », « système reproducteur », « stéréotypes », « consentement », « sexe anal », « sexe oral », « abstention ».

Quel beau programme de techniques, de résultats, de statistiques, de bidules et de machins.

Consommation ! L’idéologie du genre n’est autre chose que l’aboutissement de ce raisonnement consumériste de la sexualité. La sexualité « enseignée » à l’école, sera pour les enfants, comme elle l’est déjà partout, une activité récréative que chacun peut vivre au gré de ses pulsions et de ses idées du moment, totalement désacralisée, séparée de l’amour, de l’engagement à l’autre, de la communion à l’autre, de la fidélité à l’autre, et de la fécondité avec l’autre dans le but de fonder une famille.

Demandez à toutes les petites filles de 7, 8, ou 9 ans, et à toutes celles de 15, 16 ou 17 ans que vous connaissez et elles vous diront que ce qu’elles veulent, c’est l’amour, le grand, le vrai. Moi, je leur dis que ça existe. Et qu’il faut savoir attendre, car ce n’est que dans leur incommensurable soif d’amour, partagé avec l’homme de leur vie, que leur si fort et si grand désir sexuel s’épanouira, se nourrira et grandira sans jamais se lasser.

Notons que le nouveau programme québécois d’éducation à la sexualité semble aussi chercher à explorer des normes en matière de sexualité qui vont au-delà de celle des parents... Au nom de quoi ? On sent bien le dérapage possible, exploitable par des lobbys ultra-minoritaires qui viendront en classe aider les élèves captifs « à explorer » et les aider à déconstruire « les stéréotypes sexuels » (voir ci-dessous).






Voir aussi

Un enseignement de la sexualité dès la maternelle

Pétition pour amender le nouveau programme québécois d'éducation à la sexualité

Danemark — Imposition de l'éducation sexuelle pour « des raisons de santé publique » en 1976 (historique juridique)

Nouvelle offensive de la Manif pour tous sur l'éducation sexuelle

Québec — Le nouveau programme d’éducation sexuelle prônerait l’exploration sexuelle...?

Éducation à la sexualité : pourquoi aucune école pilote dans la ville de Montréal ?

Du grand journalisme : « Les Ontariens et le sexe »


ECR — Jacques Pettigrew payé 90 K $ pour réviser le programme qu’il a aidé à créer

La révision du controversé cours d’éthique et culture religieuse (ECR) se fera sous les judicieux conseils de celui qui a piloté son implantation dans les écoles du Québec.

Devant les critiques, le ministre Sébastien Proulx s’est engagé à réévaluer cette matière qui a remplacé l’enseignement religieux confessionnel et moral depuis 2008 dans les classes du primaire et du secondaire. [Sur M. Proulx et son attaque médiocre contre le programme ECR alors qu'il était encore dans les rangs de l'ADQ, voir ici.]

C’est l’éminence grise qui a chapeauté la mise en place du cours, il y a maintenant presque 10 ans, qui sera chargée de guider le gouvernement dans cet exercice.

Jacques Pettigrew vient d’obtenir un contrat de gré à gré d’une valeur de 87 583 $ pour « agir à titre d’expert-conseil pour les dossiers relatifs au programme Éthique et culture religieuse ».

Au tribunal pour défendre le cours

Ancien fonctionnaire, M. Pettigrew était le grand responsable du contenu d’éthique et culture religieuse au ministère de l’Éducation. Le gouvernement l’avait même dépêché au tribunal en 2009 lorsque le cours avait été contesté par des parents ayant demandé une exemption pour leurs enfants.

M. Pettigrew est un habitué du conseil lucratif... Il avait ainsi caché au tribunal en 2009 qu’il avait des activités professionnelles supplémentaires liées à la future implantation du programme ECR alors qu’il participait précisément à son élaboration ! Conseiller le gouvernement de mettre en place un programme alors qu’on a une petite activité de conseil qui profitera dudit programme éducatif, y a rien de tel...




Ne pas dialoguer avec les parents

M. Pettigrew avait également présidé une réunion houleuse à Valcourt à la rentrée 2008 au cours de laquelle il avait été bousculé par les parents présents en grand nombre. Comme on l’apprit lors du procès de Drummondville, la recommandation de cette éminence grise fut de ne plus dialoguer avec les parents, mais de simplement imposer le programme usant de son caractère coercitif. En effet, comme M. Pettigrew l’écrivait au sous-ministre de l’Éducation : « ce genre de rencontres risque d’offrir aux représentants de la CLÉ une tribune que ce mouvement, pour l’instant marginal, recherche à des fins de promotion de ses idées, ainsi nous estimons qu’il serait préférable de ne pas répéter ces rencontres. » Lors du même contre-interrogatoire, M. Pettigrew dut admettre (c’est écrit noir sur blanc) que le programme gouvernemental ECR vise à « structurer l’identité » ou d’instiller une « vision du monde » aux élèves (voir par exemple la « galaxie » illustrée ci-dessous) et que les parents sont singulièrement absents de ce processus dans la documentation du Ministère de l’Éducation. Enfin, ils peuvent évidemment appuyer la démarche pondue par des fonctionnaires, mais pas demander d’exemption, ça c’est exclu. On dira plutôt, c’est flatteur, que l’enfant est au centre de l’éducation gouvernementale inculquée sous l’œil jaloux de professeurs dûment formés en structuration d’identité et formation d’une vision du monde approuvée.



« Expertise sera fort utile » pour la révision...

Au ministère, on précise qu’il « a effectivement été engagé pour participer à une réflexion » sur la révision du programme ECR et que son expertise sera fort utile.

Est-ce que cette embauche signifie qu’on exclut d’emblée une transformation en profondeur du cours ou même sa disparition ? Le porte-parole à l’Éducation se limite à dire que « divers scénarios » sont examinés.

Simon Fortin assure que ce n’est pas M. Pettigrew qui prendra les décisions. « [Il] n’a pas été engagé pour procéder à une révision du programme, mais bien pour collaborer à sa documentation », insiste le relationniste.

Opposants

Le Parti québécois veut faire table rase du cours d’éthique et culture religieuse. Le chef péquiste Jean-François Lisée demande qu’il soit plutôt remplacé par une formation sur la citoyenneté.
En décembre, le Conseil du statut de la femme (CSF) a recommandé une révision complète du programme. L’organisme reproche à ce cours d’enseigner les religions sans formuler aucune critique sur leurs discours sexistes.

Le CSF suggère que les religions soient plutôt enseignées dans les cours d’histoire.

Échange médiocre à l'Assemblée nationale

Mme Agnès Maltais du PQ a interrogé à l'Assemblée nationale le ministre Sébastien Proulx au sujet de cette embauche. Voici l'échange (sans surprise assez médiocre à notre sens) :






mardi 21 mars 2017

Les fautes d'orthographe font perdre des millions aux entreprises

Les entrepreneurs britanniques et français tirent la sonnette d’alarme. Les fautes dans les courriers ou sur les sites leur feraient perdre des sommes folles. En Belgique aussi, les chefs d’entreprise s’inquiètent. L’orthographe reste l’un des principaux critères de sélection.

Une faute d’orthographe dans le courrier envoyé par la secrétaire. Une erreur sur le site internet. Une conjugaison mal maîtrisée dans le communiqué de presse. Autant de détails « techniques » qui peuvent ruiner la réputation d’une entreprise. Et faire plonger son chiffre d’affaires.

De l’autre côté de la Manche, les employeurs ont décidé de s’attaquer à ce véritable fléau.

« Une simple faute d’orthographe sur le portail d’une entreprise peut faire chuter de moitié les ventes en ligne », indiquait récemment à la BBC Charles Duncombe, un homme d’affaires désespéré par les faibles connaissances orthographiques et grammaticales des demandeurs d’emploi qu’il rencontre.

Si toute l’économie britannique est concernée, Charles Duncombe estime que les conséquences sont particulièrement lourdes pour le commerce en ligne. D’après ses calculs, « on perd, chaque semaine, des millions de livres sterling sur internet à cause de simples fautes d’orthographe ».

Des perles rares

Et Charles Duncombe n’est pas le seul à se plaindre et à tirer ainsi la sonnette d’alarme. De récentes recherches menées au royaume de Sa Majesté soulignent que 42 % des employeurs britanniques ne sont pas satisfaits des niveaux de lecture et d’écriture des jeunes diplômés. Près de la moitié des entrepreneurs indiquent avoir déjà fait appel à des professeurs privés.

La francophonie ne semble pas épargnée. « Nos clients ont du mal à trouver des assistants et secrétaires avec un bon niveau d’orthographe », confiait au quotidien Le Figaro la responsable du marché tertiaire chez Adecco-France, Valérie Guibout.

Dans le même article, Pascal Brouaye, directeur de la prestigieuse École centrale d’électronique (ECE), se plaignait du niveau de certains élèves, insuffisant pour pratiquer le métier d’ingénieur. « La majorité de nos étudiants ont pourtant eu la moyenne au bac français et une mention au bac », précisait-il.

Source : RTBF

jeudi 16 mars 2017

UQAM — Débat sur ECR annulé suite à des menaces (m-à-j)

Le sociologue Mathieu Bock-Côté s’entretenait ce mardi midi avec M. Dutrizac à propos du débat sur le programme obligatoire d’Éthique et de culture religieuse (ECR) qui n’aura pas lieu à l’UQAM (université du Québec à Montréal) à la suite de menaces ainsi que du sujet plus vaste de la censure dans nos universités instituée par des groupuscules extrémistes de gauche. Mathieu Bock-Coté est une redoutable critique du programme ECR en ce que programme contesté et néanmoins imposé à tous les élèves incarne une mise en œuvre du multiculturalisme.



Si le lecteur audio ci-dessus ne fonctionne pas, cliquez sur ce lien.




Entretemps du côté de l’AFESH, on publie sur Facebook :



Les explications de Mathieu Bock-Côté
:

La censure, c’est la liberté d’expression. Apparemment. Retour sur la controverse de l’UQAM.

Un peu beaucoup malgré moi, j’ai été plongé dans une controverse agaçante cette semaine, portant sur la liberté d’expression à l’UQAM. D’abord les faits. Le 13 février, un étudiant au baccalauréat en enseignement au secondaire du cours ECR, m’écrivait pour m’inviter à participer à un débat sur le cours ECR à l’UQAM. Je lui ai dit que j’étais disponible la semaine du 7 avril. Ne recevant pas de nouvelles de sa part ensuite, je lui ai réécrit le 4 mars pour lui demander où nous en étions. Il m’a alors répondu ainsi : « Je suis vraiment désolé des délais, mais je dois lutter pour la liberté d’expression dans ma propre université (quelle honte). Car bien que je ne sois pas d’accord avec vous sur certains points j’ai envie de débattre avec vous. Je respecte la divergence d’opinions ce qui n’est pas le cas de tous (AFESH). » Il me demandait quelques jours de délais. Le 9 mars, il me revenait avec sa réponse : « Suite à de fortes pressions de la part d’une association étudiante de l’UQAM, je suis dans le regret d’annuler la conférence. Je suis sincèrement désolé que la liberté de parole soit à ce point obsolète entre les murs de notre université, mais je ne pouvais tenir une conférence avec autant de menaces de perturbations ». Ma présence posait problème.

On connaît la suite : l’organisateur de l’événement a annulé la conférence par crainte de le voir déraper. Sur Facebook, Normand Baillargeon, qui a eu vent de l’affaire, a rendu publique l’annulation en se désolant de ces pratiques et du climat de censure qui s’installe peu à peu à l’UQAM. Et c’est là que l’histoire devient intéressante. Sur la page FB de Normand Baillargeon, mais ailleurs sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes ont applaudi l’annulation. Je résume leur position : la liberté d’expression ne doit pas permettre l’expression publique d’idées en contradictions avec celles défendues par la gauche radicale. Je cite l’AFESH : elle est en lutte contre « l’instrumentalisation de la liberté d’expression et de la liberté académique lorsque celle-ci sert à tenir des propos oppressifs ». La liberté d’expression ne devrait pas « justifier le droit de prononcer des discours ou d’exercer des actions haineuses ou dégradantes particulièrement lorsque celles-ci sont racistes, colonialistes, xénophobes, transphobes, homophobes, sexistes, misogynes, antiféministes, classistes ou capacitistes ». Un esprit un peu curieux serait en droit de demander qui définira ces termes et concepts, qui relèvent du jargon de la gauche radicale la plus sectaire, au nom desquels on se donne désormais le droit de permettre ou d’interdire une conférence dans l’université. Nous sommes ici en continuité avec la pensée de Herbert Marcuse, la grande figure du gauchisme d’il y a quelques décennies, qui jugeait légitime de réprimer les idées en contradiction avec « l’émancipation ».

Ce qu’on comprend, cela dit, c’est que les militants de la gauche radicale uqamienne (mais nous savons que ce phénomène ne se limite pas à l’UQAM) se présentent comme les gardiens d’un nouveau dogme, apparemment porteur d’émancipation, qu’il serait interdit de transgresser. Ils se permettent donc de décider à la manière d’un tribunal idéologique, quelles positions sont en droit de s’exprimer et lesquelles doivent être tues. Ils veulent donc définir les contours du débat public et en garder fermement les frontières : ils se donnent le droit d’exclure ceux qui ne voient pas le monde comme eux. Il faut lire les théoriciens-militants de cette mouvance : ils jouent à la guerre civile et transforment leurs adversaires en ennemis — je me permets de dire qu’ils réservent en ce moment un traitement odieux à Normand Baillargeon, présenté comme un traître à la gauche servant désormais de caution aux « dominants », et pour cela insulté vertement par ceux qui pensent en slogan. Ceux qui s’imaginent que j’exagère devraient aller lire la discussion qui a suivi l’entrée Facebook de Normand Baillargeon ou celle suivant cette récente déclaration de cette association bizarre qu’on appelle l’AFESH. Cet homme absolument courtois qui plaide pour une civilisation du débat public est aujourd’hui grossièrement diabolisé.

Complètement enfermés dans un système idéologique parallèle, fondé sur l’inversion du réel, ces militants ne sont même pas conscients de heurter la liberté d’expression. En fait, ils disent même la défendre ! Leur argument est le suivant : la perturbation d’une conférence est justement une des modalités de la liberté d’expression, surtout pour ceux qui n’ont pas de tribunes publiques — ce serait une révolte admirable contre la parole des dominants. Empêcher ou limiter les perturbations visant à troubler et empêcher une conférence, telle serait la véritable négation de la liberté d’expression, et elle serait d’autant plus scandaleuse qu’elle piétinerait la liberté des sans-pouvoir. Inversement, ceux qui sont ainsi « perturbés » et qui s’en désolent publiquement ou privément sont accusés de se victimiser. Voyons-y une théorisation vertueuse de la censure au nom d’une forme de puritanisme idéologique qui s’exprime aussi avec la quête de safe space à l’université : on veut faire de l’université un espace aseptisé où les discours nous contrariant ne seront plus entendus, ou même possibles. On connait la célèbre formule d’Orwell dans 1984 : la liberté, c’est l’esclavage. Apparemment, aujourd’hui, la censure, c’est la liberté d’expression.

Que dirait-on si des groupuscules nationalistes décidaient de censurer pratiquement une conférence organisée par des fédéralistes sur l’avenir du Canada ? Que dirait-on si des fédéralistes décidaient de faire l’inverse ? Que dirait-on si des masculinistes décidaient de perturber une conférence féministe jusqu’à rendre impossible sa tenue ? Que dirait-on si des militants libertariens décidaient de perturber une conférence organisée par un syndicat social-démocrate ? On pourrait poursuivre longtemps la liste. Chaque mouvement a ses propres valeurs, ses propres dogmes, ses propres idéaux, ses propres points non-négociables. Aucun, pourtant, n’est en droit de juger ses idées si exceptionnelles qu’il se donne le droit de faire taire ceux qui feraient valoir un autre point de vue sur la cité. On ne cesse, dans notre société, de vanter la tolérance de l’autre, mais le premier « autre à respecter », c’est celui qui ne pense pas comme moi. Faut-il ajouter que la discussion démocratique repose sur le bannissement de la violence, et qu’on ne saurait la réhabiliter au nom de la « diversité des tactiques ».

On identifiera un autre paradoxe : en laissant ainsi des groupuscules fanatisés s’emparer d’une institution comme l’UQAM, on accepte pratiquement de privatiser un bien public. Un groupuscule décide d’imposer dans une université les termes du débat public et ceux qui ne s’y soumettent pas n’y seront pas les bienvenus. On se demande même comment perturber les cours de certains professeurs. Je résume : un petit groupe s’empare d’une institution publique et se la réserve pour elle-seule, à la manière d’un territoire libéré qui vivrait désormais selon les codes idéologiques du monde nouveau que nous promettent nos militants de la gauche radicale. Nous sommes bien loin de la tradition humaniste qui voyait dans l’Université un lieu où des philosophies concurrentes pouvaient être discutées rationnellement. Il faut dire que nos petits révolutionnaires condamnent la légitimité même de la discussion, qui ne serait qu’une illusion libérale au service des dominants. Ils s’enferment dans une vérité absolutisée qui devient indiscutable et dont la simple remise en question relève de ce qu’on appelait autrefois l’hérésie. Il serait temps qu’on s’intéresse à ce fanatisme progressiste qui prend de l’ampleur dans des lieux qui devraient justement symboliser la discussion rationnelle et civilisée, selon les codes élémentaires de la civilité démocratique. Il serait temps que la direction de l’UQAM s’y intéresse, notamment.

Voir aussi

Programme ECR : la contestation ne lâche pas

Le cours ECR : au croisement de deux critiques

« ECR — Il faut l’abolir »

Des universités politiquement correctes qui doivent « protéger » leurs étudiants

Canada — Liberté d’expression et d’opinion menacée dans les universités

La liberté d’expression à l’UQAM

Lois contre « discours haineux » — Employée aborigène poursuit des étudiants pour « embarras et humiliation » (M-à-j)


mercredi 15 mars 2017

Syndicats : les parents ne peuvent peindre les murs de l'école de leurs enfants (m-à-j)

Mise à jour du 15 mars 2017

Le Journal de Québec informe que les parents bénévoles qui souhaitent retaper l’école de leurs enfants ne courront plus le risque d’être mis à l’amende.

La ministre responsable du Travail, Dominique Vien, a promis mercredi que des modifications seront apportées rapidement. «Dès cette semaine, le règlement en question sera sur mon bureau et [...] il franchira les étapes nécessaires», a assuré la ministre au Salon bleu.

«Nous sommes derrière les parents du Québec qui souhaitent effectivement s’impliquer, s’engager dans la vie communautaire de leur école», a ajouté Dominique Vien



Billet du 2 mars 2017

Chronique de Lise Ravary dont nous partageons l'étonnement. Nous soupçonnons que l'école en question était « publique » (gouvernementale) :

En apparence insignifiants, certains petits scandales en disent long sur la capacité des Québécois de plier l’échine face à la bêtise bureaucratique. D’accepter la petite dictature de fonctionnaires qui appliquent des règlements stupides avec autant de zèle que d’absence de jugement.

Une fois encore, parce qu’une personne, une seule, a porté plainte.

Des parents de l’école primaire Capitaine-Luc-Fortin en Montérégie ont dû abandonner leur projet de repeindre une partie de l’établissement pendant la semaine de relâche quand des inspecteurs de la Commission de la construction du Québec (CCQ) se sont pointés sur le «chantier» pour les menacer d’amendes de 200 $ par jour s’ils persistaient dans leur action bénévole illégale.

Au Québec, un citoyen a seulement le droit de peindre sa maison.

Peindre les murs d’une école est le privilège exclusif de personnes détenant une carte de compétence de peinture en bâtiment. Rien à redire sur le principe quand il s’agit de grands chantiers commerciaux, mais il faut savoir faire la part des choses.

Tuer l’initiative

Certains murs de cette école n’auraient pas été repeints depuis 30 ans, mais investir dans la décoration passe au dernier rang des priorités quand il n’y a même pas assez d’argent pour assurer des services éducatifs à tous [Note du carnet: mais assez pour des équipements peu utiles comme les tableaux blancs interactifs ou des campagnes de « sensibilisation » politiques et morales de toute type].

Il y a quelque chose de noble et grand dans le geste de ces parents qui ont voulu contribuer à l’amélioration de la qualité de vie de leurs enfants à l’école, mais aux yeux de l’État tentaculaire, et des syndicats victimaires, des papas et des mamans armés de seaux de peinture, de rouleaux et de pinceaux constituent une intolérable menace à la justice sociale.

Comment le bon peuple québécois, qui a survécu pendant des siècles grâce à l’entraide, peut-il accepter d’être gouverné par des gens qui trouvent acceptable d’interdire un tel geste de solidarité sociale?

Selon la CCQ, l’affaire est entre les mains du Directeur des poursuites pénales et criminelles. Vous avez bien lu.

Jean Sévillia : l'historiquement correct, le terrorisme intellectuel et les prêtres catholiques

L’auteur français Jean Sévillia était de passage où il a donné deux conférences. Il a été reçu par Mathieu Bock-Côté au micro de Radio Ville-Marie. Il y aborde le terrorisme intellectuel et l’historiquement correct, et comment éviter ces pièges quand on écrit l’histoire. Pour Sévillia, en France, l’hégémonie de la rectitude politique est en recul dans certains domaines, un exemple : le communisme peut désormais être critiqué, mais il y a de nouveaux tabous comme le multiculturalisme que l’on ne peut critiquer sans s’exposer à l’anathème de la part de la cléricature politiquement correcte.

M. Sévillia y traite aussi de l’orientation très « progressiste » des professeurs et des journalistes.

Enfin, il y évoque les persécutions des prêtres catholiques en France « laïque » au début du XXe et dont bénéficièrent grandement les écoles québécoises.



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samedi 11 mars 2017

L'école doit-elle faire connaître une histoire honnête du pays ou du monde ou former des historiens ?

Extraits d’une chronique intéressante de Louis Corneiller (que nous avons éreinté pour ses dérives d’un étatisme crispé par ailleurs) sur les objectifs du cours d’histoire à l’école. Nous sommes d’accord avec lui que l’école ne doit pas d’abord chercher à former des historiens, mais d’abord à faire connaître une histoire honnête du pays ou du monde où les élèves grandissent. Notons également que nous ne sommes pas non plus pour un cours d’histoire dont la méthodologie ou les moindres lignes seraient prescrites par l’État. Il est légitime de demander aux écoles d’apprendre les grandes lignes de l’histoire du pays où elles se trouvent, mais pas de leur dire comment l’enseigner en détail. 

[...]

« L’enseignement de l’histoire à l’école publique sème la controverse depuis plus de cent ans un peu partout dans le monde. Le Québec ne fait pas exception à cette règle », écrivent justement Marc-André Éthier et David Lefrançois dans l’introduction de Quel sens pour l’histoire ?, un ouvrage collectif qui se penche sur le nouveau programme (2016) d’histoire du Québec et du Canada au secondaire.

Les six didacticiens ou enseignants qui signent ce manifeste aiment l’histoire autant que moi et souhaitent, eux aussi, que cette matière occupe une place centrale à l’école. Toutefois, sur la manière, nos conceptions divergent.

Un enseignement scientifique

Éthier, Lefrançois et leurs collègues plaident pour un enseignement scientifique de l’histoire. Pour eux, il importe surtout d’apprendre aux élèves à « penser un peu comme le font les historiens », c’est-à-dire, ainsi que le résument Yelle et Déry, « à faire un travail d’analyse critique des sources selon une question posée pour établir des faits historiques et les organiser afin de mieux répondre aux questions d’aujourd’hui » dans une démarche d’enquête. Pour Éthier et Lefrançois, « c’est en faisant de l’histoire que l’on devient historien ».

Cette approche, plus axée sur les compétences que sur les connaissances, s’oppose à l’enseignement traditionnel de l’histoire nationale, fondé sur la transmission d’un récit chronologique des grands événements du passé. Cette histoire-récit, selon les didacticiens, aurait pour défauts d’être anecdotique, d’imposer une banale mémorisation et de reposer « sur la soumission à l’autorité extérieure », alors que la pratique de la pensée historienne qu’ils prônent permettrait le développement de l’esprit critique et de l’autonomie.

Boutonnet déplore d’ailleurs que le nouveau programme reproduise « des formes traditionnelles, conservatrices et obsolètes de l’enseignement de l’histoire nationale qui ne s’appuient sur aucune donnée probante de la recherche récente en didactique ». Demers, quant à elle, s’inquiète du tour nationaliste que prend ce programme aux allures de « roman national ».

Dans Le bonheur d’apprendre (Points, 1997), le journaliste français François de Closets exprimait son désaccord, que je partage, avec cet enseignement scientifique de l’histoire, qui veut faire acquérir aux élèves « les fondements d’un savoir universitaire dans une pure logique de chercheur ».

L’histoire-récit traditionnelle, reconnaissait-il, a des défauts (elle véhicule quelques clichés), mais elle a « le double mérite de passionner les enfants et de leur fournir d’indispensables repères chronologiques ». Elle s’est d’ailleurs bonifiée, depuis, en intégrant à sa narration principalement politique des thèmes relevant de l’histoire sociale (économie, religion, classes sociales, histoire des femmes et des minorités [Note du carnet : ce n’est pas nécessairement une bonification, car on voit bien l’exploitation politique qui en est faite...†]) et en reconnaissant le pluralisme interprétatif (au sujet de la Conquête, des patriotes, de la Confédération).

Éthier et Lefrançois ont peut-être raison de dire que c’est en faisant de l’histoire que l’on devient historien. Toutefois, on peut penser que le rôle de l’école n’est pas de former des historiens, mais des citoyens qui ont une connaissance honnête de l’histoire, comme on n’enseigne pas la littérature pour former des écrivains, mais des lecteurs.

De même, avoir un regard critique sur notre histoire nationale est certes nécessaire, mais encore faut-il d’abord avoir une bonne connaissance de cette dernière avant de la déconstruire, pour ne pas se complaire dans un procès intempestif du passé.





† On voit ainsi les pouvoirs publics sortir des inconnus de l’obscurité historique la plus totale afin d’étayer une conception moderne et souvent importée de l’histoire du pays (par exemple, le mois de l’Histoire des Noirs importé des États-Unis).

À tel point, par exemple, que Postes Canada «  a voulu mettre en avant un personnage historique qui a captivé et émerveillé les esprits, dont l’auréole continue d’étonner les chercheurs, historiens et autres auteurs. » L’émerveillement et l’auréole sont tels qu’il s’agit d’un personnage, Mathieu Da Costa, dont on ne connaît en pratique quasiment rien (on ne sait pas, par exemple, s’il est même venu au Canada, ni s'il était métis plutôt que noir). On comprend l'étonnement... On n’a pour tous documents que de très courtes et vagues mentions à cet homme.

Selon L'Encyclopédie canadienne, «[l]e seul fait connu et vérifiable sur Mathieu da Costa est un document révélant qu’il se trouve en Hollande en février ou mars 1607. » Par un autre document, « plusieurs historiens ont spéculé que da Costa accompagne Pierre Dugua de Mons et Samuel de Champlain lors d’un ou de plusieurs de leurs voyages en Acadie et dans la région du Saint-Laurent. Cette hypothèse est plausible, mais dans les premiers mois de l’exécution de son contrat, il est certain qu’il n’est pas à bord d’un navire à destination de l’Amérique du Nord. Au printemps 1609, il se trouve plutôt à Rouen en Normandie et le 15 juin de cette même année, Bauquemare met fin à son contrat sous prétexte « que ledict n---- s’est deffaict de moi ». En conséquence de quoi « certains historiens remettent en cause sa venue au Canada en raison du manque de preuves historiques ». C'est bien maigre pour un timbre, mais bon il fallait bien trouver quelqu'un pour illustrer l'histoire des minorités ethniques en Nouvelle-France...

Voir comment Radio-Canada décrit cette initiative difficile de Postes Canada de rendre hommage en 2017 à ce personnage historique « énigmatique ». On attend le timbre commémoratif historique sur le 375e anniversaire de la fondation de Montréal de la part de Postes Canada, plutôt qu’un timbre qui célébrerait par exemple le multiculturalisme moderne. À notre connaissance, aucun timbre à caractère historique n’est prévu pour ce 375e anniversaire.


Portrait imaginaire de Mathieu da Costa.

Bien que l’histoire de Mathieu Da Costa demeure incomplète [grand prix de l'euphémisme], l’intérêt pour sa vie et pour le lien unique qu’il avait noué avec notre pays nous rappelle les valeurs de respect, de tolérance et de diversité que les Canadiens chérissent tant.

– Deepak Chopra, Président-directeur général de Postes Canada